EXTRAITS DE PRESSE Frédérique Leichter-Flack, Le laboratoire des cas de conscience Presse écrite Le JDD, 12 mai 2013 Frédérique Leichter-Flack : « Un écrivain a le droit de tout explorer » La chercheuse de 39 ans vient de recevoir le prix Émile Perreau-Saussine. La littérature aide à répondre à la question : qu'est-il juste de faire ? Itv de Marie-Laure Delorme Le Point, 4 avril 2013 Le prix de l'intelligence Chaque année, en mémoire d'un jeune professeur de philosophie politique prématurément disparu, le prix Emile-Perreau-Saussine honore le travail d'un chercheur en sciences humaines de moins de 40 ans. Cette année, Frédérique Leichter-Flack remporte ce « prix de l'intelligence » face à Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (« La guerre au nom de l'humanité. Tuer ou laisser mourir », PUF). La lauréate 2013 sera couronnée le 17 avril à 18 heures à la mairie du Ier arrondissement de Paris. Il faut lire son «Laboratoire des cas de conscience » (Alma), qui puise dans la littérature, de Melville à Camus, de Gogol à Kafka, tous les outils pour penser la complexité de notre monde, de la justice sociale à la bioéthique, du droit humanitaire à l'éthique militaire • Christophe Ono-dit-Biot Esprit, décembre 2012 Tout se passe comme si le monde littéraire apportait, comme il l'a déjà fait dans son histoire, un crédit particulier au savoir charrié par la fiction. Et la philosophie n'est pas en reste : Frédérique Leichter-Flack a publié un Laboratoire des cas de conscience dans lequel elle propose la médiation de fictions littéraires comme outil opératoire sur les questions d'éthique. Grâce à Bartleby, à la Colonie pénitentiaire, à des exemples tirés des œuvres de Dostoïevski, Hugo ou Camus, elle travaille des questions de morale touchant aussi bien à des domaines de droit international qu'à celui de la justice. Ce faisant, Frédérique LeichterFlack s'inscrit dans la droite ligne des travaux de Martha Nussbaum : dès son prologue, elle se réfère à l'imagination narrative qui, selon l'expression de la philosophe américaine qu'elle reprend à son compte, fait « de l'enseignement des humanités un irremplaçable moyen de former des citoyens actifs et engagés dans les affaires publiques ». Cette approche conjointe par l'évolution de l'art lui-même, par les concepts mis en œuvre par la philosophie récente et les sciences cognitives incline à penser que les émotions esthétiques proposent une ouverture sur le monde nécessaire à l'éducation d'un citoyen. Carole Desbarats Madame Figaro, 27 juillet 2012 UNE PLAGE PHILO. Cette jeune philosophe part du principe que tout ce qui touche à l'éthique a été traité en littérature. Elle revisite alors les grands textes littéraires, de Hugo à Dostoïevski, pour répondre à d'importantes questions sociétales. C'est un hommage à la littérature doublée d'une édifiante réflexion. Bernard Babkine, Olivia Mauriac, Isabelle Potel, et Minh Iran Muy Bibliobs-Nouvel Obs, 17 juillet 2012 Bons tuyaux #5 - Onfray s'éprend de Mme Socrate La philosophie occidentale se goinfre de concepts, d'idées, de néologismes au point que les penseurs institutionnels subversifs se retrouvent avec les penseurs institutionnels tout court pour définir la philosophie comme l'art de créer des concepts. Or, il existe une autre tradition, celle de la philosophie existentielle descendant en droite ligne de la philosophie antique : elle invite moins à penser, conceptualiser, théoriser, discuter, qu'à mener une vie philosophique. Et puis, en marge, il existe une façon de faire, plutôt dominante chez les Anglo-Saxons, qui part d'un cas très concret pour mener une réflexion étourdissante à l'issue de laquelle il ne subsiste plus aucune certitude, sinon celle qu'on a vraiment pensée. Je songe aux travaux intéressants de Stéphane Ferret ou de Ruwen Ogien. C'est dans cette lignée que Frédérique Leichter-Flack inscrit sa réflexion. Dans « le Laboratoire des cas de conscience », elle utilise le roman pour, excusez du peu, penser la justice, le jugement, la condamnation, l'innocence, la responsabilité, la culpabilité, la valeur d'une vie, le fait de mourir pour des idées, la prise d'otages, la question du sacrifice ou du martyre, la non-ingérence, etc. Pour mobiliser une casuistique, elle convoque Hugo et Dostoïevski, Kafka et Camus, Melville et Gogol, mais aussi, autres grands romans, le Talmud et la Bible... Elle recourt également au fait divers : un chanteur célèbre qui frappe sa compagne et la tue, des jeunes filles qui mettent le feu à une boîte aux lettres pour se venger d'une ancienne copine et qui embrasent l'immeuble, un adolescent boxeur qui frappe une jeune fille qui harcelait sa jeune sœur et la tue, etc. L'analyse est simple, claire, mais profonde. La construction de la démonstration s'inspire plus de la nouvelle ou du roman policier que de la dialectique classique ou de la phénoménologie allemande. Le livre refermé, on a l'impression d'avoir assisté à un discours de Socrate sur l'agora. L'auteur inquiète, fait sourire, conduit son lecteur, sans en avoir l'air, là où elle veut – et l'on se dit que la philosophie française gagnerait à creuser ce sillon prometteur. Michel Onfray Le Nouvel Observateur, 28 juin 2012 Michel Onfray s’éprend de Mme Socrate La philosophie occidentale se goinfre de concepts, d’idées, de néologismes au point que les penseurs institutionnels subversifs se retrouvent avec les penseurs institutionnels tout court pour définir la philosophie comme l’art de créer des concepts. Or, il existe une autre tradition, celle de la philosophie existentielle descendant en droite ligne de la philosophie antique : elle invite moins à penser, conceptualiser, théoriser, discuter, qu’à mener une vie philosophique. Et puis, en marge, il existe une façon de faire, plutôt dominante chez les Anglo-Saxons, qui part d’un cas très concret pour mener une réflexion étourdissante à l’issue de laquelle il ne subsiste plus aucune certitude, sinon celle qu’on a vraiment pensée. Je songe aux travaux intéressants de Stéphane Ferret ou de Ruwen Ogien. C’est dans cette lignée que Frédérique Leichter-Flack inscrit sa réflexion. Dans « le Laboratoire des cas de conscience », elle utilise le roman pour, excusez du peu, penser la justice, le jugement, la condamnation, l'innocence, la responsabilité, la culpabilité, la valeur d’une vie, le fait de mourir pour des idées, la prise d’otages, la question du sacrifice ou du martyre, la noningérence, etc. Pour mobiliser une casuistique, elle convoque Hugo et Dostoïevski, Kafka et Camus, Melville et Gogol, mais aussi, autres grands romans, le Talmud et la Bible…Elle recourt également au fait divers : un chanteur célèbre qui frappe sa compagne et la tue, des jeunes filles qui mettent le feu à une boîte aux lettres pour se venger d’une ancienne copine et qui embrasent l’immeuble, un adolescent boxeur qui frappe une jeune fille qui harcelait sa jeune sœur et la tue, etc. L’analyse est simple, claire, mais profonde. La construction de la démonstration s’inspire plus de la nouvelle ou du roman policier que de la dialectique classique ou de la phénoménologie allemande. Le livre refermé, on a l’impression d’avoir assisté à un discours de Socrate sur l’agora. L’auteur inquiète, fait sourire, conduit son lecteur, sans en avoir l’air, là où elle veut – et l’on se dit que la