Mutations économiques

publicité
Dossier Mutations éco
Dans la
turbulence
de la crise économique
La crise économique n’est pas égalitaire avec les territoires. Si elle frappe de plein fouet les plus vulnérables,
et notamment beaucoup de bassins industriels ruraux, d’autres semblent traverser la crise sans même
la voir, en raison des puissants amortisseurs dont ils disposent et de la faible exposition de leurs activités
aux turbulences mondiales. Pour autant, ne plus jurer que par l’ « économie résidentielle » ne saurait être
la réponse magique des territoires. Chacun a conscience de la nécessité de combiner différents types
d’activités et d’éviter des phénomènes caricaturaux de spécialisation. Le colloque organisé par l’AdCF et
l’Institut supérieur des métiers (ISM) le 28 juin dernier, au Sénat, a permis de débattre de la reformulation en
cours des stratégies intercommunales de développement.
«
Quand on est dans le fond, on doit être
solidaire pour trouver des solutions. » Lucidité du diagnostic, démarche de coopération, recherche de politiques innovantes : les
trois axes du colloque « Développement économique : quelles stratégies intercommunales pour
demain ? » sont réunis dans la formule de Jean
Malapert. Le président de la communauté de
communes du Coglais était l’un des 250 participants de cette manifestation organisée le 28 juin,
au Sénat, par l’AdCF et l’Institut supérieur des
métiers (ISM).
Si la recette miracle pour enrayer, à un niveau
local, les effets de la crise n’a évidemment pas
été trouvée, des présidents de communauté ont
néanmoins ouvert des pistes pour en amortir les
impacts et identifier des leviers possibles pour rebondir. De nombreux témoignages ont signalé des
pièges à éviter, à la faveur de leur expérience de
terrain. Un terrain pluriel d’ailleurs, tant il est vrai
que tous les bassins d’emploi ne subissent pas les
turbulences économiques avec la même violence.
rapport à d’autres qui ne « la sentent quasiment
pas passer », comme le montrent les travaux
conduits par l’économiste Laurent Davezies (cf.
interview p. 9), dans le cadre de l’Observatoire
des impacts territoriaux de la crise constitué par
l’AdCF et la CDC. Les premiers frappés sont les
bassins d’emploi de sous-traitance industrielle,
ruraux ou semi-ruraux, qui ne disposaient de
quasiment aucun amortisseur (peu d’emploi public, peu d’attractivité résidentielle…)
Ce sont les mêmes qui, en vingt-cinq ans et à
travers trois crises, ont déjà le plus souffert. Les
secteurs industriels et manufacturiers « prennent
le choc de plein fouet et, une fois la crise passée,
ne retrouvent pas le niveau d’activité antérieur,
comme peut le faire le BTP ou les services. À l’exception de l’agroalimentaire et l’automobile », précise Laurent Davezies.
Pour les territoires concernés, « pas de résilience » en vue : le choc conjoncturel ne fait que
s’ajouter à une crise profondément structurelle.
« La crise, qui est sans doute loin d’être achevée,
révèle une série de crises structurelles, remettant
en cause notre modèle d’économie industrielle »,
« L’économie résidentielle peut aussi coûter
très cher, les départements sont en train de s’en
apercevoir. » Loïc Cauret, président de Lamballe
Communauté
« Il était plus facile de convaincre les politiques
d’accompagner le développement des entreprises
quand le retour de taxe professionnelle ramenait
trois fois la mise initiale. » Geneviève Fioraso,
vice-présidente de Grenoble-Alpes Métropole
Vulnérabilité des bassins industriels
N° 148 - Septembre 2010 • AdCF
• Intercommunalités
© AdCF
6
© AdCF
La crise 2008-2009 a en effet mis en évidence la
vulnérabilité de certains types de territoires par
L’illusion du « tout résidentiel »
« C’est le rôle des communautés d’associer
le plus en amont possible les décideurs
économiques. » Jacques Chabal, président de
la communauté de communes du Pays du Cheylard
« Europe-région-bloc local est le schéma le plus
intégré qui nous tirera vers le haut (avec l’État
dans le rôle de grand péréquateur). »
Estelle Grelier, présidente de la communauté de
communes de Fécamp
© AdCF
« L’économie résidentielle peut aussi coûter très
cher aux collectivités en termes de services et de
prestations. Les départements sont en train de s’en
apercevoir », note Loïc Cauret, en énumérant les
services sociaux associés à la présence de certains
publics. « Les territoires qui concentrent les retraités riches subissent du même coup une pression urbaine et foncière très élevée », ajoute le président de
Lamballe Communauté.
Si, promis juré, ces élus n’entendent pas manger de
ce pain-là, c’est aussi parce que leurs opportunités
locales sont ailleurs. Grenoble a bâti son développement sur la haute technologie et poursuit sur sa
lancée car « pour un emploi de haute technologie,
trois emplois sont générés dans la sous-traitance,
la recherche et les services », se félicite Geneviève
Fioraso ; 80 % des 200 millions d’euros du projet
Minatec relèvent ainsi de l’argent public. « Il était
plus facile de convaincre les politiques d’accompagner le développement des entreprises quand le retour de taxe professionnelle ramenait trois fois la
mise initiale », craint toutefois l’élue grenobloise.
