Rejeter le tourisme médical afin de protéger l

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RÉSOLUTION 6
Rejeter le tourisme médical afin de protéger
l’assurance-maladie
IL EST RÉSOLU que l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC) intervienne
contre les initiatives qui visent à commercialiser le Canada comme destination du tourisme médical
afin de protéger le système de santé universel et sans but lucratif financé par le secteur public du
Canada1.
Présentée par : Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario
Justification : Le tourisme médical consiste à solliciter des patients de l’étranger pour qu’ils
viennent se faire traiter dans le système de soins de santé du Canada, afin de réaliser un profit.
Le tourisme médical est distinct de la prestation de soins de santé aux visiteurs qui tombent malades
ou sont blessés pendant leur visite au Canada. Il diffère aussi de la prestation, dans le contexte d’un
programme humanitaire, de traitements spécialisés à des personnes qui, autrement, n’y auraient pas
accès dans leur propre pays.
On trouve des exemples d’essais de tourisme médical au Québec et en Ontario. En 2013, une
entente de cinq ans d’une valeur de 86 millions de dollars portant sur des services hospitaliers
conclue entre le gouvernement du Koweït et « une entreprise privée de Montréal qui a des liens
étroits avec le Centre universitaire de santé McGill (CUSM)2 » a attiré l’attention. Les médias se
sont concentrés sur une patiente koweïtienne qui a subi une intervention en chirurgie cardiaque
facturée au gouvernement du Koweït, ce qui incluait un profit de 100 000 $ pour le CUSM et des
honoraires médicaux de 45 000 $3. Même si « les attentes de plusieurs mois sont monnaie
courante4 » pour les patients du Québec qui ont besoin d’une chirurgie cardiaque, les dirigeants
du CUSM ont nié que la femme en question avait coupé la file d’attente parce que « la chambre
et la salle d’opération utilisées pour l’intervention chirurgicale n’étaient pas disponibles pour les
patients du Québec parce qu’il n’y avait pas suffisamment de personnel disponible pour y
travailler »5. Le ministre de la Santé du Québec, Réjean Hébert, a répondu rapidement à la
nouvelle de cet incident en affirmant clairement que c’était « inacceptable » et que « le Québec
n’est pas ouvert au tourisme médical »6.
Par contre, la ministre de la Santé de l’Ontario, Deb Matthews, s’est prononcée en faveur du
tourisme médical lorsqu’elle a affirmé que « si les hôpitaux ont la capacité (et) si des
ressortissants de l’étranger veulent venir ici, cela témoigne en réalité de la qualité de notre
système de santé. Il peut en découler, pour l’hôpital, des revenus qu’il est possible de réinjecter
directement dans le système public »7. Depuis 2011, le Réseau universitaire de santé (RUS) de
Toronto a produit des revenus de plus de 50 millions de dollars en traitant 380 patients de
l’étranger et en offrant des services de consultation à des pays comme le Koweït et le Qatar8.
Sous la direction du président du RUS, Robert Bell, « l’augmentation des revenus ne provenant
pas du Ministère9 » constitue un élément clé du plan stratégique 2016 du RUS10. Dans son
rapport du chef de la direction d’octobre 2013, M. Bell a signalé que le marché américain
estimatif du tourisme médical pèserait plus de 5 milliards de dollars. Avec les modifications de
l’assurance contre la faute professionnelle, le RUS s’attend à pouvoir traiter un « nombre limité »
de patients des États-Unis sous peu et prévoit que « l’inclusion des Américains dans le
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programme des patients étrangers du RUS doublerait le chiffre d’affaires du programme en deux
ans »11. Autre exemple, le Centre des sciences de la santé Sunnybrook a obtenu l’autorisation de
solliciter dix patients étrangers au cours d’une phase pilote d’un an et affirme sur son site Web
que « nous commençons à annoncer que nous sommes essentiellement en affaires »12.
Les promoteurs du tourisme médical affirment que ces activités produiront un revenu qui
favorisera la viabilité de notre système de santé universel sans compromettre les soins pour les
Canadiens13. Ces arguments rappellent la justification invoquée par le Dr Brian Day, fondateur
du Centre chirurgical Cambie à but lucratif, pour justifier l’expansion de la prestation des soins
par le secteur privé dans le système public14. Pour défendre l’argument en faveur de la possibilité
de couper les files d’attente, l’Institut des études de marché de l’Atlantique suggère un « principe
de Robin des Bois » qui permettrait de facturer « peut-être cinq fois le coût réel de
l’intervention » afin de permettre à une personne de sauter au début de la file d’attente15.
