Rencontre chercheurs acteurs – l`Atelier – jeudi 10 avril

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Rencontre chercheurs acteurs
– l’Atelier –
jeudi 10 avril 2014
L’accompagnement associatif vers l’emploi
Melaine Cervera1
Préalable
L’accompagnement vers l’emploi est une priorité des politiques d’emploi. Les Conseils Généraux, Pôle Emploi,
les Opérateurs Privés de Placement et les associations mettent en place de nombreux outils équipant la relation
d’accompagnement avec les personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles. Dans cette
cartographie institutionnelle, les associations produisent un accompagnement vers l’emploi peu visible et peu mis
en avant. Peu d’étude en rendent finalement compte.
La recherche présentée tente de comprendre quelles sont les spécificités de l’accompagnement associatif vers
l’emploi. Elle s’appuie sur un terrain particulier : celui des associations de lutte contre le sida qui ouvrent ou ont
ouvert un axe de travail sur l’accompagnement vers l’emploi de leurs bénéficiaires. Il semble que les leçons de la
construction de l’accompagnement dans ces associations sont porteuses de pistes applicables dans d’autres
cadres d’action de l’insertion professionnelle.
L’accompagnement associatif vers l’emploi est un accompagnement socioprofessionnel qui ne peut se passer de
porter l’attention sur les problèmes sociaux connexes à l’accès à l’emploi (logement, endettement, problèmes de
santé, ouverture de droits, garde d’enfant etc.). Les volets sociaux et professionnels de l’accompagnement sont
donc profondément liés. Dans un contexte de chômage de masse, l’accompagnement associatif vers l’emploi est
couplé à un accompagnement vers et dans la formation qualifiante, celle-ci présentant une étape importante du
parcours d’accès à l’emploi.
1. Cadre de recherche
L’accompagnement est une notion polysémique employée aujourd’hui par les acteurs professionnels du social,
par les chercheurs et par les acteurs des politiques publiques.
De nombreuses études sont consacrées à son analyse qui permettent dans cerner les contours. Par exemple,
Yves Lochard, sociologue à l’IRES, à partir de l’étude des relations d’accompagnement au sein de l’association
Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC) présente l’accompagnement vers l’emploi comme découlant d’une
transformation de la relation d’aide basée auparavant sur l’assistance : « il a longtemps relevé de l’incitatif et du
prescriptif plus que du descriptif. Il continue à relever pour une part d’une logique performative dans la mesure où
il vise encore aujourd’hui à faire émerger une pratique qui se veut distincte de l’assistance ou de l’aide. »
(Lochard, 2010, p.24). Aussi, la référence à l’accompagnement social et aux pratiques du travail social est
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ERUDITE et TEPP, Université Paris-Est ; Chaire ESS, Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
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généralement faite pour rendre compte de l’émergence de la notion. Pour Jean-Yves Barreyre et Brigitte
Bouquet, chercheurs du travail social et coordinateurs du Nouveau Dictionnaire Critique d’Action Sociale,
« l’accompagnement pose un objectif d’ouverture aux autres par une présence relationnelle, par un dialogue, par
une implication. » (Barreyre, Bouquet, 2006, p.23).
Un accompagnement vers l’emploi de qualité correspondrait donc à une démarche relationnelle se
développant à partir du projet de vie de la personne et de son écoute, ainsi qu’à un approfondissement et
à une intensification de la relation d’aide.
