MAP débutant chez le nourrisson mt pédiatrie 2011 ; 14 (2) : 113-5 Spasmus nutans Spasmus nutans Diane Doummar1,2 1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. AP-HP, Hôpital Trousseau, Service de neuropédiatrie, 26, rue du Dr Arnold Netter, 75571 Paris Cedex 12, France 2 Centre de référence neurogénétique, mouvements anormaux de l’enfant, Hôpital Trousseau, Service de neuropédiatrie, 26, rue du Dr Arnold Netter, 75571 Paris Cedex 12, France <[email protected]> Résumé. Le spasmus nutans (SN) est un syndrome survenant chez le nourrisson et comportant une triade symptomatique : oscillations de la tête, nystagmus et torticolis. L’âge de survenue est entre trois et 18 mois (moyenne de sept mois). La direction des oscillations de la tête est tantôt latérale, tantôt verticale, parfois rotatoire. Le nystagmus est acquis, typiquement asymétrique, disconjugué, pendulaire, de faible amplitude et de haute fréquence. Il peut être unilatéral. Le torticolis n’est pas constant et est observé dans environ 40 % des cas. Le développement psychomoteur est le plus souvent normal. La pathogénie est inconnue. Le SN est une entité bénigne du nourrisson qui disparaît en un à deux ans. Le diagnostic de SN ne sera retenu qu’après un examen clinique, ophtalmologique, une IRM cérébrale et électrorétinographie normaux. L’évolution favorable doit être vérifiée grâce à un suivi prolongé. Mots clés : spasmus nutans, oscillations de la tête, nystagmus, torticolis, nourrisson Abstract. Spasmus nutans (SN) is a benign syndrome occurring in early infancy. It consists of a triad of symptoms: head nodding, nystagmus and anomalous head position. The age of onset is three to 18 months, sometimes until two years (average: seven months). Head nodding consists of slow head tremor, usually of the no-no type. Head nodding may also be of the yes-yes type or rotatory. The nystagmus is acquired, typically asymmetric, disconjugate, horizontal, sometimes unilateral, pendular and of small amplitude and high frequency. Head tilting is less constant, observed in about 40% of cases. Psychomotor development is often normal. The pathogenesis is unknown. SN is a self-limiting benign entity, which resolves spontaneously within one to two years after onset. Normal complete ophthalmologic and neurological examination, as well as MRI and electroretinography, are necessary to confirm the diagnosis. Children with SN must be carefully monitored to ensure that SN remains isolated and gradually disappears. Key words: spasmus nutans, nystagmus, head nodding, torticollis, infant Description clinique doi:10.1684/mtp.2011.0364 Vidéo n◦ 7 mtp Tirés à part : D. Doummar Le spasmus nutans (SN) est un syndrome paroxystique idiopathique survenant chez le nourrisson transitoire et bénin, caractérisé typiquement par une triade : nystagmus, secousses de la tête et torticolis. Cette affection a été décrite pour la première fois par Dickson en 1895 [1]. Les secousses de la tête et le nystagmus sont presque toujours présents, alors que l’attitude de la tête n’est observée que dans 40 % des cas [2]. C’est un syndrome bénin du nourrisson apparaissant entre trois et 18 mois. Le début est rarement plus tardif jusqu’à deux ans. La cause de ce syndrome est inconnue. Il n’y a pas de différence de sexe. Des cas familiaux ont été rapportés. Le syndrome semble plus fréquent chez les enfants originaires d’Afrique noire et les Hispaniques [3-6]. Il a été par ailleurs, rapporté dans des familles ayant des difficultés psychosociales avec un niveau socioéconomique faible, chez les enfants de petit poids anté- ou postnatal [4]. En fonction du mode de début des symptômes, les enfants sont vus soit en neuropédiatrie du fait des mouvements de la tête soit en ophtalmologie du fait du nystagmus. Les secousses de la tête sont des oscillations rythmées qui sont soit latérales (l’enfant fait « oui » de la tête) ou verticales (l’enfant fait « non ») ou rotatoires. La fréquence en est lente (2 à 3 Hz) et l’amplitude varie de 2 à 25◦ . Elles disparaissent en décubitus et pendant le sommeil. Elles sont tantôt déclenchées ou majorées par Pour citer cet article : Doummar D. Spasmus nutans. mt pédiatrie 2011 ; 14(2) : 113-5 doi:10.1684/mtp.2011.0364 113 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Spasmus nutans 114 la fixation, tantôt inhibées par celle-ci. Ces oscillations sont parfois méconnues et doivent être recherchées à l’interrogatoire devant un nystagmus intermittent. Elles peuvent apparaître après le nystagmus. Le nystagmus est acquis, apparaissant en général après six mois : il est