Thérapie systémique en individuelle

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Thérapie
systémique
en
individuelle
Psychiatre
Psychothérapeute
FMH,
Thérapeute
systémicien
et
de
familles,
39
rue
de
Lausanne
CH‐1201
Genève
Tel.
+41
79
214
87
59
Email:
[email protected]
Avant
de
faire
ma
présentation,
je
voudrais
remercier
Mr
Jean‐Marie
Lemaire,
Mr
Laurent
Halleux
et
les
autres
organisateurs,
qui
me
sont
inconnus,
de
me
donner
l’occasion
de
partager
avec
vous
quelques
réflexions
autour
de
la
pratique
systémique
et
de
l’individu.
Je
voudrais
rajouter
que
cette
version
n’est
plus
tout
à
fait
la
même
que
celle
que
j’avais
présenté.
En
effet,
le
fait
d’avoir
rencontré
certains
d’entre
vous,
et
de
l’avoir
présenté
a
fait
que
je
me
suis
senti
obligé
de
réécrire
ce
texte.
Cette
présentation
s’articule
autour
de
trois
idées
que
je
vous
livre
en
vrac
:
Deux
sont
théoriques
autour
de
l’individu
:
‐ L’individu
n’est
qu’une
manière
ponctuelle
et
locale
d’organiser
un
collectif
;
‐ C’est
la
relation
qui
fabrique
la
personne
et
non
l’inverse.
La
troisième
est
mon
dilemme
de
thérapeute
systémique
:
‐ Comment
voulez‐vous
vivre
ensemble
?
Si
je
m’intéresse
actuellement
à
l’individu,
ce
n’est
pas
parce
que
je
crois
que
l’individu
ou
la
personne
existe
et
que
c’est
le
fruit
de
l’évolution.
Je
m’y
intéresse
car
j’ai
l’impression
que
c’est
un
aspect
qui
est
actuellement
privilégié
dans
notre
société,
et
qui
lui
donne
un
aspect
particulier.
Cette
focalisation
sur
l’individu,
le
Soi,
la
réalisation
de
soi
n’a
pas
toujours
été
aussi
forte
et
importante
et
la
forme
des
Soi
n’a
pas
toujours
été
pareille
qu’aujourd’hui.
Ainsi,
pour
exemple,
la
création
d’un
intérieur
et
d’un
extérieur
de
la
personne,
date
du
4è
siècle
avec
St
Augustin
(Taylor).
Dans
le
monde
des
Grecs
anciens,
tout
faisait
partie
d’un
tout
et
les
choses
étaient
liées.
De
la
vient
l’héritage
de
l’astrologie
:
c’est‐à‐dire
la
science
qui
permet
de
lire
l’avenir
de
l’humanité
dans
les
astres.
Un
deuxième
exemple
est
représenté
par
la
famille
nucléaire.
Selon
certains
auteurs
(Beck,
Goody),
la
famille
nucléaire
est
une
invention
locale
de
l’ère
industrielle.
Elle
comprend
une
répartition
des
rôles
que
je
résumerai
de
la
manière
suivante
:
les
femmes
aux
foyers
et
les
hommes
au
charbon.
Actuellement,
nous
vivons
l’ère
de
l’égalité
des
sexes
(Beck).
Egalité
à
la
formation,
mais
inégalité
au
travail.
Les
hommes
restent
majoritairement
aux
«
bons
»
postes
de
travail
;
les
femmes
avec
des
diplômes
font
«
carrière
»
dans
l’éducation
des
enfants,
sans
avoir
forcément
la
reconnaissance
sociale
qui
pourrait
accompagner
cette
tâche.
Ainsi,
d’un
côté
les
femmes
ont
les
diplômes
les
enfants
et
les
affects
;
d’un
autre
côté
les
hommes
ont
l’argent
et
le
travail.
J’avoue
que
c’est
un
peu
caricatural
comme
représentation.
Mais
1
lorsqu’une
personne
veut
faire
carrière
et
est
soumis
à
la
mobilité
et
la
flexibilité
du
monde
du
travail,
un
employeur
ne
propose
qu’exceptionnellement
un
poste
de
travail
qui
permette
aussi
au
conjoint
de
poursuivre
la
sienne.
Ainsi,
la
réorganisation
de
la
société
autour
de
l’égalité
a
comme
conséquence
une
privatisation
de
certains
problèmes
sociaux,
qui
peut
se
traduire
dans
un
couple
par
:
qui
fait
quoi
?
à
quel
prix
?
comment
faire
en
cas
de
séparation
?
L’organisation
«
égalitaire
»
de
la
société,
fait
que
l’évolution
de
la
famille
devient
un
choix
personnel.
Un
choix
avec
soi
et
avec
les
autres
;
un
choix
entre
son
évolution
personnelle
et
celle
du
groupe
familial.
