INTERACTIONS PHYSICO CHIMIQUES ENTRE UN PLASMA D’ARGON ET UNE PARTICULE DE SILICIUM. VALIDATION DU MODELE PAR DES MESURES EXPERIMENTALES. E. Francke1 , M. Benmansour1 , B. Pateyron2 , S. Dresvin3 , D. Morvan1 , J. Amouroux1 1. Laboratoire de Génie des Procédés Plasmas – Université Pierre et Marie Curie – ENSCP 11, rue Pierre et Marie Curie – 75231 Paris France 2. Laboratoire de science des procédés céramiques et de traitement de surface Faculté des sciences- Université de Limoges, 123 Avenue Albert Thomas 87060 Limoges- France 3. Laboratory of Electrotechnological and Plasma Installation, Polytechnical institute- University of St Petersbourg 195-251 Russia. I INTRODUCTION : Le procédé de traitement par plasma thermique est largement utilisé et se développe comme en témoignent de nombreuses études appliquées au traitement de différents matériaux (1),(2),(3). Ces études ont pour but d’élaborer les matériaux en leur conférant des propriétés particulières, ou en les purifiant ou enfin en modifiant leur morphologie. Pour comprendre le rôle des échanges intervenant dans le procédé plasma thermique d’élaboration de silicium à finalité photovoltaïque (7000 K et plus) nous suivrons tout d’abord le transfert de quantité de mouvement du plasma vers la particule qui nous permettra d’évaluer le temps de séjour de la particule à partir de leur vitesse, puis le transfert thermique qui conduit aux différents changements d’état du matériau jusqu'à l’évaporation totale ou partielle . Le matériau traité est une poudre de silicium cristallin et l’opération à pour but d’ obtenir un matériau ultra-pur. Afin d’expliquer les interactions de la particule injectée avec le plasma, nous disposons de plusieurs outils, notamment d’une approche par modélisation numérique, ainsi que d’un ensemble expérimental avec de l’Anémométrie pour mesurer en vol la vitesse des grains, la Granulométrie pour mesurer en vol la taille des grains fondus, et de la spectroscopie d’émission pour mesurer la température du plasma. A partir des données physico-chimiques du plasma et des paramètres de fonctionnement, nous calculons les caractéristiques du plasma: débits massiques, le champ de vitesse et le champ de température. En prenant en compte les variations des caractéristiques physiques (viscosité, densité, température) sur la trajectoire étudiée, nous pouvons prévoir le comportement de la particule. Conjointement l’approche expérimentale nous a permis de mesurer les valeurs des vitesses et l’évolution de la taille des particules en vol pour valider le modèle. II DISPOSITIF EXPERIMENTAL UTILISE: ( Figure 1 ) II -1. La torche plasma et l’enceinte de dépôt. La torche est composée d’un tube de quartz entouré d’une cage froide constituée d’un assemblage de doigts en cuivre refroidis par un circuit d’eau. Autour de cette cage, quatre spires inductives délivrent le champ électromagnétique grâce à une alimentation de 20 kW, et un courant de fréquence 4,9 MHz. Cette torche est placée sur l’axe vertical du réacteur. Le réacteur est une enceinte à d ouble paroi refroidie. Des accès optiques aménagés dans l’enceinte permettent aux faisceaux laser incidents et aux « bursts » diffusés d’atteindre les sondes granulométriques pour examiner le comportement des particules dans le plasma. Trois alimentations en gaz délivrent dans l’axe de la torche des débits stabilisés Q1, Q2, Q3 par des débitmètres massiques. II -2. Injecteur de poudre de silicium. Le dispositif permet d’injecter la poudre en régime permanent dans le plasma pendant une heure, grâce à l’entraînement du type lit fluidisé par un gaz porteur. Le débit nominal de poudre durant cette étude est de 0,1 g min-1 avec un débit de gaz Q1 stabilisé à 5 L.min-1 . La poudre calibrée et lavée est introduite verticalement dans le plasma au niveau des spires d’induction par un injecteur refroidi, de diamètre intérieur : φ = 1,6 mm. II -3. Sondes de métrologie Laser-Dopler. Le dispositif optique repose sur une source Laser (P = 300 mW) dont on utilise la longueur d’onde verte à λ = 5145Å. Le faisceau est dédoublé en S1 et S2 et l’une des deux sources S2 est décalée en fréquence de 40 MHz : fréquence de Bragg qui sert d’horloge. Les deux faisceaux se croisent en un volume ellipsoï dal d’analyse, qui est la source