philosophie française gagnerait à creuser ce sillon prometteur. Michel Onfray Le Huffington post, 13 juin 2012 Qu’est-il juste de faire ? S'il vous arrive de vous interroger sur des sujets aussi actuels que la responsabilité d'un employeur dans le suicide d'un salarié, la peine qui devrait être infligée à l'auteur d'un coup ayant eu des conséquences désastreuses, le fait de savoir à qui appartient l'enfant qu'une mère porteuse refuse de remettre au couple géniteur ou encore sur la légitimité de la torture dans le contexte du terrorisme, le dilemme de la prise d'otages pour un état démocratique, s'il est juste de mourir pour ses idées, ou plus personnellement, sur votre propension, votre passivité ou vos limites à aider un prochain en détresse ou en fin de vie, vous devez lire de toute urgence Le Laboratoire des cas de conscience de Frédérique Leichter- Flack. Non, il ne s'agit pas d'un pavé universitaire difficile à consommer. C'est même exactement le contraire. Pour répondre à la question parfois lancinante "qu'est-il juste de faire ?" quand il faut juger, choisir, décider d'intervenir ou pas, Frédérique Leichter-Flack part d'une situation réelle illustrée par un fait divers ou un événement récent ou pose un problème de société comme celui de la solidarité ou de la désobéissance civile ou militaire. Puis, et c'est ce qui fait le sel de l'affaire, elle puise dans une grande œuvre de fiction littéraire des outils pour y réfléchir. "La fiction littéraire" écrit-elle "porte en elle une formidable réserve de sens que le raisonnement théorique ne peut combler. Elle apprend à faire avec l'émotion, à ne pas croire qu'en matière de justice les idées peuvent suffire. Elle empêche d'en rester à des réponses trop tranchées, oblige sans cesse à déplacer le regard, invite l'inquiétude et le doute à la table du décideur." Bref, tout ce qu'on aime… Mais si la littérature a tous les pouvoirs, l'auteur ne met pas toutes les fictions sur le même plan. Si elle a choisi Kafka, Gogol, Camus, Melville, Dostoïevski ou Hugo, sans oublier la Bible, c'est pour desserrer l'emprise du mal en "scrutant l'interface en perpétuel mouvement du juste et de l'injuste" alors que d'autres œuvres, comme Le choix de Sophie de William Styron ne sont, à ses yeux, que fascination sidérante pour le mal. Mais c'est aussi la lecture qu'elle en fait, en perpétuel mouvement cette fois entre la fiction et la réalité d'aujourd'hui qui fait surgir des arguments auxquels on n'avait pas pensé, outre qu'elle donne envie de lire les textes qu'on ne connaît pas ou de relire d'un autre œil ceux qu'on a déjà lus. Billy Budd d'Herman Melville, La Métamorphose, La Colonie pénitentiaire et Le Château de Kafka, Le Manteau de Nicolas Gogol ou Les Misérables de Victor Hugo, Le Prisonnier de l'israélien Yizhar, L'Hôte de Camus en passant par l'Antigone de Sophocle, le Talmud et dans la Bible, le jugement de Salomon ou la parabole du bon Samaritain, mettent en récit une série d'inquiétudes et d'incertitudes au cœur de nos débats de société. Sans dire où est le bien et le mal, la littérature est un laboratoire des cas de conscience quand elle propose des dilemmes de fiction. Encore faut-il, et c'est là que l'auteur intervient "en comprendre la signification, en démêler les différents fils, en apprivoiser le tragique afin d'être capable de repérer dans les rencontres de l'existence, ce qui demande intervention, exige un choix ou engage une responsabilité". Frédérique Leichter-Flack y excelle et nous rend plus intelligent, ce dont il serait dommage de vous priver. Caroline Eliacheff Etudes, mai 2012 La littérature offre au moraliste nombre de cas de conscience suggestifs et peut constituer ainsi un véritable laboratoire de réflexion et de pondération où un jugement moral trouve exemples et situations originales. Ces références littéraires bien choisies rejoignent d'ailleurs étonnamment nombre de problèmes que nous nous posons aujourd'hui et parmi les plus graves : limites de la solidarité avec la souffrance, justification de l'obéissance aux ordres de la part d'un exécutant, ingérence ou protection des populations, torture et valeur d'une vie, ampleur de la responsabilité. Ce livre présente de tels cas trouvés aussi bien dans la Bible (jugement de Salomon ou le Samaritain) que chez Dostoïevski, Hugo, Gogol, Camus ou Melville. Repris et actualisés, ces cas offrent donc un bon appui pour la réflexion. On reste malgré tout frappé, soit par un certain flou concernant les positions suggérées, soit par des jugements étranges, comme celui qui accuse la malheureuse Antigone de « fanatisme mortifère ». Mais l'appui sur la littérature, souvent trop négligée par les moralistes, les philosophes et les théologiens, est un rappel opportun en faveur d'une source de sagesse tout à fait féconde et pertinente. Paul Valadier Pages des Libraires, « Entretien avec Mona Ozouf », mai 2012 « P. : Est-ce l'enseignement, paradoxal, des livres, qui explique qu'aujourd'hui de plus en plus, la philosophie se tourne, ou plutôt tourne ses appareillages conceptuels, vers la littérature ? M. O. : On observe en effet un retour vers la littérature et le récent ouvrage Le Laboratoire des cas de conscience de Frédérique Leichter-Flack est à cet égard extrêmement intéressant. C'est qu'il y a de l'indécidable dans la littérature, ou plutôt la littérature nous met face à l'indécidable. Les grands livres sont peut-être ceux qui approfondissent le secret et le mystère sans jamais les éclaircir, et c'est à mon avis, la grande différence entre le livre d'histoire et le roman. L'historien peut très bien aussi partir d'une énigme, mais il va chercher à la réduire. Son effort est la réduction de la part d'ombre, tandis que le romancier tourne autour de l'énigme et, quand bien même il lui trouve des solutions, il peut aussi compliquer encore un peu plus le problème. » Les Inrockuptibles, 18 avril 2012 Généalogie de la morale Autant que dans les traités d'éthique, les grandes questions morales traversent l’histoire littéraire, analyse la philosophe Frédérique Leichter-Flack, qui fait du roman un laboratoire de nos dilemmes réels. Cadrant les enjeux et les termes des dilemmes qui se posent dans chaque situation de nos vies hésitantes, la philosophie morale impose sans cesse sa grammaire sans qu'on en maîtrise forcément les règles. À défaut d’aider à la prise de décision univoque, elle éclaire parfois le sens de nos actes. Depuis Aristote ou Kant, ses principes nous poursuivent jusque dans nos choix les plus délicats. Qu’est-il juste de faire – en situation ? Cette question clé, éternellement revisitée par des générations de penseurs, traverse la réflexion roborative de Frédérique Leichter-Flack dans son premier essai, Le Laboratoire des cas de conscience. En empruntant la voie de la littérature sur la route de ses diagnostics éthiques, elle considère que « le détour par la fiction est, en réalité, un formidable raccourci ». Partant de ce constat, partagé par beaucoup, selon lequel la fiction porte en elle « une formidable réserve de sens que le raisonnement théorique ne peut combler », Frédérique Leichter-Flack mobilise les ressources de l’histoire littéraire, afin de mieux saisir, à leur aune, certaines des grandes questions éthiques de notre époque. A-t-on le droit de sacrifier une vie pour