Du côté des politiques de l’emploi, les tentatives de définition concluent à un manque dans l’analyse du contenu
de l’accompagnement vers l’emploi. En effet, pour le Conseil d’Analyse Stratégique, « le contenu précis de
l’accompagnement, qui varie selon les publics et les acteurs impliqués, fait encore largement figure de « boîte
noire », et les raisons de son efficacité demeurent relativement inexplorées. » (Guezennec, 2011, p.4). De
même, pour Nicolas Duvoux, sociologue à l’Université Paris Descartes, l’accompagnement est le « parent pauvre
des politiques d’insertion » (Duvoux, 2012, p.72). Ces constats conduisent les économistes à analyser
l’accompagnement dans ses liens aux politiques de l’emploi, centrés et réaffirmés sur le modèle de l’activation, et
à évaluer leurs résultats en période de chômage de masse. Pour Yannick L’Horty, professeur et économiste à
l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, « la fonction de ces politiques est de soutenir les créations d’emploi, de
faciliter les appariements sur le marché du travail et de favoriser l’accès à l’emploi des chômeurs. » (L’Horty,
2013, p.98). Finalement, la boîte noire de l’accompagnement n’est finalement que rarement ouverte2 car cette
notion résulte aussi d’une production normative des politiques d’emploi qui l’axe sur un objectif quantitatif de
retour à l’emploi (Fretel, 2013) : l’accompagnement vers l’emploi se retrouve dans de nombreux textes mais, au
niveau des politiques d’emploi, la réalité de ses pratiques est rarement mise en avant.
Mais comment est construit l’accompagnement vers l’emploi dans un cadre associatif ? Quelle tension et quelle
complémentarité existe t-il entre la logique de placement dans l’emploi et la logique de réalisation de la personne
accompagnée dans l’issue de l’accompagnement ? Comment se négocient la qualité de l’accompagnement et sa
logique quantitative de résultat entre les acteurs des politiques publiques et les acteurs de l’accompagnement ?
Quel est donc ce lien renouvelé entre politique d’emploi et opérateurs de l’accompagnement ?
Les associations, qu’elles soient financées dans le cadre des politiques d’emploi sur les territoires ou qu’elles
interviennent par la mise en place de Structures d’Insertion par l’Activité Économique mettent en œuvre un
accompagnement vers l’emploi spécifique du fait de leur fonctionnement délibératif et de leur histoire inscrite
dans l’Économie Sociale et Solidaire. Dans ce sillage, l’accompagnement associatif vers l’emploi se caractérise
par un dépassement de la relation d’aide dont le pivot est un modèle d’activation enfermé dans l’objectif du retour
à l’emploi, afin de prendre en compte le projet personnel de la personne via des méthodes d’écoute active
empreinte d’empathie renforcée. Mais comment l’étudier ?
2. Deux terrains d’enquêtes qualifiant l’accompagnement associatif vers l’emploi
Deux terrains d’enquêtes ont donné lieu aux analyses de cette recherche.
2.1 Une association de lutte contre le sida
La première association étudiée se situe dans une ville intermédiaire du sud de la France. Cette association de
lutte contre le sida est créée en 1997 à l’initiative d’un psychologue. Elle a pour objet d’accompagner les
personnes vivant avec le VIH et/ou le VHC dans une démarche globale d’amélioration de leur qualité de vie.
Voir néanmoins : BALZANI B. et al., 2008, L’accompagnement vers l’emploi. Acteurs, pratiques, dynamiques, Rapport final
Dares, avec BÉRAUD M., BOULAYOUNE A., DIVAY S., EYDOUX A., GOUZIEN A ; DEFALVARD H., BRUN F., THIBAULT
M. (dir.) (2008), Les pratiques de l’accompagnement dans et vers l’emploi au sein de différents contextes institutionnels
d’acteurs, Rapport final Dares ; DIVAY S., 2008, « Psychologisation et dépsychologisation de l’accompagnement des
chômeurs », Sociologies Pratiques, 2008/2, n°17, pp.55-66. La focale de ces recherches se centre sur les pratiques
d’accompagnement.
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Association de professionnels, la structure emploie 14 intervenants salariés ou prestataires qui interviennent
auprès de leur public sur plusieurs dimensions. L’association s’appuie sur un réseau de bénévoles formés qui
organisent des activités et des sorties à l’extérieur de l’association. Les services proposés aux personnes
accueillies sont de l’ordre du soutien psychologique, du soutien social, du massage, du conseil en nutrition, des
activités physiques adaptées, de l’éducation thérapeutique et de l’accompagnement vers l’emploi et la formation.
