éruption cutanée associée à la quinine

publicité
Pharmacovigilance
Éruption cutanée associée
à la quinine
La quinine est une molécule connue depuis de nombreuses années. Administrée initialement pour traiter le paludisme, elle est maintenant
plus couramment utilisée pour traiter les crampes nocturnes. Au Québec, la quinine est un médicament disponible en annexe II pour cette
dernière indication. Il s’agit d’un médicament qui est généralement bien toléré et présente peu d’effets indésirables. Tout cela ne signifie
pas pour autant que la quinine soit exempte d’effets indésirables graves. Des cas de réactions cutanées, de chocs anaphylactiques et de
toxicités hématologique, hépatique et neurologique ont entre autres été rapportés1. Cet article présente un cas d’éruption cutanée associée
à la quinine, un effet secondaire rare de ce médicament.
Présentation du cas
Le patient concerné est M.C., un homme âgé de
58 ans, mesurant 1,59 m et pesant 99,5 kg. Au
jour 0 de l’hospitalisation, M.C. consulte à l’urgence pour des étourdissements en augmentation depuis une semaine ainsi que pour de la
fatigue, de la faiblesse, une diminution de l’appétit, des céphalées, des frissons, de la diaphorèse
et une diminution de la diurèse. M.C. présente
également une éruption cutanée accompagnée
de prurit au niveau du visage, du dos et des jambes ayant débuté la veille (jour -1 de l’hospitalisation).
M.C. est atteint de dysfonction cardiaque
diastolique sévère, de diabète de type II traité
par de l’insuline, de dyslipidémie, de maladie
coronarienne et de maladie vasculaire athérosclérotiques, d’insuffisance rénale sévère, d’hypertension artérielle, d’anémie, d’obésité et de
goutte. Il a également subi deux pontages aortocoronariens il y a plus de 15 ans. Étant donné les
nombreuses pathologies dont il souffre, M.C. a
un profil pharmacologique lourd. La médication qu’il reçoit à l’admission est présentée au
tableau I. Il est à noter que de la quinine (NovoQuinine®) à raison de 300 mg une fois par jour
au coucher a été ajoutée à la médication de M.C.
deux semaines avant son hospitalisation. Le
patient a un antécédent d’allergie à la clindamycine (Dalacin C®) qui s’est manifestée par une
éruption cutanée.
À l’admission, toutes les valeurs de laboratoire
de M.C. se trouvent à l’intérieur des intervalles
normaux, à l’exception de la créatinémie qui est
augmentée à 390 umol/L, alors que sa valeur de
base est habituellement aux environs de
280 umol/L, et de l’urémie qui était augmentée
à 29,2 umol/L. Plusieurs médicaments sont cessés en raison de l’insuffisance rénale aiguë (IRA)
et de la détérioration de l’état général du patient,
soit le furosémide, l’amlodipine, l’hydralazine,
le fénofibrate, l’atorvastatine, la colchicine, le
sulfate ferreux et la quinine. En effet, le furosémide et les hypotenseurs peuvent être à l’origine
d’une IRA ou l’exacerber. La colchicine, l’atorvastatine et le fénofibrate, quant à eux, ont été
cessés en raison de leur élimination rénale. De
fait, l’IRA aurait pu causer une accumulation de
www.professionsante.ca
ces agents et augmenter le risque d’effets indésirables et de toxicité. Plusieurs hypothèses ont été
soulevées pour expliquer cette augmentation de
la créatinémie. La quinine a été soupçonnée
puisque des cas de néphrite à la quinine ont été
rapportés, mais la déshydratation secondaire à
l’utilisation du furosémide et à une diminution
de l’apport liquidien semblait plus probable en
raison de l’augmentation concomitante de
l’urée.
Puisque la quinine était le dernier médicament à avoir été ajouté, cet agent a tout de suite
été soupçonné d’être responsable de l’éruption
cutanée accompagnée de prurit. Des analyses
de laboratoire ont démontré que M.C. ne présentait pas d’éosinophilie, excluant ainsi un
syndrome d’éruption cutanée avec éosinophilie
et symptômes systémiques (Drug rash with
eosinophilia and systemic symptoms [syndrome DRESS]).
