ALLEZ SAVOIR! / N°23 JUIN 2002 45
MÉDECINE
Sea, sex and
syphilis
Durant ces dix der-
nières années, les cas de
maladies sexuellement
transmissibles (MST)
virales ont augmenté dans
nos contrées. Ainsi, 20 %
des Suisses ont un herpès.
DR
ALLEZ SAVOIR! / N°23 JUIN 200246
Sea, sex and syphilis
MÉDECINE
C
haleur étouffante, envie de voya-
ger, de s’évader. C’est l’été, la
plage, les jupettes et les torses musclés.
C’est le temps des fêtes, des longues soi-
rées, des rencontres, des échanges. On
se laisse aller. On oublie tout. Mari,
femme, relations, boulot, stress : l’aven-
ture c’est l’aventure! «Sea, sex and
sun.» Sans souci puisque cela n’arrive
qu’aux autres, de toute façon on n’a
jamais rien attrapé, qu’on a passé l’âge,
avec le temps, on pense être immunisé,
alors on ne se protège pas, ou plus…
Mais au bout, il y a un gros risque
de se retrouver non seulement avec de
nombreux souvenirs, mais aussi des
organismes indésirables tels que des
virus, bactéries, parasites ou encore des
champignons. Et l’été se termine par
une visite aux urgences ou dans la salle
d’attente de son médecin. Diagnostic
probable : une MST. Derrière cet acro-
nyme se dissimulent les maladies
sexuellement transmissibles, aujour-
d’hui encore considérées comme des
maladies honteuses.
Les trois familles honteuses
Une MST, ou maladie vénérienne, est
une maladie infectieuse susceptible de
se transmettre lors de rapports sexuels,
qu’ils soient homosexuels ou hétéro-
sexuels et quels que soient leurs modes :
génital, oro-génital ou ano-génital. On
dénombre une vingtaine de maladies
infectieuses de gravité variable.
«On peut les classer en trois grandes
familles : 1. les infections bactériennes
comme le gonocoque, la
chlamydia, la syphilis;
2. les infections pa-
rasitaires et fongi-
ques dont font par-
tie les trichomonases et les candidoses;
3. les infections virales comme le VIH,
les hépatites, les condylomes ou
encore l’herpès génital», précise Stefan
Gerber, médecin en gynécologie-obs-
tétrique, au Centre Hospitalier Uni-
versitaire Vaudois (CHUV) de Lau-
sanne. «Sur les dix dernières années,
poursuit le D
r
Gerber, les infections
bactériennes, parasitaires et fongiques
sont en diminution dans les pays indus-
trialisés, alors que les infections d’ori-
gine virale sont en augmentation.»
300 millions
de nouveaux cas par an
Les chiffres sont alarmants. Les
MST sont en progression importante
dans le monde avec 300 millions de
nouveaux cas par an. Selon les chiffres
de l’OMS (Organisation Mondiale de
la Santé), leur augmentation serait
proche de 30 % pour l’ensemble de la
planète. Alors qu’en 1990, le nombre
d’infections était de 250 millions de cas
annuels, il y a deux ans, leur nombre
s’élevait à 340 millions!
L’incidence des MST est élevée et ne
cesse de croître selon l’OMS. L’une des
explications est liée à la mobilité accrue
des populations et à la disparition pro-
gressive des coutumes traditionnelles,
conduisant à de nombreuses relations
sexuelles avec des partenaires multiples.
Stefan Gerber, médecin en gynécologie-obstétrique,
au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) de Lausanne
© N. Chuard
Syphilis
DR
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La Suisse n’est pas épargnée
Ces maladies qui, pour de nombreu-
ses personnes, sont encore taboues, ne
sont pas l’apanage des pays non indus-
trialisés et la Suisse n’est pas épargnée.
«L’image d’une Suisse «propre», avec
absence de toute MST, n’est pas une réa-
lité scientifique. Nous sommes plutôt
surpris de voir des incidences très éle-
vées, comme pour l’herpès ou d’autres
infections telles les annexites (infections
des trompes)», souligne le D
r
Gerber.