L’axe de travail sur la thématique du retour et du maintien à l’activité professionnelle a été mis en place en 2007
et s’est développé en ayant recours à des opérateurs économiques externes afin de construire des parcours
d’accès à l’emploi des Personnes vivant avec le VIH (PvVIH) accompagnées.
La construction de l’accompagnement vers l’emploi dans cette association témoigne d’une intensification de
l’accompagnement sur les volets social et professionnel de la prise en charge globale. L’accompagnement
s’inscrit dans une pluralité de pratiques qui vont de la somatho-thérapie au suivi social et professionnel. L’enjeu
posé par ces pratiques est celui de l’articulation entre accompagnement dans le soin et accès et maintien dans
l’emploi. L’étude de cette association montre que l’accompagnement associatif vers l’emploi peut être intégré à
une dynamique plurielle d’accompagnement permettant le passage entre ses différents volets, préparant ainsi la
personne à l’accès à l’emploi. L’accompagnement associatif vers l’emploi est intégré ici à une prise en charge
globale de la personne accompagnée.
Enfin, l’action de cette association montre qu’un encadrement et un soutien essentiellement psychologique et
corporel peuvent être progressivement compléter par un accompagnement vers l’emploi, celui-ci s’intensifiant
dans un premier temps sur l’accompagnement dans la formation qualifiante, étape préalable indispensable à la
concrétisation des projets de reconversion professionnelle. La relation d’accompagnement est ainsi
« dépsychologisée » (Divay, 2008) ce qui met en avant les causes sociales des difficultés d’accès à l’emploi et
non ses causes individuelles. Ce qui se joue donc dans la construction de l’accompagnement associatif est
finalement un jeu sur les règles de l’accompagnement, règles issues des politiques de l’emploi d’une part et
règles issues des pratiques d’autre part (Cervera, Defalvard, 2009).
2.2. Un collectif associatif d’insertion
Le deuxième terrain est un collectif d’insertion. Ce collectif associatif se situe en zone périurbaine d’une ville de
l’ouest de la France. Il a été créé en juin 2005 par des professionnels de la lutte contre le sida rejoints par des
personnes impliquées dans des engagements diversifiés. Ce collectif inter-associatif a été créé au départ sur la
base de trois associations dont une association de lutte contre le sida. Le collectif inter-associatif regroupe en
2010 quinze associations. Les associations fondatrices sont les employeurs des 42 salariés comptés dans
l’effectif global du collectif inter-associatif en 20103. Celui-ci développe des activités économiques de l’ordre de la
restauration biologique, du service traiteur, de l’animation pédagogique autour de l’énergie renouvelable, du
commerce équitable et de l’éco-construction. Le collectif inter-associatif internalise des activités économiques
dans le but de construire des parcours d’accès à l’emploi en son sein. D’une filiation ancrée dans la lutte contre
le sida, ces acteurs se sont ouverts à une logique d’insertion tout en ne prenant pas le chemin institutionnalisé de
l’Insertion par l’Activité Economique. Ce choix a impliqué un ensemble de problèmes au niveau de leur
identification et de leur ancrage sur le territoire et un modèle économique construit sur les fonds et les droits
handicap (AGEFIPH, Contrat Pro, RQTH). Le recentrage des activités sur le développement durable et plus
généralement sur les actions de solidarités procède d’un ancrage « économie solidaire » qui est ici le gage d’une
réussite de la construction des parcours et qui favorise l’émancipation individuelle dans des cadres collectifs de
solidarité (Laville, 2013). Les projets professionnels des personnes accompagnées se situent aux confins d’un
défi social et d’un défi personnel. L’accompagnement associatif vers l’emploi poursuit un objectif de réalisation de
la personne accompagnée dans son projet professionnel et son projet de vie.
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Faute de financement suffisant à la pérennisation de son modèle économique, le collectif inter-associatif a fermé ses
portes le 12 juillet 2012. Des associations ont cependant émergé de cette dynamique et poursuivent ce chemin, en quête
d’une nouvelle structuration. Le collectif inter-associatif a durant 7 ans développé des activités économiques liées au
développement durable et à l’économie solidaire dans une logique de construction de parcours d’accès à l’emploi durable
par l’accès à la formation qualifiante.