Dans
ce
contexte,
il
faudrait
revisiter
nos
conceptions
sur
nos
théories
comme
celle
de
«
l’attachement
»
avec
les
rôles
attribués
aux
mères
et
aux
pères
dans
le
développement
de
l’enfants
(Bolby,
M.
Klein).
Cette
théorie
a
eu
son
heure
de
gloire
après
la
deuxième
guerre
mondiale
et
a
facilité
la
résolution
du
problème
social
que
représentait
le
retour
au
pays
des
soldats
mâles
en
Angleterre.
Cette
option
a
réorganisé
le
rapport
entre
les
hommes
et
les
femmes
et
a
redistribué
des
rôles
aux
sexes.
Les
femmes
ont
été
sorties
des
usines,
mises
au
foyer
et
les
hommes
à
l’extérieur
du
foyer,
au
travail.
Ainsi,
l’histoire
de
nos
connaissances
et
la
fugacité
des
«
vérités
»
fait
que
je
considère
de
plus
en
plus
que
les
raisons
scientifiques
ou
autres
privilégiées
à
un
moment
de
l’histoires
sont
plus
des
moyens
d’organiser
un
collectif
que
des
réalités
«
scientifiquement
prouvées
»
vers
lesquelles
ils
faut
tendre.
Dans
ce
prolongement
d’idées,
je
considère
que
les
thérapeutes
sont
des
acteurs
sociaux
qui
participent
d’une
façon
particulière
à
l’organisation
d’un
collectif.
Par
conséquent,
je
leur
propose
de
questionner
leurs
«
vérités
»
et
de
les
réinscrire
dans
ce
rôle.
A
titre
d’exemple,
«
l’égalité
»
dans
un
couple,
mise
en
route
il
y
a
plusieurs
décennies,
nécessite
des
compétences
de
négociation
et
de
compromis,
particulièrement
si
ce
couple
se
sépare
(60%
de
divorce
à
Genève).
Comme
j’ai
l’honneur
de
parler
dans
un
pays
ayant
choisi
de
privilégier
la
garde
alternée
en
cas
de
divorce,
il
a
choisi
de
privilégier
un
certain
type
de
relation,
avant
et
après
la
séparation,
et
une
certaine
manière
de
les
résoudre.
Il
y
a
30‐40
ans
la
loi
attribuait
la
garde
des
enfants
aux
femmes
en
Allemagne
par
exemple.
Actuellement,
cette
solution
n’est
plus
imaginable
systématiquement
en
Europe
et
impossible
chez
vous.
Ce
choix
de
sociétés
modifie
à
mon
avis
le
rapport
entre
les
sexes.
Ainsi,
en
tant
que
thérapeute
systémicien
ce
contexte
social
me
pousse
à
changer
mon
regard
sur
la
relation
dans
un
couple
:
entre
homme
et
femme
;
entre
mère
et
père
;
entre
celui
qui
détient
l’argent
et
celui
qui
détient
les
affects.
Ce
problème
que
la
société
réglait
d’une
certaine
manière
avant,
a
été
privatisé
et
légué
aux
individus.
Comme
en
contrepartie
les
personnes
n’ont
pas
forcément
appris
à
établir
des
relations
qui
rendent
possibles
ces
changements
entre
les
sexes,
je
privilégie
dans
mes
consultation
l’apprentissage
relationnel
qui
permet
d’apprendre
à
faire
des
choix,
de
négocier
et
de
faire
des
compromis.
Ainsi,
vous
avez
sans
doute
compris
que
j’ai
pris
le
parti
qu’une
personne
ou
un
individu,
n’est
pas
une
chose
en
soi
qu’on
connaîtra
de
mieux
en
mieux
avec
l’avancé
de
la
science.
2
L’individu
est
pour
moi
un
aspect
politique
et
une
manière
d’organiser
un
collectif,
un
couple
ou
une
famille.
Pour
reprendre
les
deux
premières
propositions
du
départ,
si
je
veux
pouvoir
parler
avec
des
individus
égaux
et
différenciés,
il
faut
établir
un
type
de
relation
qui
«
fabrique
»
des
individus
capables
d’interagir,
de
choisir
et
de
faire
des
compromis.
Quel
dispositif
peut­on
imaginer
pour
favoriser
de
tels
échanges
?
Pour
répondre
à
ma
troisième
proposition
:
comment
voulez
vous
vivre
ensemble,
qui
peut
se
compléter
par
comment
allons
nous
interagir
ensemble,
je
voudrais
commencer
par
rendre
hommage
à
un
philosophe
:
Bruno
Latour.
Ce
philosophe
m’accompagne,
sans
le
savoir,
depuis
plusieurs
années.
