Comment. Math. Helvetici 60 (1985) 085-106 0010-2571/85/010085-22501.50 + 0.20/0
9 1985 Birkhfiuser Verlag, Basel
Type d'homotopie des treiHis et treillis des
sous-groupes d'un groupe fini
CHARLES KRATZER et JACQUES THIEVENAZ
A tout ensemble (partiellement) ordonn6 L, on peut associer un complexe
simplicial IL I dont les n-simplexes sont les chalnes a0< al <" 9 9 < a~ dans L. Si E,
est un treillis fini avec 616ment minimal 0 et 616ment maximal 1, on s'int6resse aux
propri6t6s homotopiques de complexe ILl off L--L-{0, 1}. Notons qu'il est
n6cessaire d'enlever 0 et 1 sinon le complexe est un c6ne, donc contractile. Soit
a ~ L un point fix6; rappelons qu'un compl6ment de a est un 616ment c ~ L tel que
c A a = 0 et c v a = 1. On d6montre tout d'abord (Proposition 1.8) que s'il existe
un point a sans compl6ment, alors ILl est contractile. Certains points tr~s
particuliers de L, appel6s pivots, permettent de d6crire le type d'homotopie de
ILl. Le th6or~me principal (Th6or~me 2.4) aifirme en effet qu'on peut
entibrement connaitre ILl h homotopie pros en fonction de sous-complexes
d6termin6s par un pivot et ses compl6ments. On montre alors (Proposition 3.1)
que tout point maximal d'un treillis modulaire est un pivot, et il en r6sulte
(Th6orbme 3.4) que le complexe associ6 ~ un treiUis modulaire ale type
d'homotopie d'un bouquet de sph6res de dimension n - 2, off n est la longueur du
treillis. La version homologique de ce r6sultat est rifle ~t Folkman [F] pour les
treillis g6om&riques. En particulier, on calcule ais6ment le type d'homotopie du
treillis des sous-espaces d'un espace vectoriel fini et on retrouve ainsi la version
homologique de ce r6sultat, dfie h Lusztig [L].
Si maintenant/~ est le treillis des sous-groupes d'un groupe fini G, on 6tudie
d'abord quelques conditions pour que ILl soit contractile. On montre que si Nest
un sous-groupe de G normal ab61ien et semi-simple comme •G-module (G
agissant par conjugaison sur N), alors N est un pivot (Th6orbme 4.7). ]1 en r6sulte
que si G est r6soluble, le complexe associ6 a le type d'homotopie d'un bouquet de
spheres de dimension n- 2, ofa nest la longueur d'une suite principale de G
(CoroUaire 4.10). Le nombre de ces spheres (qui n'est autre que la caract6ristique
d'Euler r6duite du complexe) est facilement calculable en fonction du nombre de
compl6ments de chaque sous-groupe normal d'une suite principale. On retrouve
I~ un r6sultat de notre article [K-T] o~ seule la fonction de M6bius du treillis 6tait
6tudi6e. En effet, il est bien connu [R] que cette fonction coincide avec la
caract6ristique d'Euler r6duite du complexe associ6.
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CHARLES KRA'IZER ET JACQUES TH~VENAZ
Le premier paragraphe est consacr6 aux prOliminaires et ~ quelques r6sultats
gOnOraux. Le thOor~me principal est dOmontr6 au paragraphe 2. Les applications
du thOorOme aux treillis modulaires font l'objet du troisi~me paragraphe. Enfin,
dans le dernier paragraphe, nous 6tudions le complexe associ6 au treillis des
sous-groupes d'un groupe fini.
1. Pr61iminaires
Soit E un ensemble (partiellement) ordonn6 et soit [El le complexe simplicial
associO: un n-simplexe de
IEI
est une chalne a0<al<'"<a~ dans E. Une
application croissante
f:E ~ F
entre ensembles ordonnOs induit une application
simpliciale Ifl:lEI ~ IFI.
Cette construction permet d'appliquer aux ensembles
ordonnOs des concepts topologiques. Ainsi on dira par exemple que E est
contractile si
IEI
l'est et que f est une 6quivalence d'homotopie si Ifl l'est.
Nous aUons faire un large usage des rOsultats suivants [O, w
1.1.
Si E possi~de un plus grand (ou plus petit) ~l~ment a, alors [El est un cone
de sommet a. En particulier, E est contractile.
1.2.
Si f, g : E --~ F sont deux applications croissantes telles que f(x) >-
g(x)
pour
tout x e E, alors
Ill
est homotope a
Igl.
Ces deux propriOtOs impliquent la suivante:
1.3.
