Mesure et suivi de l’empreinte écologique des ongulés sauvages sur la végétation forestière Anders Mårell – Maryline Pellerin – Agnès Rocquencourt À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les populations d’ongulés sauvages de plaine et de montagne étaient fortement réduites en France au point d’être, pour certaines d’entre elles, menacées d’extinction (bouquetin, mouflon). Ce n’est qu’à partir du début des années 1980 que les populations d’ongulés de plaine, principalement de cerf élaphe, de chevreuil et de sanglier, ont retrouvé un nouvel essor (Maillard et al., 2010) dont l’ampleur suscite actuellement de vives inquiétudes. Cette forte progression est principalement due aux nouveautés législatives, aux nouvelles directives de chasse et aux réintroductions d’animaux mises en place depuis les années 1960. Ces dernières avaient pour objectif de restaurer les populations (Maillard et al., 2010) mais ont abouti localement à une croissance non maîtrisée de leurs effectifs. En zones rurales et périurbaines, cette croissance non maîtrisée menace certaines activités économiques, comme l’agriculture et la sylviculture. Elle est à l’origine d’une augmentation des risques de collisions sur les réseaux routiers (Vignon et Barbarreau, 2008) et engendre également des risques sanitaires non négligeables pour les populations humaines et le bétail (Dufour et al., 2011). Enfin, quant aux effets sur le milieu naturel, une surabondance de ces animaux peut se traduire par une dégradation des habitats et un appauvrissement local de la biodiversité (Côté et al., 2004). Les ongulés sauvages modifient la structure, la composition et la diversité des communautés végétales à travers différentes activités quotidiennes, comme la quête de nourriture (abroutissement, écorçage, consommation de fruits, retournement de la surface des sols…) et le marquage territorial (frottis, grattis, régalis…). Ces effets sur la végétation peuvent se répercuter à d’autres compartiments de l’écosystème (Martin et al., 2010), on parle de cascades trophiques. D’autres comportements, comme le piétinement, la défécation, la miction et le transport des graines, peuvent aussi influer sur la dynamique de la végétation forestière et avoir, selon le contexte, des effets bénéfiques ou délétères sur le fonctionnement de l’écosystème (Boulanger et al., 2010 ; Abbas et al., 2012). Il est ainsi préférable d’utiliser le terme d’empreinte écologique pour faire référence aux différents effets que les ongulés sauvages peuvent avoir sur l’écosystème forestier, car le mot impact est souvent associé de manière implicite aux effets négatifs (dégâts forestiers, collisions véhicules…). Une gestion durable des forêts suppose de trouver un compromis entre les effets nuisibles et les services rendus par les ongulés sauvages à l’homme et à l’écosystème, que ce soit sur le plan économique, social ou écologique. À titre d’exemple, on compte parmi les aspects négatifs les dégâts agricoles et forestiers, les risques routiers et sanitaires, les conflits entre usagers de la nature et l’appauvrissement des communautés végétales. Les services rendus regroupent notamRev. For. Fr. LXIV - 5-2012 - © AgroParisTech, 2013 711 ANDERS MÅRELL – MARYLINE PELLERIN – AGNÈS ROCQUENCOURT ment les revenus de la chasse, la valeur patrimoniale des ongulés, le contrôle d’espèces envahissantes et la dispersion des graines. Au regard de ces effets divers et de leur importance pour l’homme et l’écosystème, l’équilibre forêt-gibier est une composante essentielle de la gestion durable. Pour prendre sens et valeur, le concept d’équilibre forêt-gibier, qui fait consensus, doit lui aussi être explicité dans ses différentes facettes : écologique, économique et sociale (cf. encadré ci-dessous). L’enjeu est de réussir à concilier les aspects écologiques, économiques et sociaux, en trouvant un compromis acceptable par tous, basé sur des réalités biologiques comme la capacité de la forêt à se régénérer. La difficulté de la démarche