De l’hydroxyzine (Atarax®) à raison de 25 mg
par voie orale toutes les 8 heures et de la diphénhydramine (Benadryl®) à raison de 25 mg par
voie intraveineuse toutes les 6 heures au besoin
ont été instaurés afin de diminuer les symptômes cutanés (éruption et prurit), tandis qu’un
Texte rédigé par Magali Laprise-Lachance,
B. Pharm., St. Joseph’s Healthcare, Hamilton,
et Mélanie Simard, B. Pharm., M.Sc., BCOP,
CHUQ, Pavillon de l’Hôtel-Dieu, Québec.
Texte original remis le 30 juillet 2010.
Texte final remis le 18 janvier 2011.
Révision : Christine Hamel, B. Pharm., M.Sc.,
Hôpital BMP, Cowansville.
Tableau I
Histoire médicamenteuse
Médication
Durée de traitement
Atorvastatine 40 mg die
10 ans
Fénofibrate 100 mg die
10 ans
Pantoprazole 40 mg die 7 ans
Aspirine 325 mg die
6 mois
Métoprolol 50 mg bid
6 mois
Amlodipine 5 mg die
6 mois
Hydralazine 10 mg tid
6 mois
Sulfate ferreux 300 mg 2 comprimés hs
6 mois
Insuline lispro aux repas (Novorapid®)
4 mois
Insuline biosynthétique humaine
4 mois
à action intermédiaire hs (Novolin® GE NPH)
Allopurinol 100 mg die
3 ½ mois
Colchicine 0,6 mg 1 comprimé 3 fois par semaine
3 mois
Furosémide 80 mg bid
1 ½ mois
Quinine 300 mg die
2 semaines
juin 2011 vol. 58 n° 3 Québec Pharmacie
49
Pharmacovigilance
soluté de normal salin (NaCl 0,9 %) a été administré pour corriger la déshydratation du
patient. Quelques heures plus tard, M.C. présentait encore beaucoup de prurit et la dose de
diphénhydramine a été augmentée à 50 mg toutes les 6 heures au besoin. Le lendemain de son
admission (jour 1), l’hydroxyzine et la diphénhydramine ne parvenaient pas à soulager les
symptômes de M.C., ce dernier présentant toujours des lésions prurigineuses importantes. Il
avait même l’impression que ces dernières
avaient augmenté. De plus, il a présenté un premier pic de température à 38,4 °C en avant-midi
et un autre atteignant 38,2 °C en soirée. Le dermatologue, qui avait été demandé en consultation, a prescrit une crème à base d’acétonide de
triamcinolone 0,1 % (Aristocort-R®) en application sur les rougeurs deux fois par jour. Ce
médecin n’a pas fait de biopsie cutanée, mais il a
tout de même conclu à un exanthème non spécifique d’origine infectieuse ou médicamenteuse. Puisque le patient a fait de la fièvre, l’infectiologue a été demandé en consultation et ce
dernier a conclu qu’une infection n’était pas en
cause. La cause de l’exanthème non spécifique
était donc d’origine médicamenteuse. Dans la
soirée, le furosémide a été repris. Au jour 2, il y
avait une diminution importante de l’éruption
cutanée et du prurit. La créatinémie s’était également améliorée, atteignant ce jour-là
325 umol/L. Le patient n’a plus refait de pic
fébrile. Au jour 3, les symptômes d’allergie de
M.C. se sont encore beaucoup améliorés et sa
créatinémie était retournée à sa valeur de base,
soit 276 umol/L. Au jour 4, le patient ne présentait plus de prurit et l’éruption cutanée continuait de guérir (voir tableau II). Malgré l’amélioration rapide de son état, le patient a reçu son
congé après sept jours d’hospitalisation puisque
des investigations, qui n’étaient pas en lien avec
l’épisode d’éruption cutanée, ont été menées.
Discussion
Les réactions associées à la quinine sont, pour la
plupart, de type latent, ce qui signifie que les
symptômes apparaissent de 24 heures à plusieurs semaines après le début du traitement2.
C’est également le cas pour les réactions associées à la quinidine, une molécule apparentée à
la quinine2. Généralement, le temps d’exposition nécessaire à la quinine est d’au moins cinq
à sept jours et la majorité des hypersensibilités
surviennent après deux à six semaines de traitement si les patients n’y ont jamais été exposés
auparavant2,3. Les réactions cutanées associées à
la quinine se présentent de différentes façons,
mais elles sont le plus souvent accompagnées de
prurit 2. En France, de 1985 à 1996, 14 cas de
réactions cutanées ont été rapportés1. La moitié
d’entre eux étaient des éruptions érythémateuses et les sept autres, des cas d’eczéma, d’urticaire et de purpura allergique1.