Soit f: E--~ E une application croissante eta el(E). Si x <=f (x)>--_ a pour
tout x e E, alors IEI ale type d' homotopie d' un cone de sommet a. En particulier, E
est contractile.
On ale mOme rOsultat en renversant les inOgalitOs.
1.4. TI-IEORI~ME A (Quillen).
Soit f : E ~ F une application croissante. Pour
y ~ F, on consid~re la "fibre" f/y = {x ~ E; f(x) <-
y}.
Si f/y est contractile pour tout
y ~ F, alors f est une Equivalence d'homotopie.
On ale m~me rOsultat en rempla~ant dans l'Ononc6
fly
par y\f = {x ~ E; y <-__ f(x)}.
Remarque
1.5. On utilisera ce thOor~me dans le cas d'une inclusion i : E ~ F.
Pour
y ~ E, li/yl
est un cone de sommet y, si bien qu'il suftit, pour 6tre dans les
hypotheses du thOor~me, de montrer que
i/y
est contractile si y ~ F-E.
Type d'homotopie des treillis et treillis des sous-groupes d'un groupe fini 87
Soit E un ensemble ordonn6 et a, b e E. On d6finit les intervalles [a, b] =
{x e E; a <= x <_-- b} et (a, b) = {x 9 E; a < x < b}. Si /~ est un ensemble ordonn6
poss6dant un unique 616ment minimal 0 et un unique 616ment maximal 1 (si bien
que /~ = [0, 1]), on s'int6ressera h E = (0, 1). Cela s'applique en particulier aux
treillis finis, car ils ont n6cessairement un unique 616ment minimal et un unique
616ment maximal.
PROPOSITION 1.6. Soit/~ = [0, 1] un ensemble ordonnE [iniet E = (0, 1). Soit
A un sous-ensembIe de E tel que (0, a) est contractile pour tout a 9 A. Alors
l'inclusion E-A ~ E est une Equivalence d'homotopie.
Preuve. Soit M l'ensemble des 616ments maximaux de A. I1 suffit de montrer
que i : E- M ~ E est une 6quivalence d'homotopie, puis de r6p6ter l'op6ration.
Par le Th6or~me A et la Remarque 1.5, il suftit de montrer que si y e M, i/y est
contractile. Mais comme deux 616ments de M ne sont pas comparables, tout x < y
appartient ~ E-M, si bien que i/y = (0, y). Le r6sultat s'ensuit car (0, y) est
contractile par hypoth~se. []
Remarque. Dualement, E garde le m6me type d'homotopie si on lui enl~ve
des points a pour lesquels (a, 1) est contractile.
Dans la suite, /~ d6signera un treillis fini, c'est-h-dire un ensemble fini
(partiellement) ordonn6 L tel que route paire d'616ments a, b poss~de un
supremum, not6 a v bet un infimum, not6 a A b; nous noterons 0 son unique
616ment minimal, 1 son unique 616ment maximal et L = (0, 1). Rappelons que si
a e L, un complement de a dans E, est un ~16ment c e/~ tel que c A a = 0 et
cva=l.
LEMME 1.7. Soit a, x c E tels que a v x = 1. Sic est un complement de a/x x
dans [0, x], alors c est un complErnen~ de a dans [0, 1] = f..
Preuve. On a cva>--cv(aAx)=x, si bien que cva >--xva = 1 et donc cva=
1. Par ailleurs, c/xa=eAxAa=O. []
Dualement, si a/x x = 0 et sic est un compl6ment de a v x dans [x, 1], alors c
est un compl6ment de a dans L.
PROPOSITION 1.8. Soit L = [0, 1] un treillis fini et L = (0, 1). S'il existe a ~ L
ne possEdant pas de complement dans L,, alors Lest contractile.
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CHARLES KRATZER ET JACQUES TI-IEVENAZ
Preuve.
Soit X = {x e L; a v x = 1}. Par le lemme 1.7, six e X, alors a A X n'a
pas de compl6ment dans [0, x]. Par induction sur le cardinal de L, on peut
supposer que (0, x) est contractile. Remarquons qu'au d6part de l'induction, X est
n6cessairement vide. Par la Proposition 1.6, L -X ~ L est alors une 6quivalence
d'homotopie et il suffit donc de montrer que L- X est contractile. Or pour tout
yeL-X,
on a
yvaeL-X
et y--<__yva>_-a. Ainsi par 1.3,
L-X
est
contractile. []
Remarque. La
r6ciproque de la Proposition 1.8 n'est pas vraie. Soit en effet
L = (0, 1) = {a, b, c, d, e, f} avec a > b < c > d < e > f. Alors Lest contractile et
tout point poss6de un compl6ment dans /[. Par aiUeurs, Bj6rner d6montre dans
[B2] par d'autres m6thodes un r6sultat plus g6n6ral: pour qu'un treillis soit
non-contractile, il faut qu'il soit
fonement
compl6ment6.
