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DR
MÉDECINE
Sea, sex and
syphilis
D
urant ces dix der-
nières années, les cas de
maladies sexuellement
transmissibles (MST)
virales ont augmenté dans
nos contrées. Ainsi, 20 %
des Suisses ont un herpès.
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SAVOIR
! / N°23 JUIN 2002
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MÉDECINE
C
Les trois familles honteuses
300 millions
de nouveaux cas par an
tie les trichomonases et les candidoses;
3. les infections virales comme le VIH,
les hépatites, les condylomes ou
encore l’herpès génital», précise Stefan
Gerber, médecin en gynécologie-obstétrique, au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) de Lausanne. «Sur les dix dernières années,
poursuit le Dr Gerber, les infections
bactériennes, parasitaires et fongiques
sont en diminution dans les pays industrialisés, alors que les infections d’origine virale sont en augmentation.»
Une MST, ou maladie vénérienne, est
une maladie infectieuse susceptible de
se transmettre lors de rapports sexuels,
qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels et quels que soient leurs modes :
génital, oro-génital ou ano-génital. On
dénombre une vingtaine de maladies
infectieuses de gravité variable.
«On peut les classer en trois grandes
familles : 1. les infections bactériennes
comme le gonocoque, la
chlamydia, la syphilis;
2. les infections parasitaires et fongiques dont font par-
Syphilis
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Les chiffres sont alarmants. Les
MST sont en progression importante
dans le monde avec 300 millions de
nouveaux cas par an. Selon les chiffres
de l’OMS (Organisation Mondiale de
la Santé), leur augmentation serait
proche de 30 % pour l’ensemble de la
planète. Alors qu’en 1990, le nombre
d’infections était de 250 millions de cas
annuels, il y a deux ans, leur nombre
s’élevait à 340 millions!
L’incidence des MST est élevée et ne
cesse de croître selon l’OMS. L’une des
explications est liée à la mobilité accrue
des populations et à la disparition progressive des coutumes traditionnelles,
conduisant à de nombreuses relations
sexuelles avec des partenaires multiples.
Stefan Gerber, médecin en gynécologie-obstétrique,
au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) de Lausanne
© N. Chuard
haleur étouffante, envie de voyager, de s’évader. C’est l’été, la
plage, les jupettes et les torses musclés.
C’est le temps des fêtes, des longues soirées, des rencontres, des échanges. On
se laisse aller. On oublie tout. Mari,
femme, relations, boulot, stress : l’aventure c’est l’aventure! «Sea, sex and
sun.» Sans souci puisque cela n’arrive
qu’aux autres, de toute façon on n’a
jamais rien attrapé, qu’on a passé l’âge,
avec le temps, on pense être immunisé,
alors on ne se protège pas, ou plus…
Mais au bout, il y a un gros risque
de se retrouver non seulement avec de
nombreux souvenirs, mais aussi des
organismes indésirables tels que des
virus, bactéries, parasites ou encore des
champignons. Et l’été se termine par
une visite aux urgences ou dans la salle
d’attente de son médecin. Diagnostic
probable : une MST. Derrière cet acronyme se dissimulent les maladies
sexuellement transmissibles, aujourd’hui encore considérées comme des
maladies honteuses.
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La Suisse n’est pas épargnée
Ces maladies qui, pour de nombreuses personnes, sont encore taboues, ne
sont pas l’apanage des pays non industrialisés et la Suisse n’est pas épargnée.
«L’image d’une Suisse «propre», avec
absence de toute MST, n’est pas une réalité scientifique. Nous sommes plutôt
surpris de voir des incidences très élevées, comme pour l’herpès ou d’autres
infections telles les annexites (infections
des trompes)», souligne le Dr Gerber.
De plus, contrairement aux idées
reçues, les groupes dit «à risque» ne
sont pas seulement les toxicomanes ou
les homosexuels, mais de plus en plus,
les hétérosexuels âgés de 30 à 45 ans.
Pour quelles raisons? «Certes, notre
souci est centré sur les groupes marginaux, mais ce sont les gens qui ne
s’estiment pas à risque qui sont les plus
touchés. Ils pensent que les MST et
surtout le SIDA sont liés à l’homosexualité ou à la toxicomanie. En réalité, la moitié des nouveaux cas sont des
hétérosexuels. L’âge moyen de la personne infectée par le VIH est de 42 ans.
Il est très difficile de faire des catégories : vous trouverez à nos consultations
aussi bien des ouvriers, des directeurs
d’entreprise, des jeunes, des très vieux,
des paysans que des personnes du milieu médical. Tout le monde», explique
le Dr Amalio Telenti, responsable de
la consultation ambulatoire des maladies infectieuses au CHUV.
des vacances, les voyages... Mais on ne
peut pas dire qu’il existe de relation
particulière entre l’été et les MST»,
tient à clarifier le Dr Gerber.
