BPSS D o s s i e r t h é m a t i q u e BPSS : toxine botulique dans le traitement de la spasticité post-AVC ■ P. Lavallée* La spasticité est une séquelle fréquente de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Au niveau de la main et des doigts, elle peut être particulièrement invalidante car elle interfère avec la majorité des gestes de la vie quotidienne. De nombreuses études ont montré que la toxine botulique injectée directement dans les muscles concernés diminuait le tonus musculaire. Mais jusqu’à présent un seul essai thérapeutique mené en double aveugle contre placebo avait montré que la toxine pouvait également améliorer la fonctionnalité du membre supérieur. Mais cette étude portait sur un petit nombre de sujets. Le but de cette étude est d’évaluer l’effet de l’injection de toxine botulique A sur le handicap et sur le tonus musculaire du membre supérieur après un AVC. PLAN DE L’ÉTUDE Population étudiée Pour être inclus, les patients devaient avoir plus de 21 ans, un AVC datant d’au moins 6 mois, une spasticité du poignet et des doigts (score d’Ashworth : 3 ou 4 sur le tonus en flexion du poignet et ≥ 2 pour le tonus en flexion des doigts) et des difficultés pour l’hygiène ou l’habillement ou une attitude vicieuse du poignet et des doigts ou des douleurs (score à 2 ou 3 sur la Disability Assessment Scale). Les patients avec une contracture fixée ou une atrophie sévère du membre spastique étaient exclus. * Service de neurologie et centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, hôpital Bichat, Paris. 170 Traitement de l’étude C’est une étude multicentrique, randomisée en double aveugle où les patients recevaient soit 200 à 240 UI de toxine botulique A (50 UI dans les 4 muscles du poignet et des doigts – flexor carpi radialis et ulnaris, fléchisseurs profonds et superficiels des doigts – ± 20 UI dans 1 ou 2 muscles du pouce), soit un placebo. Critères de jugement Le critère de jugement principal était un paramètre fonctionnel mesuré 6 semaines après l’injection. À l’entrée dans l’étude, chaque patient déterminait avec l’investigateur la cible principal du traitement (hygiène de la main, habillage, douleur ou position du membre). Le handicap était mesuré par la Disability Assessment Scale (DAS). Les critères de jugement secondaire étaient le tonus musculaire mesuré par le score d’Ashworth et la réponse globale au traitement appréciée par l’investigateur et le malade. Les sujets étaient évalués à 1, 4, 6, 8 et 12 semaines. RÉSULTATS Sur 126 sujets inclus, 122 ont terminé l’étude (64 du groupe toxine et 58 du groupe placebo). À 6 semaines, les patients traités par toxine étaient améliorés de façon significative, pour le paramètre fonctionnel cible, par rapport au groupe placebo (amélioration d’1 point sur la DAS chez respectivement 62 et 27 % des patients sous toxine versus placebo). L’effet bénéfique persistait à 12 semaines. De plus, 83 % des patients traités par toxine avaient une amélioration ≥ 1 point dans au moins un des 4 paramètres fonctionnels contre 53 % des patients sous placebo. La toxine diminuait également de façon significative l’hypertonie dès la première semaine et jusqu’au 3e mois, avec un effet maximal à 4 semaines. Les scores de réponse globale au traitement étaient nettement meilleurs dans le groupe toxine. En effet pour l’investigateur, à 6 semaines, 67 % des sujets traités par toxine augmentaient leur score de “réponse globale” d’au moins 2 points contre seulement 11 % des sujets sous placebo. L’évaluation par le patient allait dans le même sens puisque le score de “réponse globale” augmentait d’au moins un point chez 53 % des sujets sous toxine contre 15 % chez les sujets traités par placebo. Correspondances en neurologie vasculaire - n° 4 - Vol. II - octobre-novembre-décembre 2002 Faits nouveaux en neurologie vasculaire À 6 semaines, le score obtenu pour le paramètre fonctionnel cible était corrélé au score d’Ashworth et au score de “réponse globale” mesuré par l’investigateur et le patient. Le traitement était bien toléré, un seul sujet a développé des anticorps anti-toxine. COMMENTAIRES La toxine botulique bloque la transmission neuromusculaire en inhibant le relargage de l’acétylcholine au niveau de la plaque motrice. Cet effet est réversible en quelques mois. En neurologie, elle est principalement utilisée dans le traitement de certains mouvements anormaux. Cette étude est le premier grand essai thérapeutique randomisé qui prouve l’efficacité de la toxine botulique sur le handicap du membre supérieur après un AVC. Cette amélioration est validée à la fois par le thérapeute et le malade. Elle est corrélée à la diminution de la spasticité. De façon surprenante, le paramètre fonctionnel cible choisi initialement par le malade et le médecin pour juger de l’efficacité du traitement était amélioré chez 27 % des sujets sous placebo. Et le score fonctionnel global était également amélioré chez 53 % des sujets sous placebo. À côté de l’effet bénéfique indéniable de Correspondances en neurologie vasculaire - n° 4 - Vol. II - octobre-novembre-décembre 2002 la toxine botulique, d’autres mécanismes doivent entrer en jeu. Peut-être qu’un suivi plus régulier des malades permet de renouveler les conseils de prise en charge et redonner au patient une motivation. Les auteurs ne précisent pas si les sujets pouvaient avoir à côté une prise en charge par kinésithérapie. Les scores de jugement global de l’efficacité du traitement appréciés par le malade et le thérapeute étaient bien corrélés. Ils étaient nettement améliorés par la toxine et variaient peu sous placebo. Dans le futur, il faudra déterminer l’effet à long terme de la toxine. L’adaptation des doses en fonction de la réponse et une prise en charge en rééducation (comme ce qui est pratiqué dans les dystonies) pourraient encore améliorer le pronostic. Il faudra aussi évaluer les risques, notamment l’amyotrophie et la résistance à la toxine par synthèse d’anticorps neutralisant. ✓ Brashear A, Gordon MF, Elovic E et al., for the Botox Post-Stroke Study Group. Intramuscular injection of botulinum toxin for the treatment of wrist and finger spasticity after a stroke. N Eng J Med 2002 ; 347 : 395400. 171