Deloitte, société-conseil en affaires, commercialise le tourisme médical auprès des
gouvernements provinciaux comme moyen de créer « de nouvelles occasions de générer des
revenus », ce qui peut en retour accroître la disponibilité des services dans le système public16.
Dans une étude de délimitation portant sur le tourisme médical, l’OCDE indique que cette
tendance croissante révèle un « changement de paradigme » qui « pourrait avoir de vastes
répercussions sur les soins de santé financés par le secteur public, y compris l’apparition du
concept des patients comme consommateurs de services de santé plutôt que comme citoyens qui
ont droit à des services de santé »17.
En 2010, le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, Kevin Falcon, a préconisé d’offrir
« des traitements médicaux aux patients étrangers disposés à payer un supplément » en
demandant : « Pourquoi la Colombie-Britannique ne peut-elle être la clinique Mayo du
Nord? 18 ». En réponse à cette question, Leigh Turner invoque sept raisons convaincantes pour
lesquelles les systèmes provinciaux de santé au Canada ne devraient pas essayer de vendre des
services de santé aux touristes médicaux :
1. La promotion du tourisme médical risque d’avoir l’effet d’un cheval de Troie et de
miner l’assurance-maladie, car « les Canadiens qui en ont les moyens financiers
insisteront probablement pour pouvoir eux aussi acheter des services qui sont
actuellement financés par le secteur public »19.
2. Toute « capacité inutilisée » devrait servir à réduire les temps d’attente au Canada20.
3. Même si on le décrit souvent comme une « source de revenu profitable », le
marketing du tourisme médical « pourrait facilement devenir un gouffre financier où
l’on gaspille les fonds publics pour des campagnes de marketing coûteuses ou,
comme cela s’est produit en Inde, ce sont des sociétés privées qui les engloutissent21.
4. « Le Canada n’a pas de surplus de professionnels de la santé disponibles pour le
tourisme médical »22.
5. Comme le marché mondial des services de santé est très concurrentiel, « les
investissements nécessaires pour faire du Canada une destination pour les touristes
médicaux pourraient mieux servir à aider les Canadiens à avoir accès aux services de
santé au Canada »23.
6. Ce « modèle douteux de soins de santé » perturbe la sécurité des patients, la
continuité des soins et celle des soignants24.
7. L’équité en santé importe. « L’égalité d’accès aux soins constitue une caractéristique
clé de la Loi canadienne sur la santé et un élément important de la vie de chaque
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Canadien qui obtient un accès financé par le secteur public à des services de santé
médicalement nécessaires et n’a pas à s’inquiéter d’avoir à choisir entre le traitement,
l’endettement médical ou la faillite25 ».
Turner soutient qu’on ne pose pas la bonne question en demandant pourquoi une province
canadienne ne peut devenir une clinique Mayo du Nord. « La clinique Mayo a de nombreuses
qualités méritoires, mais elle n’a pas la responsabilité de promouvoir l’accès équitable aux soins
et ne l’a jamais eue.26 »
Le total estimatif des dépenses mondiales de la santé dépasse les 4,1 billions de USD par
année27. Le Conseil des Canadiens signale que « les sources les plus prometteuses de bénéfices
futurs sont les programmes de soins de santé profitables comme celui du Canada, qui sont
toujours sans but lucratif et payés par le secteur public28 ». L’exemption prévue dans l’Accord de
libre-échange nord-américain (ALENA) pour les soins de santé « qui exclut du Canada les
grandes sociétés américaines du secteur de la santé, s’applique seulement dans la mesure où les
services de santé sont des services sociaux établis ou maintenus à une fin publique29 ». Si l’on
ouvrait les soins de santé aux intérêts privés à la suite de décisions gouvernementales ou
d’accords commerciaux comme l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le
Canada et l’Union européenne, « l’ALENA forcerait le Canada à accorder un traitement égal aux
entreprises américaines qui font concurrence à notre système public pour attirer des patients30 ».
