Lors d’une conférence publique organisée dans le cadre des journées nationales de 2007 à Valence, le président de Médecins du Monde dénonçait une réalité sociale préoccupante : « alors que 1% de la population française est porteuse de pathologies psychiatriques, 20 à 30% des sans domicile fixe sont affectés selon nos enquêtes ». Les troubles psychiques ont donc un rapport avec l’exclusion sociale. Mais dans quel sens ? Parce que malade mental, une personne pourra être mise au ban de la société. Parce que marginalisée, elle sera prédisposée à souffrir de troubles psychiques. Comment casser ce cercle vicieux ? L’évolution de la prise en charge des malades psychiatriques en France oscille entre deux tendances : l’hospitalisation et un accompagnement transversal « désinstitutionnalisé ». Deux écueils sont alors à éviter pour que la souffrance psychique ne mène pas à l’exclusion sociale : l’enfermement et l’abandon. Par ailleurs, l’exclusion sociale apparaît comme une cause importante de la souffrance psychique. Un accompagnement psychosocial des personnes en difficulté serait donc la clé pour réduire leur souffrance sociale, dont dépend leur santé psychique. Ce dossier donnera quelques exemples d’actions associatives qui vont dans ce sens. Souffrance psychique et exclusion Dossier Dossier n° 118 - Juin 2009 - Reproduction autorisée sous réserve d’un accord formel de la fédération Évolution de la psy chiatrie en France Les troubles psychiatriques (schizophrénies, dépressions, addictions, suicides, troubles graves de la personnalité, etc.) se classent au troisième rang des maladies en termes de fréquence : ils sont responsables de près du quart des invalidités. Une famille sur quatre en est atteinte. Ils ont d’importantes répercussions sur les personnes qui en souffrent, mais aussi sur leur famille et la communauté. •••• Dr Jean-Yves Alexandre Chef de service à l’Etablissement public de santé mentale de l’agglomération lilloise I l est convenu de voir le début de la psychiatrie en France dans le geste « mythique » de Philippe Pinel (1745-1826), médecin philosophe nourri aux idées des Lumières, libérant les fous de l'hospice de Bicêtre, symbole de la politique de renfermement de l'Ancien Régime. Il affirmait qu'il existe toujours chez eux une part de raison qui rend possible un « traitement moral », c'est à dire psychologique par opposition au traitement physique. Ses successeurs se sont ensuite attachés à définir le cadre de celui-ci. L’asile, un lieu de ségrégation De leurs réflexions sont nés : l'asile et la loi de 1838 qui y encadrera pendant plus de 150 ans les hospitalisations dans un double souci de protection des individus et de la société Mais le projet humaniste initial a dérivé. L'asile était devenu un lieu de ségrégation, surpeuplé, où les malades se chronicisaient et où on portait atteinte à leurs droits et à leur liberté. Pendant la seconde guerre mondiale, la surmortalité dans les hôpitaux psychiatriques, mais aussi la déportation des malades, ont rendu la situation insupportable pour un certain nombre de médecins, d'infirmiers et d'administratifs engagés sur le plan politique, psychanalytique ou religieux. Désinstitutionalisation des patients et dédramatisation des soins Bénéficiant des progrès thérapeutiques apportés par la psychanalyse et de nouveaux médicaments psychotropes, ils ont tenté les premières expériences de soins en dehors de l'hôpital, qui conduiront, par la circulaire de mars 1960, à la définition de la politique officielle de « lutte contre les maladies mentales ». Celle-ci vise à offrir aux adultes comme aux enfants qui en ont besoin des soins hospitaliers ou ambulatoires, diversifiés, « gratuits », aussi précoces que possible, et de proximité pour éviter d'éloigner les patients de leurs lieux habituels de vie. Elle doit également permettre une continuité de prise en charge par une même équipe (infirmiers, psychologues, assistantes sociales, médecins) et dans un même secteur géographique. Cette politique dite de « secteur » n'a été réellement mise en place sur l'ensemble du territoire que dans les années 70-80. Son bilan est apparu longtemps globalement positif même si celui-ci devait être nuancé. Confortée par la loi de 1975 en faveur des handicapés et l’augmentation du nombre de psychiatres, cette politique a en effet permis, contrairement à d'autres expériences étrangères, une « désinstitutionalisation » progressive des patients, une dédramatisation des soins et leur accessibilité au plus grand nombre. Le nombre de lits d'hospitalisation 10 complète a été divisé par 3 en près d'un demi-siècle, la durée moyenne de séjour par plus de 5. 