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5janvier 2008 00
Des risques liés aux prélèvements
àcœur arrêté (1)
chez les personnes dont l’état de santé
aconduit à une décision médicale d’ar-
rêt de soins en réanimation. Dans La
Revue du Praticien le professeur Alain Te-
naillon, (Agence de la biomédecine) obser-
vait néanmoins que cette catégorie repré-
sentait l’essentiel des donneurs à cœur
arrêté aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, au
Japon ou au Royaume-Uni.
Acte II
Dans son édition du 15 avril le quoti-
dien Le Parisien évoque sur ce thème un
«cas qui sème le trouble». L’affaire trouve
son origine dans une récente réunion des
membres d’un groupe de travail de l’As-
sistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-
HP) sur les enjeux éthiques des prélève-
ments à cœur arrêté. «En bref, il s’agit
d’un arrêt cardiaque a priori consécutif à
un infarctus du myocarde car étant surve-
nu chez un homme de 45 ans coronarien
connu, ne suivant pas son traitement et
ayant présenté des prodromes caracté-
ristiques, peut-on liredans le compte-ren-
du de cette réunion. L’intervention très
rapide du SAMU (no flow inférieur à dix
minutes) assortie d’une réanimation bien
conduite ne permet la reprise d’aucun
rythme (asystolie). La proximité d’un éta-
blissement où une intervention de coro-
dilatation pouvait être effectuée motive la
décision de poursuivreles manœuvres
de réanimation à visée thérapeutique (no-
tamment planche à masser) et un trans-
port rapide vers cet hôpital. A l’arrivée, il
n’existe toujours aucune reprise d’activité
cardiaque. La décision de pratiquer une
coro-dilatation fait l’objet d’une nouvelle
évaluation, notamment avec l’équipe des
cardiologues sur place, et est remise en
question :sur le plan technique, une telle
intervention ne s’avèrepas faisable (no-
tamment du fait de la planche à masser).
La personne est donc considérée à partir
de ce moment comme un donneur po-
tentiel à cœur arrêté. L’équipe de coordi-
nation est alertée. Les chirurgiens (non
immédiatement disponibles à l’arrivée du
patient) arrivent et procèdent à l’abord
des vaisseaux, ce qui permet de mettre
en place une ECMO (après plus de 1 h 30
de non-reprise d’activité cardiaque). La
CEC installée est totale (indisponibilité im-
médiate de sonde avec ballonnet d’obs-
truction sus-diaphragmatique). En retirant
les champs opératoires, le patient pré-
sente des signes de respiration sponta-
née, une réactivité pupillaire, et un début
de réaction à la stimulation douloureuse.
Autrement dit, il existe des "signes de vie"
(ou symptômes) – énoncé équivalent à
l’absence des signes cliniques de la mort.
Onconstate par ailleurs une reprise de
l’activité cardiaque. Après plusieurs semai-
nes émaillées de complications graves, le
patient marche et parle (les détails con-
cernant l’état neurologique ne sont pas
connus, mais ce constat suffit ici à l’illus-
tration du propos pour notre réunion).»
Acte III
L’Agence de la biomédecine a aussi-
tôt réagi à la publication du Parisien.Ses
responsables ont expressément tenu à
rappeler que le protocole de prélèvement
sur personne décédée après un arrêt car-
diaque ne permet d’envisager le prélève-
ment que si le décès est dûment constaté
et signé par le médecin en charge de la
personne. «Le cas rapporté sur le site de
l’espace éthique de l’AP-HP est un pa-
tient pour lequel la mort n’a jamais été
constatée, expliquent-ils. Il est d’abord
nécessaire de rappeler que tout a été
mis en œuvrepar les équipes médicales
pour sauver le patient. Par ailleurs, ainsi
que rappelé dans le compte-rendu sur le
site de l’espace éthique de l’AP-HP,le pa-
tient n’était pas décédé et aucun constat
de décès n’a donc été fait pour cette per-
sonne en arrêt cardiaque. Le prélèvement
en vue de greffe n’était donc pas envisa-
geable à ce stade de la prise en charge
du patient.»