Si les jeunes sont les plus menacés
et que la moitié de cette population est
en danger de se faire contaminer par
une MST avant l’âge de 20 ans, ce sont
les quadragénaires qui font exploser les
statistiques. L’explication? Pour les
adolescents, la capote a un prix. Il faut
toujours en avoir une sur soi et, de ce
fait, la spontanéité disparaît. Mais
pour les plus âgés, on met plutôt en
cause le ras-le-bol.
On leur a répété durant des années
que, s’ils ne portaient pas cet objet, la
mort finirait par les emporter. Mais aujourd’hui, le SIDA ne leur fait plus peur.
Avec les progrès en médecine, les vaccins et autres médicaments, la tendance
est au relâchement, à l’insouciance!
Ces quadras trop insouciants
«Peut-être que l’été favorise les rapports sexuels, tout comme le contexte
Le Dr Amalio Telenti, responsable de la consultation ambulatoire
des maladies infectieuses au CHUV
© N. Chuard
Le retour de la «chaude-pisse»
et de la syphilis
Le sentiment d’une omnipotence des
nouveaux médicaments pousse à diminuer notre vigilance ou à relâcher notre
attention quant à la prévention. De plus
si l’on écoute l’Eglise, l’abstinence est de
rigueur, et le port du condom proscrit…
Pour le Dr Telenti, spécialiste du
SIDA, nul doute : «Le préservatif est le
seul moyen de se protéger des MST.»
L’utilisation correcte de ce contraceptif, aussi durant les préliminaires, est un
moyen simple et efficace d’éviter
l’infection par les agents responsables
des MST. Mais dans les couloirs des
urgences ou des cabinets médicaux, les
MST sont d’actualité, et certaines infections aux noms évocateurs font un
retour en force comme la «chaude-
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→pisse», que l’on appelle aussi «chtouille» ou blennorragie (écoulement purulent), la syphilis (appelée aussi vérole),
le chancre mou ou encore l’herpès
génital.
Un risque de stérilité
Les conséquences des maladies
sexuellement transmissibles peuvent
être graves. Certaines entraînent la
stérilité, surtout chez la femme. Elles
peuvent engendrer des grossesses
extra-utérines, des accouchements
prématurés, des infections transmises
aux nouveaux-nés, ou encore des cancers du col de l’utérus.
Si certaines (comme la syphilis) ne
sont pas traitées, elles peuvent
conduire à des lésions variées, par
exemple neurologiques ou cardiaques.
De plus, mis à part les symptômes spécifiques à chacune de ces maladies, le
danger réside dans le lien entre MST
et VIH (Virus de l’Immuno-déficience
Humaine). Car les MST augmentent
le risque de transmission sexuelle du
virus du SIDA.
VIH et SIDA
«Il faut savoir que l’on ne meurt pas
du virus du SIDA, mais des conséquences d’autres maladies induites par
l’infection virale, poursuit le chef de
la consultation des maladies infectieuses Amalio Telenti. En premier
lieu, il faut différencier le SIDA (Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise), du VIH. Le VIH est une infection
par le virus, et la personne contaminée peut être totalement asymptomatique. Il s’agit d’une première phase de
la maladie (jusqu’à dix ans) qui est plus
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ou moins silencieuse. Quant au SIDA,
il s’agit de la phase où la maladie se
déclare, entraînant des problèmes de
santé sévères (infections graves, cancers, …). Le virus détruit le système
immunitaire de la personne atteinte.»
500-600 nouveaux cas en 2002
Toute personne infectée par le VIH
peut transmettre le virus. Selon les
chiffres de l’Office fédéral de la santé
publique (OFSP), il y a eu un total de
7’032 cas de SIDA déclarés en Suisse
entre 1983 et 2000, dont 5’046 sont
décédés. Le nombre annuel de nouveaux cas de SIDA a régressé depuis
1995. Selon les estimations de l’OFSP,
il y aurait entre 190 et 240 nouveaux
cas par année.
En ce qui concerne les infections par
le VIH, entre 1985 et 2000, 25’011 personnes ont été testées positives (31,6 %
de ces cas sont des femmes). La plupart des nouvelles infections sont transmises par voies sexuelles (contacts
homosexuels 18 % et hétérosexuels
57 %!) et non par voie sanguine. Le
groupe d’âge le plus touché est celui
des 30 à 44 ans (53 % chez les hommes
et 43 % chez les femmes…). Environ
deux tiers des personnes atteintes
(VIH/SIDA) habitent dans les agglomérations urbaines des cantons de
Zurich, Genève, Vaud, Berne, Bâleville et de Saint-Gall.
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«En 2002, il y aura entre 500 et 600
nouveaux cas de personnes infectées
par le virus, en Suisse. Nous arriverons
à traiter de manière optimale 2/3 de ces
personnes, qui pourront s’attendre à
une évolution contrôlée de la maladie»,
conclut le Dr Telenti.