80% des patients de la psychiatrie publique sont exclusivement suivis en ambulatoire. Toutefois, sa mise en place a été inégale selon les endroits et son application parfois trop rigide. Son découpage géographique correspond à une France qui était plus rurale, et qui était encore dans l’euphorie des « trente glorieuses ». Il apparait dans certains cas obsolète et souvent mal adapté dans les grandes villes. Alors à partir des années 90, plusieurs rapports, suivis de plans ministériels, se sont attachés à donner de nouvelles impulsions à la politique de secteur, à en corriger certains défauts, à l’adapter aux nouveaux besoins et à l’évolution de la société : urbanisation, vieillissement de la population, accroissement de la pauvreté, volonté de maitrise des dépenses de santé, etc. sociale présenterait des troubles psychiatriques qui ont été à l’origine de leur désinsertion ; un autre tiers présenterait une « souffrance psychique », une « détresse psychosociale » engendrée par la précarité de leur situation. Des patients de plus en plus nombreux n’ont pu trouver de places dans les services dont la capacité était réduite pour des raisons médicales mais aussi de plus en plus gestionnaires (de 32% de 1990 à 97) et dont les moyens humains diminuaient (effets du « budget global » obligeant à réduire chaque année les charges), alors même qu’augmentaient le nombre des société sont très fortes. La psychiatrie : trop « liberticide » ou trop « libérale » ? Très régulièrement la psychiatrie est accusée d’être « liberticide ». En témoignerait la persistance de 39 000 lits d’hospitalisation à temps complet (publics et privés confondus), et l’augmentation régulière (+ de 30% en 5 ans) du nombre d’hospitalisations sans consentement. Aussi certains militent-ils pour une « judiciarisation » de celles-ci, qui permettrait de mettre fin à une exception française au sein des pays européens. Mais on reproche tout aussi régulièrement, comme actuellement, à la psychiatrie d’être trop « libé- Un tiers des résidents des CHRS présenterait des troubles psychiatriques Précarité, troubles psychiatriques, souffrance psychique Reposant sur une organisation se référant aux lieux d’habitation des patients, elle a du inventer progressivement des solutions, comme les équipes mobiles spécialisées, pour essayer d’apporter des réponses aux besoins psychiatriques des personnes en situation de grande exclusion : sans domicile, mais aussi sans « demande » formulée. En effet, un tiers des résidents des centres d’hébergement et de réinsertion demandes (+46% pendant la même période) et le champ d’intervention dévolu à la psychiatrie. Les distinctions entre maladie et santé se sont progressivement estompées. On est passé officiellement depuis les années 2000 de la Psychiatrie à la Santé Mentale. Les équipes psychiatriques doivent travailler avec d’autres professionnels du sanitaire ou du social, avec des bénévoles (associations d’usagers notamment) et les élus, mais aussi affirmer leurs priorités, ce qui n’est pas sans poser de problèmes éthiques, notamment dans une période où les exigences sécuritaires de la Proteste n° 118 - Juin 2009 Proteste n° 118 - Juin 2009 rale », de laisser trop rapidement sortir, au nom de positions « idéologiques », en fait le plus souvent aujourd’hui économiques, des patients qui finissent par se retrouver à la rue, puis en prison, laquelle serait devenue aujourd’hui le « seul lieu d’accueil des personnes souffrant de troubles psychiatriques graves ». En effet, selon une étude réalisée en 2004, 24% des détenus dans les prisons françaises présenteraient des troubles psychiques. Ces chiffres, qui ne peuvent laisser personne indifférent, s’expliquent plus par la situation socioéconomique de ces patients, et/ou les conduites d’addictions qu’ils 11 peuvent présenter par ailleurs, que par la nature même de leurs troubles. Vers une approche sécuritaire Toutes les enquêtes internationales indiquent en effet que les crimes commis par les malades mentaux sont l’exception. Ces derniers sont, en revanche, les victimes de faits de violence ou de vols beaucoup plus souvent que d’autres, du fait de leurs handicaps et de leur stigmatisation. Si les violences commises par les malades mentaux sont rares, le risque de leur survenue ne doit pas être nié, mais être pris en