« Il faut soigner les niches et l’innovation, être à
l’écoute des opportunités », demeure convaincu
Charles-Éric Lemaignen, en prenant l’exemple
d’un ancien chercheur qui a créé, dans l’agglomération d’Orléans, une entreprise de traitement des
phosphates dans les nappes phréatiques. Cette démarche « d’écoute » serait également indispensable
à l’égard des entreprises en difficulté. « Il faut voir
les dirigeants et les salariés, s’interroger avec eux. »
© AdCF
Faut-il pour autant parier sur la seule « économie résidentielle » ? S’il n’a pas inventé le concept,
Laurent Davezies est celui qui en a diffusé auprès
des collectivités la connaissance à travers ses nombreux travaux. Même s’il en a montré l’importance
considérable dans les économies locales (à travers
les revenus redistribués par les transferts sociaux
ou les salaires publics), Laurent Davezies est le
premier à se montrer critique sur les stratégies de
développement strictement résidentielles. « Ce qui
est horrible, c’est que tout le monde pense que je
suis le chantre de l’économie résidentielle », a-t-il
confié à la salle. L’universitaire, par ailleurs docteur en urbanisme, qualifie même de « cyniques »
les décideurs locaux qui parieraient exclusivement sur ce moteur économique. Et d’ajouter, un
rien désabusé : « cyniques ou fidèles au mandat
que leur imposent certains électeurs, tout dépend
du point de vue ». Car continuer à attirer des
activités productives, exposées à la concurrence
« Soigner les niches et l’innovation »
Urbanisme et économie :
deux politiques intimement liées
À la question posée par le colloque « Développement économique : quelles stratégies
intercommunales pour demain ? », nombre de
témoignages ont répondu par l’idée que les
politiques de développement économique,
d’urbanisme et de maîtrise foncière sont intiment liées. « Je n’avais jamais senti à ce pointlà, et si fortement, que l’on ne peut pas aborder l’un sans l’autre », a confié Loïc Cauret. Et
le président de Lamballe Communauté de s’interroger, au passage, sur « le type d’ingénierie
à mettre à disposition des territoires ».
« L’urbanisme est une carte maîtresse du développement économique », est également
convaincue Estelle Grelier, présidente de la
communauté de communes de Fécamp. Une
carte à jouer, notamment pour accompagner
l’évolution des parcs d’activités. Compétition
territoriale et développement durable obligent,
les programmes immobiliers récents sont davantage soucieux de l’intégration paysagère,
de la maîtrise des impacts des activités économiques sur l’eau ou le bruit, de la collecte
des déchets, ou encore de l’accessibilité et des
services aux salariés. « Les grandes agglomérations qui n’offrent pas, dans leurs zones d’activités, des crèches intégrées, un plan de déplacement d’entreprises et des infrastructures
soucieuses de la consommation d’énergie
sont en dehors du coup », prévient Jean-Pierre
Moure, 1er vice-président délégué à l’urbanisme
de Montpellier Agglomération où le PDE
concerne 45 000 salariés.
Indissociable de l’urbanisme, « la problématique du foncier est au cœur des enjeux »,
ajoute Charles-Éric Lemaignen, président de la
communauté d’Orléans Val-de-Loire. « Si on ne
dispose pas d’un établissement public foncier,
il faut, a minima, flécher les espaces dédiés à
l’activité dans les SCoT et, si possible, dans
des PLU et, si possible encore, constituer des
réserves foncières », conseille-t-il en mettant
en garde contre les friches industrielles et
commerciales que, cette fois encore, « seule la
politique d’urbanisme peut gérer ». VL
« La notion de chef de file doit progresser pour
gagner en lisibilité et en efficacité du point de
vue du temps, du résultat et de la gestion des
deniers publics. » Dominique Braye, président de
la communauté de Mantes-en-Yvelines
© AdCF
© Leonid Nyshko - Fotolia.com
explique l’économiste. D’ailleurs, les grandes métropoles et les territoires dits résidentiels passent
entre les mailles.
internationale, n’est pas de tout repos localement.
Les stratégies cyniques, Marc Andro n’est pas du
genre à les accepter lorsqu’il prédit les ravages de
« l’illusion résidentielle » dans les politiques locales. C’est même avec une certaine colère que le
vice-président de Quimper Communauté, chargé
du développement économique, touristique et de
l’aménagement de l’espace, dénonce « les collectivités (qui) ont compris que la réforme de la TP
ne favorisait plus les activités économiques et demandent maintenant aux industries de s’installer plus loin ». Ce serait un très mauvais calcul, a
renchéri Geneviève Fioraso, vice-présidente de
Grenoble-Alpes Métropole et députée de l’Isère,
qui a pour sa part décidé de « ne pas faire le choix
d’un développement contre un autre ». L’agglomération rhône-alpine se garderait d’ailleurs bien de
miser sur « une économie de vieux », en cherchant
à capter le pouvoir d’achat de seniors fortunés.