réside dans l’identification des niveaux acceptables et des seuils à ne pas franchir. Ce compromis pourra être évalué et pourra également évoluer en fonction des outils de gestion disponibles, dans une démarche de gestion adaptative. La gestion forestière joue en effet un rôle important et elle peut contribuer à accentuer ou à atténuer les conflits forêt-gibier en fonction du choix de l’essence objectif, du mode de renouvellement des peuplements et du degré d’hétérogénéité du milieu à différentes échelles spatiales et temporelles (Graham et al., 2010 ; Kuiper, 2011). Cette démarche de gestion adaptative repose donc sur la mise en œuvre d’indicateurs que nous détaillons ci-dessous pour les aspects principalement écologiques en lien avec la végétation forestière. Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux liés au concept d’équilibre forêt-gibier Une composante essentielle de la gestion durable est d’évaluer et de suivre l’équilibre forêt-gibier qui est à expliciter selon trois aspects, qui correspondent également aux piliers de la multifonctionnalité en forêt : l’économie, le social et l’écologie. Du point de vue économique, le concept d’équilibre forêt-gibier repose sur les notions de coûts et bénéfices liés à la présence de gibier. En effet, la présence de grand gibier sur un territoire engendre une activité économique non négligeable à l’échelle locale dans certaines régions, grâce notamment à la chasse (Vollet et al., 2008). Sur ces aspects cynégétiques, à titre d’exemple, les recettes annuelles globales brutes de l’ONF s’élevait à 45 M€ en 2010. Cependant, le grand gibier est également à l’origine de contraintes pour certains acteurs du milieu rural. Ces dernières peuvent se traduire par des coûts supplémentaires. Parmi les coûts engendrés, on peut citer l’indemnisation des dégâts occasionnés aux cultures agricoles par les sangliers et les cervidés — 23 millions d’euros aujourd’hui (Guibert, 2008) soit le double du montant des années 1980 — et le renouvellement des peuplements dont l’avenir a été compromis par les cervidés. Sur ce dernier point, une étude récente de Ballon et al. (2005) sur cinq départements (Landes, Oise, Sarthe, Tarn et Vosges) estime que, sur 1,2 million d’hectares de forêt étudiés, les cervidés auraient compromis l’avenir des peuplements sur environ 5 000 ha des 40 000 ha de peuplements sensibles, soit 12,5 %. Sur la base d’évaluations actuelles des coûts liés à la régénération par plantation (de 3 000 à 5 000 €/ha), le préjudice peut être estimé à entre 15 et 25 millions d’euros à l’échelle des départements étudiés. Les ongulés sauvages constituent également un potentiel important de collisions routières — progression de 3 700 à 23 500 collisions annuelles depuis la période 1984-1986 (Vignon et Barbarreau, 2008) — qui se traduisent en général par des dégâts matériels importants, des blessures, voire des décès. De plus, les mesures dédiées 712 Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 Les indicateurs forestiers sur la voie d’une gestion durable ? à la diminution des risques de collisions entre le trafic et la grande faune sauvage génèrent des coûts supplémentaires pour la société. Du point de vue social, les ongulés sauvages rendent aussi un grand nombre de services à la société. Ils constituent en premier lieu des espèces emblématiques dotées de fortes valeurs patrimoniales issues principalement de la vie culturelle associée à la chasse du grand gibier. La chasse elle-même s’apparente à une activité populaire dans le monde rural ; elle favorise les échanges et les liens entre différentes générations et milieux sociaux. Cependant, les ongulés sauvages sont aussi porteurs de nombreuses maladies infectieuses et servent d’hôtes pour de nombreux parasites, eux-mêmes porteurs ou vecteurs de maladies. Ces maladies constituent des risques sanitaires à la fois pour les humains et pour le bétail. Une expertise récente par Dufour et al. (2011) sur la tuberculose bovine souligne la crainte