Un dépistage plus efficace
Malgré des chiffres statistiques inquiétants, il est difficile de faire une
radiographie précise des MST en Suisse puisque seulement deux d’entre elles
(hépatite B et SIDA / VIH) sont «à
La publicité est très largement utilisée pour lutter contre la transmission des MST,
comme le montrent ces deux exemples contre le SIDA et l’herpès
▲
déclaration obligatoire» par les médecins
et les laboratoires. Alors que les infections comme la gonorrhée, la chlamydia,
le HPV et l’herpès ne le sont pas. Le
Dr Gerber donne l’explication suivante :
«Paradoxalement, si les statistiques sont
alarmantes, c’est aussi que les outils de
dépistage sont beaucoup plus performants. Il y a deux ou trois ans, sur dix
personnes porteuses d’une MST, nous
n’en découvrions que deux
ou trois qui étaient
atteintes. Aujourd’hui,
ce sont huit personnes
sur dix!»
20 % des Suisses ont
un herpès
Et sur ces huit personnes, en marge
du VIH, l’herpès génital, ou herpès de
type 2, tient la vedette des MST. L’infection par ce virus provoque des lésions
de la peau et des muqueuses génitales
et anales, sous la forme de petites bulles
avec une importante inflammation
s’ulcérant par la suite, ce qui peut donner de fortes brûlures et des douleurs. C’est le pendant génital du
bouton de fièvre, situé en général sur les lèvres et dont l’origine est l’herpès de type 1.
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Herpès génital
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Selon des estimations (puisque ce
virus n’est pas à déclaration obligatoire), l’herpès génital de type 2 toucherait plus de 20 % de la population
suisse, soit une personne sur cinq. En
soi, cette infection n’est pas très grave
et entraîne rarement des complications
majeures. Mais elle peut empoisonner
la vie, notamment en altérant la qualité des relations du couple.
De sévères complications
C’est une maladie dont on ne se
débarrasse plus une fois contractée et
qui peut récidiver sous l’influence du
stress, de la fatigue, du soleil, d’un rapport sexuel et sans être forcément
accompagnée de lésion génitale. «Le
problème de l’herpès est qu’il est
asymptomatique dans 70 % des cas et
qu’il est récurrent, lui conférant ainsi
un profil idéal pour la transmission,
souligne le Dr Gerber. Les complications les plus sévères ont lieu lors des
grossesses. En effet, 80 % des enfants
contaminés et qui font un herpès néonatal proviennent de mères qui ne présentent aucun signe de la maladie lors
de l’accouchement. Dans 60 % des cas,
les enfants meurent ou ont un handicap neurologique grave.»
Et voilà la chlamydia
et le HPV
Avec l’herpès génital, la chlamydia
tient aussi l’oscar des consultations. Ce
germe induit une infection qui touche
92 millions de personnes
dans le monde et un
nombre croissant
en Suisse, notamment chez les ado-
lescentes. C’est une des premières
causes de stérilité féminine, due à
l’atteinte des trompes. L’infection est
asymptomatique dans la moitié des cas
et se traduit par une inflammation de
l’urètre chez l’homme et de l’ensemble
de l’utérus chez la femme. La maladie
étant sournoise, il est recommandé de
procéder à un dépistage si l’on a des
rapports sexuels avec des partenaires
multiples.
Une autre MST menaçante est le
HPV (Human Papilloma Virus), un
virus dont il existe 70 types différents,
dont certains provoquent la
banale verrue cutanée,
d’autres sont à l’origine de
condylomes sur les
organes génitaux. Certains présentent une
action particulièrement
plus grosses conséquences.
virulente sur le col de l’uté«Aujourd’hui, le dépistage et
HPV
rus. «Il est traqué, surtout
l’information sont meilleurs.
chez la femme, s’empresse de
Nous avons le sentiment de bien
préciser le Dr Gerber. Car depuis cinq
mieux contrôler ces maladies et ceci
ans, on sait que certains types de HPV
parce que nous les diagnostiquons
sont liés au cancer du col de l’utérus!»
mieux», complète le Dr Gerber.
Pour se prémunir d’une MST, mieux
Un meilleur diagnostic
vaut se protéger. Et savoir que l’absenToutes les MST ne sont pas aussi
ce de symptôme ne veut pas dire absournoises, mais il en résulte que la
sence de maladie. C’est dire qu’il est
femme est plus à risque, qu’elle est un
vivement conseillé de consulter un
très bon vecteur et surtout qu’elle est
médecin si vous êtes volage.
très vulnérable face à ces maladies. Et
Alberto Montesissa
ce sont les femmes qui en subissent les
Chlamydia
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Un autre exemple de la campagne actuelle
contre le SIDA
▲
DR
A LIRE :
SUR INTERNET, LES SITES DE :
«Les maladies sexuellement
transmissibles», Collection Que
sais-je?
l’Organisation mondiale
de la santé (OMS) :
www.who.int
«MST, maladies taboues»,
Collection Autrement.
Office fédéral
de la santé publique :
www.bag.admin.ch
«SIDA et VIH en Suisse.
Situation épidémiologique
à fin 2000», (à télécharger
sur le site internet de l’Office
fédéral de la santé publique,
adresse ci-contre).
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L’association herpès en France :
www.herpes.asso.fr
Tout sur les MST :
www.affection.org
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