Plusieurs cas décrits dans la littérature scientifique sont survenus chez des personnes de 58 à
68 ans, sauf un chez une jeune femme de 23 ans
sans comorbidités3,4,5. Les présentations clini-
Tableau II
Évolution de l’état clinique et modification de la médication
Jour -1Apparition de l’éruption cutanée
Jour 0
n Consultation à l’urgence
n Valeur de la créatinine = 390 umol/L, urée = 29,5
n  métoprolol 25 mg bid
n Ajout soluté NaCl 0,9 %, hydroxyzine, diphénhydramine 25 mg puis  50 mg
n Médicaments cessés : furosémide, amlodipine, hydralazine, fénofibrate, atorvastatine, colchicine, FeSO4 , quinine
Jour 1
n Impression de progression du prurit, fièvre
n Ajout crème hydratante et crème de cortisone
n Reprise du furosémide
n Arrêt de la diphénhydramine
Jour 2
n  importante du rash et prurit,
n  créatinémie (325 umol/L)
n  métoprolol 50 mg bid
Jour 3
n  importante du rash et prurit
n retour aux valeurs normales de créatinémie (276 umol/L)
Jour 4
n  importante du rash et prurit
n Valeur de la créatinine = 287 umol/L, urée = 18,1
Jour 5
Jour 6
Jour 7
n Départ
Note : l’amlodipine, l’atorvastatine et la colchicine ont été reprises en externe.
50
Québec Pharmacie vol. 58 n° 3 juin 2011
ques des réactions cutanées rapportées étaient
similaires. Les patients présentaient une fatigue
généralisée et des myalgies, puis le rash apparaissait3,4,5. À la suite de l’apparition du rash, les
patients présentaient des épisodes d’hyperthermie3,4,5. De plus, des anomalies du bilan sanguin
(éosinophilie) étaient présentes chez deux de ces
patients et tous les cas présentaient une atteinte
d’au moins un organe, le plus souvent le foie3,4,5.
Ces patients ont reçu un diagnostic de syndrome DRESS. Ce syndrome se manifeste par
plusieurs signes et symptômes systémiques avec
une altération de l’état général, une hyperthermie (température supérieure à 39 °C), des adénopathies douloureuses de grande taille et une
ou plusieurs atteintes viscérales, comme une
hépatite cytolytique, une néphrite interstitielle,
une pneumopathie interstitielle, une thyroïdite,
une encéphalite, une pancréatite, une rhabdomyolyse, une myocardite ou une péricardite3.
Récemment, des études ont laissé entendre que
le virus herpétique humain de type 6 (VHH6),
responsable de la roséole et d’autres maladies
infantiles, jouerait un rôle dans la pathogenèse
des syndromes d’hypersensibilité induits par les
médicaments8,9. C’est le cas d’une jeune femme
de 23 ans qui a manifesté un syndrome DRESS
alors qu’elle prenait de l’Hexaquine®, un médicament contenant de la quinine et de la thiamine. Ses symptômes se sont manifestés
lorsqu’elle a souffert d’une réactivation du
VHH63. Les médicaments pour lesquels des
syndromes DRESS ont été rapportés sont présentés au tableau III.
Il est à noter que M.C. n’a pas présenté un syndrome DRESS puisqu’il n’y avait pas d’irrégularité dans son bilan sanguin, ni d’atteinte d’organe. Cependant, il a présenté un affaiblissement
de l’état général et de l’hyperthermie modérée.
Son diagnostic était donc un exanthème maculaire érythémateux sur le tronc et le visage ainsi
que sur les membres inférieurs, réaction de
moindre intensité qu’un syndrome DRESS.
Que se serait-il passé si la quinine n’avait pas été
retirée de la pharmacothérapie de M.C. ? Est-ce
qu’il aurait manifesté un syndrome DRESS ? Il
est difficile de répondre à cette question avec
certitude. Il s’agit cependant d’une possibilité
puisque la littérature médicale indique que la
gravité de l’éruption, ainsi que des anomalies de
laboratoire qui sont associées au syndrome
DRESS sont liées en partie à la durée de l’exposition au médicament après l’apparition des premiers signes d’hypersensibilité9.
