50 QUÉBEC PHARMACIE VOL. 58 N° 3 JUIN 2011
soluté de normal salin (NaCl 0,9 %) a été admi-
nistré pour corriger la déshydratation du
patient. Quelques heures plus tard, M.C. pré-
sentait encore beaucoup de prurit et la dose de
diphénhydramine a été augmentée à 50 mg tou-
tes les 6 heures au besoin. Le lendemain de son
admission (jour 1), l’hydroxyzine et la diphén-
hydramine ne parvenaient pas à soulager les
symptômes de M.C., ce dernier présentant tou-
jours des lésions prurigineuses importantes. Il
avait même l’impression que ces dernières
avaient augmenté. De plus, il a présenté un pre-
mier pic de température à 38,4 °C en avant-midi
et un autre atteignant 38,2 °C en soirée. Le der-
matologue, qui avait été demandé en consulta-
tion, a prescrit une crème à base d’acétonide de
triamcinolone 0,1 % (Aristocort-R®) en applica-
tion sur les rougeurs deux fois par jour. Ce
médecin n’a pas fait de biopsie cutanée, mais il a
tout de même conclu à un exanthème non spé-
cifique d’origine infectieuse ou médicamen-
teuse. Puisque le patient a fait de la èvre, l’in-
fectiologue a été demandé en consultation et ce
dernier a conclu qu’une infection n’était pas en
cause. La cause de l’exanthème non spécique
était donc d’origine médicamenteuse. Dans la
soirée, le furosémide a été repris. Au jour 2, il y
avait une diminution importante de l’éruption
cutanée et du prurit. La créatinémie s’était éga-
lement améliorée, atteignant ce jour-là
325 umol/L. Le patient n’a plus refait de pic
fébrile. Au jour 3, les symptômes d’allergie de
M.C. se sont encore beaucoup améliorés et sa
créatinémie était retournée à sa valeur de base,
soit 276 umol/L. Au jour 4, le patient ne présen-
tait plus de prurit et l’éruption cutanée conti-
nuait de guérir (voir tableau II). Malgré l’amé-
lioration rapide de son état, le patient a reçu son
congé après sept jours d’hospitalisation puisque
des investigations, qui n’étaient pas en lien avec
l’épisode d’éruption cutanée, ont été menées.
Discussion
Les réactions associées à la quinine sont, pour la
plupart, de type latent, ce qui signifie que les
symptômes apparaissent de 24 heures à plu-
sieurs semaines après le début du traitement2.
C’est également le cas pour les réactions asso-
ciées à la quinidine, une molécule apparentée à
la quinine2. Généralement, le temps d’exposi-
tion nécessaire à la quinine est d’au moins cinq
à sept jours et la majorité des hypersensibilités
surviennent après deux à six semaines de traite-
ment si les patients n’y ont jamais été exposés
auparavant2,3. Les réactions cutanées associées à
la quinine se présentent de diérentes façons,
mais elles sont le plus souvent accompagnées de
prurit2. En France, de 1985 à 1996, 14 cas de
réactions cutanées ont été rapportés1. La moitié
d’entre eux étaient des éruptions érythémateu-
ses et les sept autres, des cas d’eczéma, d’urti-
caire et de purpura allergique1.
Plusieurs cas décrits dans la littérature scienti-
que sont survenus chez des personnes de 58 à
68 ans, sauf un chez une jeune femme de 23 ans
sans comorbidités3,4,5. Les présentations clini-
ques des réactions cutanées rapportées étaient
similaires. Les patients présentaient une fatigue
généralisée et des myalgies, puis le rash appa-
raissait3,4,5. À la suite de l’apparition du rash, les
patients présentaient des épisodes d’hyperther-
mie3,4,5. De plus, des anomalies du bilan sanguin
(éosinophilie) étaient présentes chez deux de ces
patients et tous les cas présentaient une atteinte
d’au moins un organe, le plus souvent le foie3,4,5.