Son
livre
«
Nous
n’avons
jamais
été
modernes
:
essai
d’anthropologie
symétrique
»
m’a
éclairé
sur
le
processus
de
fabrication
de
la
connaissance,
sur
l’importance
des
créations
dans
la
constitution
des
personnes
et
la
constitution
d’un
collectif.
Pour
cela
je
fais
un
détour
vers
le
début
de
notre
ère
dite
moderne,
au
début
du
siècle
des
Lumières,
où
les
hommes
ont
commencé
à
redéfinir
le
monde
entre
eux,
avec
deux
acteurs
déterminant
dans
la
réorganisation
de
la
société.
A
l’époque,
il
y
avait
un
scientifique
renommé
du
nom
de
Boyle.
Il
travaillait
avec
une
immense
machine
pour
l’époque,
une
pompe
à
vide.
Ses
travaux
étaient
critiqués
par
le
politologue
Hobbes.
Ce
dernier
réfléchissait
à
la
création
du
citoyen
et
s’intéressait
aux
mathématiques.
Pour
cette
raison,
il
ne
pouvait
pas
croire
à
l’existence
du
vide.
Ainsi,
il
ne
contredisait
pas
les
travaux
de
Boyle
pour
l’imperfection
de
sa
machine
(la
pompe
à
vide),
mais
pour
des
raisons
mathématiques
de
l’époque
(l’inexistence
du
vide).
En
réponse
à
cette
querelle,
Boyle
invita
des
notables
dans
son
laboratoire
pour
attester
les
observations.
Il
créa
ainsi,
non
pas
la
Réalité
(comme
prétendu),
mais
une
version
d’un
fait
créé
artificiellement
dans
un
lieu
clos
à
l’abri
du
public.
En
d’autres
termes,
avec
ce
procédé,
Boyle
donne
une
vérité
de
réseau,
c’est
à
dire
une
version
partagée
par
un
collectif
plus
ou
moins
grand.
La
version
des
observations
a
la
particularité
de
transformer
les
adeptes
puisqu’elle
engage
ceux
qui
colportent
cette
version.
En
d’autres
termes
:
quand
on
change
la
version,
on
s’expose
au
jugement
des
autres.
Avec
le
temps
les
versions
des
choses
se
sont
multipliées
et
ont
occupé
l’espace.
Actuellement,
cette
machine
de
fabrication
de
connaissance
s’est
emballée,
et
il
y
a
une
multitude
de
versions
colportées
qui
parfois
même
se
contredisent.
Il
n’y
a
plus
de
tri
préliminaire
qui
permettait
à
un
collectif
de
n’être
confronté
qu’à
certaines
versions.
Cet
embarras
du
choix,
fait
qu’on
peut
qualifier
l’individu
contemporain
comme
une
centrale
qui
s’affilie
plus
ou
moins
à
certains
réseaux
:
un
centre
névralgique
de
compromis.
Au
regard
de
ce
dispositif,
je
construis
ma
consultation
comme
le
laboratoire
de
Boyle.
En
prenant
la
précaution
de
rappeler
que
je
ne
propose
pas
la
vérité,
mais
une
version
des
choses
partageables
dans
un
certain
milieu.
Ainsi,
au
lieu
de
mettre
la
personne
dans
le
«
tube
à
vide
»,
j’essaye
de
mettre
le
discours
qui
est
véhiculé
autour
de
cette
personne.
Par
cette
manœuvre,
j’essaye
de
transformer
l’autre
en
interlocuteur
avec
qui
je
discute
du
récit
qu’il
ramène.
Le
ou
les
consultants
ne
sont
plus
les
discours
d’experts
3
ou
de
profanes.
Le
fait
de
soumettre
les
discours
à
l’observation
et
à
la
critique
entraine
un
processus
qui
transforme
ces
discours
en
interlocuteurs
qui
échangent
un
discours.
Ainsi,
avec
cette
manière
d’interagir,
la
personne
sort
d’un
discours
pour
devenir
un
acteur
qui
peut
participer
à
son
autodéfinition.
De
cette
manière,
la
relation
fabrique
un
individu
qui
peut
prendre
part,
dans
certaines
limites
imposées
par
le
collectif,
à
sa
propre
définition
et
résolution
de
problème.
Ces
échanges
transforment
donc
les
récits
véhiculés
et
ceux
qui
les
véhiculent
(client(s)
et
thérapeute).
Par
conséquent,
je
ne
cherche
pas
à
dévoiler
la
vérité,
mais
je
cherche
une
version,
une
traduction
des
récits
qui
est
partageable.
Ce
partage
est
double
dans
la
thérapie
systémique
en
individuelle,
car
c’est
un
partage
à
la
fois
avec
soi
même
et
certains
autres.
Une
de
mes
préoccupations
est
que
les
versions
créées
lors
des
rencontres
thérapeutiques
et
les
processus
qu’elles
engendrent
soient
exportables
du
système
client‐thérapeute
et
partageables
dans
d’autres
réseaux.