horizontal ou horizonto-rotatoire, plus rarement vertical [7], pendulaire de faible amplitude, de haute fréquence (plus de 15 Hz). Bien que bilatéral, il peut être asymétrique, disconjugué, les deux yeux n’oscillant pas en phase. Il est parfois unilatéral. Ce nystagmus n’est pas constant, mais survient par bouffées en fonction de l’activité de l’enfant. La prévalence du SN parmi 277 enfants présentant un nystagmus asymétrique sur une période de huit ans est de 25 % pour Shaw et al. [8]. Les rapports entre oscillations céphaliques et nystagmus sont complexes. Pour certains, les oscillations seraient compensatrices du nystagmus, pour d’autres il n’y a pas de relation évidente entre les mouvements des yeux et de la tête [9]. Le torticolis est plus inconstant, il s’agit d’une latéroflexion ou rotation, le regard est en général dirigé de l’autre côté. L’examen oculaire révèle assez souvent un strabisme ; le fond d’œil est normal ; l’examen neurologique est normal. Le développement psychomoteur est le plus souvent normal, bien des cas de retard de développement ont été rapportés [3]. L’évolution spontanée se fait vers la guérison du syndrome dans un délai moyen de deux à trois ans, mais parfois un nystagmus infraclinique peut persister jusqu’à l’âge de cinq à 12 ans [8, 10]. Diagnostic différentiel Le diagnostic de SN repose sur la normalité de l’examen clinique, ophtalmologique et de l’imagerie. Le nystagmus doit être différencier des opsoclonies, mouvements multidirectionnels des globes oculaires [11]. Il faut éliminer les formes dites SN-like incluant des affections neurologiques et ophtalmologiques pouvant simuler ce syndrome bénin. Il faut ainsi éliminer un certain nombre d’affections : – une tumeur cérébrale des voies optiques ou du plancher du troisième ventricule [12, 13] ; – la leucodystrophie de Pelizaeus-Merzbacher, qui se révèle par un nystagmus, des oscillations de la tête, une hypotonie axiale et l’hypomyélinisation sur l’IRM ; – le syndrome de Leigh des mitochondriopathies [14] ; – une hypoplasie du vermis cérébelleux, qui peut se révéler chez le tout-petit par des oscillations la tête, l’apraxie oculomotrice n’étant pas facile à mettre en évidence à cet âge [15] ; – le bobble head syndrome ou le syndrome de la poupée ballotante, secondaire à une hydrocéphalie [16]. Les causes ophtalmologiques de nystagmus : cataracte, malformation du nerf optique, troubles sévères de la réfraction, affections de la rétine : cécité nocturne congénitale, dystrophie des cônes avec achromatopsie nécessitant un électrorétinogramme qui permettra de préciser le diagnostic de ces rétinopathies [8, 17-20]. Le nystagmus congénital essentiel peut poser des problèmes diagnostiques quand le SN débute tôt, vers trois mois, d’autant qu’il peut s’associer à des oscillations de la tête et un torticolis qui correspond en fait à une position de blocage relatif du nystagmus. Le nystagmus congénital essentiel est plus lent, ample, bilatéral, symétrique et permanent. Il peut s’atténuer avec la croissance, mais ne disparaît pas [7, 17, 21]. Avant de porter le diagnostic de SN, il faut donc toujours réaliser une IRM cérébrale et un électrorétinogramme. Physiopathologie La physiopathologie est inconnue. Il est suggéré un défaut d’afférence visuel transitoire perturbant le mécanisme de contrôle moteur oculaire durant la période maturative postnatale des premiers mois [22, 23]. Conclusion Le diagnostic de SN reste un diagnostic d’élimination nécessitant un examen clinique, ophtalmologique, une IRM et un électrorétinogramme normaux. Cette entité bénigne est à connaître parmi les causes de nystagmus et oscillations de la tête chez le nourrisson, car elle évolue favorablement en deux à trois ans. La cause en est inconnue. Aucun traitement n’est nécessaire. Conflits d’intérêts : aucun. Références 1. Dickson G. Spasmus nutans or nodding spasm. Lancet 1895 ; 2 : 845-6. 2. Fernandez-Alvarez E. Transient movements disorders in children. J Neurol 1998 ; 245 : 1-5. 3. Doummar D, Roussat B, Beauvais P, Billette de Villemeur T, Richardet JM. Spasmus nutans: apropos of 16 cases. Arch Pediatr 1998 ; 5 : 264-8. 4. Wizov SS, Reinecke RD, Bocarnea M, Gottlob I. A comparative demographic and socioeconomic study of spasmus nutans and infantile nystagmus. Am J Ophthalmol 2002 ; 133 : 256-62. mt pédiatrie, vol. 14, n◦ 2, mars-avril 2011 5. Hoyt CS, Aicardi E. Acquired monocular nystagmus in monozygous twins. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 1979 ; 16 : 115-8. 15. Kim JS, Park SH, Lee KW. 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