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Jour 2:
Contribution de la théorie micro-économique
M. Upton
Université de Reading
Partie I: contribution de la théorie micro-économique
Objectifs:
(i) réviser la théorie micro-économique de base sur la production, telle qu’appliquée aux petits
ménages agricoles tropicaux,
(ii) mettre en relation l’offre de marchandise avec le coût de production, sous un système de
prix compétitifs,
(iii)mettre en relation la demande dérivée d’inputs avec la production et la minimisation des
coûts, sous un système de prix compétitifs.
I.1. Les choix entre culture vivrière et culture de rente
La plupart de la production agricole tropicale est entre les mains de petits ménages agricoles. Les
exploitations sont en général caractérisées par une petite surface, une majorité de travail familial et
une faible utilisation de machines et d’équipements. Les membres du ménage s’engagent dans
une série d’activités internes et externes à la ferme, dans la poursuite d’objectifs multiples. Dans
ces objectifs on retrouve en général la satisfaction des besoins alimentaires de base du ménage, et
la recherche d’un gain monétaire ou d’un profit. (L’économie des petits ménages agricoles
tropicaux est discutée dans Ellis 1988 et Colman & Young 1989)
Les fermiers des zones tropicales, comme dans la plupart des régions du monde, s’engagent dans
plusieurs activités productives et produisent un éventail de biens différents. Une décision
importante à prendre à chaque saison est la combinaison de cultures à produire. Parce que les
ressources du ménage en terre, travail et capital sont limitées, il y a un arbitrage entre cultures en
fonction des ressources disponibles. L’expansion de la production d’une culture nécessite une
réduction de l’output disponible pour une autre. La relation entre les quantités d’une culture de
rente, comme le coton, et d’une culture vivrière, comme le sorgho, qui peuvent être produites est
représentée par la “frontière des possibilités de production” de la figure 2.1.
La courbe est une limite ou frontière dans le sens qu’elle montre la quantité maximale des deux
cultures qui peuvent être cultivées. Les combinaisons, représentées par des points à l’intérieur de
la frontière, tels que le point F, sont réalisables mais ne sont pas efficaces, dans le sens qu’une
quantité plus grande d’une ou des deux cultures pourrait être produite avec les mêmes
ressources.
Cependant la frontière a une pente négative, reflétant la compétition entre cultures pour les
ressources rares.
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La pente de la frontière (ou plus précisément la pente négative de la frontière) représente le taux
marginal de transformation (TmT), qui représente le montant de coton (R) auquel il faut renoncer
si la production de sorgho (V) est augmentée d’une unité. Elle peut être interprétée autrement
comme le “coût d’opportunité” de la culture vivrière en terme de culture de rente perdue.
Soit:
TmTRV = -dR/ dV
Imaginons un petit mouvement le long de cette frontière, où les deux cultures sont en compétition
pour une ressource particulière, disons la terre. Si une unité de terre est transférée de la
production de la culture de rente vers la production de la culture vivrière, l’output de la première
va diminuer de la productivité marginale de la terre pour la production de la culture de rente, et
l’output de la seconde va augmenter de la productivité marginale de la terre pour la production de
culture vivrière. De là, la pente est donnée par le rapport de ces productivités marginales. D’où
nous pouvons conclure que:
TmTRV = PmR/ PmV
L’hypothèse que la Courbe des Possibilités de production soit concave par rapport à l’origine
peut maintenant être justifiée. Tout d’abord on peut avancer que la Loi des Rendements
Marginaux Décroissants s’applique. Quand une quantité de plus en plus grande des ressources
limitées est utilisée dans la production de culture vivrière, la production marginale va diminuer. Au
contraire, quand une quantité de plus en plus petite des ressources est utilisée dans la production
de culture de rente, le produit marginal de cette utilisation va augmenter. En bref, le “changement
horizontal” devient plus petit pendant que le “changement vertical” devient plus grand, l’effet total
étant que la pente devient plus raide quand une plus grande quantité de la ressource est transférée
dans la production de culture vivrière. Dans la Figure 1, la pente est clairement plus raide entre C
et D qu’elle ne l’est entre A et B.
Un autre argument est basé sur le fait que différentes contraintes deviennent effectives (ou liantes)
quand des déplacements ont lieu le long de la courbe. Les deux cultures peuvent être en
compétition pour des ressources différentes à des taux différents. L’interrelation entre les
différentes contraintes résulte en une frontière courbée vers l’extérieur (ou une convexe dans le
langage de Programmation Linéaire). L’optimum, ou meilleur choix, est susceptible de se trouver
quelque part le long de cette courbe.