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Enfin, l’accompagnement associatif construit dans ce collectif allie fortement dimension individuelle et dimension
collective de la construction des parcours d’accès à l’emploi et à la formation, en insistant sur l’acquisition de
savoirs et de connaissances liés aux droits sociaux, permettant à la personne en parcours de se situer dans une
situation de liberté de choix4 vis à vis de la construction de son accès à l’emploi. Ce type d’accompagnement
basé sur l’amélioration des connaissances de la personne accompagnée permet d’inscrire la relation d’aide dans
une réciprocité égalitaire à travers laquelle le rapport entre aidant et aidé s’équilibre. Nous avons pu observer sur
ce terrain d’enquête une confusion des rôles entre accompagnant et accompagné qui résulte selon nous de cette
démarche.
3. Principaux résultats de la thèse « L’accompagnement associatif vers l’emploi : le cas des Personnes
vivant avec le VIH »
Une soixantaine d’entretiens semi-directifs ont été menés avec des acteurs accompagnants et accompagnés.
L’idée poursuivie fut que les associations ont une manière particulière de construire les parcours des personnes
« en difficultés sociales et professionnelles ». Dans notre approche institutionnaliste, les modalités de
l’accompagnement associatif façonnent les trajectoires individuelles qui se déploient dans les associations d’un
côté, et les personnes en parcours (les trajectoires individuelles) contribuent à construire l’espace institutionnel
associatif qui apparaît alors à la fois comme une ressource et une contrainte pour leurs actions d’un autre côté.
L’analyse de cette interaction entre cadre institutionnel et trajectoires et celle de la relation d’accompagnement
dans les associations ont conduit à mettre en avant quatre résultats significatifs.
3.1. Un accompagnement collectif
L’accompagnement collectif semble plus efficace que l’accompagnement individualisé : les associations ont
l’intérêt de fournir un cadre collectif pour construire les parcours d’accès à l’emploi. La gouvernance associative
(Hoarau, Laville, 2013) permet ici la participation active des salariés en parcours au projet associatif.
L’accompagnement collectif s’opère par l’échange entre pairs au sein des associations. Articulé à
l’accompagnement individualisé avec les conseillers en insertion professionnelle, les échanges pratiques lors des
réunions d’équipe mais également au cours du travail permettent d’équiper le parcours dans l’emploi. Insister sur
la dimension collective de l’accompagnement ne doit néanmoins pas empêcher de personnaliser la relation
d’accompagnement. Les relations de proximité tissées entre les acteurs dans le cadre associatif permettent que
la relation d’accompagnement soit personnalisée. Ceci va dans le sens d’une préconisation en terme de
structuration générale de l’accompagnement convergeant vers les dispositifs de référent unique « Emploi », dans
une logique de guichet unique et de prise en charge sociale globale, dans laquelle la personne accompagnée n’a
qu’un référent conseiller tout en étant inclue dans un collectif de travail.
3.2. Un accompagnement dans la durée
Le cadre associatif permet d’inscrire l’accompagnement vers l’emploi dans la durée. Ce temps long permet une
prise en charge globale de l’individu accompagné favorisant son insertion professionnelle. En effet, la durée de
l’entretien d’accompagnement est de première importance. S’il se déroule sur un temps trop court, il ne permet
pas à la relation de confiance nécessaire à l’impulsion ou à l’équipement du parcours de se tisser entre
l’accompagnant et l’accompagné. La déclinaison d’une écoute active sur un temps long durant l’entretien
d’accompagnement permet notamment que l’ensemble des éléments du parcours antérieur soit abordé et qu’un
plan d’action soit dressé. Elle permet notamment que les faces cachées d’un CV soient retravaillées et mises au
service de l’accès à l’emploi (voyage, année sabbatique tournée vers le bénévolat dans une association de
solidarité, autres expériences non professionnelles). La temporalité de l’accompagnement n’empêche néanmoins
pas, selon les situations sociales des personnes accompagnées, que d’autres contacts puissent être privilégiés
comme des moments d’accompagnement via les contacts mails ou téléphoniques.
