Qu’est-ce que la réputation ?
La réputation, concept multidisciplinaire, contribue à créer
un avantage concurrentiel. Elle se crée à travers des méca-
nismes d’identification entre le consommateur et l’entre-
prise. Selon l’approche organisationnelle – éthique –, la
réputation émane de la culture et des valeurs de l’organi-
sation, à travers l’utilisation d’un logo ou d’une marque, et
se rapproche du concept d’authenticité 6.
Dans l’approche sociologique, la réputation est un
« construit social ». Les parties prenantes évaluent les firmes,
examinent les signaux envoyés par l’organisation et/ou
recourent à des intermédiaires (analystes du marché, inves-
tisseurs professionnels, média, etc.) qui leur permettent de
Prolongement
de la réputation sur le Web,
l’e-réputation touche plus
de personnes, et devient
mondiale et durable.
deux notions différentes
Réputation
et e-réputation,
L’analyse du concept de réputation est récente, et de
nombreuses questions restent posées 2. En marke-
ting, la réputation résulte des efforts engagés par
une organisation dans le but de générer un achat et
de susciter la loyauté du consommateur 3. Elle se comprend
comme « l’histoire » de la marque 4, une histoire la plupart
du temps contrôlée et générée par la marque elle-même.
Cependant, le Web 2.0, animé notamment par les notions
de partage et de présence sociale (réseaux sociaux, com-
munautés virtuelles), a donné la possibilité aux consom-
mateurs d’influencer l’image des marques, jouant ainsi
sur leur réputation 4. Les consommateurs deviennent des
porteurs de la marque, et peuvent modifier la perception
d’une entreprise ; ils assurent dès lors la réussite ou l’échec
des firmes quant à leur réputation et leur e-réputation 5.
études) PAR VINCENT DUTOT*
page 28 - la revue des marques - n°88 - octobre 2014)
* Ph.D, professeur associé de l’ESG Management School, co-titulaire de la chaire
Digital, Data and Design (D3) 1
(la revue des marques - n°88 - octobre 2014 - page 29
( études
détenir des informations réduisant l’asymétrie poten-
tielle 7. Ce processus permet de classer ou d’ordonner
la réputation des différentes entreprises. Enfin,
selon l’approche stratégique, la réputation
résulte de deux mécanismes : d’une part, cette
ressource dérive des caractéristiques internes
spécifiques (uniques) à l’organisation ; d’autre
part, la réputation est une perception externe
de celle-ci. Une perception positive est alors la
source d’un avantage concurrentiel.
Qu’est-ce que l’e-réputation ?
Le-réputation peut être définie comme la « réputation
construite à partir de l’ensemble des perceptions que les
parties prenantes auront de l’objet, à partir de tout élément
d’information circulant sur le Net » 8. Le-réputation apparait
donc a priori comme un élément de la réputation elle-même,
émanant spécifiquement de toutes les formes de contact
électronique 5. Cette approche est renforcée par les propos
de Frochot et Molinaro 9 : « Le-réputation, appelée cyber répu-
tation, réputation numérique ou encore web réputation, est
l’image que les internautes se font d’une entreprise ou d’une
personne en fonction des informations diffusées à son sujet
sur le Web, de ce qui est dit par les autres sur soi, des messages
diffusés par les divers internautes (clients, concurrents, salariés,
etc.), ou encore des traces laissées involontairement ».
Peu de travaux académiques ont pris pour sujet d’étude
l’e-réputation uniquement. Parmi ceux-ci, Chun 10, qui
propose un outil permettant de la mesurer en prenant en
compte les multiples parties prenantes d’une organisa-
tion. L’« e-réputation mix » se compose de trois niveaux. Le
premier niveau est l’e-character de l’entreprise. Il s’apparente
à la personnalité de la marque elle-même. Le second est
représenté par le-identity, qui fait référence à la structure
du site, son aspect graphique, ergonomique et esthétique. Le
Critères Outil(s) Réputation E-réputation Critère applicable ou non applicable
Fiabilité Processus de
certification X X Applicable : via l’existence
de systèmes de certification
Benchmark
Comparaison entre
les organisations :
jugement +
classement
X X Applicable : via la récupération des
commentaires et leur classement
Personnalité 5 dimensions d’Aaker 11 X X 5 dimensions : (1) Sincérité, (2) Compétence,
(3) Excitation, (4) Rugosité et (5) Sophistication
E-expérience Mix de l’e-réputation 10 X5 dimensions : (1) Sécurité, (2) Vitesse,
(3) Interactivité, (4) Contenu et (5) Cohérence
Image
7 dimensions de la
personnalité d’une
marque 12
X7 dimensions : (1) Amabilité, (2) Compétence,
(3) Chic, (4) Esprit d’entreprendre, initiative,
(5) Machisme, (6) Cruauté, rudesse, (7) Ambiance
Sociabilité
Outils de gestion
du social web.
Veille/ évaluation/
participation
XApplicable : via des outils comme Google
Alerts, Klout, Social Mention etc.
Les consommateurs
deviennent des porteurs
de la marque, et peuvent modifier
la perception d’une entreprise ;
ils assurent dès lors la réussite
ou l’échec des firmes quant
à leur réputation et leur
e-réputation.
Comment mesurer réputation et e-réputation
page 30 - la revue des marques - n°88 - octobre 2014)
études)
d’existence hors de l’entreprise (ex : création d’une page
Facebook non officielle par des fans) au contrôle de laquelle
elle échappe d’une certaine manière (b).
