LE NOUVEL ALBUM
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Jamait n’aime pas dire « je me souviens » pour rappeler à lui le bon vieux temps. Ses « je me souviens » sont
toujours au présent, font l’inventaire de ce qui le constitue, remontent le l d’il vient. « Ce nest pas nostalgique,
prévient-il. C’est comme Georges Perec, pour savoir sur quel socle on est bâti. »
Ce socle, ce n’est pas seulement les cinq albums en studio qui précèdent Je me souviens. C’est toute la vie
avant, autour, au-delà. Des amis, des amours, des emmerdes – comme dirait Aznavour. Et la famille, le cœur, les
entrailles, les sentiments.
Alors on trouve dans Je me souviens des délités évidentes au Jamait que l’on fréquente depuis De verre en
vers, son premier album paru en 2003, et le mouvement irrésistible de l’écriture qui évolue, des angles de vue
qui se multiplient, des images qui se précisent toujours plus. « Lécriture évolue, constate Jamait. J’ai moins
besoin de détails. Je vais plus à lessentiel. La façon de faire change aussi. Pour cet album, jai commencé
à écrire sur des mélodies, ce que je ne faisais pas avant. J’avais des airs en yaourt à la guitare, des
mélodies que je siais. Pour la première fois, j’ai travaillé à partir de ce matériau. »
Il a aussi choisi de donner une autre direction aux arrangements en appelant Emmanuel Eveno et Daniel Bravo du
groupe Tryo. « Ils apportent des choses auxquelles je naurais jamais pensé. Manu et Danielito ont donné
limpulsion sur toutes les chansons, puis Samuel Garcia (son dèle accordéoniste et pianiste) a proposé
dautres choses, le tout sous la gouvernance de Dominique Ledudal qui a réalisé et mixé lalbum. »
Avant cet album, on n’aurait peut-être pas imaginé Jamait dans le reggae survolté de Réalité, dans le rock
panoramique de Je ne reviendrai plus ou dans la jungle world de Salauds. « C’est ce qui me plait dans la
chanson française : l’emprunt à toutes les formes et à toutes les musiques du monde. » D’ailleurs, Jamait
s’amuse qu’on continue autant à le dépeindre en gavroche à casquette attaché au musette. « Je nai pourtant
pas fait beaucoup de chansons musette dans ma carrière », note-t-il… mais Je me souviens en contient
une, qui est particulièrement spectaculaire : Accordéon, pour laquelle Samuel Garcia est flanqué du légendaire
Marcel Azzola et de son virtuose cadet Lionel Suarez.
La plupart des treize chansons de Je me souviens évoquent d’une manière ou d’une autre le temps qui passe,
les surprises de l’oubli, la fugacité des choses. La chanson qui donne son titre à l’album énumère ainsi de
menus souvenirs d’une histoire d’amour avant de lâcher un vers assassin : « Je ne me souviens plus de toi ».
Jamait avoue : « Ce personnage qui se souvient des petits détails anodins et oublie le principal – comme
un Alzheimer amoureux – mamusait beaucoup. Mais lhistoire reste dans le vague, on ne sait pas ce
qui arrive, si cest un crime, un accident… »
Cette dimension romanesque fait penser aux œuvres de Georges Simenon, à la fois ancrées dans le quotidien
le plus familier et propices au vertige existentiel. D’album en album, Jamait a appris à s’approcher des gouffres,
à planter ses yeux au ciel, à descendre dans les failles de l’âme. Il explore, les yeux grand ouverts, les paradoxes
cruels du temps – « On ne vit pas assez longtemps pour oublier tout ce quil nous a appris », chante-t-il
dans J’ai appris, écrit après la disparition de Jean-Louis Foulquier. Personne ne sait voir comme lui les grandes
questions se glisser dans les petits gestes, les sujets graves se déguiser en heures légères, la philosophie
se déguiser en journées ordinaires… C’est à la fois l’ambition et la erde l’auteur-compositeur-interprète :
« Les gens touchés par mes écritures y trouvent quelque chose qui correspond à leur existence. Après
les concerts, on vient me dire que mes chansons accompagnent des vies, des morts, des baptêmes… »
Jamait compte parmi ces artistes dont l’œuvre est envahie de vie, dont chaque chanson fait forcément écho
– tout entière ou d’un seul mot – à ce que chacun vit. C’est d’ailleurs pourquoi on trouve ses chansons éparpillées
sur Youtube, reprises par des anonymes. « Je trouve ça émouvant au possible. Quelqu’un qui se dit quil
va chanter une chanson d’Yves Jamait, se lmer et poster la vidéo. Ce sont mes victoires de la musique,
devenir une partie de la BO de la vie des gens. »
Ce n’est pas près de s’arrêter. Il connait bien son rythme : un an d’écriture pour une douzaine de chansons et
un album tous les deux ans. Il goûte à la fois la distance sereine que l’on pratique à cinquante-quatre ans et
les envies fortes d’une carrière encore courte. Car il a vraiment débuté dans la chanson à plus de quarante ans,
un âge « la lumière éblouit moins. Si ça métait arrivé à vingt ans, je ne serais plus là en tant que
chanteur. Je ne serais peut-être même plus là du tout. » Alors il poursuit son chemin, cette aventure des
mots que l’on chante et qui rencontrent la vie d’inconnus. Et il y aura du Jamait quand, à leur tour, ils diront
« je me souviens ».
WWW.JAMAIT.FR
/yvesjamait @Yves_Jamait
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