en sauver cent ? Jusqu’où doit-on donner de soi pour aider quelqu'un qui ne nous est rien ? Certaines vies sont-elles plus précieuses que d'autres ?... Ces « dilemmes du réel » trouvent des échos saisissants dans les grandes œuvres de fiction qui, comme le soulignait la philosophe Martha Nussbaum, forment une « école de la réflexion morale ». De Sophocle à Camus, de Melville à Gogol, de Dostoïevski à Kafka, des enjeux de justice sociale aux nouveaux modèles familiaux et sociétaux, de la bioéthique aux relations internationales, Frédérique Leichter-Flack se prête à ce jeu d allers-retours entre les traces des romans et les fêlures du monde contemporain. Plus qu'un effet miroir, elle perçoit dans sa circulation des affinités entre les aspirations éthiques contemporaines et leur traduction prophétique par des écrivains dont l’imaginaire porte une vision acérée du tragique. « Refuge de la complexité du monde, la littérature est le lieu des questions ouvertes qui résistent à toutes les réponses provisoires que chaque époque formule pour elle-même », avance l’auteur. Kafka, à travers sa nouvelle "Dans la colonie pénitentiaire", éclaire le mystère de l’inertie des spectateurs complices du mal, assistant au désastre, restant à leur place. Melville, lui, nous aide avec son Bartleby à analyser les enjeux de l'impasse de la pitié : que faire de ces indésirables que la folie même rend indéfendables, de ces inadaptés que leur détresse même condamne au rebut ? Multipliant ainsi l’étude des cas de conscience – mauvaise ou malheureuse – qui traversent l'histoire de la littérature, Frédérique Leichter-Flack fait de la matière romanesque le lieu fondateur de l’évaluation de nos normes morales éternellement imparfaites. Jean-Marie Durand La Quinzaine littéraire, 15 mars 2012 Peu de gens représentent, en France, le courant Droit et Littérature si répandu aux ÉtatsUnis sous le signe LL (pour Law and Literature). Le livre de Frédérique Leichter-Flack est pourtant, en français, l'une des plus subtiles contributions à ce champ de réflexion pour lequel des situations ou des cas évoqués par la littérature permettent d'éclairer, sans nécessairement les trancher, certains problèmes posés à la théorie de la justice. Le « laboratoire des cas de conscience », c'est donc la littérature comprise comme le lieu où se déploient des conflits, des dilemmes intérieurs, des alternatives difficiles, voire impossibles. Les lire, les analyser, les comprendre, c'est pouvoir avancer dans le traitement de questions épineuses où la morale vient rencontrer la justice. Comment aider jusqu'au bout quelqu'un qui ne nous est rien et qui, en outre, ne veut pas de notre aide, comme le Bartleby chez Melville ? Qui est responsable de la mort d'Akaki Akakiévitch, le personnage du Manteau de Gogol ? Il n'y a pas de réponse définitive à ces questions mais c'est la capacité de la littérature à prendre en charge la part émotive et imaginative des situations et des êtres qui nous permet avec elle d'envisager une justice qui soit la plus juste possible. Ainsi, dans la lignée des travaux de Michael Sandel et de Martha Nussbaum, Frédérique Leichter-Flack fait de la littérature une « école de la réflexion morale ». « A-t-on le droit de sacrifier une vie pour en sauver cent ? Est-on vraiment coupable quand on a cédé à la provocation ? Jusqu'où doit-on donner de soi pour aider quelqu'un qui ne nous est rien ? Qui doit vivre quand tout le monde ne peut pas vivre ? » : ces questions sont celles qui sont soulevées par le livre, nouant étroitement l'éthique, le politique et le juridique. Chaque chapitre part d'une situation repérée ou vécue récemment dans la vie collective et trouve résonance ou matière à réflexion dans un épisode de la littérature. Billy Budd illustre le problème de la culpabilité d'un homme qui en tue un autre sans avoir eu la volonté de le tuer. Quelle part peut-on accorder aux circonstances atténuantes dans un tel crime ? La nouvelle de Melville innocente Billy mais, en le faisant, elle ouvre un espace trouble, intermédiaire, qui n'est ni celui de la condamnation d'un innocent ni celui de l'innocentement d'un coupable. Un autre exemple parmi les très nombreux cas passionnants présentés dans le livre : dans le cas où l'on sait qu'une bombe a été posée dans un lieu public et qu'on vient d'arrêter un homme qui sait où elle se trouve, est-il permis d'employer tous les moyens à disposition – y compris la torture – pour le faire parler et sauver ainsi des centaines de vies ? Quelle relation entretenons-nous avec l'exception ? Le fameux argument de Raskolnikov, dans Crime et Châtiment, « une mort contre cent vies », est d'autant plus problématique qu'il s'applique au détriment d'une innocente. Mais l'argumentation qu'il donne nous permet a contrario de comprendre que certains problèmes éthiques, sans trouver nécessairement de résolution, nous obligent à réfléchir à la caution morale que nous accordons ou non à la justice. Une grande part de notre responsabilité citoyenne y est engagée. Comme l'écrit Frédérique Leichter-Flack : « la réflexion éthique – dès lors qu'elle revendique son application possible aux défis toujours émergents de la réalité en progrès – a besoin des exercices de simulation. Elle ne peut se passer du recours à la fiction, non seulement pour anticiper des situations inédites, mais aussi pour vérifier que l'écart entre ce qui se décide entre experts sur la base de grands principes et les perceptions qu'en a le grand public ne se creuse pas trop, et s'assurer ainsi que l'éthique et le sentiment de la justice coïncident encore ». Les dilemmes intérieurs, les cas de conscience sont justement tels de ne pouvoir être entièrement réglés ou dépassés. Mais ces fictions permettent de maintenir le débat vivant. Ce qui n'est pas rien puisqu'il s'agit ni plus ni moins de desserrer l'emprise du mal. « Et si elles peuvent transmettre aussi, chemin faisant, malaise, vertige ou inquiétude, ce sont encore des moyens de traquer l'injustice partout où elle cherche à se réfugier. » Bonne connaisseuse du Talmud à qui elle emprunte l'analyse de certains exemples, l'auteure de ce livre, écrit de façon extrêmement fluide et qui se lit avec un intérêt qui ne faiblit jamais, offre une contribution importante à la réflexion sur la puissance possible de la littérature dans le domaine du droit, en faisant avancer sur le chemin du sentiment, de l'émotion et de la compassion – en ce sens, elle se rapproche aussi de l'éthique du Care, américaine elle aussi et introduite en France par Sandra Laugier et Patricia Paperman. C'est justement parce qu'elle ne produit pas de jugement définitif ou tout fait que la littérature est une école de la nuance. L'important est moins de résoudre les dilemmes, surtout lorsqu'ils sont de fiction, « que d'en comprendre la signification, d'en démêler les différents fils, d'en apprivoiser le tragique – afin d'être capable de repérer, dans les rencontres de l'existence, ce qui demande intervention, exige un choix ou engage une responsabilité ». Tiphaine Samoyault Le Monde des livres, 9 mars 2012 L'argument dit de « la bombe à retardement » (justifiant le recours à la torture par une menace terroriste), celui de la provocation (par lequel on excuse une agression par une offense préalable valant circonstances atténuantes) ou encore l'existence de protocoles de priorisation (au nom desquels certaines vies sont plus précieuses que d'autres - le personnel de sante par exemple, en raison de son utilité sociale évidente). II y a la autant de cas d'école que Frédérique Leichter-Flack choisit d'explorer, s’inspirant de la philosophe américaine Martha Nussbaum. Car la fiction offre des modèles de « raisonnement moral ancrés dans un contexte spécifique, mais pertinent au-delà de lui » le révolutionnaire Gauvain exécutera-t-il le chef des Vendéens qui a sauvé des flammes les trois enfants que son armée retenait en otage, au risque d'être fait prisonnier ? Quatre vingt treize, de Victor Hugo (1874), confère une force émotionnelle à la question de savoir combien vaut une vie. Ce débat, Les Justes, de Camus (1949), II faut sauver le soldat Ryan, de Spielberg (1998), le répercutent en un dialogue captivant. Et Primo Levi le clôt in fine, considérant que se la poser laisse entendre, dans le cas de l'extermination, que les disparus ne méritaient pas de vivre. J.