De plus, contrairement aux idées
reçues, les groupes dit «à risque» ne
sont pas seulement les toxicomanes ou
les homosexuels, mais de plus en plus,
les hétérosexuels âgés de 30 à 45 ans.
Pour quelles raisons? «Certes, notre
souci est centré sur les groupes mar-
ginaux, mais ce sont les gens qui ne
s’estiment pas à risque qui sont les plus
touchés. Ils pensent que les MST et
surtout le SIDA sont liés à l’homo-
sexualité ou à la toxicomanie. En réa-
lité, la moitié des nouveaux cas sont des
hétérosexuels. L’âge moyen de la per-
sonne infectée par le VIH est de 42 ans.
Il est très difficile de faire des catégo-
ries : vous trouverez à nos consultations
aussi bien des ouvriers, des directeurs
d’entreprise, des jeunes, des très vieux,
des paysans que des personnes du mi-
lieu médical. Tout le monde», explique
le D
r
Amalio Telenti, responsable de
la consultation ambulatoire des mala-
dies infectieuses au CHUV.
Ces quadras trop insouciants
«Peut-être que l’été favorise les rap-
ports sexuels, tout comme le contexte
des vacances, les voyages... Mais on ne
peut pas dire qu’il existe de relation
particulière entre l’été et les MST»,
tient à clarifier le D
r
Gerber.
Si les jeunes sont les plus menacés
et que la moitié de cette population est
en danger de se faire contaminer par
une MST avant l’âge de 20 ans, ce sont
les quadragénaires qui font exploser les
statistiques. L’explication? Pour les
adolescents, la capote a un prix. Il faut
toujours en avoir une sur soi et, de ce
fait, la spontanéité disparaît. Mais
pour les plus âgés, on met plutôt en
cause le ras-le-bol.
On leur a répété durant des années
que, s’ils ne portaient pas cet objet, la
mort finirait par les emporter. Mais au-
jourd’hui, le SIDA ne leur fait plus peur.
Avec les progrès en médecine, les vac-
cins et autres médicaments, la tendance
est au relâchement, à l’insouciance!
Le retour de la «chaude-pisse»
et de la syphilis
Le sentiment d’une omnipotence des
nouveaux médicaments pousse à dimi-
nuer notre vigilance ou à relâcher notre
attention quant à la prévention. De plus
si l’on écoute l’Eglise, l’abstinence est de
rigueur, et le port du condom proscrit…
Pour le D
r
Telenti, spécialiste du
SIDA, nul doute : «Le préservatif est le
seul moyen de se protéger des MST
L’utilisation correcte de ce contracep-
tif, aussi durant les préliminaires, est un
moyen simple et efficace d’éviter
l’infection par les agents responsables
des MST. Mais dans les couloirs des
urgences ou des cabinets médicaux, les
MST sont d’actualité, et certaines in-
fections aux noms évocateurs font un
retour en force comme la «chaude-
Le D
r
Amalio Telenti, responsable de la consultation ambulatoire
des maladies infectieuses au CHUV
© N. Chuard
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Sea, sex and syphilis
MÉDECINE
pisse», que l’on appelle aussi «chtouil-
le» ou blennorragie (écoulement puru-
lent), la syphilis (appelée aussi vérole),
le chancre mou ou encore l’herpès
génital.
Un risque de stérilité
Les conséquences des maladies
sexuellement transmissibles peuvent
être graves. Certaines entraînent la
stérilité, surtout chez la femme. Elles
peuvent engendrer des grossesses
extra-utérines, des accouchements
prématurés, des infections transmises
aux nouveaux-nés, ou encore des can-
cers du col de l’utérus.
Si certaines (comme la syphilis) ne
sont pas traitées, elles peuvent
conduire à des lésions variées, par
exemple neurologiques ou cardiaques.
De plus, mis à part les symptômes spé-
cifiques à chacune de ces maladies, le
danger réside dans le lien entre MST
et VIH (Virus de l’Immuno-déficience
Humaine). Car les MST augmentent
le risque de transmission sexuelle du
virus du SIDA.