On assistera alors à « l’implantation de modes inéquitables de prestation de soins de santé »
attribuable à « la présence permanente de parties étrangères qui n’ont aucun intérêt acquis dans
le bien-être des populations locales31 ». Sans compter que cette décision exposerait les
gouvernements aux contestations judiciaires d’entreprises transnationales pour la perte de
revenus possibles, et des Canadiens nantis ou désespérés qui veulent avoir accès plus rapidement
aux services de santé grâce à la médecine entrepreneuriale pourraient eux aussi intenter des
poursuites.
Pertinence pour la mission et les buts de l’AIIC : Cette résolution fera avancer la mission de
l’AIIC qui consiste à « améliorer les résultats pour la santé dans un système de santé sans but lucratif
et financé par le secteur public ». Il s’agit d’une occasion pour la profession infirmière de faire
preuve de leadership en protégeant le système de santé du Canada contre les forces du marché qui
mineraient l’accès et l’équité à la recherche du profit.
Intervenants clés : Les interventions publiques de lAIIAO contre le tourisme médical ont inclus
un article en page éditoriale publié dans le Toronto Star en 2013 où l’Association soutenait que
« le système de santé de l’Ontario devrait répondre aux besoins et non à l’avidité »32. En
avril 2014, dans une lettre33 et un communiqué34 diffusés conjointement, l’Association des
centres de santé de l’Ontario, l’Association des sages-femmes de l’Ontario, Médecins canadiens
pour le régime public, le Medical Reform Group et l’AIIAO ont exhorté la première ministre de
l’Ontario à mettre fin à la pratique qui consiste à permettre aux hôpitaux de solliciter des patients
étrangers qui paient. La Coalition canadienne pour la santé et ses affiliées provinciales et
territoriales, le Conseil des Canadiens, la Fédération canadienne des syndicats
d’infirmières/infirmiers et d’autres membres du mouvement syndical sont au nombre des autres
groupes de la société civile qui cherchent à maintenir au Canada le système de santé sans but
lucratif financé par le secteur public.
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Ressources nécessaires prévues ou résultats attendus : Les administrations qui font
actuellement l’essai du tourisme médical mettront fin à leurs efforts à cause du leadership solide et
visible de la profession infirmière qui collabore avec des organisations de la société civile et le public
dans ce grand dossier.
Références :
1 Il s’agit d’une version mise à jour d’une résolution présentée par l’Association des infirmières
et infirmiers autorisés de l’Ontario pour l’assemblée générale annuelle 2013 de l’Association des
infirmières et infirmiers du Canada, que les membres n’ont pas eu l’occasion d’aborder faute de
temps.
Extrait de
http://www.cna-aiic.ca/~/media/cna/page%20content/pdf%20fr/2013/09/09/18/52/2013_resoluti
on_7_f.pdf
2 Derfel, A. (2 février 2013). Kuwait deal uses MUHC doctors and nurses: Use of resources,
transparency called into question. Montreal Gazette.
3 Government approves international patient’s surgery, MUHC says: Quebec health minister
slams MUHC for treating paying Kuwaiti. (1er février 2013). CBC News.
Extrait de http://www.cbc.ca/news/canada/montreal/story/2013/02/01/quebec-montreal-kuwait-
muhc.html
4 Derfel, A. (2 février 2013). Kuwait deal uses MUHC doctors and nurses.
5 Government approves international patient’s surgery, MUHC says.
6 Government approves international patient’s surgery, MUHC says.
7 Boyle, T. (2 avril 2014). Toronto hospitals seek more medical tourists. Toronto Star. Extrait de
http://www.thestar.com/life/health_wellness/2014/04/02/toronto_hospitals_seek_more_medical_
tourists.html
8 Boyle, T. (2 avril 2014). Toronto hospitals seek more medical tourists.
9 Réseau universitaire de santé. (2010). UHN strategic directions 2016: Global impact-local
accountability, p. 21. Extrait de
http://www.uhnmodules.ca/About_UHN/corporate_info/reports_statements/StratPlan2016_site/d
ocs/Strategic%20report%20FINAL.pdf
10 Bell, R. (2013). Rapport du chef de la direction du Réseau universitaire de santé, p. 1. Extrait
de
http://www.uhn.ca/corporate/AboutUHN/CorporateInformation/Board_Trustees/Documents/CE