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On peut ainsi penser que cette démarche se rapproche du concept de capabilities d’Amartya Sen, prix nobel d’économie
1998. Les capabilities croisent à la fois les capacités des personnes et leurs possibilités d’agir, en fonction de leur condition
de vie et de leur environnement social et institutionnel. Ce qui importe dans l’analyse, ce sont les possibilités de choix
anticipé par les individus, leurs plans d’action confrontés aux résultats réels de leurs projets.
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Aussi, lors d’une entée dans une association par le bénévolat, l’accompagnement peut se dérouler en amont de
l’entrée proprement dite dans un dispositif. De même, l’accompagnement à la sortie du dispositif doit être
privilégié.
Finalement, l’accompagnement associatif vers l’emploi privilégie un suivi avant, pendant et après la période
d’accompagnement. Ces modalités d’accompagnement permettent de meilleures chances de réussite du
parcours d’accès et/ou maintien dans l’emploi.
3.3. Une logique ascendante dans la construction des politiques d’emploi
Les terrains d’enquête montrent qu’une meilleure articulation entre politiques d’emploi et opérateurs associatifs
favoriserait une prise en charge plus efficace. Les associations étudiées sont parvenues à négocier leurs cadres
d’action avec les acteurs publics de leurs territoires. Un partenariat méthodologique et financier entre politiques
de l’emploi décentralisées et associations d’accompagnement vers l’emploi accentue les chances de réussite des
parcours d’accès à l’emploi. Le lien à l’action publique peut être davantage problématique si les associations
n’entrent pas dans les cadres d’évaluation des résultats de l’accompagnement qui privilégient les taux de
placement dans l’emploi (sorties positives). Dans ce cas, le modèle économique des associations est mis en
question.
D’un point de vue plus général, les associations d’accompagnement vers l’emploi conservent une marge de
manœuvre dans la mise en œuvre de l’accompagnement et l’encadrement public de leurs pratiques n’apparait
pas seulement comme une contrainte, mais aussi comme une ressource. Le « bricolage » des parcours d’accès
à l’emploi dans des dynamiques de projets personnalisés et innovants est possible et signale une caractéristique
spécifique de l’accompagnement associatif qui semble plus adaptable et réactif que les services publics de
l’emploi. De ce point de vue, le rapport entre politique de l’emploi et accompagnement associatif ne se restreint
pas à un lien d’instrumentation et révèle également le maintien d’une liberté d’agir et d’innover des
accompagnants associatifs.
3.4. Le principe de délibération comme principe directeur
Les associations gagneraient à ouvrir, à l’interne, des espaces de délibérations davantage ouverts aux
personnes accompagnées. Conceptuellement, la délibération concerne la confrontation des points de vue
d’acteurs égaux en droits mais inégaux en faits. En pratique, la délibération désigne des moments de débat
cadré et souple au sein des associations (réunion formelle : CA, AG, réunion d’équipe ; et informelle : échange
hors du temps de travail et sur les temps de pauses). Ces délibérations permettent dans l’idéal de construire des
processus d’émancipation individuelle et collective des acteurs impliqués, c’est à dire qu’elles favorisent la sortie
d’une situation qui est évaluée comme problématique socialement pour les participants. La délibération suppose
donc des principes de justice sur lesquels les acteurs délibérants s’accordent pour avancer sur les solutions
recherchées aux problèmes vécus5.
L’accompagnement associatif vers l’emploi est en ce sens délibéré. Dépassant les productions normatives sur la
participation des publics (bénéficiaires / usagers / participants / personnes concernées…), il s’agit, par les
délibérations associatives, d’intégrer réellement et en pratiques tous les acteurs de la relation
d’accompagnement, de bas en haut, à sa construction : plan d’action, temps d’écoute, échanges entre pairs,
relations aux acteurs institutionnels, réunions de coordination impliquant les personnes accompagnées.