qu’une épidémie ne se développe en France si la société ne met pas en place des mesures de prévention pour éviter que l’infection des populations animales sauvages (sanglier, cerf élaphe, blaireau et renard) ne se pérennise comme cela a été observé en Europe (îles britanniques). Les cervidés jouent également un rôle important dans la dynamique des populations de tiques. De fortes densités de cervidés, en interaction avec les pratiques sylvicoles (Tack et al., 2012), augmentent en effet le risque pour l’homme de contracter des maladies transmises par les tiques telles que la maladie de Lyme. Du point de vue écologique, la notion d’équilibre forêt-gibier repose sur les concepts de « densité-dépendance » et de capacité d’accueil en écologie des populations. Ces derniers postulent que les effets des animaux sur le milieu génèrent des répercussions sur la population animale elle-même à mesure que celle-ci s’approche de la capacité d’accueil maximale du milieu. L’objectif d’une gestion durable est alors bien souvent de maintenir la population à un niveau d’effectif adapté au milieu (c’est-à-dire inférieur à la capacité d’accueil) tout en gérant le milieu forestier de façon à améliorer la capacité d’accueil. Cette démarche vise à assurer une meilleure performance démographique de la population animale (optimisant ainsi la production de gibier) et à s’assurer que les effets sur le milieu forestier ne dégradent pas l’écosystème en empêchant le renouvellement du peuplement forestier, en diminuant sa productivité ou en engendrant des effets irréversibles sur la biodiversité. Le cas du massif du Donon (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Vosges et Bas-Rhin) est un exemple où les dégâts de gibier ont dépassé le seuil à ne pas franchir concernant le renouvellement durable des sapinières : Flament et Hamard (2011) montrent que les cervidés sont la principale cause d’échec pour régénérer les sapinières. D’autres études montrent que les ongulés sauvages modifient la structure et la composition des communautés végétales forestières, notamment en termes de richesse et de diversité (Pellerin et al., 2010), sans pour autant faire basculer l’écosystème irréversiblement vers d’autres états. Pour conclure, il est important de signaler que les conséquences économiques peuvent être importantes pour certains acteurs sans pour autant avoir un impact sur les aspects écologiques. Par exemple, les dégâts sylvicoles peuvent entraîner des surcoûts insupportables liés au renouvellement de la forêt avec les essences objectif (c’est-à-dire maintien de la production forestière), mais la pression n’est pas suffisante pour que la forêt ne soit plus capable de se régénérer de façon naturelle avec d’autres essences que les essences objectif (c’est-à-dire le maintien du fonctionnement de l’écosystème forestier). L’objectif de gestion est alors de maintenir un niveau de population animale qui soit économiquement supportable et politiquement acceptable (niveaux et seuils à définir selon le contexte) et de gérer le milieu forestier afin de réduire sa sensibilité aux dégâts (exemple : création de cloisonnements, plantation dans le recrû…). Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 713 ANDERS MÅRELL – MARYLINE PELLERIN – AGNÈS ROCQUENCOURT INDICATEURS DE CHANGEMENT ÉCOLOGIQUE ET SUIVIS DE LA PRESSION Pour estimer et suivre l’équilibre forêt-gibier, le gestionnaire a besoin d’informations sur l’historique et l’état actuel de la population animale, l’évolution de son abondance et de sa performance, ainsi que sur les conséquences en termes de pression et d’effets sur le milieu. Un groupe de scientifiques français a développé les indicateurs de changement écologique (ICE) ; il s’agit d’outils d’aide à la gestion des populations d’ongulés sauvages et de leurs effets sur le milieu. Les ICE décrivent l’interaction entre la population animale et son habitat, afin de fournir des éléments quantitatifs relatifs à l’état de la pression, son évolution et ses