D’ailleurs, « même les vieux riches coûtent cher,
car ils vont vivre très longtemps », ironise l’élue
grenobloise. « C’est très bien de vouloir récupérer
les baby boomers solvables, mais ça ne dure qu’un
temps », confie, dans le même sens, Charles-Éric
Lemaignen, président de la communauté
d’Orléans Val-de-Loire.
7
D’autres relations avec les collectivités…
La crise rebat les cartes des relations avec les autres
niveaux de collectivités. Dominique Braye, président de la communauté de Mantes-en-Yvelines, en
appelle à une « union sacrée » dans laquelle s’exprimerait « une solidarité intercommunale et intrarégionale ». De tels partenariats doivent être animés
par un chef de file, notion qu’il espère bien voir
progresser « pour gagner en lisibilité et en efficacité
du point de vue du temps, du résultat et de la gestion des deniers publics ».
Dans son esprit, selon qu’il s’agisse d’accompagner
un pôle de compétitivité, d’encourager le capitalrisque local ou d’aider la création d’entreprises, le
chef de file pourra être la région, le département
ou la communauté. « Europe-région-bloc local est
le schéma le plus intégré qui nous tirera vers le
haut, avec l’État dans le rôle de grand péréquateur », considère Estelle Grelier, présidente de la
communauté de communes de Fécamp et députée
européenne, en soulignant son faible départementalisme et en précisant qu’elle ne croit malheureusement « plus trop » aux ambitions péréquatrices
de l’État.
Pour Jacques Chabal, président de la communauté
de communes du Pays du Cheylard, un problème
se pose « lorsqu’il y a deux chefs de file ». Selon lui,
la compétence revenant de droit à la région, les
communautés « doivent être là pour la quotidienneté, dans la réalité des bassins de vie ».
Malgré les différences de territoires et de sensibilité, un consensus réunit ces élus sur la nécessité
de placer les communautés en situation de « chef
de file » du développement économique local.
Dominique Braye a regretté le « statu quo législatif » sur la question. Le sénateur des Yvelines
observe que « le terrain, en attente d’une simplification, est déjà organisé ». « Lorsque les régions
reconnaissent les pays, cela leur permet d’avoir un
nombre limité d’interlocuteurs de terrain », illustre
l’élu breton Marc Andro. Le pays peut coordonner
utilement les actions de plusieurs communautés,
notamment en matière de développement touristique, de promotion territoriale ou d’animation des
tissus d’entreprises. À la tête d’une communauté de
6 500 habitants, Jacques Chabal se félicite ainsi que
le territoire de Valdac (Valence Drôme Ardèche
Centre, 200 000 habitants) prenne en charge la
prospective et la veille économique à l’échelle de
plusieurs communautés.
… et avec le monde économique
Ces nouvelles stratégies passent par un renouveau
de la relation avec le monde économique. Les témoignages des élus et des représentants consulaires
on montrer la nécessité croissante pour les entreprises de dialoguer avec les intercommunalités et
les communes, y compris sur des sujets connexes à
leur compétence économique comme les déchets,
Tout dépend, là encore, des territoires. « La seule
fois que la chambre de métiers m’a sollicitée, c’était
pour me demander d’accueillir un centre Leclerc ! »,
a regretté Estelle Grelier, tout en évoquant en revanche le « guichet unique » créé par la communauté avec la CCI et le Medef.
Au sein de Montpellier Agglomération, les relations
avec la chambre de métiers sont « excellentes » s’est
félicité Jean-Pierre Moure premier vice-président
de la communauté d’agglomération. L’élu est également ravi du travail collaboratif réalisé avec la
chambre d’agriculture sur la déclinaison du SCoT
en PLU. Les politiques de pôles de compétitivité, de
clusters ou de « grappes d’entreprises » ont transformé depuis dix ans la nature des rapprochements
entre communautés, organismes consulaires et
monde de l’entreprise. L’enjeu est désormais de
« faire des choses ensemble » et de conduire des
actions concrètes dans des champs tels que l’innovation, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des
compétences, ou encore l’accompagnement de la
création d’entreprises.
Si l’accueil des entreprises et la mise à disposition
d’une offre foncière constituera encore pour longtemps le cœur de métier des communautés (96
% des communautés d’agglomération et 73 % des
communautés de communes, selon une enquête
2009 de l’AdCF), chacun sait bien qu’il faudra de
plus en plus agir sur l’ensemble du cycle de vie de
© AdCF
8
« La seule fois que la chambre
de métiers m’a sollicitée… »
« Les collectivités qui n’offrent pas, dans leurs
zones d’activités, des crèches intégrées, un plan
de déplacement d’entreprises et des infrastructures soucieuses de la consommation d’énergie
sont en dehors du coup. » Jean-Pierre Moure,
vice-président de Montpellier Agglomération
© AdCF
« La réforme fiscale nous incitera à un vrai pacte
financier, beaucoup plus intégré en termes
d’urbanisme, de développement économique,
dans le cadre d’une stratégie territoriale plus
globale. » Charles-Éric Lemaignen, président de
la communauté d’Orléans Val-de-Loire
les réseaux (voirie, assainissement, énergie…), les
solutions de garde d’enfants pour les actifs, les
déplacements de salariés et de marchandises…
Des communautés se dotent d’outils de concertation avec les chefs d’entreprise via les conseils de
développement ou des instances analogues. Mais
attention ! « On parle beaucoup, chacun amène une
idée mais, si l’instance de démocratie participative
n’est pas fédérée et soutenue par les élus, la réflexion
risque de se concentrer sur des détails du quotidien
et pas sur une vision politique économique », a averti
Jacques Chabal. Sa recette : « c’est le rôle des communautés d’associer le plus en amont possible les
décideurs économiques » et de les aider à parvenir
à une position « unanime ».