La réputation et l’e-réputation ne pouvant pas être abor-
dées de la même manière par les entreprises, il faut donc
mettre en place des outils différents pour appréhender ces
deux notions. Il semble également essentiel de considérer
la présence sur les médias sociaux (Facebook et Twitter en
priorité), car c’est sur ces plateformes que les consomma-
teurs interagissent et se forgent leur opinion d’une marque.
Mettre en place une stratégie sociale, en s’appuyant sur des
ressources spécifiques (le community manager notamment)
peut s’avérer payant pour une organisation soucieuse d’être
à l’écoute de ses consommateurs. n
troisième niveau est l’e-experience, il insiste sur la cohérence
entre ce qui est promis par la marque en ligne et l’expérience
physique. Cette approche a pour intérêt majeur de position-
ner l’e-réputation selon une échelle d’intensité.
Quels critères pour les mesurer ?
Si de nombreuses recherches se sont intéressées à ces
concepts séparément, et si les professionnels proposent
depuis longtemps des outils de mesure (pensons notamment
à SocialMention, Mention, ou encore Synthesio ou Klout), peu
se sont intéressés à une réelle comparaison des deux termes.
Le tableau en page précédente se veut une synthèse des prin-
cipaux éléments de mesure de la réputation et de l’e-réputa-
tion. Une idée : comparer pour mieux rapprocher.
Comment appréhender
ces deux concepts ?
Dans les faits, réputation et e-réputation ne sont pas aussi
éloignées que ce que la littérature pourrait laisser penser,
dans la mesure l’e-réputation est le prolongement de la
réputation sur le Web. Le-réputation est la « transposition
écrite de ce que les gens pourraient se dire à l’oral » (eHotel-
marketing.fr) et se construit grâce à de nombreux avis cumu-
lés. La réputation peut s’appréhender comme une rumeur
et l’e-réputation comme la preuve de la rumeur, servant de
« certificat d’authenticité » (Accor) d’une information. La
réputation reste limitée, que ce soit géographiquement ou
temporellement. Le-réputation touche plus de personnes,
du fait de l’accessibilité à l’information permise par le Web,
« c’est d’autant plus difficile, car avant la réputation était
locale, aujourd’hui elle est nationale, voire mondiale » comme
le dit une consultante indépendante. Elle note ainsi que
l’e-réputation a pour différence d’être durable, puisque
les données partagées ou publiées sur le Web n’ont pas de
durée de vie limitée : « les écrits restent sur Internet, il y a un
historique. »
Nous pouvons voir sur la figure ci-dessus que la construc-
tion de l’e-réputation se partage entre marques et consom-
mateurs aux liens intensifiés (a), elle connaît une forme
Références pour aller plus loin
1 - Castellano, (S.) et Dutot (V.), « Une analyse de l’e-réputation par analogie ou
contraste avec la réputation : une approche par les médias sociaux », Revue
Française du Marketing, n° 243, 3/5, 2013.
2 - Rindova (V.P.), Williamson (I.O.), Petkova (A.P.), Sever (J.M.), « Being good or being
known: an empirical examination of the dimensions, antecedents, and conse-
quences of organizational reputation », Academy of Management Journal, vol.
48, n° 6, p. 10331049, 2005.
3 - Keller (K.L.), Aaker (D.A.), « The impact of corporate marketing on a company’s
brand extensions », Corporate Reputation Review, vol. 1, n° 4, p. 356-378, 1998.
4 - Belkamel (A.), Benhamza (A.), Texier (V.), Questions d’entreprises sur l’e-réputa-
tion, Association des professionnels de l’e-réputation, 2012.
5 - Chun (R.), Davies (G.), « E-reputation : the role of mission and vision statements
in positioning strategy », Journal of Brand Management, vol. 8,4-5, p. 315-333,
2001.
6 - Fombrun (C.J.), « Corporate reputations as economic assets », in Hitt (M. A.),
Freeman (R. E.) et Harrison (J. S.) (Eds.), Handbook of strategic management,
Blackwell, Oxford, p. 289-312, 2001.
7 - Abrahamson (E.), Fombrun (C. J.), « Macrocultures : Determinants and conse-
quences », Academy of Management Review, vol. 19, n° 4, p.728-755, 1994.
8 - Paquerot (M.), Queffelec (A.), Sueur (I.), Biot-Paquerot (G.), « Le-réputation ou
le renforcement de la gouvernance par le marché de l’hôtellerie ? », Revue
Management et Avenir, vol. 45, p. 294-331, 2011.
9 - Frochot (D.), Molinaro. (F.), Livre blanc sur l’e-réputation, Les Infostratèges, Paris,
2008.
10 - Chun (R.), « The E-reputation Mix : Building and protecting retailer brands
online », European Retail Digest, vol. 41, p. 1-4, 2004.
11 - Aaker (J.L.), « Dimensions of Brand Personality », Journal of Marketing Research,
vol. 34, n° 3, p. 347-356, 1997.
12 - Davies, G., Chun, R., Da Silva, R.V. and Roper, S. « Corporate Reputation and
Competitiveness », Routledge, 2003.
ENTREPRISE ENTREPRISECONSOMMATEUR CONSOMMATEUR
Réputation E-réputation
(a)
(b)
Modèle de réputation et d’e-réputation
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