conséquences (Morellet, 2008). Les ICE s’inscrivent dans une démarche de gestion adaptative : le décideur analyse des tendances temporelles de l’évolution de la population animale et de ses effets sur le milieu. Le concept d’ICE a été proposé comme outil d’aide à la gestion cynégétique et forestière suite aux difficultés à précisément connaître l’effectif des populations d’ongulés sauvages. En effet, les approches antérieures se basaient sur des estimations d’effectifs et leur comparaison à des objectifs préalablement fixés. Le suivi par ICE a été initialement développé pour le chevreuil, mais il s’élargit progressivement à d’autres ongulés sauvages (cerf élaphe, chamois, mouflon et sanglier). Le groupe ICE est principalement composé de scientifiques spécialistes d’écologie animale. Ceci explique la prédominance des indicateurs établis à partir du compartiment « animal » (abondance des populations, performance des individus), le déficit d’indicateurs de pression sur le milieu (régénération forestière et flore) et l’absence d’indicateurs de l’empreinte écologique (tableau I, p. 715). Ainsi, il manque des indicateurs pour évaluer et suivre les dégâts sur la régénération forestière et les effets sur le fonctionnement et la biodiversité de l’écosystème. Nous exposons ci-dessous le potentiel que présente la végétation comme indicateur pour évaluer et suivre l’empreinte écologique d’ongulés sauvages. LA VÉGÉTATION COMME INDICATEUR POUR ÉVALUER ET SUIVRE L’EMPREINTE ÉCOLOGIQUE D’ONGULÉS SAUVAGES En France, les ongulés sauvages sont principalement herbivores, excepté le sanglier qui est frugivore-omnivore. La pression d’abroutissement ou de consommation sur la végétation est ainsi la mesure la plus directe pour estimer la pression d’herbivorie (ici définie comme étant le nombre d’animaux par la masse du fourrage disponible). En effet, la quantité de végétation consommée est étroitement liée aux besoins énergétiques des animaux. De nombreuses études ont montré que le taux de broutement des espèces lignifiées est fortement corrélé aux effectifs des animaux. En France, le groupe ICE a validé deux indicateurs basés sur le taux de consommation et qui sont utilisés par les gestionnaires pour suivre la pression d’herbivorie : l’indice de consommation (IC) des espèces lignifiées (Boscardin et Morellet, 2007) et l’indice d’abroutissement (IA) d’une essence objectif : le Chêne (Chevrier et al., 2006). Il reste cependant à traduire ces mesures de pression en termes d’empreinte écologique (c’est-à-dire les effets sur la régénération forestière ou la biodiversité) pour savoir si l’impact est à un niveau acceptable ou s’il s’approche d’un seuil critique à ne pas dépasser. L’empreinte écologique des ongulés sauvages sur la végétation peut être mesurée en quantifiant les réponses des plantes à l’échelle des populations ou des communautés végétales. À l’échelle des populations végétales, l’approche consiste à sélectionner un nombre restreint d’espèces végétales et à mesurer les effets sur un ou plusieurs paramètres démographiques ou 714 Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 Les indicateurs forestiers sur la voie d’une gestion durable ? Tableau I Ensemble des indicateurs de changement écologique (ICE) développés et validés pour le chevreuil et le cerf élaphe par le groupe français ICE, actualisé d’après Morellet (2008) Indicateur Description Sites de validation Références L’abondance de la population animale Chevreuil Indice kilométrique pédestre Nombre de chevreuils vus par kilomètre Dourdan (Essonne) (cf. Morellet, 2008) Taille de groupe Nombre de chevreuils par groupe Dourdan (Essonne) (cf. Morellet, 2008) Nombre de groupes de cerfs élaphes vus par kilomètre La Petite Pierre (Bas-Rhin) (Hamann et al., 2011) Cerf élaphe Suivis aux phares La qualité et la performance individuelle des animaux Chevreuil Fécondité Proportion de femelles gestantes de chevreuil Chizé (Deux-Sèvres), Dourdan (Essonne), Trois-Fontaines (Marne) (cf. Morellet, 