En la matière, l’étude de l’AdCF et de l’ISM sur les
relations avec les milieux consulaires montre que
celles-ci sont plus collaboratives qu’il y a quelques
années et que la division du travail se précise.
« Nous respectons l’expertise des consulaires, nous
ne cherchons pas à dédoubler leurs champs de compétence », témoigne Marc Andro, vice-président de
Quimper Communauté. « Les bureaux d’études font
des diagnostics, donnent des chiffres et repartent ;
les consulaires, par définition, n’ont pas ce genre de
pratique », témoigne un représentant d’une communauté de communes de Dordogne.
© CEA MINATEC pierrejayet.com
Dossier Mutations éco
Dans l’agglomération de Grenoble, le campus d’innovation Minatec de 20 hectares compte parmi les cinq
premiers mondiaux en micro et nanotechnologies. Les
70 000 m2 de locaux abritent 4 000 personnes, dont
2 400 chercheurs, 1 200 étudiants, 600 industriels et
spécialistes du transfert technologique. Une ville
dans la ville.
l’entreprise pour susciter un « écosystème » favorable. En termes de retombées fiscales, ce n’est pas
le seul capital investi au départ qui comptera mais
la capacité du tissu local d’entreprises à accroître
sa valeur ajoutée. « Avant, on calculait l’investissement en fonction du retour dans la TP. La réforme
fiscale nous incitera à un vrai pacte financier, beaucoup plus intégré en termes d’urbanisme, de développement économique, dans le cadre d’une stratégie territoriale plus globale », anticipe Charles-Éric
Lemaignen en se qualifiant d’ « optimiste lucide ».
Une posture que nombre d’élus aimeraient également adopter, mais sans cacher pour autant leurs
inquiétudes du moment.
Valérie Liquet
L’ouvrage « L’action
économique
des
communautés, ressources et modes
d’intervention de
l’intercommunalité au service du
développement économique local », publié en juin dernier,
est disponible auprès de ses éditeurs,
l’AdCF et l’ISM.
Contact AdcF :
Anne-Sophie Blanchard,
[email protected]
N° 148 - Septembre 2010
• AdCF • Intercommunalités
INTERVIEWS
Laurent Davezies
Professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris et expert indépendant, Laurent Davezies a réalisé, pour
le compte de l’AdCF et de l’Institut CDC pour la recherche (Caisse des Dépôts), une étude sur les premiers
impacts territoriaux de la crise de 2008-2009. Il nous livre, quelques jours avant sa publication*,
un avant-goût de ses observations.
La crise de 2008-2009 a-t-elle touché
les mêmes territoires que celle de 1993 ?
On dit que le choc de cette crise n’a pas été si important et, à certains égards, moins violent que celui de
1993. Ce qui est sûr, c’est que le type de zone d’emploi de loin le plus pénalisé est, une nouvelle fois,
nos fameux petits bassins d’emploi industriels. Ce
sont ceux qui ont les plus fortes spécialisations dans
les emplois d’ouvriers qualifiés ou non, avec peu de
cadres et d’ingénieurs. Ils enregistrent, en moyenne,
une variation de 43 % de leur taux de chômage.
Il serait abusif de parler de « coup de grâce » (je préfère employer l’expression « sur-choc »), mais la violence avec laquelle nos fameux systèmes productifs
locaux industriels ont vu leurs activités frappées,
pour l’essentiel dans la partie nord du pays, suggère
que la crise a été une bonne prédatrice en s’attaquant
aux plus faibles. D’autant que, on l’a vérifié sur les
décennies passées, les pertes d’activités industrielles,
accélérées lors des récessions, sont des pertes définitives. Ce qui est perdu n’est jamais retrouvé.
Il n’y a pas là de choc conjoncturel (qui suggèrerait
que les emplois industriels feraient du yo-yo comme
les autres secteurs), mais un choc structurel.
Pourquoi parlez-vous de « double peine »
pour les territoires les plus durement
touchés cette fois-ci ?
La géographie des destructions d’emplois se recoupe
souvent avec celle des territoires qui ont vu leurs
recettes fiscales amputées par le remplacement de la
taxe professionnelle. C’est saisissant en région Pays
TYPOLOGIE DES MOTEURS
DU DÉVELOPPEMENT LOCAL
à la personne.