I.2. Le choix économique optimal
Supposons que la culture vivrière ainsi que la culture de rente peuvent être vendues à un prix
constant donné (pR pour la culture de rente et p
V pour la culture vivrière). Il est maintenant
possible de déterminer la combinaison économique optimale des deux cultures, qui va rapporter
le revenu total maximal. Ce sera le meilleur choix pour un fermier dont le principal objectif est un
gain financier.
A partir de ces prix donnés, nous pouvons construire les courbes d’iso-revenu, c’est-à-dire le
même revenu total que l’on peut obtenir à travers différentes combinaisons des deux cultures.
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Une série de ces droites parallèles est superposée à la Courbe des Possibilités de Production
dans la Figure 2. Chaque droite représente un revenu total donné et a une pente négative égale à
pV/ pR , vu que la quantité de culture de rente qui doit être vendue pour produire un revenu total
de ‘R’ est R/ pR , et la quantité de culture vivrière nécessaire pour produire le même revenu total
est R/ pV. La pente peut être déterminée comme:
[équation du bas de la p.32]
Figure 1: La frontière des possibilités de production
[figures 1 p.33]
Figure 2: Valeurs de marché et l'optimum économique
[figure 2 p.33]
Le revenu total augmente avec des quantités croissantes des deux cultures, comme la flèche nous
l’indique.
Il semble clair que le revenu total maximal qui peut être gagné se trouve au point E, où une droite
d’iso-revenu est tangente à la courbe des possibilités de production. En ce point, les pentes sont
identiques, donc:
TmTPV = pV/pR , ce qui implique que PmR/PmV = pV/pR
ou après réarrangement: PmR - pR = PmV - pV
la productivité marginale physique d’une ressource limitée, comme la terre, utilisée dans la
production d’une culture particulière, multipliée par le prix unitaire de cette culture, donne la
“productivité marginale en valeur” (Pmv) de la ressource dans la production de cette culture.
Dans ce cas, l’optimum économique est trouvé quand la productivité marginale en valeur de la
terre pour la production de sorgho est égale à la productivité marginale pour la production de
coton. D’une autre manière, la productivité marginale en valeur dans la production de coton peut
être vue comme le coût d’opportunité de l’extension de la culture vivrière. L’optimum
économique est alors trouvé lorsque la productivité marginale en valeur dans la production
vivrière est égale à son coût d’opportunité.
En fait, nous avons maintenant une règle générale pour trouver l’optimum économique, qui est de
s’assurer que la productivité marginale en valeur d’une ressource limitée est la même pour toutes
les cultures, en fait pour toutes les activités productives, et cette Pmv est également le coût
d’opportunité de la ressource.
I.3. Changements de prix et réaction de l’offre
L’analyse va maintenant être étendue pour explorer les effets de modifications des prix relatifs.
Faisons l’hypothèse que le prix de la culture de rente reste constant, mais que le prix de la culture
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vivrière augmente. Ceci signifie que le même revenu total, qui était gagné à l’ancien prix, peut
maintenant être obtenu en vendant une plus petite quantité de culture vivrière (dans la figure 3, la
droite d’iso-revenu glisse de AB1 vers AB2). Cependant le fermier, s’il optimise son profit, va
continuer à travailler le long de la courbe des possibilités de production, et donc va se déplacer
vers un plus haut degré de revenu total (représenté par la ligne en pointillés GH). Cette
augmentation de revenu est le premier effet d’une augmentation du prix de la production. Un
deuxième effet est que la production et les ventes de culture vivrière sont substituées à celles de
culture de rente. La combinaison économique optimale des deux cultures se déplace autour de la
frontière, dans le sens des aiguilles d’une montre, de E1 à E2.
Un troisième effet de l’augmentation du prix de la culture vivrière est une possible augmentation
des quantités d’inputs utilisées. En pratique, l’augmentation de prix va encourager le fermier à
utiliser plus de fertilisant et autres inputs pour sa culture vivrière, et par là augmenter la production
et déplacer la courbe des possibilités de production vers l’extérieur, comme c’est montré sur la
figure 3. Le fermier devrait aussi être incité à acquérir plus de terre et autres ressources “fixes”,
étant donné le rendement supérieur qui peut être obtenu. Cependant, de tels changements vont
mettre du temps à survenir, ce qui fait qu’il y a une différence entre la réaction à court terme,
endéans disons un an, et la réaction à long terme, après une période suffisamment longue pour
permettre aux inputs fixes d’être modifiés (voir Askari & Cummings 1976).
Figure 3: Les effets d'une hausse des prix alimentaires
[figure 3 p.35]
Si nous faisons l’hypothèse que le coton est la seule culture alternative, et que son prix est
constant, alors nous pouvons dériver la courbe d’offre du fermier pour la culture vivrière, le
sorgho, de la courbe des possibilités de production (voir figure 4). La courbe d’offre de court
terme représente le coût marginal de production , qui est mesuré par le coût d’opportunité.