Les responsables de l’Agence souli-
gnent que cette pratique est en place de-
puis plusieurs années dans un certain
nombre de pays étrangers: «En Espagne,
par exemple, l’activité de prélèvement sur
donneurs décédés après un arrêt car-
diaque représente à Barcelone et Madrid
respectivement 20% et 63% des prélè-
vements, avec des résultats équivalents
aux prélèvements sur donneurs en état
de mort encéphalique. Aux Pays-Bas, les
prélèvements sur donneurs décédés après
arrêt cardiaque représentent 30% de la
totalité des prélèvements rénaux. D’autres
pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-
Unis pratiquent également ce type de
prélèvement. La France a pu s’appuyer
sur l’expérience de ces pays étrangers
pour mettreen place cette pratique. Il
faut rappeler que chaque année, plus de
13 000 personnes sont en attente d’une
greffe d’organes. Ainsi, au 31 décembre
2007, le prélèvement sur personnes dé-
cédées après arrêt cardiaque a permis de
réaliser 43 greffes rénales.»
(A suivre)
Jean-Yves Nau
Ilest des sujets avec lesquels on ne
saurait plaisanter. C’est tout particu-
lièrement vrai avec la pratique des
prélèvements d’organes dits «à cœur ar-
rêté».
Acte I
Ilyaun an, face à la pénurie de gref-
fons disponibles, neuf équipes chirurgica-
les hospitalières françaises étaient auto-
risées à effectuer, à titre expérimental, des
prélèvements sur des victimes d’arrêt car-
diaque. Au terme d’une longue réflexion
l’Agence française de la biomédecine avait
en effet décidé de lancer un programme
expérimental de prélèvement d’organes,
non plus chez des personnes en situa-
tion de coma dépassé, et maintenues en
survie artificielle dans des services de
réanimation, mais chez des individus dont
le cœur vient de cesser de battreet qui
n’ont pas pu être réanimés. Cette prati-
que avait progressivement été abandon-
née en France.
Sur la base de résultats obtenus dans
plusieurs pays étrangers (Belgique, Pays-
Bas, Royaume-Uni, Japon et Espagne) et
sans que le législateur ne se soit pronon-
cé sur le sujet, un consensus s’était pro-
gressivement dégagé pour estimer que
certaines personnes en situation de mort
encéphalique après un arrêt cardiaque
persistant pouvaient êtreconsidérées
comme des donneurs d’organes. Les deux
premiers prélèvements de ce type avaient
été pratiqués avec succès, fin 2006, à
Lyon. En avril 2007 neuf équipes hos-
pitalo-universitaires (Angers, Bordeaux,
Lyon, Marseille, Nancy,Strasbourg, Paris
ainsi que Saint-Louis, la Pitié-Salpêtrière
et Kremlin-Bicêtre) se préparaient à ten-
ter d’obtenir des résultats équivalents à
ceux enregistrés à l’étranger.Saisie de la
question, l’Académie nationale de méde-
cine estimait alors que le protocole défini
par l’Agence de biomédecine «était con-
forme à toutes les dispositions éthiques
et déontologiques». En pratique, les pré-
lèvements ne pourraient êtreeffectués
que dans les six heures qui suivent l’ar-
rêt cardiaque initial, et ce en respectant
une série de précautions techniques et
éthiques.
Ces prélèvement ne pourraient concer-
ner,pour l’essentiel, que des personnes
ayant fait un arrêt cardiaque en dehors de
tout contexte de prise en charge médi-
calisée ainsi que celles pour lesquelles le
massage cardiaque et la ventilation mé-
canique n’ont pas été efficaces. Les au-
torités françaises avaient aussi, pour des
raisons éthiques, interdit les prélèvements
point de vue
1068 Revue Médicale Suisse
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23 avril 2008