-L.J. Libération, 16 février 2012 Quand l'homme n'a pas le choix, il n'a pas de liberté. Mais lorsqu'il a le choix, il se sent crucifié, car il sait que ce pour quoi il opte tuera dans l'œuf toutes les autres possibilités, qui jamais ne s'actualiseront. Le fardeau est encore plus lourd lorsque les cornes de l'alternative s'équivalent, et que la nécessité de trancher sacrifie les valeurs auxquelles on tient le plus. Voilà le « cas de conscience ». Celui-ci est douloureux, parce qu'il fait éprouver la difficulté et l'inéluctabilité de la question : « Qu'est-il juste de faire ? » Les théoriciens de la morale la complexifient à loisir, en inventant des casse-tête, du genre : « Cinq personnes sont sur une barque qui coulerait si elle n'était délestée ; qui doit-on jeter à l'eau ? » Excitantes pour l'esprit, ces fictions théoriques s'éloignent cependant de la vie réelle, dans laquelle le cas de conscience est toujours « en situation », lié à l'histoire d'une personne, à ses penchants, ses affects, ses peurs, ses scrupules… « Imagination ». Mais, entre la généralité que cherche la théorie et le particularisme auquel se borne une vie quelconque, il y a… la littérature, dont les « héros » portent un sens qui va au-delà d'eux-mêmes, et dont les « questions ouvertes » résistent « à toutes les réponses provisoires que chaque époque, chaque société formule pour elle-même ». C'est donc à la littérature qu'en appelle Frédérique Leichter Flack pour explorer le Laboratoire des cas de conscience, car, à ses yeux, comme à ceux de la philosophe américaine Martha Nussbaum dont elle s'inspire, l' « imagination narrative » est une véritable « école de la réflexion morale ». Aussi établit-elle un « jeu d'allers-retours » entre les problèmes éthiques, politiques ou juridiques du monde contemporain et des pages de la Bible ou du Talmud, de Sophocle, Kafka, Hugo, Camus, Gogol, Melville ou Dostoïevski, lesquelles, à propos d'épineux cas de conscience, obligent à « déplacer le regard », en « invitant l'inquiétude et le doute à la table du décideur ». Le résultat est saisissant. À propos de la solidarité est-ce un devoir ? Relève-t-elle de la seule fraternité humaine ou doit-elle être « imposée », institutionnalisée, etc. est par exemple citée la parabole du bon Samaritain. L’aide que celui-ci prodigue à l'homme attaqué par des bandits, laissé moribond sur une route, y reçoit une valeur d'exemplarité (« Va, et fais comme lui »), mais n'est pas dite devoir relever d'une obligation, car on ne doit rien (vraiment ?) à ceux auxquels on n'a pas nui. Les deux voyageurs qui sont passés à côté du blessé sans rien faire, sont ils dès lors moralement coupables (aujourd'hui, ils seraient passibles d'une sanction pénale pour non-assistance à personne en danger) ? Mais Leichter-Flack complique les choses en se référant à la nouvelle de Melville, Bartleby le scribe. Qu'est-il juste que fasse cet avocat pour son employé Bartleby, un « blessé de la vie », sans famille, ni amis ni domicile, une « épave au milieu de l'Atlantique », qui, à toute consigne de travail oppose un « I would prefer not to », qui n'accepte aucune assistance et qui se laisse mourir en prison, laissant dans la conscience de son patron, prêt à tout pour le secourir, le poison de la culpabilité ? Est-ce « bien » d'aider un prochain qui ne peut ni ne veut être aidé ? Ame humaine. Le suicide consécutif à un harcèlement professionnel, la responsabilité d'un mal provoqué inintentionnellement, la prise d'otage, l' « appartenance » juridique et morale d'un enfant conçu par FIV pour un couple stérile et finalement revendiqué par la mère porteuse, le droit de non-ingérence, l’« humanité » d'un homme dans le coma depuis vingt ans… Sur toutes ces questions et d'autres, Frédérique Leichter-Flack décrit la « position » prise par la justice ou certaines théories morales, puis ajoute les « variations » littéraires, qui laissent voir l'extrême difficulté à « faire le bien », même avec de bonnes intentions. C'est que la littérature ne prescrit rien, ne dit pas où sont le bien et le mal, ne garantit pas la victoire quand elle tente de « desserrer Tétau du mal », et, surtout, sait les mille chemins, tortueux, retors, ambigus, vertigineux, qui parcourent l'âme humaine et la font avancer à tâtons sur les frontières troubles du juste et de l'injuste. « Qui, dans l'arc-en-ciel, peut marquer l'endroit où finit le violet et où commence l'orange ? » écrivait Melville. Et Frédérique Leichter-Flack de conclure : « C'est un tel nuancier, fait d'empathie et d'attention, de sensibilité et d'imagination, que la lecture des grandes œuvres offre à la conduite des affaires humaines [...]A chacun d'affronter ensuite les dilemmes du réel. » Robert Maggiori La vie des idées, 9 février 2012 L’ouvrage de Frédérique Leichter-Flack, Le Laboratoire des cas de conscience, s’ouvre sur un cas examiné dans le Talmud de Babylone. Deux hommes marchent dans le désert, dont un seul a une gourde. S’il garde toute l’eau pour lui, il aura assez de forces pour rejoindre un lieu habité, mais son compagnon mourra ; s’il partage l’eau, les deux mourront. Sur la conduite à tenir, les avis des rabbins divergent. Quant aux raisons de cette divergence, il est permis de s’interroger : tient-elle à une différence dans la hiérarchie des principes éthiques, ou à une différence dans la manière qu’a chacun de se représenter concrètement la scène, à partir des très maigres éléments fournis ? Car, comme le relève F. Leichter-Flack, pour émettre un avis sensé sur un pareil dilemme « il manque l’essentiel, c’est-à-dire les détails. […] Comment peut-on décider de ce qu’il est juste de faire quand il nous manque autant d’informations pour asseoir notre arbitrage ? » (p. 11). Il en va souvent ainsi des cas de conscience examinés par les traditions, ici talmudique, ailleurs philosophique : on ne peut s’empêcher de penser que notre indécision, face aux situations qu’elles nous proposent, tient d’abord à leur caractère artificiel, squelettique, « sous-déterminé ». Dans la réalité, tant d’autres éléments interviendraient, dont certains feraient pencher la balance dans un sens ou dans un autre. Les dilemmes éthiques ne sont pas, pour autant, une pure invention de maîtres de sagesse, de philosophes, de