L’institution de dispositifs publics favorisant la délibération est de ce point de vue facteur de réussite des
trajectoires d’accès à l’emploi construites dans l’espace associatif.
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Les travaux récents de Daniel Goujon et d’Éric Dacheux sur les pratiques de l’économie solidaire inspirent cette définition.
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Pistes conclusives : ouvrir la boîte noire de l’accompagnement associatif
Etudier l’accompagnement associatif vers l’emploi a impliqué dans cette recherche d’emprunter la voie d’une
méthode monographique et compréhensive. Celle-ci implique de se rendre sur le terrain et d’effectuer un travail
d’enquête au long court et de favoriser des allers - retours entre construction théorique et collecte des données
empiriques dans l’élaboration de la recherche. Pour comprendre les jeux d’acteurs dans la construction de
l’accompagnement associatif vers l’emploi, il s’agit d’interroger les vécus des personnes impliquées aux bornes
de la relation d’accompagnement institué. Ouvrir la boîte noire de l’accompagnement ne peut selon nous se
passer du développement de ce type de dispositifs de recherche et favorise les méthodes d’enquête qualitatives.
Sur un volet normatif, l’accompagnement associatif vers l’emploi ne se restreint pas aux résultats de
l’accompagnement en termes de retour à l’emploi et les dispositifs publics d’évaluation doivent prendre en
compte les aspects qualitatifs qui façonnent la relation d’accompagnement afin de rendre compte et de valoriser
les innovations sociales et les parcours ascendants que portent les associations d’accompagnement vers
l’emploi. Dans l’accompagnement associatif, la relation d’accompagnement se tisse sur un principe de réciprocité
égalitaire adossé à un modèle prenant en compte les savoirs de vie ou les savoirs d’expérience des publics
fragilisés. L’accompagnement associatif vers l’emploi conduit à les équiper collectivement et à les mobiliser au
service de l’accès à l’emploi.
Bibliographie :
BALZANI B. et al., 2008, L’accompagnement vers l’emploi. Acteurs, pratiques, dynamiques, Rapport final Dares.
BARREYRE J.Y., BOUQUET B., 2006, « Accompagnement social », in BARREYRE J.Y., BOUQUET B. (dir.),
Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, Paris, Bayard, pp.22-26.
CERVERA M., DEFALVARD H., 2009, « Accompagnement dans et vers l'emploi », Travail et emploi, 3/2009, n°
119, p. 51-62.
DACHEUX E., GOUJON D., 2013, « La délibération démocratique : concept clé de l’économie sociale et
solidaire », in HIEZ D., LAVILLUNIÈRE E. (dir.), Vers une théorie de l’économie sociale et solidaire, Luxembourg,
Larcier, pp.97-112.
DACHEUX E., GOUJON D., 2011, Principes d’économie solidaire, Ellipse.
DEFALVARD H., BRUN F., THIBAULT M. (dir.), 2008, Les pratiques de l’accompagnement dans et vers l’emploi
au sein de différents contextes institutionnels d’acteurs, Rapport final Dares.
DIVAY S., 2008, « Psychologisation et dépsychologisation de l’accompagnement des chômeurs », Sociologies
Pratiques, 2008/2, n°17, pp.55-66.
DUVOUX N., 2012, Le nouvel âge de la solidarité. Pauvreté, précarité et politique publique, Paris, Seuil, col. La
république des idées.
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indétermination », Revue Française de Socio-Économie, 2013/1, n°11, pp.55-79.
GUÉZENNEC C., 2011, « L’accompagnement des demandeurs d’emploi : bilan d’une politique active du marché
du travail en Europe et enseignement pour la France », La note d’Analyse – Travail –Emploi, Conseil d’Analyse
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LAVILLE J.-L. (dir.), 2013, L’économie solidaire. Une perspective internationale, réédition, Hachette-Pluriel.
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