comment sont nées, par exemple, la musique, la danse, la poésie et même les
mathématiques ou l'astronomie. Nous savons, en revanche, qu'à un moment donné,
certains sages ont été considérés comme des philosophes, ce qui était une nouveauté,
et nous savons aussi à quel endroit et quand ceci s'est produit. Nous avons cité il y a
quelques minutes une date très précise, même s'il faut la nuancer un peu, mais à peine
de quelques années, au plus, d'une décennie. Cette spécificité de la philosophie, le fait
de savoir quand et où elle a commencé, va nous permettre de dire avec certitude ce que
faisaient ces gens, les premiers philosophes.
Pour résumer en deux mots cette nouvelle activité on peut dire qu'elle consistait
à regarder la réalité à partir d'une perspective nouvelle, afin d'obtenir quelques
certitudes susceptibles d'appuyer un certain mode de vie. L'être humain, en effet, a
toujours eu besoin d'expliquer le monde dans lequel il habite, et les réponses
mythiques d'abord, et, ensuite, les sciences, sont apparues progressivement pour
combler ce qu'Aristote avait appelé "l'appétit naturel de savoir" (première phrase de la
Métaphysique). Ce panorama général que je viens de présenter est valable pour la
plupart des civilisations de l'Antiquité. Une fois atteint un certain degré de culture,
tous les peuples ont répondu par des mythes, à des questions concernant l'origine de
l'univers, des dieux et de l'être humain.
Mais, dans ce panorama, la Grèce, ou le peuple grec, a suivi une évolution un
peu particulière, différente de celle des autres régions (différente: ni meilleure ni pire),
et le résultat fut le surgissement d'une activité nouvelle, inconnue dans d'autres
civilisations, activité que progressivement on appela "philosophie".
Dans le cas du peuple grec, la plupart des récits mythiques sont tardifs. Dans les
poèmes homériques, élaborés de manière orale entre le XIIe et le VIIIe siècles av.JC.,
et mis par écrit peut-être par quelqu'un qui s'appelait Homère peu après le début du
VIIIe siècle, lorsque les Grecs adoptent l'écriture, il n'y a aucun récit mythique sur
l'origine de l'univers, des dieux ou de l'être humain. Voilà déjà une différence avec des
civilisations telles que la babylonienne, l'égyptienne ou la juive, qui, à la même
époque, avaient déjà élaboré des mythes pour expliquer ces problèmes. En Grèce il
faut attendre Hésiode, vers le milieu du VIIIe siècle, et des cosmologues tels que
Phérécyde ou Alcman, au VIe siècle, pour trouver des pareils récits, mais, dans tous