compte sans angélisme, et faire l’objet de solutions spécifiques de la part de la psychiatrie publique, conciliant le droit à la sécurité des patients, des soignants et de la société. Ces réponses ne peuvent que s’inscrire dans une organisation plus générale de soins de qualité au niveau de chaque territoire de santé. Elles ne nécessitent pas seulement des moyens architecturaux, mais aussi une disponibilité soignante suffisante. Pourtant les discussions préparatoires au volet psychiatrique de la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoires) et la réforme annoncée de la loi de 1990 sur l’hospitalisation sans consentement, font craindre à la majorité des professionnels une approche plus réductrice et plus sécuritaire de la psychiatrie, et un abandon de la politique de secteur. n Quel accompagnement des personnes démunies atteintes de souffrance psychique ? La souffrance sociale comme la souffrance psychique ne sont pas pathologiques. Imagine-t-on un être humain épargné par ce que nous appelons maintenant souffrance psychique, dans sa vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale ? Ce serait inquiétant pour ce qu’il en est de l’humanité de cette personne. Constater ceci n’est pas affaire de masochisme ni de dolorisme. Ce sont l’intensité, la durée, la mise à mal des capacités de réponses et d’adaptation qui viennent signer le caractère pathologique de la souffrance psychique. •••• Dr Alain Gouiffès UMAPPP – RRAPP, Rouen T out être humain exposé à l’évanouissement de ce qui constitue son arrimage social (la perte de repères professionnels, familiaux, relationnels, etc.) se retrouve marginalisé. Cette mise au ban s’accompagne de la mise en place de mécanismes de survie qui mettent à mal son équilibre physique et psychique. On peut ainsi dire que l’exclusion sociale est productrice d’une fragilisation de l’humain et de souffrance psychique pathologique. La souffrance psychique : le mal le mieux partagé La souffrance psychique est un concept mou, un mot valise clairement perceptible et utile dans la pratique. Mais il reste flou et ambigu malgré le nombre de publications, de livres et de journées d’études consacrées à cet objet protéiforme. A l’heure où la crise financière et économique secoue notre société, chacun partage sa part de souffrance psychique, du trader boursier désemparé au chômeur mis sur le carreau. Par ailleurs, nous vivons une époque où l’exposition des espaces privés, l’exhibitionnisme de l’intime, la vulgate « psy » sont sources d’intérêt, de profits et de surenchère médiatique. Alors que vient faire la psychiatrie publique – notons au passage qu’il ne peut s’agir que du service public – dans cet univers de désorganisation économique et sociale qui appelle d’abord des réponses politiques ? Tentons une réponse. L’intrication de la souffrance sociale et psychique Il y a une vingtaine d’années, 12 de nouvelles formes d’expression du malaise à vivre sont apparues. C’est la remise du rapport Lazarus « Une souffrance qu’on ne peut plus cacher » au ministère en 1995 qui marque une véritable prise de conscience au niveau politique de l'importance du facteur social dans la souffrance psychique. Les liens entre l’exclusion sociale et la souffrance psychique sont prouvés par des enquêtes de terrain menées auprès de jeunes en difficulté. Du coup, le cloisonnement entre l’organisation du travail social et celle des soins a été interrogé. Malgré les propositions formulées dans le rapport, les difficultés de resocialisation ont persisté, ceci étant dû à l’intrication des facteurs sociaux sources d’exclusion et des facteurs « psy ». Les personnes précarisées se sont avérées mettre en échec de manière paradoxale ce qui s’était pourtant décidé avec leur accord. Même sans présenter de pathologie psychiatrique majeure, elles n’ont pu s’inscrire dans un parcours de soins, de prise en charge. « psy » complice de la misère sociale, une version gauchie du travail psychiatrique qui devrait être organisé dans les centres médico-psychologiques ? Du « santémentalisme » ? Les choses ne se sont pas arrangées depuis, d’autant que les réticences à une approche sociale de la souffrance psychique sont encore nombreuses : est-ce de la psychiatrie, de la santé mentale, de la santé publique ? S’il manque des moyens au cœur de la psychiatrie à l’hôpital, pourquoi aller s’occuper de ce qui se passe dans les marges ? N’est-ce pas de la sociatrie, du « santémentalisme », un enveloppement Les équipes mobiles