du «burst » diffusé à chaque passage de particule. Ce burst diffusé est détecté par les 3 photomultiplicateurs de la sonde de collecte. L’analyse du déphasage de ces 3 signaux par le processeur d’acquisition 58N10 nous délivre la densité particulaire du flux, la vitesse des particules et la taille des particules. Dans la configuration utilisée les sondes émettrices et détectrices doivent être disposées avec un angle de collecte ϕ précisément défini de 139°. Le réglage préalable est essentiel, puisqu’il faut focaliser la sonde de détection sur le volume d’analyse afin que l’image du burst se fasse sur la fente d’entrée avec une grande précision (0,2 mm), pour une distance focale de 450 mm de la lentille de la sonde de collecte. III CARACTERISATION DES PARTICULES DE DEPART. ( Figure 2 ) Les particules de silicium à traiter de qualité métallurgique (MG -Si) sont obtenues par broyage , puis calibrées en taille donc en masse par tamisage dont nous retiendrons la classe +53-63µm. Elles sont ensuite lavées dans un lit fluidisé eau-éthanol pour éliminer les fines: débris de taille micronique collés sur les grains. La dispersion en masse des particules étudiées étant élevée nous retiendrons une distribution normale en masse du type N( mo ,σ) , avec pour masse moyenne 366ng, évaluée par pesée de plus de 2000 particules et un écart type σ de 120ng, c’est- à-dire une distribution normale en masse: N (366, 120), (4). On remarque que certaines particules présentent une forme allongée en forme de batonnet présentant un « diamètre » effectivement compris entre 53 et 63 µm mais d’une longueur 3 à 4 fois supérieure. IV ANALYSE DES RESULTATS DU MODELE. IV - 1. Principes du calcul des propriétés du plasma. Le modèle développé est basé sur la résolution des équations de Navier-Stokes en incluant le champ électromagnétique induit. Sa résolution est conduite sur le système d’équations couplées comprenant les lois de conservation de la masse , de la quantité de mouvement, de l’énergie et les lois de l’électromagnétisme (5). La géométrie de la torche plasma calculée est celle de notre dispositif expérimental. Les paramètres retenus pour le calcul sont ceux des conditions expérimentales du traitement (débits massiques, puissance, …) dans le cas des plasmas d’argon. IV - 2. Résultats du modèle. ( Figure 3 ) Les champs radiaux et axiaux de température sont conformes à ceux class iquement obtenus dans les plasmas inductifs, avec un tore de haute température au niveau des spires , soit environ 10.000K. La température sur l’axe plus faible est diminuée par l’injection du gaz axial , qui provoque l’apparition d’un canal refroidi à environ 3000 – 5000K. La vitesse du plasma sur l’axe est de l’ordre de 60 à 30 ms -1 selon la distance par rapport au point d’introduction . Le débit massique du plasma est maximal au voisinage des parois de la torche , c’est à dire dans la zone de faible température. En revanche, la dilatation du gaz dans les zones chaudes provoque un affaiblissement d’un ordre de grandeur du débit massique qui n’est alors que de 10-5 Kgs-1 . Le substrat permettant de collecter les poudres se situe à 30 cm du point d’injection et le dépôt obtenu permet de considérer deux situations de traitement possibles : le long de l’axe ou à la surface du cône ayant une base de 12 mm de rayon. Les calculs obtenus peuvent donc nous aider à prévoir l’histoire thermique et le temps de séjour des particules selon la trajectoire de l’écoulement. IV - 3. Choix d’une trajectoire modèle dans le plasma . La photographie (Figure 4) nous permet de montrer que le dépôt est bien constitué de deux zones : le dépôt sur l’axe densifié et cristallisé d’une part, et une couronne dans laquelle les particules sont agglomérées par collage ou frittage conduisant à une forte porosité d’autre part. Nous avons étudié la trajectoire modèle telle que la particule à l’impact tombe légèrement à la périphérie de la c ouche mince densifiée. A partir des cartographies de la figure 3 des différents champs issus de la modélisation numérique nous avons reconstitué sur la figure 5 pour la trajectoire concernée, le profil de la température du plasma traversé par la particule au cours du traitement, ainsi que le profil de vitesse du plasma environnant la particule au