Ce
regard
anthropologique
fait
que
nous
sommes
une
culture
comme
les
autres,
dans
le
sens
qu’elle
privilégie
certains
aspects
au
détriment
d’autres.
Ainsi,
en
langage
contemporain,
on
pourrait
dire
que
c’est
la
création
d’espace
virtuels,
c’est
à
dire
des
créations
des
hommes
entre
eux,
qui
comblent
plus
ou
mois
transitoirement
et
temporairement
des
espaces
laissées
par
d’autres
virtuels.
Dans
cette
version
du
collectif,
on
part
du
principe
que
le
réel
est
un
virtuel
partagé
par
un
grand
nombre,
d’ou
ma
question
initiale
:
comment
voulons‐nous
vivre
ensemble
?
Illustration
clinique
:
Un
jour,
un
collègue
m’a
adressée
une
personne
suite
à
une
tentative
de
suicide.
Dans
la
lettre
de
transfert,
cette
personne
était
victime
d’abus
dans
l’enfance
ce
qui
en
faisait
une
personne
déficitaire.
Ce
déficit
expliquait
par
ailleurs
l’acte
suicidaire
qui
venait
de
se
produire.
Dans
mon
«
laboratoire
»,
elle
a
commencé
à
narrer
ce
récit
qui
nous
a
amené
au
geste
suicidaire.
Je
lui
ai
demandé
ce
qu’elle
attendait
de
ce
geste.
Elle
a
raconté
que
suite
à
une
dispute
avec
son
mari
elle
voulait
disparaître
pour
trouver
le
calme
et
la
paix.
Sur
ce,
j’ai
répondu
que
si
je
comprenais
bien,
elle
voulait
se
faire
du
bien.
Elle
a
répondu
que
oui.
J’ai
poursuivi
que
c’était
bien
de
vouloir
se
faire
du
bien,
mais
qu’il
y
avait
de
meilleurs
moyens
pour
y
arriver
que
le
suicide,
et
que
si
elle
le
souhaitait,
je
pouvais
explorer
cette
voie
avec
elle.
Nous
faisons
cela
avec
elle
depuis
et
le
système
s’est
agrandi
et
inclut
actuellement
aussi
le
mari.
Attention,
il
ne
faut
surtout
pas
prendre
cette
version
d’un
geste
suicidaire
comme
une
nouvelle
typologie
du
suicide.
C’est
une
situation
unique
avec
un
échange
unique.
C’est
le
fruit
d’une
rencontre
particulière
créée
entre
cette
personne
et
moi
dans
un
premier
temps,
et
avec
son
conjoint
après
un
certain
temps.
Si
cette
personne
m’avait
répondu
«
non
»?
J’aurais
été
qui
pour
elle
?
Peut‐être
serais‐je
devenu
un
thérapeute‐expert
des
maladies
psychiques
qui
a
annoncé
un
jour
un
diagnostic
de
«
neurasthénie
»
à
une
personne
qui
souffrait
du
fait
qu’elle
avait
une
4
maladie
guérissable
(dépression).
Ce
trouble
était
assimilé
à
un
trouble
lié
au
manque
de
volonté
dans
son
environnement.
Ce
dernier
a
pu
quitter
le
service
hospitalier
et
se
présenter
à
son
environnement
avec
une
maladie
non
guérissable.
Bibliographie










Beck
U.
La
Société
du
risque:
Sur
la
voie
d'une
autre
modernité.
Paris. Flammarion Champs 2003.
Despret
V.
Ces
émotions
qui
nous
fabriquent.
Ethnopsychologie
des
émotions.
Paris.
Les
empêcheurs
de
penser
en
rond
2001.
Ehrenberg
A.
L’individu
incertain.
Paris.
Calmann‐Lévy
1995.
Ehrenberg
A.,
La
fatigue
d’être
soi,
Dépression
et
société.
Paris.
Odile
Jacob
1998.
Kaufmann
J‐C.
L’invention
de
soi.
Une
théorie
de
l’identité.
Paris.
Armand
Colin.
2004.
Jullien
F.
Nourrir
sa
vie;
à
l'écart
du
bonheur.
Paris.
Seuil
2005.
Latour
B.
Nous
n'avons
jamais
été
modernes.
Essai
d'anthropologie
symétrique.
Paris.
La
découverte/Poche
1997.
Latour
B.
Factures/Fractures:
from
the
concept
of
Network
to
the
concept
of
Attachment.
Res
1999;
36:
20‐31.
Lutz
C.
La
dépression
est
elle
universelle
?
Paris.
Les
empêcheurs
de
penser
en
rond
2004.
Taylor
C.
Les
Sources
du
Moi.
Paris.
Le
Seuil.
1998
(1ère
édition
1989).
5

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