psy-précarité : un accompagnement alternatif Tissé de toutes ces contradictions, un travail pionnier et militant s’est mis en place dans les années 1995-2000 pour mettre en place des petites équipes mobiles psy-précarité. A Rouen, cette équipe mobile (infirmier, psychologue, médecin) s’est appelée UMAPPP (Unité mobile d’action psychiatrique pour les personnes précarisées). Elle se déplace dans toute l’agglomération rouennaise, disponible du lundi au vendredi de 9h00 à 17h00 et domiciliée au Carrefour des Solidarités à Rouen. Situé en centre-ville, ce carrefour propose en un lieu unique une réponse globalisée aux personnes démunies. Au moins une personne de l’UMAPPP est toujours disponible dans la journée pour accueillir un arrivant même sans rendez-vous. Les acteurs de l’équipe mobile circulent dans les lieux sociaux de l’agglomération en organisant des permanences et en répondant aux demandes des usagers et des acteurs sociaux, parfois dans la rue, auprès des Gens du Voyage et de plus en plus auprès d’un public migrant. C’est un travail de réseau multipartenarial avec soutien aux équipes socio-éducatives. Sans confusion des champs professionnels, nous nous efforçons de Proteste n° 118 - Juin 2009 Proteste n° 118 - Juin 2009 proposer des soins de qualité à ces personnes démunies : rencontres, accompagnement, soutien, travail psychothérapique, rendez-vous médicaux, traitement médicamenteux quand c’est nécessaire. Une bonne pratique qui se diffuse L’évaluation de ce travail nous a été demandée. Sa pertinence et son intérêt ont été reconnus. Nous avons ainsi pu œuvrer avec d’autres équipes à la parution de la circulaire du 23 novembre 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie. En ce début 2009, il existe maintenant une centaine d’équipes mobiles psyprécarité en France. Depuis quelques années, nous avons développé ce travail en Haute-Normandie. Quatre équipes mobiles psy-précarité œuvrent désormais dans les quatre territoires de santé de la région : Rouen, Evreux, Le Havre, Dieppe. Un réseau a été constitué : le RRAPP (Réseau régional action psychiatrie précarité). Tous les professionnels de santé, publics, libéraux, paramédicaux, les établissements de santé, institutions sociales et médicosociales, associations et organisations à vocation sanitaire et sociale (etc.) qui rencontrent des difficultés dans la mise en place d’une prise en charge d’ordre psychiatrique ou/et psychologique pour des personnes en situation de précarité peuvent le contacter. n 13 Pour aller plus loin • Patrick COUPECHOUX : Un monde de fous : comment notre société maltraite ses malades mentaux. Seuil, 2006 • Magali COLDEFY : La prise en charge de la santé mentale : recueil d’études statistiques. La documentation française, 2007 De la rue à l’habitat : Entre l’hôpital et la rue : intégrer le facteur psychique Le Diaconat Protestant de Valence a lancé en janvier 2009 un projet de recherche-action sur les « Complications de santé psychiques et somatiques dans la trajectoire logement des personnes en errance ». Fabrice Gondre, chef de service, explique les enjeux de cette démarche. •••• Propos recueillis par Nicolas Derobert P ourquoi avoir lancé ce projet de rechercheaction ? Ce projet de recherche-action est la conséquence d’une action d’accompagnement « de proximité » que nous menons depuis 2005, chargée de favoriser l’accès et le maintien au logement de personnes issues de l’errance, et de la journée interrégionale Rhône-Alpes – Auvergne du 26 juin 2008 à Bron sur le thème « Santé mentale et précarité Comment habiter dans la cité ? Difficultés, partenariat, accompagnement », organisée par les directions régionales des affaires sociales et sanitaires des deux régions sous la responsabilité scientifique de l’observatoire régional Rhône-Alpes sur la souffrance psychique en rapport avec l’exclusion (ORSPERE). L’atelier « habitat précaire et rue », a permis à des professionnels centrés comme nous sur l’accompagnement vers l’habitat des personnes issues d’un long parcours d’errance, de partager leurs observations et difficultés de terrain. Ces échanges ont ainsi fait naître le souhait de théoriser notre pratique d’accompagnement et d’approfondir certaines questions cliniques soulevées à l’occasion des échanges. L’objectif général est d’explorer les complications de santé (somatiques et psychiques) dans la trajectoire d’accompagnement au logement des personnes ayant un long parcours de rue afin d’améliorer l’accès aux soins