2. Pivots et type d'homotopie
Soit/_[ = [0, 1] un treillis fini, L -- (0, 1) eta e L. L'ensemble des compl6ments
de a dans/~ est not6 a On suppose que a est non vide sinon Lest contractile
(Proposition 1.8). Sic e a on note [0, a] c l'image de l'application [c, 1] --* [0, a];
X~---~XAa.
LEMME 2.1. [0, a] c ={be[0, a];
(bvc)Aa = b}.
Preuve.
Si b e [0, a] c, il existe x e [c, 1] tel que x A a = b. Comme b _-_ x et c <_- x,
b v c _-__ x et donc (b v c) A a _<-- x A a = b. Par ailleurs, clairement b _-__ (b v c) A a si
bien que (b v c) A a = b. R6ciproquement, si b = (b v c) A a, alors visiblement b e
[0, aL []
On note aussi (0, a) c = [0, a] c -{0, a}. Remarquons que sic e a l, alors a e c
et donc [0, c] a a un sens. Pour c e a l, on d6finit encore les sous-ensembles
suivants:
f.~={x~s vx~,x,,~[O,a] ~,
x,E[O,c]~}.
s = {x ~ E; x = x~ vxr xo s[o, ay, x, ~[0, c]).
L~ =f,~ AL =/~-{0, 11.
L'~=s
=/~.'~-{0, 1}.
Rappelons que si X et Y sont deux ensembles ordonn6s, alors X Y l'est aussi
Type d'homotopie des treillis et treillis des sous-groupes d'un groupe fini 89
pour l'ordre suivant:
(x, y) <= (x', y ') si
x~x'
et y<--y'.
LEMME 2.2. a)
Si x = x~ v x~ e L '~, alors xo = x/x a.
b)
Si
x =x~vx~ ~/~,
alors X,= XAa et x~ = XAC.
C) Lr
est isomorphe au produit
[0, a] ~ x [0, c] ~.
Preuve.
a) Clairement,
x~ <=xAa
et il s'agit de montrer l'autre in6galit4.
Comme x,e[0, a]%
X,=ZAa Ob Z=X, VC
(Lemme 2.1). Alors
x=x, vx~<=
xa vc = z et donc
XAa ~ZAa = X,.
b) R6sulte de a) et de l'6change des r61es de a et c.
c) L'application [0, a] ~ x [0, c] ~ ~/So; (x~, x~) ~ x, vx~ est croissante et sur-
jective par d6finition de/:~. Elle est injective car par b), l'6criture x =x, vx~ est
unique. []
Remarque
2.3. Six =x, vx~ ~L'~, alors xc n'est pas unique. Le plus grand tel
x~ est 6gal ~ x A C.
Notons encore L'=Uc~, L'c. On dira que a eL est un
pivot
si les trois
conditions suivantes sont satisfaites:
(i) [0, a] cne d4pend pas de c e a I.
(ii) Deux compl6ments distincts de a ne sont pas comparables: si c, d e a
avec c ~ d, alors c = d.
(iii) Si
xl ..... x, eL'
avec
Xl<X2<...<x,,
alors il existe cea I tel que
xi e L" pour tout 1 ~ i ~ n.
En particulier, si a l= Q~, alors a est un pivot. Avant d'4noncer le th6or~me
principal, rappelons quelques concepts topologiques:
C6ne:
Si X est un espace topologique, X• 1]/Xx{1} est le c6ne sur X,
not6
CX.
Suspension:
Si X est un espace topologique,
X• 1]/Xx{O}t_JX•
est la
suspension de X, not6e ~ X. Par cons6quent, si Y= Y1 U Y2 est tel que X=
Yt fq Y2 et si chaque Yi est un c6ne sur X, alors Y est la suspension de X. En
particulier, si S" d4signe la sphere de dimension n, ~ S"= S "+~.
Joint:
Si X1 et X2 sont deux espaces topologiques, Ya =
CXI•
Y2 =
X1 x CX2,
alors Y=
YIU~,•
est le joint de X1 et X2, not6
XI*X2.
En
particulier, S "*S'= S "+m+~. I1 est commode de poser S -~= O et de d4finir le
c6ne sur Q~ comme &ant un point. Alors ~ S -1= S O et la formule du joint des
spheres s'6tend ~ n, rn >- -1. Finalement, V~ X~ d6signe le bouquet des espaces
(point4s) Xi.
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