Ces territoires « résidentiels » étaient les grands privilégiés de la crise de 1993. Ils se trouvent toujours
dans une situation globalement protégée (à part les
territoires qui tirent des navetteurs leurs revenus
résidentiels d’actifs qui sont presqu’aussi frappés
que les territoires « productifs »). Les chocs sur le
tourisme, l’immobilier, la construction et la faible
augmentation probable des
emplois publics (qui devraient
leur bénéficier au premier
chef, vu leur croissance démographique) n’ont pas empêché
qu’une grande partie du Sud et
de l’Ouest du pays, spécialisés
dans la réponse à la demande
des ménages, n’a finalement que
peu souffert de ces deux années
de crise « exceptionnelle ».
Attention toutefois aux conclusions hâtives. On avait
observé, sur la crise de 1993, que le choc avait d’abord
été plus violent dans les territoires productifs non
métropolitains, puis, avec un délai d’un an, s’était
déplacé vers les métropoles, avec pour résultat que ce
sont elles, et notamment l’Île-de-France, qui avaient
finalement le plus souffert de l’ensemble de la période
de crises (en termes de PIB et d’emploi)...
Propos recueillis par Olivier Crépin
et Valérie Liquet
de la Loire, en Rhône-Alpes et dans le Nord-Est,
notamment en Alsace-Moselle. Mais ce n’est pas vrai
partout : les régions méridionales et le Nord-Pas de
Calais ne sont pas concernés par cette corrélation.
Certains territoires roulent aujourd’hui sur des pistes
défoncées ; ils n’ont aucun amortisseur pour rebondir. Et ce ne sont pas les coupes de la RGPP (Ndlr :
révision générale des politiques publiques) dans
les effectifs de l’État territorial (restructuration militaire,
réforme de la carte judiciaire, etc.) qui permettront
de développer une économie
domestique.
Combiné à l’érosion de leurs
finances publiques, ce ressac
de la présence publique s’apparente même à une triple
peine. Ces territoires serontils demain placés sous perfusion ? Il me semble qu’il
y a là un vrai sujet pour la Datar.
La crise a été
une bonne prédatrice
en s’attaquant aux
plus faibles
Quels sont les territoires qui ne semblent
pas subir la crise ? Cette situation est-elle
durable ?
Les territoires productifs qui s’en sortent le mieux
sont plutôt de grandes villes dotées d’actifs qualifiés (associant ingénieurs, cadres, techniciens, voire
ouvriers qualifiés). D’autres parviennent à contrôler le
chômage grâce à l’emploi public, sanitaire et social, et
d’autres grâce à une demande locale forte qui soutient
les emplois du commerce, de l’artisanat, des services
(*) La crise et nos territoires : premiers impacts, édition AdCF et
CDC pour la recherche, octobre 2010.
Évolution du taux de chômage
entre le 2e trimestre 2008
et le 1er trimestre 2010
Les zones d’emplois impactées selon
leur moteur de développement local
Productif
Source des données : Calcul d’après l’Oeil
IDF
Profil moyen
Productif & Résidentiel
Productif & Public
Public
Résidentiel
Résidentiel & Public
Productif, Public, Social
Productif & Social
Résidentiel & Social
Public & Social
L’impact, là…
Social
…amorti, ici
23
29
41
30
8
Source des données :
Dares & Pôle emploi
Intercommunalités • AdCF • N° 148 - Septembre 2010
© AdCF/MapsDesigners, 2010
%
en
Évolution du chômage : +8 à +30 %
47
Hausse
Évolution du chômage : +30 à +170 %
170
!"#$"#%&'()"
9
Dossier Mutations éco
Mutations économiques, désindustrialisation :
un diagnostic partagé ?
L’industrie française a perdu 36 %
de ses effectifs en moins de
vingt ans. Elle est passée
de 5 327 400 emplois en 1980 à
3 414 000 en 2007, selon l’Insee.
Pour mettre fin à cette saignée,
le gouvernement mobilise
200 millions d’euros pour aider à
la réindustrialisation.
L’objectif est d’augmenter de 25 %
la production industrielle française
d’ici fin 2015. Reste à savoir si les
pouvoirs publics ont tiré les leçons
du diagnostic… De ce point de vue,
les analyses ne manquent pas.
E
n installant, le 8 juillet dernier, la Conférence
nationale de l’industrie, Christian Estrosi a
annoncé l’entrée en vigueur du dispositif de
200 millions d’euros de soutien à la réindustrialisation. Ce dispositif, ouvert aux entreprises jusqu’au 30
juin 2013, vise à accompagner par le biais d’avances
remboursables des projets d’au moins 5 millions
d’euros d’investissement, devant aboutir à la création d’au moins vingt-cinq emplois dans un délai de
trente-six mois. Objectif : « encourager la localisation compétitive en France des outils de production
et de R&D, notamment des PME-PMI, et renforcer le
“produire en France ” ». Un mot d’ordre qui semble
avoir pris en compte, au moins pour partie, les différentes études réalisées ces dernières années.
D’abord, selon l’Insee, la France a encore perdu,
depuis 2002, 500 000 emplois industriels (soit 13 %
des effectifs de l’industrie). Les statistiques montrent toutefois que les mutations économiques ne
sont plus de même nature. Les restructurations de
la dernière décennie sont plus fréquentes et concernent tous les secteurs d’activité, contrairement aux
restructurations sectorielles et massives des années
1970 à 1990, qui avaient frappé principalement la
sidérurgie, le textile, les bassins miniers et les chantiers navals.