dialecticiens. Lorsque le réel nous confronte à de tels dilemmes, où trouver les ressources propres à éclairer notre jugement ? Selon Simone Weil, adopter la position juste ne résulte pas de l’application de principes, aussi raffinés et sophistiqués soient-ils, mais de l’attention portée à une situation. « D’une manière générale, les erreurs les plus graves, celles qui faussent toute la pensée, qui perdent l’âme, qui la mettent hors du vrai et du bien, sont indiscernables. Car elles ont pour cause le fait que certaines choses échappent à l’attention [1] ». Voilà pourquoi les réflexions éthiques théoriques, aveugles qu’elles sont à la matière même du réel, se révèlent, en pratique, d’un maigre secours. D’un autre côté, il ne suffit pas d’ouvrir les yeux pour voir : pour pénétrer véritablement une situation il est utile, voire indispensable, de pouvoir la comparer à d’autres. Or notre expérience concrète est limitée : il est donc bon qu’elle se double d’une expérience fictionnelle. Non seulement cette dernière est à même d’aiguiser nos facultés d’attention, mais encore, en s’offrant à la réflexion commune, elle permet la confrontation des points de vue et l’élaboration d’une sagesse partagée. D’où, entre l’abstraction de la théorie et l’idiotie des faits, la place éminente de la littérature. Pour F. Leichter-Flack, la littérature contribue « à l’élaboration d’un modèle de raisonnement moral ancré dans un contexte spécifique, mais pertinent au-delà de lui » (p. 13-14). La fiction littéraire, ajoute-t-elle, « porte en elle une formidable réserve de sens que le raisonnement théorique ne peut combler. Elle apprend à faire avec l’émotion, à ne pas croire qu’en matière de justice les idées peuvent suffire » (p. 15). « Refuge de la complexité du monde, la littérature est le lieu des questions ouvertes qui résistent à toutes les réponses provisoires que chaque époque, chaque société formule pour elle-même. » À ce titre, l’essai de F. Leichter-Flack se présente, dans les termes mêmes de l’auteur, « comme une nouvelle tentative de remettre les ressources de la littérature à la disposition du temps présent » (p. 16). La démarche adoptée consiste à partir de questions, situations ou faits divers de l’actualité récente, et à se référer à une ou plusieurs œuvres littéraires — nouvelles ou romans — à même d’en éclairer les enjeux. En un sens, l’actualité vient raviver l’intérêt porté à la littérature et, en sens inverse, la littérature est à même d’améliorer notre intelligence du présent. L’ouvrage n’a rien de systématique : pas de champ de réflexion clairement délimité au départ, pas d’œuvre étudiée pour elle-même et dans la multiplicité de ses aspects, mais un va-et-vient entre interrogations contemporaines et lectures de fictions romanesques. Une telle démarche a ses qualités, elle a aussi ses limites. On peut cependant estimer que les limites sont ici accordées au propos : en n’examinant pas « à fond » une question ou une œuvre, en se contentant d’entrer dans une œuvre par une question, et de jeter en retour une certaine lumière sur cette question par l’œuvre considérée, l’essai de F. Leichter-Flack ne cesse de solliciter son lecteur, de l’inciter à relire les romans évoqués, de le faire penser à d’autres textes pour approfondir la question, et cette place laissée à la participation est finalement beaucoup plus propice au développement d’une réflexion éthique que ne le serait un exposé impeccablement structuré et minutieusement balisé. Plutôt que de dresser un catalogue des questions et des œuvres examinées, mieux vaut donner quelques exemples. Un des auteurs sollicités par F. Leichter-Flack est Victor Hugo qui, porté par son génie littéraire, a énormément écrit. Dans ce flot puissant où l’on trouve de tout, quelques moments sont sélectionnés, particulièrement bien choisis. Ainsi, dans Quatre vingt treize, l’épisode de la tour en flamme, quand le cri de la mère arrête le marquis de Lantenac dans sa fuite, le fait rebrousser chemin pour sauver trois enfants au prix de sa capture par les révolutionnaires. « Le geste de Lantenac n’est pas précédé par une délibération ; il semble déclenché par la pression du contexte » (p. 93). Le moment éthique relève non d’une décision du sujet autonome, comme chez Kant, mais d’un jaillissement de la compassion, comme chez Schopenhauer. Cependant, F. Leichter-Flack souligne que « chez Hugo, l’émotion sert à sauver la vie des enfants, mais elle s’en tient là, ne prétend nullement enseigner que la vie de quelques enfants vaut toujours plus que toutes les causes politiques » (p. 94-95). Cet arbitrage, les républicains de juin 1832, dans Les Misérables, ne peuvent l’éviter. Quand l’échec de l’insurrection devient certain, ceux qui tiennent la barricade sont prêts à mourir jusqu’au dernier. F. Leichter-Flack établit un parallèle opportun avec Antigone. Mue au départ par le sentiment que des honneurs funèbres devaient être rendus à son frère Polynice, Antigone, au fur et à mesure que la lutte avec Créon s’exacerbe et devient désespérée, est envahie par une sorte de fanatisme mortifère : « tout semble se passer comme si la mort ne lui coûtait plus » (p. 119). Or, rien n’est plus suspect que de tels martyrs. Sur la barricade, il faut le discours de Combeferre pour tempérer l’ivresse qui fait crier « Vive la mort » : il rappelle aux hommes présents qu’ils ne se doivent pas seulement à la cause qu’ils défendent, mais aussi aux êtres pour lesquels il vaut de défendre cette cause. « Ce qui donne ou ôte valeur éthique et légitimité morale à un martyre ne tient pas seulement à la cause qu’il défend, à l’idée du Bien au nom duquel le sacrifice a lieu. […] Le courage n’est pas de ne pas craindre de mourir pour ses idées, mais de chérir la vie que l’on sacrifie au moment même où l’on y renonce pour lui conserver son sens et sa valeur » (p. 124). Un autre auteur largement évoqué est Melville, pour Billy Budd et Bartleby. Avec Bartleby, F. Leichter-Flack entend explorer la question des limites qu’il convient, ou non, d’accepter à la solidarité. Le bon Samaritain, une fois qu’il a secouru le blessé et payé l’aubergiste, poursuit son chemin. Mais qu’en est-il, si la personne qu’on a aidée continue de réclamer des soins, dont on ne voit pas le terme ? Jusqu’où est-on tenu d’assister son prochain ? La question est d’importance — elle est même considérable. Qu’il nous soit permis de penser, cependant, que Bartleby n’est pas l’œuvre la mieux choisie pour l’explorer. Une personne à assister, c’est ainsi que le narrateur-employeur voit Bartleby. Mais l’un des aspects les plus dramatiques de la nouvelle tient, précisément, à l’incapacité du narrateur et du système qu’il incarne (rappelons qu’il est avoué à Wall Street) à adopter sur Bartleby un autre point de vue. Beaucoup plus convaincante est l’évocation, sur un sujet apparenté, de La Métamorphose de Kafka. Il est revigorant de lire, sous la plume de F. Leichter-Flack, que « Kafka peut aujourd’hui servir à autre chose qu’à prédire l’avenir totalitaire dont nous sommes les héritiers » (p. 189). De fait, quitte à faire de Kafka un prophète, il l’est bien moins, dans cette nouvelle, du totalitarisme, que des situations auxquelles de plus en plus de familles sont à l’heure actuelle confrontées : des êtres gravement malades ou extrêmement diminués ont