22 VALEUR MÉDICALE AJOUTÉE : POST-CONGRÈS Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections Avec plus de 4 000 participants issus de 85 pays, la CROI 2014 (conférence internationale sur les rétrovirus et infections opportunistes), qui s'est tenue cette année à Boston, a été un nouveau un moment fort de la lutte contre le VIH. Retour sur les points clefs de cette conférence avec le Pr Patrice Morand, directeur du laboratoire de Virologie du CHU de Grenoble. UN CONGRÈS « HÉPATOPHILE » Les nouveaux traitements contre l’hépatite C étaient à l’honneur, avec l’annonce pour 2015 de la fin des schémas thérapeutiques basés sur l’interféron. « Les nouveaux antiviraux agissent directement sur les enzymes nécessaires à la réplication du virus de l’hépatite C, par exemple la protéase, la polymérase… Administrables par voie orale, utilisés en association, ils guérissent définitivement la majorité des patients mono-infectés par le virus de l’hépatite C ou co-infectés par le VHC et le VIH, en 12 à 24 semaines, voire moins », s’enthousiasme le Professeur Morand. « Cependant, ces nouveaux traitements coûtent chers et leur financement pose une vraie question de santé publique. Leurs interactions avec certains antirétroviraux sont un problème. Pour nous, virologistes, ils vont aussi entrainer une modification des schémas de surveillance des charges virales et la nécessité de détecter par séquençage des mutants résistants en cas d’échec thérapeutique. Ils justifient également de nouvelles stratégies pour améliorer le dépistage, par exemple les Test Rapides d’Orientation Diagnostique (TROD). » [1] Cohorte ANRS EP 47 VISCONTI (Viro-Immunologic Sustained COntrol after Treatment Interruption), Prof. Christine Rouzioux (Hôpital Necker et Université Paris Descartes) et Dr. Asier Sáez-Cirión (Institut Pasteur) 10 000 BIO - N° 91 - SEPTEMBRE 2014 VIH : VERS UNE SIMPLIFICATION DES TRAITEMENTS « Plusieurs grands essais cliniques ont démontré l’efficacité de traitements plus simples, mieux supportés et moins coûteux, par exemple avec un seul comprimé par jour combinant 3 ou 4 antirétroviraux, ou la possibilité de relayer une trithérapie efficace par une bi voire une monothérapie. Il est essentiel de simplifier les traitements anti-VIH pour améliorer la qualité de vie des patients et de trouver les combinaisons ayant le meilleur rapport coût-efficacité. Il faut aussi bien comprendre les effets indésirables à long terme de ces médicaments, qui vont être pris pendant plusieurs décennies. » « L’espoir ultime est évidemment de guérir le patient comme pour l’hépatite C, mais l’intégration du rétrovirus dans le génome cellulaire rend la tâche bien plus compliquée. Un seul cas d’éradication définitive est actuellement décrit chez le célèbre "patient de Berlin". Souffrant d’une leucémie, ce patient séropositif a vu disparaitre son virus après deux greffes de moelle osseuse issue d’un donneur dont les lymphocytes T étaient résistants au VIH-1 du fait d’une mutation spontanée du corécepteur CCR5, empêchant ainsi le virus d’entrer dans les cellules greffées. Sur cette base, de nombreux axes de recherche tentent de modifier les lymphocytes T des patients séropositifs pour les rendre non infectables par le VIH. » « D’autres espoirs résident dans certaines études qui ont montré qu’un traitement très précoce et suffisamment long permet de contrôler le virus après l’arrêt du traitement, même si le virus est toujours présent. Il s’agit du « bébé de Boston » ou de l’étude Visconti 1 conduite par l’ANRS . Il est primordial d’élucider les mécanismes de ces guérisons fonctionnelles pour les appliquer à grande échelle. » LE SUIVI DU VIH EN PRATIQUE DANS LES LABORATOIRES DE VIROLOGIE Le Professeur Morand ajoute « Les débats entre virologues et cliniciens continuent sur la signification d’une charge virale détectable non quantifiable chez les patients traités, sur les techniques moléculaires pour quantifier le réservoir viral et sur la place des techniques de séquençage nouvelle génération ou NGS, next generation sequencing, dans la détection des résistances aux antirétroviraux. En pratique, dans notre laboratoire, nous informons le clinicien si un patient a une charge virale détectable non quantifiable mais nous ne savons pas ce que le clinicien en fait, ni ce que le patient en pense… Par contre, nous participons dans le cadre de l’ANRS à l’évaluation de l’outil NGS pour la détection des résistances car ce nouvel outil aura un jour sa place en routine dans les laboratoires de virologie. » 23 Ci-dessus : virus VIH (HIV) L'artiste plasticien anglais Luke Jerram sensibilise l'opinion, en donnant à voir, dans son projet Glass Microbiology, de délicates sculptures de verre représentant les virus les plus agressifs pour l'humain. PREP, TROD, TASP POUR COMPLÉTER LE PRÉSERVATIF Le traitement comme prévention, ou TasP, treatment as prevention, préconise de traiter tous les patients séropositifs avec des antirétroviraux. « Le TasP, en rendant la charge virale indétectable, diminue drastiquement le risque de transmettre le virus, comme l’a montré l’étude PARTNER où aucune transmission du VIH n’est observée quand le partenaire séropositif est traité. C’est une manière efficace de prévenir l’infection et cela démontre la nécessité de détecter les personnes qui ignorent leur séropositivité d’où l’importance des TROD. » La prévention pré-exposition, ou Prep, vise à traiter « préventivement » avec des antirétroviraux, par voie locale ou orale, les personnes séronégatives qui ont un comportement sexuel à risque, c’est à dire qui ont des partenaires multiples et des rapports sexuels non protégés. « Cette prévention est efficace s'il y a une bonne observance, mais « Certaines études ont montré qu’un traitement très précoce et suffisamment long permet de contrôler le virus après l’arrêt du traitement (...). Il est primordial d’élucider les mécanismes de ces guérisons fonctionnelles, pour les appliquer à grande échelle... » PROFESSEUR MORAND, CHU DE GRENOBLE elle entraîne un risque de stigmatisation des personnes souhaitant y recourir et certains professionnels de santé s'interrogent sur l’efficacité de cette stratégie.» DES PROGRÈS À DEUX VITESSES « Dans les pays riches, les progrès thérapeutiques font du sida une maladie chronique contrôlée chez la grande majorité des patients. Notre principale préoccupation actuellement est donc de dépister les patients qui s’ignorent, d’améliorer la qualité de vie des patients traités, d’en faire des patients porteurs de pathologies chroniques, et, peut-être, de les guérir un jour. Dans les pays en développement, les préoccupations concernant la prévention, le dépistage, l’accès au soin sont d’un tout autre ordre. Malgré des progrès spectaculaires, c’est partout le même virus mais pas partout la même maladie », conclut le Pr Morand. • LE MAGAZINE D’INFORMATION BIOMÉDICALE DE ROCHE DIAGNOSTICS FRANCE