Qu'est-ce qui doit être fait pour lutter contre l'insécurité alimentaire endémique dans le
Sahel?
Il nous faut nécessairement renforcer la production alimentaire locale. Pendant longtemps, le
gouvernement et les institutions internationales ont mis l’accent sur la production de coton
pour l'exportation. Les recettes provenant des exportations étaient censées nourrir la
population. Mais les choses ne fonctionnent pas ainsi. De 2006 à 2008, les crises
alimentaires, ont entrainé de fortes spéculations sur le marché. Cela a abouti à certains
endroits à des émeutes dites « émeutes de la vie chère ».La souveraineté alimentaire est
importante. La nourriture doit être produite par nos petits agriculteurs ici au Burkina Faso.
80% des Burkinabé sont des agriculteurs. Ils ont besoin de produire des aliments pour leur
propre consommation, mais aussi pour gagner leur vie. Le petit agriculteur peut alors faire son
choix. Il peut décider de vendre son sorgho et acheter une plus grande quantité de riz importé
d'Asie. Mais, dans tous les cas, c'est la production locale qui l'aidera à accéder à l'économie
mondiale. La crise alimentaire au Niger nous affecte indirectement, parce qu'elle a conduit à
une forte augmentation des prix alimentaires au Burkina Faso. Des efforts doivent être
coordonnés au niveau régional par la Communauté économique des États de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO). Nous sommes fermement contre une libéralisation sauvage dans un
secteur aussi important pour la survie de notre peuple que la nourriture. Ce n'est pas juste.
Comment pouvez-vous aider les petits agriculteurs à améliorer leur production?
Les agriculteurs ont besoin de s'adapter aux changements climatiques et aux conditions
difficiles. Caritas leur donne des graines de haute qualité, des fertilisants, des outils et
améliore leur accès à l'eau par la construction de petits barrages et de puits. Maintenant, il faut
songer à diversifier la production. Les agriculteurs burkinabè produisent essentiellement du
sorgho et des arachides, car ces spéculations sont mieux adaptées au type de sol que nous
avons. Mais il ya d'autres options. Nous encourageons les gens à cultiver des légumes, des
haricots verts, de la pomme de terre, des carottes, des aubergines et même des fraises. Nous
devons également exploiter les énergies renouvelables pour un meilleur accès à l’eau. En ce
sens, l’énergie solaire peut être utilisée pour l’installation de pompes solaires capables
d’irriguer de grandes superficies de champs pendant toute une année. Cela peut engendrer des
revenus pour un village entier. Les femmes peuvent travailler sur ces domaines et les enfants
peuvent ensuite être envoyés à l'école. Le coût de ce type d'installation est de 30.000 euros.
Mais il est un investissement durable. C’est ce genre d'intervention que nous encourageons.
Bien sûr, nous ne fermons pas les yeux quand les gens ont faim et ont besoin d'aide
alimentaire, mais notre travail devrait davantage se focaliser sur le long terme. Nous voulons
aider les gens à s'aider eux-mêmes. Nous intervenons également au niveau de la
transformation des aliments et de leur distribution. Au niveau de la transformation du sorgho
par exemple, dans les villages pauvres, les femmes passent de longues heures à le faire à la
main alors qu’un petit moulin de travail aurait été beaucoup plus efficace.