cours de sa trajectoire. Elle montre que le long de la trajectoire considérée la vitesse du plasma décroît de façon continue de 72 à 5 m.s-1 et que sa température présente un maximum de 7000 K à 15cm, alors qu’aux extrémités la température est de l’ordre de 1000K. C’est donc bien dans la zone intermédiaire que les particules seront traitées chimiquement et thermiquement par le plasma. IV – 4. Calcul de la vitesse des particules dans le plasma. Dans les conditions thermiques considérées la viscosité élevée du plasma conditionne l’entraînement des particules . Le calcul de la force de traînée visqueuse sur la particule permet d’accéder à la vitesse locale des particule en fonction des propriétés physiques du plasma dans les 120 cellules de calcul considérées. La figure 6 regroupe les résultats du calcul pour des particules présentant un diamètre équivalent de 81,6 µm; 66,9 µm; 37,9 µm ayant respectivement des masses de 666, 366 et 66 ng. Les conditions d’écoulement du gaz et des particules dans l’injecteur font que leur vitesse d’introduction dans le plasma est de 6 ms -1 . Elles sont ensuite accélérées pour atteindre leur vitesse maximale à 10 cm du point d’injection. Au-delà leur vitesse est supérieure à la vitesse du gaz de sorte qu’elles sont soumises à une force de décélération, et l’on constate qu’en fin de course et au point d’impact sur le substrat Z = 30 cm les vitesses dépendent largement de la taille de ces particules avec 10 < VPart. < 22 ms-1 . Les particules de faible diamètre sont celles qui suivent au plus près la vitesse du plasma. La figure 7, souligne que le temps nécessaire pour parcourir les deux premiers centimètres est supérieur : 0,5 ms.cm-1 pour ensuite se situer entre 0,1et 0,3 ms.cm-1 . Ce résultat est lié à l’écart de vitesse entre le plasma et les particules. Entre le point d’injection et le substrat à Z = 30 cm le temps de séjour calculé par sommation est de l’ordre 10 ms. IV – 5. Etude du transfert thermique sur les particules. Les trajectoires retenues conduisent à exposer les particules à un environnement plasmagène donc à un transfert thermique par convection et rayonnement important participant à la fusion puis à l’évaporation diminuant alors leur diamètre. Ce travail est en cours de développement pour prendre en compte la réactivité chimique du plasma dont l’oxygène atomique résiduel présent par ajout d’oxygène moléculaire et par la présence d’air, participe à la formation de vapeur de SiO . Ce mécanisme est à l’origine de la décroissance importante du diamètre. V MESURE DES VITESSES ET DES DIAMETRES DES PARTICULES. Les mesures ont été effectuées sur une section droite du plasma à deux distances du point d’injection des particules : Z = 26 ,1 cm et Z = 30,4 cm. Les résultats des mesures des vitesses axiales des particules (Figure 8) montrent qu’elles sont sensiblement constantes à Z constante pour 0 < r < 10 mm. A r > 10 mm leur vitesse diminue car elles se trouvent dans une zone de faible viscosité du plasma provoquée par la diminution de la température. A r = Cte et conformément à la prévision du modèle la vitesse des particules diminue lorsque Z augmente. Les valeurs mesurées sont comprises entre 20 et 15 m.s-1 , avec une précision ∆V/VPart. = 0,25 % , (6). La mesure des diamètres des particules en vol, extrêmement délicate, permet d’atteindre néanmoins une précision ∆D/DPart. = 2 %. Pour des particules ayant un diamètre moyen initial de 66 µm les conditions de traitement conduisent à des diamètres moyens de 58 µm à Z = 26,1 et de 60 µm à Z = 30,4 cm. Il faut souligner qu’à cette distance l’effet du plasma sur le processus d’évaporation est achevé. Mais, en dépit de la faible diminution du diamètre, le taux d’évaporation de la particule conduit à une perte en masse de 28 %, (7). VI DISCUSSIONS ET CONCLUSIONS. La confrontation des approches numériques et expérimentales permettent de valider les hypothèses du modèle. En particulier dans la zone annulaire à ( Z / r ) = (26,1/0,6), et à (30/1,2) les vitesses axiales des particules obtenues par le modèle sont de 22 et 14 ms -1 , tout à fait en accord avec les mesures qui donnaient respectivement 21 et 14 ms -1 . Aux mêmes coordonnées les diamètres moyens mesurés en vol sont de 58 et 60 µm alors que les calculs numériques