aujourd’hui, du fait des moyens grandissants de la médecine, une vie bien plus longue que par le passé, et pareille situation ne va pas sans peser sur l’existence de leurs proches. « Par son ambivalence, la nouvelle de Kafka donne à éprouver, en situation, et dans leur réversibilité même, tous les arguments pro et contra que l’on trouve aujourd’hui mobilisés sur la question de l’euthanasie et des décisions d’interruption de la vie » (p. 210). La Métamorphose n’apporte pas de réponse — ni ne nous demande, du reste, dans le cas particulier qu’elle nous présente, de trancher. Pour F. Leichter- Flack, l’essentiel est ailleurs : « L’important est moins de savoir résoudre ces dilemmes de fiction, que d’en comprendre la signification, d’en démêler les différents fils, d’en apprivoiser le tragique — afin d’être capable de repérer, dans les rencontres de l’existence, ce qui demande intervention, exige un choix, ou engage une responsabilité. La littérature ne dit pas où est le bien et où est le mal, mais apprend à regarder de plus près ce que l’on prend souvent trop vite pour l’un ou pour l’autre » (p. 216). Olivier Rey Figaro Magazine, 4 février 2012 L’éthique en procès. Quand Salomon propose à deux femmes revendiquant l’une et l’autre la maternité d’un bébé, de couper le corps en deux pour que chacune ait sa part, il ne peut être sûr que celle qui refusera cet acte barbare soit la mère. Salomon se borne à dire le droit. L’enfant ira à celle qui a prouvé sa capacité d’être mère en sauvant sa vie. Cette interprétation originale de la Bible, proposée par une brillante universitaire, nous intéresse parce que l’auteur puise dans la littérature et dans les mythes l’analyse de ces problèmes éthiques, voire, en l’occurrence, bioéthiques, qui sont devenus omniprésents dans notre société. Ces cas de conscience, nous les imaginons liés au progrès de la science et des techniques. Et comme nous sommes de plus en plus inquiets devant les avancées et les limites de ces savoirs, nous encadrons de plus en plus étroitement leurs procédures et leurs solutions dans des normes. Or si par malheur la loi française, qui pour l’instant s’y refuse, venait à légaliser la gestation pour autrui, un Salomon actuel aurait au moins autant de mal que l’ancien à départager la mère biologique et la mère porteuse dans un procès. L’éthique comporte nécessairement une part d’incertitude et de conflit, voire d’ombre, que ses praticiens contemporains, recrutés le plus souvent dans les milieux scientifiques, ont de plus en plus de difficulté à prendre en compte. Alain-Gérard Slama Livres Hebdo, 3 février 2012 La force de la littérature. La littérature comme Laboratoire des cas de conscience de l'éthique d'aujourd'hui ? C'est le pari que fait Frédérique Leichter-Flack dans une investigation pointue. Gregor Samsa a eu une drôle de surprise : il s'est réveillé un beau matin transforme en cafard géant. Passé le désarroi légitime face à cette découverte, il s’y est habitué à peu près – mieux, en tout cas, que sa famille, avec laquelle il ne peut plus communiquer et qui ne sait que faire de cet énorme insecte. Elle le rejette et le condamne in fine à mourir dans l'abandon le plus complet. La métamorphose, allégorie de l'épuration raciale ? Trop facile, répond Frédérique Leichter-Flack. La littérature n’affirme pas, ne dénonce pas. En revanche, elle pose de façon très humaine des problèmes que l'éthique ne peut formuler qu’en termes théoriques. Et c'est pourquoi celle-ci « ne peut se passer du recours à la fiction, non seulement pour anticiper des situations médites, mais aussi pour […] s’assurer que I éthique et le sentiment de justice coïncident encore. » La littérature devient donc le champ d'expérimentation idéal de ce sentiment de justice. La métamorphose, pour l’auteure, pose ainsi de manière détournée le problème de l'euthanasie, et avec lui celui du lien familial et ce dont il en advient face à la souffrance, à la perte de dignité humaine. Ce pourrait être tiré par les cheveux si la chercheuse et enseignante mettait la question dans la bouche de Kafka lui-même. Mais l’écueil est évité : il s agit de réfléchir sur les situations que propose la narration romanesque. Ainsi une nouvelle de Melville lui permet d’approfondir la question des circonstances atténuantes, et Le manteau de Gogol devient la vitrine de la misère sociale et de la culpabilité générale qu'elle suggère sans pour autant qu'on puisse désigner un coupable. Rdskolmkov et Jean Valjean discutent de la légitimité de faire un mal pour un bien, tandis que Les justes de Camus font face aux héros de Quatre vingt treize sur la question de la prise d’otages – ou apparaît aussi le soldat Ryan de Spielberg. L'ingérence politique et la question des civils en temps de guerre convoquent La colonie pénitentiaire et « Le prisonnier », une nouvelle d'Yizhar écrite a la fin de la première guerre d'Israël, en 1948. Parfois percutantes, parfois sinueuses, les réflexions de l'auteure puisent dans la complexité des consciences de papier de quoi explorer des questions cruciales. Le lecteur, stimulé est seulement un peu frustré de ne pas accéder aux œuvres dont il est question – car le mécanisme s’inverse : l’éthique souligne aussi la force de la littérature. Fanny Taillandier Internet L’Express.fr, 15 avril 2013 Le prix de philosophie politique à Frédérique Leichter-Flack Le Laboratoire des cas de conscience a reçu le prix Emile Perreau-Saussine, qui récompense depuis trois ans un chercheur en sciences humaines, sciences politiques, histoire des idées, droit public ou économie. Frédérique Leichter-Flack recevra mercredi le prix de Philosophie politique Emile PerreauSaussine pour son premier livre Le Laboratoire des cas de conscience (Alma). Ce prix a été créé en 2011 en hommage à Emile Perreau-Saussine (1972-2010), un professeur de philosophie politique de Cambrige (Grande-Bretagne), qui s'attachait à décloisonner les sujets de sciences humaines, de sciences politiques, d'histoire des idées, de droit public ou d'économie. Le prix récompense depuis trois ans un chercheur de moins de 40 ans issu de l'un de ces univers. La lauréate 2013, Frédérique Leichter-Flack, est normalienne et agrégée de lettres. Elle est maître de conférences à Paris Ouest-Nanterre et Sciences Po Paris, où elle enseigne la littérature, l'éthique et l'histoire des idées. Son livre pose la question du droit de sacrifier une vie pour en sauver plusieurs autres. De la justice sociale aux enjeux de la bioéthique ou du droit international, le débat moral s'invite sur tous les terrains. Mais la théorie ne peut pas tout: scrupule, souvenir, doute peuvent brouiller la réflexion. Parce qu'elle prend en charge les émotions et l'imagination, la littérature offre de nouvelles ressources pour nous aider à répondre à la question récurrente: qu'est-il juste de faire? Frédérique Leichter-Flack propose de réfléchir, avec Kafka, Gogol, Camus, Melville, Dostoïevski ou Hugo, à ces questions primordiales Vidéo: http://www.dailymotion.com/video/xxh6nm_rencontre-avec-frederiqueleichterflack-1_creation Libération.fr, 1er avril 2013 « Face au malheur de la crise, on cherche des boucs émissaires » Par Bruno Meyerfeld, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris Frédérique Leichter-Flack est maître de conférences à Sciences Po Paris