Ces patients ont reçu un diagnostic de syn-
drome DRESS. Ce syndrome se manifeste par
plusieurs signes et symptômes systémiques avec
une altération de l’état général, une hyperther-
mie (température supérieure à 39 °C), des adé-
nopathies douloureuses de grande taille et une
ou plusieurs atteintes viscérales, comme une
hépatite cytolytique, une néphrite interstitielle,
une pneumopathie interstitielle, une thyroïdite,
une encéphalite, une pancréatite, une rhabdo-
myolyse, une myocardite ou une péricardite3.
Récemment, des études ont laissé entendre que
le virus herpétique humain de type 6 (VHH6),
responsable de la roséole et d’autres maladies
infantiles, jouerait un rôle dans la pathogenèse
des syndromes d’hypersensibilité induits par les
médicaments8,9. C’est le cas d’une jeune femme
de 23 ans qui a manifesté un syndrome DRESS
alors qu’elle prenait de l’Hexaquine®, un médi-
cament contenant de la quinine et de la thia-
mine. Ses symptômes se sont manifestés
lorsqu’elle a souffert d’une réactivation du
VHH63. Les médicaments pour lesquels des
syndromes DRESS ont été rapportés sont pré-
sentés au tableau III.
Il est à noter que M.C. n’a pas présenté un syn-
drome DRESS puisqu’il n’y avait pas d’irrégula-
rité dans son bilan sanguin, ni d’atteinte d’or-
ga ne . C ep end ant , i l a pré se nt é u n a a ibl is se me nt
de l’état général et de l’hyperthermie modérée.
Son diagnostic était donc un exanthème macu-
laire érythémateux sur le tronc et le visage ainsi
que sur les membres inférieurs, réaction de
moindre intensité qu’un syndrome DRESS.
Que se serait-il passé si la quinine n’avait pas été
retirée de la pharmacothérapie de M.C. ? Est-ce
qu’il aurait manifesté un syndrome DRESS ? Il
est difficile de répondre à cette question avec
certitude. Il s’agit cependant d’une possibilité
puisque la littérature médicale indique que la
gravité de l’éruption, ainsi que des anomalies de
laboratoire qui sont associées au syndrome
DRESS sont liées en partie à la durée de l’expo-
sition au médicament après l’apparition des pre-
miers signes d’hypersensibilité9.
Imputabilité
Parmi les nombreux médicaments suspendus
lors de l’hospitalisation, plusieurs peuvent être
éliminés en analysant la chronologie des évène-
ments en ce qui a trait à l’imputabilité de la réac-
tion observée chez M.C. Tout d’abord, le furosé-
mide a été suspendu lors de l’admission, mais il
Tableau II
Évolution de l’état clinique et modification de la médication
Jour -1 Apparition de l’éruption cutanée
Jour 0 n Consultation à l’urgence
n Valeur de la créatinine = 390 umol/L, urée = 29,5
n métoprolol 25 mg bid
n Ajout soluté NaCl 0,9 %, hydroxyzine, diphénhydramine 25 mg puis 50 mg
n Médicaments cessés : furosémide, amlodipine, hydralazine, fénofibrate,
atorvastatine, colchicine, FeSO4, quinine
Jour 1 n Impression de progression du prurit, fièvre
n Ajout crème hydratante et crème de cortisone
n Reprise du furosémide
n Arrêt de la diphénhydramine
Jour 2 n importante du rash et prurit,
n créatinémie (325 umol/L)
n h métoprolol 50 mg bid
Jour 3 n importante du rash et prurit
n retour aux valeurs normales de créatinémie (276 umol/L)
Jour 4 n importante du rash et prurit
n Valeur de la créatinine = 287 umol/L, urée = 18,1
Jour 5
Jour 6
Jour 7 n Départ
Note : l’amlodipine, l’atorvastatine et la colchicine ont été reprises en externe.
PHARMACOVIGILANCE