Comme nous l’avons vu, le coût d’opportunité, en terme de revenus perdus sur le coton,
augmente par unité de production lorsque celle-ci augmente.
L’élasticité de l’offre (E) est définie comme le changement en pour-cent dans les quantités
offertes, divisé par le pourcentage de changement dans le prix, ou:
E = dQ/dp . p/Q
L’offre est dite inélastique si E< 1, et la courbe d’offre a une pente relativement raide. Elle est
élastique si E > 1, et la courbe d’offre est plus plate. Comme nous l’avons montré, la réaction de
l’offre est plus élastique dans le long terme, car il faut du temps pour ajuster les inputs terre,
travail et capital. Ces arguments s’appliquent de la même manière quand le champs de vision est
élargi d’une ferme individuelle à la production agrégée pour un pays ou une région.
Les résultats disponibles des études empiriques sur la réaction de l’offre suggèrent que, bien que
l’élasticité de l’offre pour un bien unique soit généralement positive, l’offre agrégée de toutes les
productions de la ferme ne varie pas beaucoup en réaction aux prix, du moins dans le court terme
(voir Binswanger, 1990). En d’autres mots, l’offre agrégée est inélastique, ce qui suggère que les
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inputs de ressources ne changent pas beaucoup quand les prix augmentent ou baissent.
L’élasticité de l’offre observée pour une culture individuelle reflète le transfert de ressources
depuis les autres entreprises alternatives.
Figure 4: Variations de prix et réaction de l'offre
[figure 4 p.36]
I.4. Les décisions de consommation et la réaction de l’offre
L’élasticité de l’offre, et la vitesse de la réponse, diffèrent selon les biens. En général, l’offre des
cultures permanentes telles que le cacao, le café, l’huile de palme et le caoutchouc est moins
élastiques que celles de cultures annuelles. Les investissements nécessaires à l’installation
d’arbres représentent un long et lent processus. Pour des raisons similaires, l’élasticité de l’offre
de court terme pour du bétail à croissance lente, comme des bovins ou des camélidés, est très
basse. En effet, la réaction de l’offre peut être négative la première année, parce que les éleveurs
peuvent réagir à une hausse des prix en agrandissant d’abord leur troupeau.
L’offre de culture vivrière est généralement moins élastique que celle de culture de rente, et peut
même être négative, à cause de la tendance à accroître la consommation domestique lorsque le
revenu augmente. Pour illustrer cette possibilité, revenons à l’exemple d’un ménage agricole face
au choix de production entre une culture de rente (le coton) et une culture vivrière (le sorgho). La
figure 5 nous montre la frontière des possibilités de production et la droite d’iso-revenu qui
déterminent la combinaison économique optimale, comme dans la figure 2. Dans le but de
maximiser le revenu du ménage, le fermier devrait produire OD kg de culture vivrière et OA kg
de culture de rente. Cependant, nous tenons maintenant compte des préférences subjectives du
ménage, entre de la nourriture produite au sein du ménage et de l’argent gagné grâce à la culture
de rente, arbitrage représenté par les courbes d’indifférence IoIo et I1I1.
Nous devons nous rappeler qu’une courbe d’indifférence représente les différentes combinaisons
de deux biens qui entraînent le même niveau “d’utilité” ou de satisfaction. La pente, connue sous
le nom de “taux marginal de substitution” (TmS), est le montant de coton auquel le ménage désire
renoncer en échange d’un kilo de culture vivrière supplémentaire. On fait l’hypothèse que le
ménage a pour but d’atteindre le plus grand degré de satisfaction possible, et d’atteindre la
courbe d’indifférence la plus haute possible. Pour un ménage capable d’acheter ou de vendre de
la nourriture, ce point se trouve en F, où la droite des prix (PP) est tangente à la courbe
d’indifférence I1I1, et les deux pentes sont égales.
Il apparaît maintenant que ce ménage voudra choisir de vendre une partie de ses cultures
produites. De la production totale OD, seulement OC est consommée par le ménage, la quantité
restante CD étant le surplus vendu. La valeur monétaire de OA kg de coton est gagnée par la
vente de cette culture, et celle de AB kg de coton provient de la culture vivrière mise sur le
marché. Notons que s’il n’avait pas été possible de vendre de la nourriture, l’optimum se serait
trouvé au point de tangence entre la courbe des possibilités de production et la courbe
d’indifférence IoIo. Ceci représente un niveau plus bas d’utilité pour le ménage que I1I1.
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