R&D : réviser le positionnement
Repositionner les efforts de recherche et développement sonne ensuite, en effet, comme une urgence,
compte tenu du recul global du poids de la France
dans la valeur ajoutée des industries manufacturières des pays de l’OCDE.
Le rapport Beffa de 20051 relevait déjà, à ce titre,
une concentration massive de l’aide publique à la
R&D dans les secteurs de la défense et des grands
programmes historiques (aéronautique, spatial, nucléaire, secteur nanoélectronique), au détriment des
autres secteurs. L’ancien PDG de Saint-Gobain préconisait alors la création d’une agence de l’innovation industrielle.
Dans le même esprit, le centre d’analyse stratégique (CAS) explique la faiblesse de la R&D privée
10
N° 148 - Septembre 2010 • AdCF
française par un mauvais positionnement sectoriel.
Il observe également la faible intensité en R&D des
entreprises de taille intermédiaire et note que la valorisation économique des investissements privés
en R&D est relativement faible2.
De l’industrie aux services
Tout récemment, la Direction générale du Trésor
a publié une analyse du recul de l’emploi dans l’industrie, en distinguant les déterminants extérieurs
(concurrence internationale) des déterminants intérieurs aux frontières françaises. La concurrence
étrangère n’aurait contribué qu’à hauteur de 13 % à
la baisse de l’emploi industriel entre 1980 et 2007.
Sur la même période, il apparaît surtout que « la
recherche d’une plus grande efficacité par les entreprises s’est traduite par un recours croissant à l’externalisation (sur le territoire) d’une partie des activités
industrielles vers le secteur des services. » La Direction générale du Trésor estime ces transferts d’emplois à 25 % des pertes d’emplois industriels. Elle
évalue par ailleurs à 30 % la part des pertes d’emplois
imputable à « la déformation de la structure de la
demande qui a accompagné les gains de productivité
réalisés dans l’économie »3.
Cette série montre que l’anticipation et l’accompagnement des mutations économiques représentent
un enjeu global d’adaptation permanente : adaptation
De la politique de reconversion industrielle à la réindustrialisation
Les impacts des mutations économiques
sur les territoires relèvent de la mission
de « l’État-aménageur » qui œuvre dans ce
domaine depuis plus de vingt-cinq ans. La
première politique « fondatrice » date de
1984, avec la définition de quinze pôles de
conversion (dont celui de Decazeville). L’année suivante, suite au rapport Lacaze1 qui
comptabilise 20 000 hectares de friches industrielles en France (dont la moitié dans le
Nord), l’État et les Charbonnages de France
engagent une politique de traitement des
sites à l’image des opérations menées à la
même époque dans les docks anglais.
L’État a désormais changé de vocabulaire.
Finie la reconversion industrielle. Depuis le
début de la décennie, il parle plus volontiers
de « revitalisation » ou de « réindustrialisation ». Il a modifié ses outils en conséquence,
sans toutefois chercher à évaluer leur efficacité, comme le déplore le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) dans un récent rapport2. Rétrospective.
2002-2003 : Inspirés de la mission Viet3, les
Ciadt des 13 décembre 2002 et du 26 mai 2003
• Intercommunalités
fixent les grandes lignes de l’action de l’État
pour « anticiper et accompagner les mutations économiques », notamment avec la
mise en place de douze contrats de site. La
Mission interministérielle sur les mutations
économiques (MIME) est créée le 28 janvier
2003. Entre 2002 et 2008, 465 conventions de
revitalisation, concernant 6 600 emplois, sont
signées avec des entreprises qui s’engagent
à investir un total de 295 millions d’euros,
soit environ 50 millions d’euros par an.
2005 : Neuf mois après le rapport Beffa intitulé Pour une nouvelle politique industrielle4,
le Ciact du 14 octobre conforte la Datar dans
sa mission interministérielle « d’accompagnement territorial des mutations et de la
compétitivité des territoires ». La Datar absorbe la MIME et devient Diact (elle retrouvera son nom de baptême fin 2009).
2008 : Le président de la République annonce,
le 21 février 2008, sur le site de l’ancienne
usine de Metaleurop à Noyelles-Godault, la
création du Fonds national de revitalisation
des territoires (FNRT). Depuis la suppression
du Comité interministériel pour les restructu-
Mutualisation des moyens dans
l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard
source : Datar
Zonage du Fonds national
de revitalisation du territoire (15-06-10)
Territoires retenus au CNS du 15 juin 2010
Territoires éligibles au FNRT
(1) Pour une nouvelle politique industrielle, Jean-Louis Beffa,
rapport au président de la République, janvier 2005.
(2) R&D et structure des entreprises : une comparaison France/
États-Unis, Centre d’analyse stratégique, note de veille n° 173,
26 avril 2010.
(3) La désindustrialisation en France, documents de travail de la
DG Trésor, Lilas Demmou, juin 2010.
rations de défense (décret du 28 avril 2008),
la Diact/Datar en assure la coordination.
