1H
T400
THÉÂTRE ET MARIONNETTES
Renseignements : Frédéric Aubry | 02 44 01 22 56 | scolaires@lequai-angers.eu
Dossier disponible sur le site internet du Quai dans la rubrique « Vous > Enseignants » :
http://www.lequai-angers.eu/cest-vous/professionnels/enseignants-encadrants
Dossier réalisé par Bertrand Tappolet du Théâtre des Marionnettes de Genève
BARTLEBY
UNE HISTOIRE
DE WALL STREET
D’APRÈS LA NOUVELLE DE
HERMANN MELVILLE
MISE EN SCÈNE DENIS ATHIMON ET
JULIEN MELLANO
COMPAGNIE BOB THÉÂTRE
MA 19
JAN
10:00
ME 20
JAN
10:00
JE 21
JAN
10:00
VE 22
JAN
10:00
© Cédric Vincensini
scolaires
>
saison 15-16
>
dossier daccompagnement
CM2
6E
2
Le spectacle
1. L’histoire
Histoire fascinante imaginée par
l’écrivain américain Herman Melville,
Bartleby se déroule se déroule dans un
cabinet new-yorkais au 19e siècle.
Homme de loi sans ambition, le patron,
qui est aussi narrateur de l’histoire,
travaille en compagnie de trois
employés qu’il surnomme amicalement
Dindon, Lagrinche et Gingembre.
Après avoir dressé le portrait de ce
petit bureau de copistes, l’auteur de
Moby Dick met en scène Bartleby, un
nouvel employé qui viendra tout
bouleverser. Sans délai, Bartleby
s’applique à ses tâches de copiste
avec beaucoup de sérieux, le jour
comme la nuit. Tout va bien, à la
grande satisfaction du patron, jusqu’au moment où ce dernier demande à Bartleby d’examiner un court
document. Dès ce moment, Bartleby refuse d'accomplir les travaux demandés, jusqu’au drame en
déclarant : « Je préférerais ne pas (le faire) ». La formule constitue alors la réponse du scribe à toute
demande ou suggestion. Il abandonne donc progressivement et comme inexorablement toute activité, y
compris celle de copiste pour laquelle il a été engagé. L’employeur ou avoué découvre même avec
stupeur que Bartleby dort à l’étude, et qu’il n’a pas l’intention d’en partir. Devant cette situation intenable
c’est le patron qui finit par déménager puis, tenaillé par sa conscience et sa pitié, retourne le voir, d’abord
dans l’immeuble où se tenait son étude, ensuite dans la prison où Bartleby a été finalement enfermé. Ce
dernier, allongé au pied du mur de la cour, est mort. Dans l’épilogue, empreint d’une profonde tristesse,
l’avoué-narrateur achève son récit par l’évocation d’une rumeur : Bartleby aurait été, par le passé,
employé au bureau des lettres au rebut de Washington. Melville termine alors par ces mots :
« Ah Bartleby ! Ah humanité ! ». Est-il une figure de la résistance passive face à un système
économique ? Ou un personnage insaisissable dans ses motivations ? Ce mystère en forme d’allégorie
sur la condition humaine a passionné des générations entières.
Quittant ses rivages connus du théâtre d’objets, le Bob Théâtre convoque en duo la marionnette à
gaine et le jeu d’acteurs. D’abord propulsée vers le burlesque en compagnie de personnages
truculents filant sur un ton vif, elle se dépouille ensuite, permettant la confrontation entre Bartleby et
son employeur. L’absurde l’emporte alors sur le réel et la fiction se met à boitiller. Mis à nu, un outil-
castelet se révèle en laissant entrevoir toute sa machinerie, des crochets aux tringles, tout en
permettant des jeux de rideaux favorisant tour à tour l’apparition et l’évanouissement des
personnages. À suivre le parcours de la compagnie rennaise offert au TMG "Nosferatu",
"Démiurges", "Princesse K", "James Bond… Fin de série" -, on peut déceler un penchant pour
l’effroi tant qu’il porte au rire.
Bartleby. Photo de répétition
3
2. Le Prix du refus
Rencontre avec Denis Athimon qui réalise et interprète
le spectacle aux côtés de Julien Mellano
Le personnage de Bartleby semble résister dans son
refus comme on respire, par pur réflexe.