Imputabilité
Parmi les nombreux médicaments suspendus
lors de l’hospitalisation, plusieurs peuvent être
éliminés en analysant la chronologie des évènements en ce qui a trait à l’imputabilité de la réaction observée chez M.C. Tout d’abord, le furosémide a été suspendu lors de l’admission, mais il
Éruption cutanée associée à la quinine
Après l’utilisation de quinine, certains patients ont reçu un diagnostic
de syndrome DRESS. Ce syndrome se manifeste par plusieurs signes
et symptômes systémiques avec une altération de l’état général,
une hyperthermie, des adénopathies douloureuses de grande taille
et une ou plusieurs atteintes viscérales.
a été repris au jour 1. Malgré la reprise de ce médicament, l’état clinique du patient s’est tout de
même amélioré. Le furosémide peut donc être éliminé en tant qu’agent causal. Ensuite, l’amlodipine, l’atorvastatine et la colchicine ont éventuellement été repris en externe, sans qu’il y ait pour
autant réapparition d’une réaction cutanée chez
M.C. Les deux seuls autres médicaments, à l’exception de la quinine, qui n’ont pas été réintégrés
dans le profil pharmacologique du patient, sont
l’hydralazine et le fénofibrate. D’une part, puisque
le patient prenait du fénofibrate depuis plus de
10 ans, nous pouvons penser que ce médicament
n’est probablement pas la cause de l’éruption cutanée. D’autre part, M.C. prenait de l’hydralazine
depuis plus de six mois et la dose de ce médicament avait été réduite quelques semaines avant le
début de la réaction. Il serait donc étonnant que
l’hydralazine soit responsable de la réaction d’hypersensibilité. Le seul nouveau médicament que
M.C. prenait était la quinine, qui avait été administrée deux semaines avant l’apparition du rash
et du prurit.
L’algorithme d’imputation d’une réaction
indésirable à un médicament, aussi connu sous
le nom d’algorithme de Naranjo, a été utilisé
afin de déterminer le degré de probabilité que
l’éruption cutanée soit due à la quinine6. Dans le
cas présent, le score obtenu est de 4, ce qui signifie que la quinine est possiblement responsable
du rash dont a souffert M.C. et que le degré de
probabilité est faible. Il est vrai que, dans le cas
présent, plusieurs facteurs peuvent avoir influé
d’une façon ou d’une autre sur le tableau clinique. Tout d’abord, le patient était déshydraté, ce
qui est confirmé par une urémie élevée. En effet,
une concentration plasmatique d’urée élevée
peut causer des démangeaisons cutanées. Toutes les causes médicales ne pouvaient donc être
éliminées lors de la détermination de l’imputabilité de la quinine dans la réaction. Ensuite,
l’augmentation de la créatinémie était suffisamment importante pour que l’on puisse conclure
à une insuffisance rénale aiguë. Plusieurs médicaments que prenaient M.C. étaient éliminés en
quantité plus ou moins importante au niveau
rénal. Par conséquent, il est possible qu’il y ait eu
augmentation des concentrations sériques de
certains médicaments, dont la quinine, ce qui
pourrait avoir contribué à la réaction. En effet,
bien que le CYP3A4, isoenzyme du cytochrome
www.professionsante.ca
P450 (CYP), soit majoritairement responsable
du métabolisme de la quinine, l’excrétion de
cette molécule se fait par la suite au niveau rénal,
dont 20 % sous forme inchangée. Malheureusement, plusieurs critères de l’algorithme de
Naranjo n’ont pas été évalués cliniquement, tels
qu’une réexposition à la quinine ou l’analyse des
concentrations sanguines de quinine, ce qui est
en partie responsable du faible degré de probabilité obtenu entre la quinine et l’éruption cutanée. Enfin, il est à noter que l’algorithme ne tient
pas compte de la chronologie des évènements.
Or, d’un point de vue purement chronologique,
la quinine a été le seul médicament à être récemment introduit dans la médication de M.C.
(moins de deux semaines avant le début de la
réaction cutanée). C’est pourquoi cette dernière
a rapidement été incriminée.