2009 : L’État met en place, en avril, un
dispositif d’aide au profit des entreprises de 10 à 500 salariés situées dans
des territoires touchés par des mutations économiques. La gestion est confiée
à Oséo Financement. Le 4 mai 2009, le
président de la République nomme neuf
commissaires à la réindustrialisation.
2010 : Dans le cadre des États généraux
de l’industrie, Bercy mobilise 200 millions
d’euros pour l’aide à la réindustrialisation.
OC
(1) Les grandes friches industrielles, rapport du
groupe de travail interministériel présidé par
l’ingénieur général Jean-Paul Lacaze, Datar/
La Documentation française, 1986.
(2) Mutations économiques, reclassement,
revitalisation, rapport du COE, juillet 2010.
(3) Rapport de la mission exploratoire sur
l’accompagnement des mutations économiques,
Claude Viet, rapport au gouvernement,
janvier 2003.
(4) Ibid.
© G. Engel/ Urba Images
de l’appareil productif (des entreprises et du territoire) et adaptation des compétences (employabilité
des salariés et formation tout au long de la vie). Parvenir à une gestion économique « en dynamique »
suppose de raisonner en termes de « flux » et non
plus de « stock », dans le cadre d’une réflexion prospective sur la notion d’attractivité territoriale.
Olivier Crépin
Moins d’un an après la création du fonds de reconversion Aire Urbaine
Investissement, les résultats sont au rendez-vous. Cent trente emplois
ont été aidés, concernant sept entreprises du Pays de Montbéliard et
du Territoire de Belfort. Portrait d’un outil de mutualisation entre
une communauté d’agglomération et un département.
C
réée en septembre 2009, Aire Urbaine
Investissement est une SAS au capital de
100 000 euros dont l’intervention couvre
l’agglomération du Pays de Montbéliard et le département du Territoire de Belfort. Les actionnaires principaux de ce fonds de reconversion
sont les agences de développement de ces deux
territoires : Agence de développement et d’urbanisme (l’ADU) et la Agence de développement
économique de Belfort et son territoire (ADEBT), ainsi que les deux CCI départementales.
Un chargé de mission et une assistante travaillent à l’instruction des dossiers d’aide à l’emploi. Ils contribuent également aux différents
cercles de décision, avec l’État et les entreprises,
l’attribution de la somme étant validée par le
conseil d’administration où siègent représentants des collectivités et grandes entreprises du
territoire. Un comité technique, composé de
responsables du développement économique,
appuie le comité d’administration et y siège avec
voix consultative.
Aire Urbaine Investissement est en fait l’extension d’une structure existante sur le Territoire de
Belfort, qui avait fait figure de pionnier dans les
années 1990. Belfort Investissement capitalisait
alors des fonds mis en place par les grands industriels locaux, notamment Bull et Alsthom. Sa
mission : compenser les réductions d’effectifs en
distribuant des aides au développement économique sous forme d’avances remboursables.
Optimiser les savoir-faire
Lorsque le Pays de Montbéliard a engagé la
réflexion sur la constitution d’une structure pour
gérer ses fonds de revitalisation, les élus ont eu
l’idée de mutualiser les savoir-faire des uns et
des autres, ainsi que leurs moyens financiers.
Intercommunalités • AdCF • N° 148 - Septembre 2010 11
Dossier Mutations éco
Dominique Musslin, directeur de l’agence
d’urbanisme et de développement du Pays de
Montbéliard et Jean-Louis Amat, directeur
adjoint en charge du développement économique
INTERVIEWS
La revitalisation, une obligation
L’obligation de revitalisation des bassins d’emploi, introduite par la loi de programmation
pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005
(art. 76), permet de fixer par convention Étatentreprise les conditions dans lesquelles les
entreprises de 1 000 emplois et plus interviennent pour favoriser la création d’activités et
d’emplois nouveaux sur les bassins d’emploi
affectés par leurs restructurations. Ceci pour
un montant minimum de deux fois la valeur
mensuelle du Smic par emploi supprimé.
Le bassin dispose ainsi d’un fonds destiné à
créer des emplois (3 000 euros par emploi),
en subvention ou avance remboursable. Étant
strictement privé, le fonds échappe aux réglementations limitant les aides publiques, et
peut venir en complément. De plus, si la création d’emplois est l’objectif, il n’est pas impératif que le nombre d’emplois aidés soit le même que celui qui a été supprimé. Cette disposition permet d’engager des actions non directement créatrices d’emplois : prospection,
requalification de site, actions collectives, aide à la création... DM/JLA
© H. Chauvet / Urba Images
En effet, dès 2006, soit un an après la loi de programmation pour la cohésion sociale (cf. encadré
ci-contre), trois conventions avaient été signées
pour un montant total de l’ordre de 800 000 euros.
Après avoir fait appel, dans un premier temps, à un
cabinet conseil pour valider les aides à l’emploi, la
communauté d’agglomération du Pays de Montbéliard avait souhaité rationaliser le processus d’instruction et optimiser l’utilisation des fonds destinés à la revitalisation économique (le cabinet privé
émargeant entre 15 et 20 %).
