La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. IV - juin 2000 161
ces troubles cognitifs serait, par ailleurs, plus élevée chez les
patients porteurs de l’allèle E4 de l’apolipoprotéine E.
Une diminution de la fréquence de la démence du sida, liée à
l’introduction des traitements par la zidovudine, a été suggérée
dès 1989 par Portegies (4). L’évolution de cette incidence dans
les années à venir, avec la nouvelle “donne” constituée par les
nouveaux traitements antirétroviraux qui diminuent de façon
très importante la charge virale sanguine et peut-être aussi la
charge virale du LCR, reste imprécise. Néanmoins, des résul-
tats récents suggèrent que la fréquence de cette complication a
considérablement diminué depuis l’introduction des trithéra-
pies antirétrovirales (5).
La rapidité du passage intracérébral du virus après
la contamination est un argument important pour supposer que
la précocité du traitement antirétroviral constituerait un facteur
pronostique important, mais ces données restent à confirmer.
Cette atteinte cognitive, spécifique de l’infection du système
nerveux central par le VIH, constitue actuellement une des
énigmes physiopathologiques de la maladie. En effet, il n’existe
pas de corrélation entre l’intensité de l’atteinte cognitive
et l’importance des lésions neuropathologiques. En outre, dans
le système nerveux central, le VIH infecte principalement les
cellules microgliales mais n’infecte pas, ou très peu, les cel-
lules neuronales. Les patients toxicomanes présenteraient ainsi
une susceptibilité accrue au développement d’une encéphalo-
pathie, liée à une augmentation de la réactivité microgliale faci-
litant l’entrée cérébrale du VIH. L’absence d’infection neurona-
le par le VIH a, par ailleurs, fait envisager l’hypothèse d’une
neurotoxicité indirecte à l’origine de l’encéphalopathie. Les
médiateurs de cette toxicité restent, en revanche, mal connus et
pourraient impliquer le glutamate, l’acide quinolinique, le
monoxyde d’azote.
ASPECTS CLINIQUES DE L’ENCÉPHALOPATHIE DU SIDA
Le tableau clinique de l’encéphalopathie VIH est celui d’une
atteinte ou sous-cortico-frontale (2,3). Dominent en effet les
troubles de la mémoire, le ralentissement psychomoteur et les
troubles de l’attention et de la concentration. Ce tableau neuro-
psychologique n’a pas de spécificité et peut s’observer dans
d’autres atteintes sous-corticales. Les troubles s’installent soit
de façon insidieuse, soit rapidement, en quelques semaines.
Les plaintes initiales sont le plus souvent une gêne mnésique,
avec une difficulté à mémoriser les faits récents, des difficultés
professionnelles liées à la fois au ralentissement psychomoteur,
à l’atteinte mnésique et à la difficulté de concentration. Parfois,
c’est l’entourage qui signale une modification du comporte-
ment, à type d’apathie, de repli sur soi, de diminution de l’acti-
vité sociale, d’indifférence affective. Ces modifications de
comportement font souvent évoquer le diagnostic de syndrome
dépressif, fréquemment associé à la maladie, et ce sont leur
persistance sous traitement antidépresseur ou leur association
à d’autres anomalies neuropsychologiques qui feront suspecter
le diagnostic d’encéphalopathie VIH. L’intensité de l’atteinte
cognitive peut varier d’un simple trouble mnésique, compatible
avec une vie socioprofessionnelle quasi normale, à un grand
tableau démentiel, où dominent les éléments frontaux avec
apragmatisme majeur, aboulie, grabatisation, mutisme. Parfois,
des troubles du comportement de type agitation psychomotrice
et épisodes délirants peuvent survenir, mais ce mode de
présentation est beaucoup plus rare.
La pente évolutive de cette atteinte cognitive est très variable :
certains patients s’aggravent en quelques mois, passant d’un
trouble cognitif modéré à un tableau démentiel. D’autres, en
revanche, gardent des troubles modérés, dont l’évolution peut
être fluctuante, mais ne développeront jamais de démence.
Cette disparité dans les profils évolutifs n’a pas reçu
d’explication, et il est possible que les mécanismes physiopatho-
logiques qui sous-tendent ces deux types évolutifs soient en fait
différents.
Deux tableaux cliniques distincts sont ainsi définis dans la clas-
sification du DSMIV-R : la démence du sida et le trouble
cognitif modéré lié au sida. Ces deux tableaux correspondent à
des perturbations cognitives de type sous-cortico-frontal, mais
dans le cas des troubles cognitifs modérés, les perturbations
cognitives sont insuffisantes pour porter le diagnostic de
démence (6).
À côté de l’atteinte cérébrale liée au VIH a été décrite une
atteinte médullaire, sous le nom de myélopathie vacuolaire, qui
correspond à une atteinte pyramidale associée à des troubles
cordonaux postérieurs, de type sclérose combinée de la moelle.
La fréquence de cette myélopathie vacuolaire reste controversée.
Il est possible, en effet, que, dans les premières années de l’épi-
démie, certaines myélopathies attribuées au VIH aient été dues
à une infection médullaire par le CMV. L’existence des compli-
cations médullaires liées au CMV était alors sous-estimée,
et c’est l’introduction des techniques d’amplification génique
du CMV dans le LCR qui a permis d’en préciser la fréquence
dans les immunosuppressions profondes.
ASPECTS NEURORADIOLOGIQUES
DE L’ENCÉPHALOPATHIE LIÉE AU VIH
Des anomalies de signal en imagerie par résonance magnétique
(IRM) sur les séquences pondérées en T2, de petite taille
(< 3mm), pouvant être bilatérales et symétriques, touchant la
substance blanche, peuvent s’observer chez des sujets séropositifs
asymptomatiques et sont probablement cicatricielles de l’encé-
phalite de séroconversion. Ces lésions, le plus souvent peu
nombreuses, restent stables au cours du temps.
Les lésions en IRM associées à la démence du sida sont le plus
souvent des plages d’anomalies de signal, visibles sur les
séquences pondérées en T2 sous la forme d’hypersignaux,
bilatéraux et symétriques, périventriculaires, épargnant les
fibres en U, prédominant dans les lobes frontaux et pariétaux.
Ces lésions sont peu ou pas visibles en T1, et leur signal n’est
pas rehaussé après injection de gadolinium sur les séquences
pondérées en T1. Elles peuvent devenir confluentes, avec un