Traitement
Que l’on soit en présence d’un syndrome DRESS
ou d’une réaction cutanée moins grave à un
médicament, l’étape initiale et la plus importante du traitement consiste à retirer l’agent causal le plus rapidement possible. Par la suite, des
traitements symptomatiques peuvent être instaurés afin de soulager le patient ou de tenter de
limiter les dommages aux organes3,8,9.
Le traitement symptomatique comprend l’ajout
d’antihistaminiques oraux et de corticostéroïdes
topiques, ce qui permet de diminuer le prurit
ainsi que l’ampleur de l’éruption cutanée3,8,9.
Dans le cas de M.C., l’équipe traitante a bien réagi
en cessant toute médication lui semblant suspecte ou qui aurait pu causer des dommages supplémentaires aux reins du patient, puis un traitement symptomatique a été instauré. Étant donné
la gravité des symptômes de M.C., la diphénhydramine aurait pu être entamée d’emblée à
50 mg, ce qui aurait peut-être permis de soulager
plus rapidement le prurit. Dans le même ordre
d’idées, une crème de cortisone aurait pu être
appliquée plus tôt afin de favoriser un soulagement local du prurit plus rapide.
La prise en charge thérapeutique du syndrome DRESS ne diffère pas de celle d’une
réaction cutanée moins grave (retrait de l’agent
causal, instauration de traitements symptomatiques). Cependant, d’autres agents peuvent
s’ajouter afin de préserver les organes atteints.
Tableau III
Autres médicaments associés à des syndromes DRESS3,5,8,9
Classe thérapeutiqueAgent
AntiépileptiquesCarbamazépine*
Oxcarbamazépine
Phénytoïne*
Phénobarbital*
Lamotrigine
AntirétrovirauxNévirapine
Abacavir
AntibiotiquesSulfamides*
Minocycline
Métronidazole
Dapsone
Anti-hyperuricémiqueAllopurinol
(inhibiteur de la xanthine oxydase) Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)Célécoxib
Inhibiteurs du recaptage de la sérotonine (ISRS)Fluoxétine
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA)Captopril
Antiarythmiques Mexilétine
* Médicaments les plus fréquemment impliqués.
juin 2011 vol. 58 n° 3 Québec Pharmacie
51
Pharmacovigilance
La prise en charge thérapeutique du syndrome DRESS ne diffère pas
de celle d’une réaction cutanée moins grave (retrait de l’agent causal,
instauration de traitements symptomatiques). Cependant, d’autres agents
peuvent s’ajouter afin de préserver les organes atteints.
Bien que la prednisone à la dose de 1 mg/kg/jour
se soit avérée utile, particulièrement lorsqu’il y a
une atteinte systémique importante, son utilisation demeure controversée8,9. La prednisone
agirait en inhibant l’accumulation des éosinophiles et de l’interleukine-5 (IL-5)8. L’IL-5 est un
médiateur important de l’activation des éosinophiles et un régulateur majeur de leur accumulation dans les tissus. D’autres médicaments ont
également été tentés lorsque des anticonvulsivants étaient responsables de syndromes
DRESS. Les immunoglobulines par voie intraveineuse à raison de 1 mg/kg/jour pour deux
jours se sont avérées bénéfiques lors d’un syndrome DRESS associé à la phénytoïne8. La
N-acétylcystéine (Mucomyst®) peut également
être bénéfique en augmentant l’effet antioxydant
du glutathion et en inhibant les cytokines médiatrices des réactions immunes8.
Puisque l’utilisation de la quinine est désormais à proscrire chez M.C., les solutions de
rechange en matière de traitement pour soulager les crampes nocturnes des jambes sont
une bonne hydratation, des compresses chaudes ou froides, des massages ainsi que des
étirements réguliers7,10. D’autres médicaments
ont été utilisés avec un certain succès, tels que
les inhibiteurs des canaux calciques, plus
particulièrement le diltiazem, et les complexes
de la vitamine B contenant un minimum de
30 mg de vitamine B610. Bien que ces traitements ne semblent pas aussi efficaces que la
quinine pour soulager les crampes, l’Académie
américaine de neurologie déconseille l’usage
régulier de la quinine et recommande plutôt
d’essayer le diltiazem ou les complexes de vitamine B7,10. À la suite de l’arrêt du fénofibrate,
M.C. n’a pas représenté de crampes nocturnes.