O_Report_Oct2013.pdf
11 Bell, R. (2013). Rapport du chef de la direction du seau universitaire de santé, p. 1.
12 Grant, K. (1er avril 2014). Toronto hospital courts wealthy ‘medical tourists’. Globe and Mail.
Extrait de http://www.theglobeandmail.com/news/national/sunnybrook-hospital-accepts-
international-patients/article17751151/
13 Priest, L. et Howlett, K. (31 janvier 2011). Ontario hospital’s deal with Kuwait sparks fear of
queue-jumping. Globe and Mail. Extrait de
http://www.theglobeandmail.com/news/national/ontario-hospitals-deal-with-kuwait-sparks-fears-
of-queue-jumping/article565006/
14 Picard, A. (23 août 2007). Top MD to wage war on waiting. Medical association’s new chief
also backs increased private role. Globe and Mail. Extrait de
http://www.theglobeandmail.com/news/national/top-md-to-wage-war-on-waiting/article692137/
15 Maybaum, F. (2010). The case for queue jumping [Psentation]. Institut des études de marché
de l’Atlantique. Extrait de
5
http://www.aims.ca/site/media/aims/AIMS%20Healthcare%20brochure.pdf
16 Purdy, L. et Fam, M. (2011). L’évolution du tourisme médical au Canada : Explorer les
nouvelles frontières. Deloitte Center for Health Solutions, p. 13. Extrait de
http://www.deloitte.com/assets/Dcom-
Canada/Local%20Assets/Documents/Public%20Sector/ca_fr_ps_evolving_medical_tourism_052
511.pdf
17 Lunt, N., Smith, R., Exworthy, M., Green, S.T., Horsfall, D. et Mannion, R. (2011). Tourisme
médical : Traitements, marchés et répercussions sur le système de santé. Un examen de sa
portée. Organisation de coopération et de développement économiques, p. 6. Extrait de
http://www.oecd.org/els/health-systems/48723982.pdf
18 BC to market health tourism. (9 mars 2010). Presse canadienne. Extrait de
http://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/story/2010/03/09/bc-health-tourism-falcon-
dix.html
19 Turner, L. (2012). Making Canada a Destination for Medical Tourists: Why Canadian
Provinces Should Not Try to Become “Mayo Clinics of the North.” Healthcare Policy, 7(4),
p. 21. Extrait de http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3359081/pdf/policy-07-018.pdf
20 Turner, p. 21.
21 Turner, p. 22.
22 Turner, p. 22.
23 Turner, p. 23.
24 Turner, p. 24.
25 Turner, p. 24.
26 Turner, p. 24.
27 Organisation mondiale de la Santé. (2007). Spending on health: A global overview (Fact Sheet
No. 319). Extrait de http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs319.pdf
28 Conseil des Canadiens. (2012). Public health care threatened by trade agreements. Ottawa :
auteur.
29 Conseil des Canadiens. (2012). Public health care threatened by trade agreements.
30 Conseil des Canadiens. (2012). Public health care threatened by trade agreements.
31 Johnston, R., Crooks, V. A., Snyder, J. et Kingsbury, P. (2010). What is known about the
effects of medical tourism in destination and departure countries? A Scoping Review.
International Journal for Equity in Health. 9(24), p. 9.
32 Grinspun, D. (1er avril 2013). Ontario’s health care system should serve need, not greed.
Toronto Star. Extrait de
http://www.thestar.com/opinion/commentary/2013/04/01/ontarios_health_care_system_should_s
erve_need_not_gree.html
33 Association des centres de santé de l’Ontario, Association des sages-femmes de l’Ontario,
Médecins canadiens pour le régime public, Medical Reform Group, Association des infirmières
et infirmiers autorisés de l’Ontario. (2014). Lettre conjointe à la première ministre Wynne au
sujet du tourisme médical. Extrait de http://rnao.ca/sites/rnao-ca/files/2014-04-
11_Letter_to_Premier_re_Medical_Tourism.pdf
34 Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario. (2014). Health groups urge
Premier Wynne to stop medical tourism [Communiqué]. Extrait de http://rnao.ca/news/media-
releases/2014/04/16/top-health-associations-urge-premier-wynne-stop-medical-tourism
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