Comme dans notre spectacle Démiurges, ce que l’on
voudrait retranscrire, c’est le rapport sensible interrogateur à
la scène. Ce, à la fois dans le jeu et le non jeu. Est-ce qu’un
acteur sur scène qui semble ne rien faire n’est-il ainsi
vraiment rien ou une autre forme de présence-absence ?
A la racine de cette création, il y a ce désir de voir ce que
donne, fiché sur le plateau, un personnage qui ne fait
singulièrement rien, refuse de performer, de produire des
biens, un service, du sens, malgré la tyrannie généralisée de
la rentabilité, de la productivité et de la lisibilité transparente
de toute fable.
Dans le récit de Melville, l’employeur narrateur confie : "Il (Bartleby) demeura, comme toujours,
l’immuable ornement de mon bureau." Comment pensez-vous traduire cela à la scène ?
Après avoir fonctionné en tandem avec Julien Mellano pour Démiurges et Vampyr. Bartlelby s’annonce
comme un duo sans en être véritablement. L’un de nous va ainsi "préférer ne pas faire" et l’autre
accomplira tout. La lecture de la nouvelle signée Melville, elle, devient possiblement addictive, suscitant
des effets secondaires pouvant altérer l’esprit.
La nouvelle de Melville présente notamment l’intérêt de travailler et creuser la question du choix. L’une de
nos influences est le film, Mr Nobody de Jaco Van Dormael. Il livre sa théorie du Chaos. Un petit garçon
se trouve sur un quai de gare, il doit choisir entre son père ou sa mère le temps d'un train qui arrive et
repart. De sa décision découleront des actes, des faits, des histoires différentes, qu'un montage savant
nous fait suivre en simultané. Et c'est parti pour une équation à trois inconnues, Elisa, Anna et Jeanne,
autant de femmes qui vont bouleverser la vie, les vies, de notre héros devenu grand et qui s’appelle Nemo
Nobody.
Or, à nos yeux, le choix ultime, c’est Bartleby en son versant dénué de toute brutalité dans son refus poli.
Mais il a choisi de ne pas préférer (le faire). De plus ce protagoniste résonne intensément avec la
dimension de la marionnette et de l’objet.
Au début du spectacle, la marionnette à gaine est apparue comme un moyen de retranscrire tout cet
univers, cette atmosphère de scribes et copistes. Par se possibilités expressives, la marionnette n’excelle-
t-elle pas à rendre compte de personnages burlesques et bien campés évoluant en bureau, Dindon,
Lagrinche, Gingembre ? Ensuite, on relève un basculement dans le récit. Dindon, Lagrinche, Gingembre
disparaissent pour laisser place au face-à-face entre le patron narrateur et homme de loi à Wall Street et
Bartleby. Photo de répétition
4
Bartleby, copiste de pièces juridiques ou scribe. Il est fascinant d’aborder le processus mystérieux que suit
Bartleby. Il cesse complètement de travailler, mais aussi de sortir de l'étude où il dort. Il ne mange rien
d'autre que des biscuits au gingembre, et refuse même son renvoi par son employeur.
L’ombre et le mur sont des motifs qui reviennent souvent.
Cette notion d’être toujours face au « mur
aveugle » est fondamentale chez Bartleby, qui ne
cesse de se tenir devant une fenêtre débouchant
sur un immense mur de briques. Il n’y a de fait
aucune perspective de fuite ni de ligne d’horizon.
On fait au copiste un petit espace dans le bureau
du notaire avec un paravent. Ainsi lors de son
arrivée à l’étude, il n’y a pas de place ou de table
pour lui, ce qui fait partie de nos propositions d’espace au sein du castelet. Il est littéralement emmuré par
des rideaux, une cache. L’employeur lui passe les documents à réaliser par une ouverture.