VIH et SIDA
«Il faut savoir que l’on ne meurt pas
du virus du SIDA, mais des consé-
quences d’autres maladies induites par
l’infection virale, poursuit le chef de
la consultation des maladies infec-
tieuses Amalio Telenti. En premier
lieu, il faut différencier le SIDA (Syn-
drome d’Immuno-Déficience Acqui-
se), du VIH. Le VIH est une infection
par le virus, et la personne contami-
née peut être totalement asymptoma-
tique. Il s’agit d’une première phase de
la maladie (jusqu’à dix ans) qui est plus
ou moins silencieuse. Quant au SIDA,
il s’agit de la phase où la maladie se
déclare, entraînant des problèmes de
santé sévères (infections graves, can-
cers, …). Le virus détruit le système
immunitaire de la personne atteinte.»
500-600 nouveaux cas en 2002
Toute personne infectée par le VIH
peut transmettre le virus. Selon les
chiffres de l’Office fédéral de la santé
publique (OFSP), il y a eu un total de
7’032 cas de SIDA déclarés en Suisse
entre 1983 et 2000, dont 5’046 sont
décédés. Le nombre annuel de nou-
veaux cas de SIDA a régressé depuis
1995. Selon les estimations de l’OFSP,
il y aurait entre 190 et 240 nouveaux
cas par année.
En ce qui concerne les infections par
le VIH, entre 1985 et 2000, 25’011 per-
sonnes ont été testées positives (31,6 %
de ces cas sont des femmes). La plu-
part des nouvelles infections sont trans-
mises par voies sexuelles (contacts
homosexuels 18 % et hétérosexuels
57 %!) et non par voie sanguine. Le
groupe d’âge le plus touché est celui
des 30 à 44 ans (53 % chez les hommes
et 43 % chez les femmes…). Environ
deux tiers des personnes atteintes
(VIH/SIDA) habitent dans les agglo-
mérations urbaines des cantons de
Zurich, Genève, Vaud, Berne, Bâle-
ville et de Saint-Gall.
«En 2002, il y aura entre 500 et 600
nouveaux cas de personnes infectées
par le virus, en Suisse. Nous arriverons
à traiter de manière optimale 2/3 de ces
personnes, qui pourront s’attendre à
une évolution contrôlée de la maladie»,
conclut le D
r
Telenti.
Un dépistage plus efficace
Malgré des chiffres statistiques in-
quiétants, il est difficile de faire une
radiographie précise des MST en Suis-
se puisque seulement deux d’entre elles
(hépatite B et SIDA / VIH) sont «à
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ALLEZ SAVOIR! / N°23 JUIN 2002 49
déclaration obligatoire» par les médecins
et les laboratoires. Alors que les infec-
tions comme la gonorrhée, la chlamydia,
le HPV et l’herpès ne le sont pas. Le
D
r
Gerber donne l’explication suivante :
«Paradoxalement, si les statistiques sont
alarmantes, c’est aussi que les outils de
dépistage sont beaucoup plus perfor-
mants. Il y a deux ou trois ans, sur dix
personnes porteuses d’une MST, nous
n’en découvrions que deux
ou trois qui étaient
atteintes. Aujourd’hui,
ce sont huit personnes
sur dix!»
20 % des Suisses ont
un herpès
Et sur ces huit personnes, en marge
du VIH, l’herpès génital, ou herpès de
type 2, tient la vedette des MST. L’in-
fection par ce virus provoque des lésions
de la peau et des muqueuses génitales
et anales, sous la forme de petites bulles
avec une importante inflammation
s’ulcérant par la suite, ce qui peut don-
ner de fortes brûlures et des dou-
leurs. C’est le pendant génital du
bouton de fièvre, situé en géné-
ral sur les lèvres et dont l’ori-
gine est l’herpès de type 1.
La publicité est très largement utilisée pour lutter contre la transmission des MST,
comme le montrent ces deux exemples contre le SIDA et l’herpès
Herpès génital
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