et à l’Université Paris Ouest Nanterre. Normalienne, agrégée de lettres modernes, docteur en littérature comparée, elle estime que la crise économique a entraîné des phénomènes de « régression collective puérile ». Elle enseigne à Sciences Po Paris un cours intitulé « Le Problème du mal ». Elle est l’auteure du livre Le Laboratoire des cas de conscience (Alma éditeur, 2012), qui interroge les relations entre le mal et l’éthique. Qu'est-ce que le malheur ? Définir le malheur est très facile pour le commun des mortels. Le malheur, c’est ce qui fait souffrir les êtres humains, et c’est globalement la même chose sous toutes les latitudes : la maladie, l’échec, le deuil, la douleur… Tous ces événements de l’existence sont communs à tous les êtres humains, avec un facteur culturel très limité. Quelles sont les grandes figures du mal dans l’histoire ? Avant le XXème siècle, le mal était représenté par des personnages surhumains, monstrueux, animés par des passions mauvaises et destructrices, comme le pouvoir, l’ambition ou la cupidité. Cette vision du mal monstrueux, on la retrouve chez Shakespeare, avec la figure de Richard III. C’est l’un des plus grand méchant de la littérature, assassinant à tour de bras tous ceux qui se trouvent autour de lui, coupables ou innocents. Un vers fameux, prononcé dès le premier acte par Richard III, donne la couleur : « I’m determined to prove a villain » (« Je suis déterminé à être un scélérat ») ! C’est la personne malveillante en toute conscience, le monstre assumé. On a seulement commencé à se défaire de cette conception du mal au XXe siècle, avec la « banalité du mal », mise en avant par Hannah Arendt pour penser la destruction nazie et le mal génocidaire. Pour elle, il existe un mal non dirigé par des passions mauvaises, et qui est au contraire le fait d’hommes ordinaires, loin du monstre shakespearien. Quelles sont les grandes figures du mal dans la crise économique ? Le grand patron, le chef d’entreprise, le capitaliste, le trader ? Aujourd’hui, on a tendance à revenir à la première conception du mal, celle d’avant Hannah Arendt. À de grands malheurs, on cherche des boucs émissaires monstrueux, avec la figure du grand patron prédateur ou du trader irresponsable. C’est pour moi le symbole d’une régression collective puérile. On entre dans un phénomène de « boucémissairisation », alors qu’en réalité le mal de la crise est systémique. Pour illustrer ce phénomène, on peut se référer au Château de Kafka. Dans un passage, K. arrive dans un village où il a été convoqué pour travailler comme géomètre. Mais à son arrivée, on lui fait comprendre qu’en fait on n’a pas besoin de lui. Effaré, K. demande une entrevue avec le maire du village. Celui-ci lui explique que, certes, il a été convoqué, mais que c’était en fait une erreur, qu’on n’a pas besoin de géomètre au village. Il lui dit, surtout, qu’il ne doit pas le prendre cette décision personnellement, que ce n’est dirigé pas contre lui. Mais K. est si désespéré à cause de tous les sacrifices qu’il a dû faire pour venir au village, qu’il ne peut accepter le point de vue administratif et économique. Les logiques globales et personnelles sont incompatibles. Il a besoin d’attribuer le mal qui lui arrive à quelqu’un et de le personnifier. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui en France ? Oui. On n’arrive pas à voir que le mal relève de logiques complexes. La notion même de « responsabilité » n’est sans doute pas pertinente pour expliquer la crise. Tout cela est simpliste, et ne nous permet pas de lutter efficacement contre le mal. La lutte contre le mal ne doit pas se figer dans des caricatures personnifiées, mais rester mobile, flexible. Comme le conseillait Paul Ricœur, il faut une bonne fois pour toute cesser de chercher une origine au malheur, pour revenir à une dimension pratique : comment lutter efficacement contre le mal ? L’entreprise est-elle un lieu de malheur aujourd’hui ? Il est indéniable que l’entreprise est aujourd’hui un lieu de malaise, de mal-être. Mais une fois qu’on a dit cela, il faut rester très prudent. Dans un suicide de salarié par exemple, il est très difficile de déterminer la part liée à l’environnement social, et celle relative à la fragilité d’un individu. Dans Le Manteau de Gogol, par exemple, on a l’histoire d’un employé, misérable, laid, stupide, qui n’a rien pour lui. Un jour, il lui arrive un malheur dérisoire pour le monde, mais gigantesque pour sa personne : son manteau tout neuf, acquis grâce à des mois de sacrifices, est volé le jour de son inauguration. L’employé finit par en mourir. Mais de quoi meurt-il exactement ? De pauvreté ? Des railleries de ses collègues ? De l’indifférence de son environnement à son malheur ? L’explication ne doit pas être tenue d’une main trop lourde. Mais n’y a-t-il pas de bonnes raisons de faire le mal ? Cette question est celle de la philosophie utilitariste : jusqu’à quel point suis-je capable de faire le mal au présent pour un bien futur. Ce débat s’est posé dans la lutte contre le terrorisme et la polémique sur la torture. Beaucoup d’intellectuels pensent que tout raisonnement qui vise le Bien futur avec un grand « B » est déjà suspect de basculer dans une logique de Terreur. C’est le cas de l’écrivain soviétique Vassili Grossman, qui faisait remarquer que même Hitler voulait le bien. Pour lui, à partir du moment où l’on s’autorise à casser tous les œufs qu’on a besoin de casser pour faire notre omelette, on est compromis. Dans le cas de la crise, c’est différent. Avec l’austérité, on n’est pas encore dans une logique de malheur. Pour la majorité des gens, elle est encore suffisamment investie de sens. Mais à terme, si le fardeau devait être injustement réparti, l’austérité pourrait être vécue comme un mal, c’est-à-dire un événement injuste, non mérité et excessif. Elle pourrait ne plus être acceptée. Peut-on supprimer le malheur ? Ce débat est celui de l’essence même du politique, et des ambitions qu’il peut se fixer. Celui-ci doit-il seulement supprimer les obstacles économiques et sociaux empêchant chaque individu d’accéder au bonheur, ou doit-il aller plus loin et offrir un bonheur collectif à chacun ? Dans son célèbre discours à l’Assemblée Nationale en juillet 1849, Victor Hugo affirme qu’il y aura toujours des malheureux, mais que l’on peut cependant « détruire la misère ». Il rappelle une idée simple : certes on peut garantir l’égalité des chances, et assurer l’accès aux biens fondamentaux, comme la santé ou l’éducation. Mais on ne garantira jamais que la jeune femme dont vous êtes amoureux ne décide de vous quitter. Pour Hugo, on est toujours à la merci d’un chagrin d’amour. Le bonheur ne peut être le fruit d’un dispositif collectif, et il y aura toujours dans celui-ci une part d’aléa, de chance, de destin. Nonfiction.fr, 24 février 2012 Brouiller les frontières entre le juste et l’injuste. Le reproche fait à l’éthique quant à sa trop grande abstraction n’a rien de nouveau. Déjà, Benjamin Constant dans Traité des réactions politiques, interrogeait la validité universelle de l’impératif catégorique d’Emmanuel Kant – « Agis seulement d'après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle » – principe unique au fondement de sa morale. En plaçant ce dernier en situation, il mit en évidence l’existence