2008) Masse corporelle Masse corporelle des faons de chevreuil Haye (Meurthe-et-Moselle), (cf. Morellet, Trois-Fontaines (Marne), 2008) Chizé (Deux-Sèvres) Taille mâchoire Longueur de la mâchoire des faons Dourdan (Essonne) de chevreuil (cf. Morellet, 2008) Taille patte arrière Longueur de la patte arrière des faons de chevreuil Chizé (Deux-Sèvres) (Delorme, 2007 ; cf. Morellet, 2008) Infections Prévalence de Trichuris chez les faons de chevreuil Trois-Fontaines (Marne) (Body et al., 2011) Fécondité Proportion de femelles gestantes de cerf élaphe La Petite Pierre (Bas-Rhin) (Bonenfant et al., 2002) Masse corporelle Masse corporelle des faons de cerf élaphe La Petite Pierre (Bas-Rhin) (Bonenfant et al., 2002) Cerf élaphe La pression sur le milieu Chevreuil Indice de consommation Taux d’abroutissement de la flore lignifiée Dourdan (Essonne) (Boscardin et Morellet, 2007 ; cf. Morellet, 2008) Indice d’abroutissement Trois-Fontaines (Marne) (Chevrier et al., 2006) Taux d’abroutissement des semis de chênes L’impact sur le milieu Chevreuil – – – Cerf élaphe – – – Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 715 ANDERS MÅRELL – MARYLINE PELLERIN – AGNÈS ROCQUENCOURT morphologiques susceptibles de répondre aux fluctuations de densité des populations animales. Il peut s’agir de mesurer dans la population végétale étudiée : la survie (par exemple le taux de mortalité), la croissance (par exemple la croissance en hauteur moyenne) ou la fécondité (par exemple le pourcentage d’individus en fleurs). Des indicateurs basés sur des paramètres morphologiques pourraient être liés aux traits de résistance à l’herbivorie (par exemple des défenses inductibles contre l’herbivorie, soit structurelles soit chimiques). Il s’agit ainsi d’une mesure d’impact direct et non plus d’une mesure de la pression d’herbivorie. L’approche populationnelle a le potentiel de développer des indicateurs très précis et sensibles à la pression d’ongulés et permet au gestionnaire d’identifier les effets sur l’écosystème et d’anticiper une évolution difficilement réversible en cas de surabondance. Cette approche est adaptée à l’étude d’un massif forestier, en particulier, mais beaucoup moins à des suivis à plus large échelle. Un des inconvénients de ce niveau d’étude est qu’il dépend de la répartition, des conditions stationnelles et des variations interannuelles de l’espèce végétale cible. Cependant, quelques espèces végétales ubiquistes comme la ronce, le lierre ou les essences objectif (cf. l’IA) pourraient potentiellement être utilisées à une plus grande échelle. À l’échelle des communautés végétales, la démarche consiste à mesurer des changements de structure, de composition et de diversité de la communauté végétale. Il peut s’agir soit d’une approche par espèce en quantifiant la présence-absence (ou l’abondance) des espèces vulnérables, tolérantes ou favorisées en fonction de la pression d’ongulés sur le milieu, soit d’une approche par trait en quantifiant la présence des traits d’histoire de vie caractéristiques de la résistance ou de la résilience à la pression d’ongulés. Une plante vulnérable qualifie une espèce dont les chances de persister dans le milieu diminuent avec la densité d’animaux et descendent en dessous d’un seuil critique (seuil en dessous duquel le risque d’extinction de la population ou de la métapopulation de la plante est important ; figure 1, p. 717). Il s’agit par exemple de certaines phanérophytes telle que le Lierre. Par contre, une plante tolérante persiste dans le milieu même à de très fortes densités d’ongulés sauvages (c’est-à-dire que la probabilité de présence ou l’abondance de l’espèce ne descendent pas en dessous du seuil critique, figure 1). C’est le cas de certaines géophytes telle que l’Anémone sylvie. La probabilité de présence ou l’abondance d’une espèce favorisée augmentent avec la densité d’animaux ; certaines graminées telle que l’Agrostide vulgaire en sont un exemple. En quantifiant les réponses des espèces à la pression