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d’autres présentent plusieurs axes (temples  de Kom Ombo  ou El-Qala) et  la porte 
monumentale appelée pylône, par exemple, n’est pas toujours présente.
Quelles  que  soient  ces  différences,  le  temple  égyptien  est  séparé  du  monde 
extérieur par une enceinte, généralement construite en brique crue. Pour les Égyptiens, 
ce mur sert avant tout de frontière entre l’ordre et le désordre, deux notions cruciales 
permettant d’opérer la distinction entre l’univers créé et organisé par le démiurge, et 
la préexistence qui continue à exister en dehors du monde ordonné. C’est pourquoi 
quelques  enceintes  tardives  suivent  un  parcours  sinueux  qui  pourrait  imiter  les 
vagues du Noun, l’océan primordial chaotique qui se trouve à la bordure du monde 
créé, menaçant sans cesse son équilibre. De ce point de vue, le temple fait lieu de 
« forteresse contre le chaos »  16. 
On imagine souvent que l’enceinte délimite un domaine réservé exclusivement 
aux dieux, au pharaon et aux prêtres. Le commun des mortels, n’y ayant pas accès, 
aurait peu à jouer dans le fonctionnement cosmique du temple. Cependant, si l’on peut 
concevoir que le pharaon est à la fois en dehors de l’humanité (puisqu’il procède du 
divin) et une partie de celle-ci, il est possible d’envisager le temple sous deux angles 
différents : il est coupé du monde mais, en même temps, une partie de celui-ci  17. 
L’enceinte dénit bien un espace clos, différent de l’extérieur, mais elle n’est pourtant 
pas totalement fermée au commun des dèles qui pouvait y pénétrer, par exemple lors 
des fêtes et des processions  18. 
Il  est  difcile  de  déterminer  avec  précision  qui  avait  accès  à  quelle  partie  du 
temple, mais il apparaît clairement que seuls le pharaon et les prêtres de haut rang 
(représentants du pharaon) pouvaient contempler la statue de culte, et donc pénétrer 
dans le sanctuaire.  Selon Bryan Schafer  19,  la chapelle axiale,  apogée du parcours 
depuis l’entrée du complexe, ne constitue pas l’unique pièce impénétrable de l’édice : 
la salle hypostyle  qui la jouxte  dans la plupart  des cas posséderait le même degré 
de « sacralité ». L’auteur distingue en fait trois niveaux de « sacralité » au sein du 
complexe cultuel égyptien, en fonction de leur accessibilité. En aval du sanctuaire 
et de la salle hypostyle se placent les cours à ciel ouvert encadrées par les murs du 
temple et généralement précédées d’une porte majestueuse appelée pylône. Cet espace 
considéré  comme  le  « deuxième  niveau  de  sacralité »  pouvait  vraisemblablement 
accueillir les prêtres de tous  niveaux, à condition d’avoir effectué les purications 
nécessaires. Il semblerait que quelques personnes ne faisant pas partie du clergé aient 
été également admises dans cette zone à l’occasion de certains rituels spéciques, du 
16  SChafer, « Temples, priests, and rituals », op. cit., p. 5.
17  Lanny Bell, « The New Kingdom « divine »  temple :  the  example of  Luxor », dans 
Byron E. SChafer (éd.), Temples of ancient Egypt, London, 1997, p. 127-184, à la p. 135.
18  Lors de ses déplacements, la barque processionnelle du dieu était exhibée à la population. 
Ces fêtes étaient également l’occasion de demander à la divinité de rendre des oracles. Dans 
le grand axe processionnel Nord-Sud du temple de Karnak, par exemple, nous avons conservé 
sous forme de statues, d’inscriptions ou de grafti, les souvenirs que laissaient ces dèles de 
leur présence sur le parcours de la barque. Jean-Marie KruChTen, « Le « Maître des dieux » de 
Karnak », dans Ursula Verhoeven et Erhart Graefe (éd.), Religion und Philosophie im alten 
Ägypten, op. cit., p. 179-187. 
19  SChafer, « Temples, priests, and rituals », op. cit., p. 5-6.