Si le début avec de nombreux dialogues, jeu et manipulation animant les marionnettes est prolixe en
paroles, le silence qu’impose la présence mutique de Bartleby s’étend petit à petit. C’est moins le fait que
le personnage tragique n’a pas accès à la parole qu’il refuse peut-être obstinément de la prendre. Le
second temps est un quasi monologue du notaire. A la question de l’employeur s’inquiétant du fait que
Bartleby ne veut plus écrire, ce dernier répond : « Ne voyez pas la raison par vous-même ? » C’est alors
comme un gouffre et un abîme de perplexité qui s’ouvrent encore plus largement tandis que le patron est
persuadé que son employé souffre d’un problème oculaire. Propos recueillis par Bertrand Tappolet
3. De la mélancolie à la frayeur
Comme je retournais dans mon esprit toutes ces choses en les rapprochant de la découverte
récente que Bartleby faisait de mon étude sa résidence et son chez lui constants, sans oublier ses
caprices morbides ; comme je retournais toutes ces choses, un sentiment de craintive prudence
m'envahit. Mes émotions premières avaient été de pure mélancolie et de la plus sincère pitié ; mais
à mesure que la détresse de Bartleby prenait dans mon imagination des proportions de plus en plus
grandes, cette même mélancolie se muait en frayeur, cette pitié en répulsion. Tant il est vrai et
terrible à la fois que, jusqu’à un certain point, l’idée ou la vue du malheur mobilise nos meilleurs
sentiments, mais que, dans certains cas particuliers, au-delà de ce point elle ne les commande plus.
Il serait erroné de croire que ce phénomène soit dû invariablement à l'égoïsme inhérent au cœur
humain. Il procède plutôt d'une certaine désespérance de pouvoir remédier à un mal excessif et
organique. Pour un être sensible, la pitié, souvent, est souffrance. Lorsqu'on voit finalement que
d'une telle pitié ne saurait sortir un secours efficace, le sens commun ordonne à l'âme de s'en
débarrasser. Ce que j'avais vu ce matin-là me persuada que le scribe était victime d'un désordre
inné, incurable. Je pouvais faire l'aumône à son corps, mais son corps ne le faisait point souffrir;
c'était son âme qui souffrait, et son âme, je ne pouvais l'atteindre.
Hermann Melville, Bartleby
Il est fascinant d’aborder le processus
mystérieux que suit Bartleby.
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4. Un « texte violemment comique »
Cet énigmatique récit de Melville fut analysé à
de nombreuses reprises par divers penseurs,
critiques littéraires et philosophes : Deleuze,
Agamben, Derrida ou encore Bataille. Malgré
ces nombreuses tentatives d’élucidation,
l’œuvre de Melville conserve son caractère
mystérieux autour de la fameuse formule « I
would prefer not to » Je préférerais ne
pas »). Certains y ont vu une œuvre
résolument politique érigeant au rang de
héros de la désobéissance civile le
protagoniste éponyme, d’autres en ont
proposé une lecture plus pessimiste et
psychologisante de la figure de l’échec
absolu.
Dans un cas comme dans l’autre, la nouvelle donne à penser par sa brutalité, son hermétisme et son
apparente absurdité. Nulle part dans la nouvelle, nous n’aurons d’indice de la part de l’auteur quant au
sens de cette étrange formule. Le sens est à construire, et cette tâche échoit au lecteur (au spectateur)
quel qu’il soit : amateur, psychanalyste, philosophe, critique littéraire, jeune ou moins jeune...
Plus encore, c’est un véritable défi au langage que lance Melville par cette nouvelle déroutante
d’absurdité, de vérité. Et risquer aujourd’hui de s’y attarder malgré la haute probabilité de se trouver aussi
démuni que l’est le narrateur, c’est précisément parce que la philosophie s’attaque à des problèmes ; et
Bartleby en est bel et bien un. Plutôt que donner des réponses, Bartleby questionne la limite du langage,
de l'écriture, de toute tentative de formulation ou de représentation de la pensée. Comme le disait Julien
Mellano en reprenant une part de brioche : « chercher à expliquer est sûrement vain mais chercher à
comprendre ne l’est sans doute pas ».
Bartleby n’est pas le symbole de quoi que ce soit. C’est un texte violemment comique. (Gilles Deleuze)
Bob Théâtre
5. De la nouvelle à sa transposition à la scène
Le Bob Théâtre, depuis ses débuts, a exploré
divers champs du théâtre d’objet et de la
manipulation en restant à distance de la
marionnette, par respect, par prudence et par
incompétence. Mais à la relecture de Bartleby
une évidence c’est imposée ; nous utiliserons la
marionnette à gaine et le jeu d’acteur (car
n'oublions pas que le plus important dans la
marionnette à gaine c’est ce qu’il y a dedans).
Bartleby. Photo de répétition
La marionnette à gaine
nous propulse vers le burlesque.
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