d’herbivorie selon leur degré de tolérance (1 pour une plante très vulnérable à la pression d’herbivorie, 5 pour une plante tolérante à une pression d’herbivorie moyenne, 9 pour une plante particulièrement favorisée à des très fortes densités d’animaux) et en moyennant ces valeurs à l’échelle de la communauté, il sera possible d’évaluer de façon quantitative l’empreinte écologique d’ongulés sauvages dans un écosystème à partir de relevés floristiques (comparer à l’utilisation des valeurs Ellenberg pour la caractérisation stationnelle). L’avantage principal de l’approche par des traits fonctionnels est sa large échelle d’application car elle peut être transposable à d’autres contextes similaires sans pour autant abriter les mêmes espèces végétales que celles initialement utilisées pour la validation du modèle. Par conséquent, cette approche offre la possibilité d’appréhender l’équilibre forêt-gibier à une échelle régionale, voire nationale. Ce type d’indicateur permettra d’évaluer et de suivre les effets des ongulés sauvages sur le fonctionnement et la biodiversité de l’écosystème et, à terme, il pourrait être intégré dans la démarche des indicateurs de gestion durable des forêts françaises. PERSPECTIVES Des études menées en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne montrent la grande diversité d’indicateurs basés sur la végétation pour évaluer et suivre l’empreinte écologique des ongulés 716 Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 Les indicateurs forestiers sur la voie d’une gestion durable ? FIGURE 1 ILLUSTRATION SCHÉMATIQUE DE LA PROBABILITÉ DE PRÉSENCE OU D’ABONDANCE DES PLANTES VULNÉRABLES, TOLÉRANTES, INDIFFÉRENTES ET FAVORISÉES EN FONCTION DE DIFFÉRENTES DENSITÉS DE LA POPULATION ANIMALE (ONGULÉS SAUVAGES). Vulnérable = la probabilité de présence ou l’abondance de l’espèce diminue avec la densité d’animaux et descendent en dessous d’un seuil critique (seuil en dessous duquel le risque d’extinction de la population ou de la métapopulation de la plante est important). Tolérante = la plante persiste (c’est-à-dire que la probabilité de présence ou l’abondance de l’espèce ne descend pas en dessous du seuil critique) dans le milieu même à des très fortes densités d’animaux. Indifférente = pas d’effets ou les effets sont moindres que la magnitude de la significativité biologique (l’effet sur la plante est statistiquement significatif, mais n’a pas d’incidence importante sur la présence ou l’abondance de la plante). Favorisée = la probabilité de présence ou l’abondance de l’espèce augmente avec la densité d’animaux. Présence/Abondance Favorisée Indifférente Significativité biologique Tolérante Seuil critique Vulnérable Densité d'animaux sauvages (tableau II, p. 718). Ces indicateurs, qui pourraient être utilisés en France, sont tous des indicateurs à l’échelle populationnelle des espèces végétales. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’indicateurs à l’échelle des communautés végétales, basés sur des traits fonctionnels, qui concernent les ongulés sauvages en zone tempérée. Ce type d’indicateurs nous semble très prometteur. Pour cette raison, nous sommes actuellement en train de mettre en relation, sur une zone géographique restreinte, les données floristiques de l’Inventaire forestier national (IFN) et les statistiques de chasse de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. L’objectif est d’identifier des espèces vulnérables, tolérantes ou favorisées selon la pression des ongulés Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 717 ANDERS MÅRELL – MARYLINE PELLERIN – AGNÈS ROCQUENCOURT Tableau II Exemples d’indicateurs basés sur la végétation en Amérique du Nord et en Grande-Bretagne Variables Espèces ou groupes d’espèces Paramètres de pression exercée par les animaux • Broutement Taux de broutement • Frottis Fréquence de frottis Acer saccharum(2), Aster divaricatus(2), Aster prenanthoides(2), Chelone glabra(2), Impatiens capensis(2), Trillium grandiflorum(2), rejets de souche(1), semis d’arbres(1), arbustes(1), « browse line »(1), Hedera helix(1), Primula sp.