Il est donc possible que ces dernières aient été
un effet secondaire dû à l’association de l’atorvastatine et du fénofibrate chez un insuffisant
rénal.
Conclusion
5. Bankar RN, Köhnke A, Palani SB. Drug rash with
esonophilia and systemic symptom syndrome due to
quinine. J Postgrad Med. 2007; 53 (4): 272-3.
6. Naranjo CA, Busto U, Sellers EM, et coll. A method
for estimating the probability of adverse drug reaction. Clin Pharmacol Ther 1981; 30 (2): 239-45.
7. Coppin, R.J., Wicke, D.M. et Little, P.S. Managing nocturnal leg cramps – calf-stretching exercises and cessation of quinine treatment : A factorial randomised
controlled trial. Br J Gen Pract 2005; 55(512): 186-191.
8. Seth D, Kamat D, Montejo J. Dress syndrome : A
Practical Approach for Primary Care Practionners. Clinical Pediatrics 2008; 47 (9): 947-52.
9. UpToDate. Drug Eruptions. Andrew D. Samuel, MD.
[Sujet révisé le 7 octobre 2010. Page consultée le
12 janvier 2011.] www.uptodate.com
10. Medscape Pharmacist – Ask the expert. How Can
Leg Cramps Be Treated? Jodi H. Walker, Pharm. D.
[Publié le 14 juin 2010. Consulté le 24 juin 2010.]
www.medscape.com
Nous avons présenté un cas d’éruption cutanée
accompagnée de prurit, associé à la quinine. Chez
notre patient, de nombreux facteurs ont pu avoir
un impact sur l’imputabilité de la réaction indésirable. Puisque la quinine demeure le médicament
le plus susceptible d’avoir causé l’éruption cutanée,
sa réintroduction est totalement déconseillée, à
moins que cela ne soit fait sous surveillance médicale très étroite. La quinidine étant un isomère de
la quinine, lorsqu’une réaction allergique à la quinine est soupçonnée, il est préférable de l’éviter
puisqu’il existe un risque de réaction croisée. Les
antihistaminiques et les corticostéroïdes topiques
demeurent les agents de choix pour le traitement
d’éruptions cutanées accompagnées de prurit
d’origine médicamenteuse. Si le patient avait souffert d’un syndrome DRESS, la conduite à suivre
aurait été la même. L’ajout de prednisone par voie
orale à raison de 1 mg/kg/jour peut être envisagée,
bien que cette dernière soit controversée. n
Références
1. Beyens MN, Guy C, Ollagnier M. Effets indésirables
de la quinine dans l’indication de crampes musculaires. Thérapie 1999; 54(1): 59-62.
2. Hoigné R, Jaeger MD, Wymann R, et coll. Time pattern of allergic reactions to drugs. Agents Actions
Suppl. 1990; 29: 39-58.
3. Gréco M, Dupré-Gotghebeur D, Leroy JP, et coll.
Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse à
l’Hexaquine® (quinine et thiamine). Ann Dermatol
Venereol. 2006; 133(4): 354-8.
4. Khan N, Burchett S, Adelman HM. A woman with
leg cramps and rash. Hosp Pract (Minneap) 2000; 35
(6): 17, 21-2.
Questions de formation continue
10) Tous les énoncés suivants sont vrais, sauf un. Lequel ?
A. Les réactions d’hypersensibilité associées à la quinine
se manifestent rapidement.
B. La quinine étant métabolisée majoritairement par
le CYP3A4, plusieurs interactions médicamenteuses
sérieuses sont possibles.
C. Il existe peu de solutions de rechange efficaces à la quinine.
D. La quinine est en partie excrétée de façon inchangée
au niveau rénal.
E. La quinine entraîne plusieurs effets secondaires graves.
11) Parmi les énoncés suivants concernant
le syndrome DRESS, lequel est faux ?
A. La pierre angulaire du traitement est le retrait
de l’agent causal.
B. Le syndrome DRESS peut avoir différentes
présentations systémiques.
C. La prednisone fait toujours partie de l’arsenal thérapeutique
utilisé pour traiter un syndrome DRESS.
D. Plusieurs médicaments sont associés à
des syndromes DRESS.
E. Le traitement du syndrome DRESS est seulement
symptomatique.
Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 74 
52
Québec Pharmacie vol. 58 n° 3 juin 2011
Téléchargement