d’exceptions à la règle. Certes, il serait juste de ne jamais mentir, mais si notre mensonge a le pouvoir de sauver la vie d’un ami, ne se justifie-t-il pas ? Alors que cette controverse fait jouer, pour les opposer, l’universel au cas particulier, Frédérique Leichter-Flack entend ouvrir une troisième voie. Le laboratoire des cas de conscience n’est pas un manuel de morale. Il ne s’agit pas non plus de détruire les grandes lois éthiques en les confrontant à des situations limites. L’interrogation " comment agir justement ", restera ouverte car l’auteure entend seulement mettre en évidence, grâce à la littérature, la difficulté de toute prise de décision. Le juste, en effet, advient rarement sous la forme d’une évidence et le choix est toujours plus difficile que ce qu’il peut sembler au premier abord. C’est là que le détour par la littérature se justifie, elle « qui apprend à regarder de plus près ce que l’on prend souvent trop vite pour [le bien] ou pour [le mal] ». Le laboratoire des cas de conscience brouille les frontières, les remplace par un nuancier, « scrute [surtout] l’interface en perpétuel mouvement du juste et de l’injuste. » Segmenté en trois parties : Juger. L’injustice en appel ; Choisir. Les dilemmes de l’engagement et Intervenir. La responsabilité de protéger, l’expérience de Frédérique Leichter Flack s’apparente à une galerie d’exemples empruntés aux grands classiques de la littérature. Pas de progression dans la réflexion, car un seul principe préside à l’étude des cas (de conscience), de Billy Budd à La métamorphose, en passant par Les justes : la complexification d’un problème qui aurait pu paraître simple et la déconstruction des apparences. Quelques uns de nos héros y laisseront d’ailleurs quelques plumes, au premier rang desquels Antigone, prête à mourir pour offrir à son frère une sépulture. Ne finit-elle pas, dans son désir obsessionnel de se sacrifier pour enterrer Polynice, par entretenir des désirs mortifères ? Ne souhaite-t-elle pas davantage se hisser en exemple et conquérir la gloire que remplir son devoir familial et religieux ? Son choix, entre vivre et inhumer son frère malgré l’interdit est-il vraiment déchirant si elle n’accorde aucune valeur à sa propre existence ? Et n’entraîne-t-elle pas, pire, toute sa famille avec elle vers la tombe ? S’attaquant chacun à un problème moral – l’assassinat politique se justifie-t-il s’il permet de sauver des milliers de vie ? ; doit-on porter assistance à son prochain si cela met en danger notre vie ? – les chapitres reproduisent une construction identique. Les dilemmes sont introduits par des références, volontairement épurées, au monde contemporain, puis explicités à travers l’étude resserrée d’une ou de plusieurs situations similaires dépeintes dans la littérature. Les chapitres centrés autour d’un exemple unique sont les plus réussis, on pense ainsi à la finesse de l’analyse du jugement de Salomon dans le chapitre Arbitrer à droits égaux, la preuve par l’épreuve. Si on regrette des choix plus maladroits et moins bien exploités, tel que celui trouvé dans Le Manteau de Gogol, on déplore surtout le relatif contournement d’une question qui se profile pourtant intelligemment dans tout le livre, celle du rôle joué par l’émotion dans la prise de décision. Cette dernière apparaît dès le premier exemple, celui de Billy Budd, à travers la difficulté des juges à condamner Billy, » ce beau et sympathique jeune homme que tout le monde aime à bord du navire, ce garçon dont l’âme est aussi pure que celle de Claggart [l’homme qu’il a tué] était noire. » Elle ressurgit dans l’étude des Frères Karamazov Partie II, chapitre 2, Valeur d’une vie, valeurs de la vie, p 92 : " l’émotion suscitée par l’innocence et la vulnérabilité déséquilibre la balance ". Néanmoins, elle n’est explicitement formulée qu’à la fin de l’ouvrage : " c’est aussi avec nos émotions, et pas seulement avec notre raison morale, que l’on décide en situation "(p210). La question de l’émotion est pourtant cruciale dans cet ouvrage, dans la mesure où elle cristallise l’intérêt, mais également les limites de la méthode de Frédérique Leichter-Flack. Prendre le parti de la fiction littéraire, c’est convier le lecteur à comprendre les conflits moraux en s’identifiant aux personnages et en partageant leurs états d’âme. En invitant la littérature dans la réflexion éthique, l’auteure réintègre donc la dimension passionnelle du choix et donne un poids de réel à des dilemmes qui, présentés de manière plus abstraites, n’éveilleraient pas notre attention. Mais si l’émotion est une donnée indéniable de toute prise de décision, celui qui cherche à agir justement ne doit pas moins s’en méfier. N’oublions pas que, en utilisant une narration à la première personne du singulier, Camus nous invite à nous identifier à L’étranger et parvient par là à nous faire douter de sa culpabilité. Si elle nous aide à comprendre la complexité des choix moraux, la littérature peut aussi fausser nos jugements. Jean Ainhoa Radio « La Grande Table » de Caroline Broué, France Culture, 14 mai 2012 Le Laboratoire des cas de conscience a fait l'objet d'une "conversation", chroniquée par Ruwen Ogien et Marc Weitzman. « Pas la peine de crier », France Culture, 11 mai 2012 http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4438371 La réserve de sens La littérature s’accommode bien mal d’un message univoque, elle se garde de fournir sur un plateau l’image du mal afin qu’on le reconnaisse, l’image du bien afin qu’on le chérisse. Mais elle offre, dans les détours de fictions, la possibilité d’élaborer un modèle de raisonnement, d’anticiper sur les cas de conscience face auxquels le réel ne se lasse pas de nous placer. Elle permet de vérifier sans trop de danger, notre engagement, et l’écart qui peut exister entre l’éthique, le théorique, et le sentiment de justice, plus réel. À la faveur de nombreux exemples piochés du Talmud, à Kafka en passant par Melville et Dostoïevski, la proposition est celle-ci : questionner l’exemple, autant que l’exemplarité, et mettre à l’épreuve de questionnements philosophiques touchant le très large domaine de nos existences, les personnages de fiction à travers les situations inventées par les auteurs. Juger, choisir, intervenir sont les trois grands chapitres du livre. Marie Richeux « Répliques » d’Alain Finkielkraut, France Culture, 28 avril 2012 http://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=4409629 « Ouvert la nuit », chronique de Stéphane Bou, France Inter, 18 avril 2012 Animée par Tania de Montaigne et chroniquée par Stéphane Bou http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=334649) « Questions d’éthique » de Monique Canto Sperber, France Culture, 12 avril 2012 « Version Originale » de Patrick Léon Emile, Aligre FM, 24 mars 2012 Tchat sur le site « Libération.fr », 16 février 2012 « Dis-moi qui tu cites, je te dirai qui tu es » d’Ilana Cicurel, RCJ, 12 février 2012 « Du Grain à moudre » d’Hervé Gardette et Julie Gacon, France Culture, 31 janvier 2012 Internet France culture, Morale et littérature 19 juillet 2012 Première diffusion le 28 avril 2012 Morale et Littérature Thème(s) : Idées| Philosophie| Littérature Française| Morale et littérature Document(s) Le laboratoire des cas de conscience Frédérique Leichter-Flack Alma éditeur, 2012