(1), Hyacinthoides non-scripta(1), Mercurialis perennis(1) Arbres(1) Paramètres démographiques • Survie Fréquence Densité • Croissance Recouvrement Acer spicatum(2), Arailia nudecalis(2), Betula allegheniensis(2), Clintonia borealis(2), Maianthemum canadense(2), Sorbus decora(2), Taxus canadensis(2) Arisaema tryphyllum(2), Laportea canadensis(2), Maianthemum canadense(2), Orchis specatabilis(2), Smilicina spp.(2), Uvalaria sp.(2), Polygonatum sp.(2) Arailia nudecalis(2), Clintonia borealis(2), Maianthemum canadense(2) Hauteur Actea pachypoda(2), Arisaema tryphyllum(2), Clintonia borealis(2), Mercurialis perennis(1), Osmorrhiza clatyonii(2), Trillium grandiflorum(2) Taille des feuilles Maianthemum canadense(2), Trillium grandiflorum(2) • Fécondité Inflorescences Arisaema tryphyllum(2), Maianthemum canadense(2), Orchis spectabilis(2), Smilicina spp.(2), Trillium grandiflorum(2), Ulvaria sp.(2), Polygonatum sp.(2) (1) Cooke (2009). (2) Kirschbaum et Anacker (2005). sauvages et les traits d’histoire de vie associés. Sous l’hypothèse que nous puissions établir une liste des espèces et des traits, nous envisageons de réaliser une cartographie à l’échelle régionale, voire nationale, de la pression et de l’empreinte écologique des ongulés sauvages à partir des relevés floristiques de type IFN. Les analyses préliminaires montrent que l’espèce d’ongulé influe sur les résultats : l’effet du chevreuil n’est pas le même que celui du sanglier ou du cerf, à cause de leurs différences de taille, de régime alimentaire et de comportement. Ce premier constat complique les analyses et risque de rendre les résultats plus complexes et moins généralisables, mais il pourrait aussi permettre de distinguer l’effet de différents groupes fonctionnels d’ongulés sauvages (brouteurs, paisseurs, omnivores…). La qualité des données initiales (justesse et exhaustivité des relevés floristiques, précision et justesse de l’estimation de la pression d’herbivorie) est une autre difficulté rencontrée pendant les analyses ; elle pourrait menacer l’exactitude des résultats. L’ampleur du gradient de la pression d’herbivorie rencontré dans notre zone d’étude et la quantité de relevés floristiques sur laquelle nous nous basons pour les analyses statistiques nous permettent de contourner en grande partie ces problèmes. Les prochaines étapes seront : — de compléter les analyses afin d’identifier les réponses des espèces, 718 Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 Les indicateurs forestiers sur la voie d’une gestion durable ? — d’identifier les traits d’histoire de vie qui caractérisent les espèces vulnérables, tolérantes et favorisées selon la pression d’herbivorie, — d’estimer l’impact sur le milieu pour une région donnée à partir des relevés floristiques en se basant sur des traits fonctionnels (IFN, conservatoires botaniques…), — de valider cette estimation (modèle) en utilisant des jeux de données indépendants (dispositifs RENECOFOR, enquête auprès des gestionnaires…). Anders MÅRELL Irstea UR EFNO Écosystèmes forestiers F-45290 NOGENT-SUR-VERNISSON ([email protected]) Maryline PELLERIN Irstea UR EFNO Écosystèmes forestiers F-45290 NOGENT-SUR-VERNISSON Actuellement CNERA Cervidés-Sanglier OFFICE NATIONAL DE LA CHASSE ET DE LA FAUNE SAUVAGE Au bord du Rhin F-67150 GERSTHEIM ([email protected]) Agnès ROCQUENCOURT Irstea UR EFNO Écosystèmes forestiers Domaine des Barres F-45290 NOGENT-SUR-VERNISSON ([email protected]) Remerciements Les idées présentées ci-dessus sont le fruit des réflexions menées dans le cadre d’un projet de recherche financé par le département de l’eau et de la biodiversité du ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement pour lequel nous exprimons notre profonde gratitude. Nous sommes également très reconnaissants envers les autres partenaires du projet, l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’Office national des forêts, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et la Fédération nationale des chasseurs, pour la mise à disposition des données environnementales et des dispositifs expérimentaux. Nous aimerions aussi remercier tous les participants du réseau d’indicateurs de changement écologique et nos collègues de l’unité de recherche Écosystèmes forestiers pour les nombreux échanges scientifiques sur le sujet des indicateurs et des suivis de l’équilibre forêt-gibier. Nous remercions également les deux relecteurs anonymes, dont les suggestions nous ont permis d’améliorer cet article. 