Musée Condé, juin 2002
Nathalie Rambault, service éducatif
Nicolas Poussin (1595-1665)
L’enfance de Bacchus
Commentaire :
Ce tableau, exécuté au début de la première période romaine de Poussin, avant 1627, est la
version la plus accomplie et la plus ambitieuse des scènes que l’artiste dédie à Bacchus1. C’est, du
point de vue du contenu, une œuvre novatrice. En effet, Poussin innove en traitant de la jeunesse de
Bacchus et non plus de sa petite enfance. Ici le personnage n’a plus rien du bébé, mais tout d’un
jeune dieu conscient de sa divinité et de son pouvoir : appuyé contre le dos d’une nymphe, il ordonne
à un satyre, par un geste impérieux de la main gauche, de vider une coupe en forme de corne. C’est
un jeune garçon autoritaire alors que dans les deux autres versions conservées au Louvre et à la
national Gallery, le personnage est un enfant aux traits poupins.
Comme souvent chez Poussin, la composition est pyramidale. Trois scènes triangulaires
s’ordonnent de part et d’autre d’une jeune nymphe pensive, assise en un point culminant, point central
d’une diagonale montante, parachevée par le petit Bacchus. L’association d’une composition
triangulaire et du thème de Bacchus pourrait venir de l’auteur grec antique Philostrate dont la
Renaissance a redécouvert les écrits et les a diffusé chez les artistes. Le triangle exprime la
perfection de la divinité. Poussin ne pouvait manquer de connaître les écrits relatifs aux ouvrages de
Philostrate.
1 Voir aussi les deux autres tableaux intitulés L’enfance de Bacchus , l’un conservé au musée du Louvre,
à Paris et l’autre à la National Gallery, à Londres.
L’enfance de Bacchus, non daté, huile sur toile, 134 x
168.
Ce tableau exprime la sérénité et la
mélancolie (gestes des personnages,
composition, couleurs chaudes et lumière du
soleil couchant).
Personnages
Ils sont neuf au total. Au 1er plan, deux Putti
sont allongés sur le sol, l’un est endormi sur
le dos, l’autre regarde dans le vague, appuyé
contre une souche d’arbre Au 2e plan,
debout, le jeune dieu Bacchus, appuyé sur
une nymphe. Ils sont entourés d’une nymphe
et d’un jeune homme endormi devant lequel
se tient un satyre couronné de feuilles de
vignes et qui s’apprête à boire le vin contenu
dans une corne. De dos, à droite du groupe
central, un personnage transporte une
corbeille de raisins sur son épaule et sur la
gauche du groupe, à l’arrière-plan, on peut
distinguer un autre personnage de dos. La
scène se déroule le soir, au coucher du
soleil.
Localisation!:
GALERIE DE
PEINTURES
Musée Condé, juin 2002
Nathalie Rambault, service éducatif
La naissance et l’enfance de Bacchus dans la mythologie1
Zeus, déguisé en mortel, avait en secret une aventure avec la belle Sémélé, fille du roi
Cadmos de Thèbes. Héra, extrêmement jalouse et excédée par un mari qui la trompait
continuellement, apprit que Sémélé était enceinte de six mois. Elle entra alors dans une colère
effroyable et décida de mettre un terme à l’aventure amoureuse de son mari. Déguisée en une vieille
voisine de Sémélé, elle se rendit chez elle et lui conseilla de demander à son mystérieux amoureux de
se montrer sous son aspect véritable. Elle fit croire à la jeune fille crédule que son bien-aimé était un
monstre horrible. Sémélé fit sa demande à Zeus qui refusa ; elle décida donc de rompre avec lui.
Alors, furieux, le roi des dieux lui apparut sous la forme du tonnerre et de l’éclair : aussitôt Sémélé est
brûlée vive. Mais Hermès sauva l’enfant, le cousit dans la cuisse de Zeus et trois mois plus tard, l’en
fit sortir. Dionysos était un enfant cornu dont la tête était couronnée de serpents.
Héra, furieuse, ordonna aux Titans de s’emparer du nouveau-né. Ils le coupèrent en
morceaux et le firent bouillir dans un chaudron de bronze. Mais sa grand-mère, Rhéa, scandalisée,
ramassa ses restes et reconstitua le corps de son petit-fils : il revint à la vie. Zeus qui ne pouvait
s’occuper de son fils, le confia d’abord à Perséphone, la déesse des Enfers mais comme vivre sous la
terre ne convient pas à un enfant, elle l’amena à Ino, une reine grecque, à qui elle recommanda de
l’élever dans les appartements des femmes, déguisé en fille. Mais on ne pouvait tromper Héra qui
découvrit rapidement la supercherie et punit la reine et son époux en les rendant fous.
Après ces évènements, sur ordre de Zeus, Hermès transforma provisoirement Dionysos en
chevreau et le mena auprès des nymphes du mont Hélicon : Macris, Nysa, Erato, Bromie et Bacché.
Elles l’installèrent dans une caverne, lui passant tous ses caprices, le nourrissant de bonbons et de
miel. Un jour, sur le mont Nysa, Dionysos qui était encore un enfant, inventa le vin. Il en fit boire à
Silène, son précepteur, aux satyres, ses compagnons, aux nymphes et aux Ménades qui partageaient
sa vie. Tous apprécièrent beaucoup la nouvelle boisson mais tombèrent ivres morts !
Lorsque Dionysos devint un homme, Héra le reconnut comme étant le fils de Zeus mais,
comme elle n’aimait ni son éducation ni son air qu’elle trouvait efféminé, elle le rendit fou et le
condamna à parcourir le monde il fit couler beaucoup de sang en tuant ses victimes atrocement.
Puis Zeus le fit monter sur l’Olympe à ses côtés.
1 Sources : Dernier dieu à entrer dans l’Olympe, les textes anciens qui nous ont été transmis ne font que de
brèves allusions à ce dieu. Hésiode, Cosmogonie ; Euripide, Les Bacchantes ; scholiaste de Pindare pour
Pythiques III, 177 ; Fragment orphique 59 ; Plutarque, Symposiaques VII, 5 ; Apollodore, III, 4, 3 ; Apollonios de
Rhodes, Argonautiques, IV, 1137 ; Ovide, Métamorphoses, III, 255-317 raconte l’aventure de Jupiter et Sémélé et
la naissance de Bacchus.
Dionysos (Bacchus) n’est pas admis dans le panthéon des dieux grecs par Homère au IXe siècle av. J.C.
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