prévoient 59 et 60 µm. Les techniques de mesures expérimentales par laser non intrusives, bien que délicates à mettre en œuvre, o nt le mérite d’être précises. Ces résultats sont confrontés par des mesures réalisées sur des images MEB d’un grand nombre de particules traitées, ainsi que par comptage et pesée sur plus de 2000 particules avant traitement. Nous avons en effet reconstitué un histogramme des diamètres mesurés sur image MEB qui est parfaitement similaire à l’histogramme en vol centré sur 60 µm, confirmant le taux d’évaporation de 28 %. Les premiers résultats sur l’analyse du processus d’évaporation montrent que les particules n’atteignent pas la température d’ébullition de 1685 K, mais qu’elles subissent une vaporisation réactive par l’oxygè ne qui participe à la formation de SiO volatil. Références (1) P. Fauchais, A. Vardelle, A. Grimaud. High Temperature Chemical Process, Vol : I, pp : 599 – 615, (1992). (2) M. Vardelle, A. Vardelle, P. Fauchais. Journ. Thermal Spray Technol. 2, (2), pp : 79 – 91, (1993) (3) J.R. Finck, W.D. Swank, C.L. Jeffery. IEEE Trans. Plasma Sci. Vol : 18, pp : 948 – 957, (1990) (4) F. Krayem, F. Bourg, E Francke, D. Morvan, J. Amouroux. Proc. 14 th Int. Symp. On Plasma Chemistry, Vol 4, pp 1921 – 1926. (1999) (5) S. Dresvin, Nguyen Kuok Shi, D. Ivanov, J. Amouroux. Proc. 6 th Thermal Plasma Process, Vol 3, pp : 257 – 262. (2001) (6) M. Benmansour, E. Francke, D. Morvan, J. Amouroux, D. Ballutaud. Thin Solid Films 403 – 404, pp 112- 115, (2002) (7) E. Francke, M. Benmansour, D. Morvan, J. Amouroux. Proc. 15 th Int. Symp. On Plasma Chemistry, Vol III, pp 1063 – 1070, (2001) Q1 U = 4,4 kV I = 120 A Q3 Q2 Q1 : Argo n 5 L. mi n-1 Q2 : Argo n 30 L. mi n-1 Q3 : Argo n 30 L. mi n-1 ∅ ∅ = 1 .6 mm Z = 0 mm 4 0 mm 1 3 mm 7 3 mm 1 5 mm ∅ ∅ = 6 mm 2 0.5 mm 29 mm Puis s ance appli quée = 20 kW Fré que nce = 4 M Hz 45 mm ZZ R = 0 mm R R . Figure 1: Schéma de la Torche plasma R1 = 12 mm Photographie MEB de particules Figure 3. Photographie du dépôt d ’une couche de de silicium métallurgique avant traitement . silicium sur substrat de mullite à Z = 30 cm. Mise en évidence des zones étudiées: Figure 2. *zone axiale, silicium densifié (φ 16 mm) *zone annulaire, particules de silicium agglomérées (r = 10 à 15 mm) r mm : Température du Plasma (K) r mm : Vitesse du Plasma Z mm VG. m.s -1 Z mm Trajectoire étudiée : Débit massique d ’ Ar: ψ ( en Kg.s -1 ) Z mm Figure 3 : Profils des champs du plasma d’argon : ψ , VG.,TG., obtenus par le modèle. VG. en ms-1 TG. en K 7000 70 6000 60 5000 50 4000 40 3000 30 2000 20 1000 10 0 0 0 5 10 15 20 25 30 Z cm Figure 5 : Variation de la température et de la vitesse du Plasma : VG., TG., sur la trajectoire considérée. 70 Vitesses en m/s 60 V Plasma. V Particules (66,9 µm) V Particules (81,6 µm) V Particules (37,9 µm) 50 40 30 20 10 0 0 Z cm 30 10 20 Cote Z sur la trajectoire. Distance par rapport au point d'injection des particules (en cm) Figure 6 : Variation de la vitesse du Plasma et des particules le long de la trajectoire. 100 τ en ms/ cm ∆ V en ms-1 1 90 0,9 80 0,8 70 0,7 60 0,6 50 0,5 40 0,4 30 0,3 20 0,2 10 0,1 0 0 0 5 10 15 20 25 Figure 7 : Traitement thermique des particules: *Différentiel de vitesse entre le plasma et la particule, ∆ V = |VG. - V Part. | = f (Z) *Temps de traitement des particules pour chaque cm: τ = f ( Z ). 30 Vitesse (m/sec) 35 Axe du plasma Z=26,1 cm Z = 30,4 ∆∆ = 0,25% ∆v/v 30 Nb. de particules/ acquisition 50 cm 40 25 30 20 15 20 10 10 5 0 0 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 Velocity Vitesse (m/sec) (m/sec) r (mm) Figure 8 : Mesure en ligne des vitesses axiales des particules autour de l ’axe du plasma. *Champ de vitesse des particules à deux distances Z de l ’injecteur. *Histogramme de vitesse enregistré en vol, et reporté sur la coupe ci-contre. d (µ µ m) Axe d ’écoulement du plasma Nombre de particules /acquisition Z=26,1 cm Z= 30,4 cm Count 90 80 70 60 50 40 30 20 Taux d ’évaporation: τ = (minit.- m fin). / minit.= 28 % 10 0 -15 -10 -5 0 5 10 r (mm) 15 20 0 Figure 9 : Mesure en ligne du diamètre des particules dans la plasma. *Champ des diamètres des particules à deux distances Z de l ’injecteur. *Histogramme des diamètres enregistré en vol, et reporté sur la coupe. 83 147 Diameter µµm 260