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MESURE ET SUIVI DE L’EMPREINTE ÉCOLOGIQUE DES ONGULÉS SAUVAGES SUR LA VÉGÉTATION FORESTIÈRE (Résumé) Les populations d’ongulés sauvages ont progressé depuis les années 1980 au point aujourd’hui de poser des problèmes économiques, sociaux et environnementaux. Une gestion durable des forêts suppose de trouver un compromis entre les effets nuisibles (économiques, sanitaires et écologiques) et les services rendus (économiques, patrimoniaux et écologiques) à l’homme et à l’écosystème. Une composante essentielle de la gestion durable est d’évaluer et de suivre ces effets afin d’éviter des dégâts excessifs ou des dommages irréversibles. Elle repose donc sur des indicateurs, que nous détaillons ici pour les aspects principalement écologiques en lien avec la végétation forestière. Basés sur les principes de la gestion adaptative, les indicateurs de changement écologique (ICE) mettent à la disposition des décideurs et gestionnaires des indicateurs qui renseignent sur l’évolution du couple population animale-milieu. Néanmoins, parmi eux, manquent des indicateurs pour évaluer et suivre les dégâts sur la régénération forestière et les effets sur le fonctionnement et la biodiversité de l’écosystème. Nous proposons ici d’utiliser les réponses des plantes à l’échelle des populations ou des communautés végétales afin d’évaluer et suivre l’empreinte écologique des ongulés sauvages en milieu forestier. La notion de l’empreinte écologique prend en compte le fait que les effets d’ongulés sauvages ont, selon le contexte, des effets bénéfiques ou délétères sur le fonctionnement de l’écosystème. À terme, ces indicateurs pourraient être intégrés dans la démarche des indicateurs de gestion durable des forêts françaises. MEASUREMENT AND MONITORING OF THE ECOLOGICAL IMPACT OF WILD UNGULATES ON FOREST VEGETATION (Abstract) Populations of wild ungulates have been increasing since the 1980s to the extent that they now raise economic, social and environmental problems. Sustainable forest management implies that a compromise is found between the harmful effects (on the economy, health and the environment) and the services rendered (to the economy, the heritage and the environment) to man and the ecosystem. A crucial component of sustainable management is evaluation and monitoring of these effects to avoid excessive destruction or irreversible damage. This relies on indicators that we describe here in their essentially ecological aspects in connection with forest vegetation. Based on the principles of adaptive management, ecological change indicators (ECIs) provide decision-makers and managers with indicators as to changes in the animal/habitat pair. However, they do not include indicators enabling damage to forest regeneration to be evaluated or monitored, or ones for effects on ecosystem functioning and biodiversity. We propose using the responses of plants on the scale of populations or plant communities so as to assess and monitor the ecological impact of wild ungulates in forest environments. The notion of ecological impact takes on board the fact that, depending on the particular context, the effects of wild ungulates may be either beneficial or harmful for ecosystem functioning. In the longer term, these indicators could be incorporated into the sustainable management indicator approach in French forests. Rev. For. Fr. LXIV - 5-2012 721