Aujourd’hui, Aire Urbaine Investissement regroupe
quatre fonds. L’un, de plusieurs millions d’euros, représente l’apport de Belfort Investissement. Deux
autres, d’environ 2 millions d’euros au total, sont
destinés à accueillir les fonds de revitalisation de
chaque territoire. Le dernier fonds doit recueillir
les retours des avances remboursables.
Étienne Butzbach,
président de la communauté d’agglomération Belfortaine
Aire Urbaine Investissement (AUI) est une généralisation, au bassin de vie et d’emploi qu’est l’aire
urbaine, d’un dispositif issu d’une longue expérience
capitalisée à travers Sybel, puis Belfort Investissement (BI). La société Belfort Investissement a en
effet succédé en 1999 à la société de reconversion
industrielle Sybel, elle-même créée à la fin de l’année
1991 afin d’accompagner l’accueil d’activités suite à
la fermeture de Bull.
Ces structures reflètent la volonté de nos collectivités
d’intervenir activement dans le soutien au développement économique industriel. Depuis près de vingt
ans, à travers ces structures, l’enjeu a toujours été
de proposer aux entreprises locales une plate-forme
d’appui, entre autres financier mais pas uniquement,
associant une pluralité d’acteurs : des partenaires
industriels, les collectivités et leurs agences, la CCI,
les organismes financiers et l’État. Ce lieu unique
permet en effet de partager le projet de l’entreprise
et de trouver ensemble la solution la meilleure, en
fonction des outils de chacun, pour accompagner les
développements et les implantations des entreprises.
Pourquoi avoir étendu cet outil à l’échelle
de l’aire urbaine ?
Outre l’enjeu rappelé ci-dessus, ce modèle BI-AUI
présente d’autres intérêts qui militaient pour son
extension. Tout d’abord, cette approche permet
de mutualiser des moyens et s’affranchir de coûts
de gestion prohibitifs (15 % !), en général prélevés
par les consultants sur les fonds de revitalisation.
Cette ponction est en effet réduite de moitié et une
partie du fonctionnement est même financée par les
collectivités.
Surtout, cet élargissement permet une mutualisation
territoriale quant à l’utilisation de ces fonds. Au sein
de ce bassin d’emploi, aider le projet du voisin, si ce
dernier ne parvient pas à le financer, a un réel sens.
12
N° 148 - Septembre 2010 • AdCF
Enfin, il s’agit du premier outil commun dans ce
domaine économique, traditionnellement très
concurrentiel ! Ne faisons pas d’angélisme, si l’on
souhaite que cela fonctionne, il est souvent préférable
d’y aller pas à pas. C’est le choix qui a été fait avec des
fonds individualisés au départ mais un processus de
mutualisation lors du remboursement des avances
aux entreprises.
Cela présage-t-il d’autres mutualisations
en ce domaine ?
Je suis assez familiarisé avec la mutualisation, car
Belfort a été une des premières villes à faire le choix
de services mutualisés entre la commune et l’agglomération. Aujourd’hui, l’enjeu du développement du tertiaire et des zones majeures de l’aire
urbaine (future gare TGV, Techn’Hom à Belfort,
Technoland et PSA autour de Montbéliard) oblige
à promouvoir un territoire plus large que nos seules
agglomérations.
Certes, des collaborations économiques ponctuelles
existaient, mais la transformation de BI en AUI est
une première étape dans la fusion, tout au moins
dans l’interconnexion des outils de développement
du Territoire de Belfort et du Pays de Montbéliard
Agglomération.
« Interconnecter » les outils : est-ce
une première étape vers un seul projet de
développement économique commun
aux deux territoires ?
Les économies de nos deux territoires, si elles sont
fortement interdépendantes, ne sont pas les mêmes.
Une certaine émulation peut même être positive. Les
projets doivent en revanche être mis en cohérence.
L’un sans l’autre, le Nord-Franche-Comté n’aurait
sans doute pas pu obtenir une université, un nouvel
hôpital, une gare TGV…
On peut sans doute aller plus loin et accompagner
nos industries dans un dessein commun. L’avènement
• Intercommunalités
© AdCF
Quelle a été la genèse d’Aire Urbaine
Investissement ?
Une première étape
vers l’interconnexion des
outils de développement
Étienne Butzbach
de la voiture électrique peut en ce sens faciliter un
projet industriel autour de la production, du stockage
et de la distribution à travers des réseaux intelligents
de l’électricité.
Il reste bien sûr à souhaiter que les fonds d’AUI ne
seront rapidement plus alimentés, preuve que notre
industrie locale se porte bien. Certainement un vœu
pieu car, qu’il s’agisse de l’automobile ou de l’énergie,
ces productions connaissent des cycles marqués et
des mutations fortes.
Il est donc primordial de consolider un peu plus
nos partenariats publics-privés, qu’il s’agisse
de la recherche, de l’immobilier, des financements, afin de répondre ensemble aux enjeux
du développement des services à l’industrie
et de la tertiarisation de notre agglomération de
300 000 habitants.
Propos recueillis par Olivier Crépin
Téléchargement