psychiques et de favoriser ainsi une meilleure stabilisation dans l’habitat. Nous souhaitons également travailler trois autres éléments issus de ces actions d’accompagnement de proximité : théoriser la pratique relationnelle de l’accompagnement psychosocial dit de « proximité » ; repérer si possible des phases dans le processus d’habiter des personnes issues d’un long parcours de rue dans ses dimensions sociales et psychologiques ; et mieux discriminer les comportements d’abandon de soi et d’entassements des objets dans le logement eu égard à l’incurie dans l’habitat. D’après vous, la santé psychique des personnes en errance est-elle plus critique que celle des personnes qui ont un toit ? Je ne crois pas la question doive se poser en ces termes. Tout d’abord, si vivre dans la rue n’arrange rien à la fragilité psychique de certaines personnes, toutes les personnes sans abris ne sont pas « folles ». D’ailleurs, nous côtoyons tous les jours des personnes logées dont la santé psychique et somatique se dégrade parce qu’elles sont socialement isolées et que notre système de prise en charge n’est pas suffisamment soutenant. Ensuite, je ne crois pas à l’effet magique du logement qui guérit du jour au lendemain. Ne plus vouloir vivre dans la rue nécessite une importante mobilisation d’énergie pour réapprendre à vivre entre quatre murs. Tout est bousculé, perturbé à tous les niveaux : le réseau social, la notion espace-temps, la santé, etc. Et c’est dans cet espace d’incertitude que notre rôle est primordial. Il ne s’agit pas de limiter notre intervention à l’accès et la vie dans un logement mais d’amener les personnes à habiter leur logement. La question est donc de savoir comment nous pouvons accompagner les personnes ayant un long parcours de rue dans le difficile passage de la rue à l’habitat. Ce projet recherche action doit nous permettre d’avancer. n Proteste n° 118 - Juin 2009 14 la maison relais La maison relais Martin Luther King de l'ABEJ-Lille s’adresse à des hommes seuls dont la situation ne justifie plus un maintien en structure d’hébergement, mais dont le manque d’autonomie ne permet pas non plus d’envisager un relogement indépendant. Agir avec le secteur de psychiatrie Pour les personnes en souffrance psychique et dont l'état de santé nécessite une prise en charge plus conséquente, nous avons établi un partenariat avec le secteur de psychiatrie. Nous pouvons le mobiliser pour du conseil et des interventions lors des périodes de « crises ». Des hospitalisations à la demande d'un tiers sont faites et portées de manière conjointe avec l'hôpital, lorsque la personne se met en danger ou risque de mettre en danger autrui par un comportement très décalé, voire dangereux. Des infirmiers passent à domicile pour les soins et pour maintenir le lien avec le patient. Conditions de l’intégration des personnes en souffrances psychiques Cependant, l’intégration des personnes en souffrances psychiques dépend de trois facteurs. Tout d’abord, l’acceptation de sa maladie par la personne accueillie, et a fortiori, son adhésion aux soins, sont indispensables. Ensuite, il est nécessaire de développer un partenariat avec les structures de soins spécialisés de proximité : centre médico-psychologique, secteur de psychiatrie. Enfin, l’intégration de ces personnes dépend de la volonté des chefs de service de psychiatrie et de leur capacité à pouvoir sortir de l’hôpital pour aller à la rencontre des patients dans la cité. A Marseille, le centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) William Booth de la Fondation de l’Armée du Salut gère une maison relais, d’une capacité d’accueil de douze personnes, destinée aux usagers souffrant de troubles psychiques. Créer des liens avec le monde hospitalier Cela a été l’occasion pour nous d’engager un partenariat important avec deux hôpitaux psychiatriques. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises pour déterminer le mode et les critères d’admission, ainsi que la composition de la commission. Toutes ces rencontres ont permis d’installer un climat favorable et nous en sommes venus à la signature d’une convention. Les résidents de la maison relais ont tous un psychiatre et celui-ci reste le référent du soin. Sa présence est obligatoire lors des réunions de synthèses avec les membres de l’équipe. Lorsque ces conditions sont réunies, nous sommes en capacité d’accueillir trois à quatre personnes en souffrances psychiques, même en grande difficulté, sur les vingt-cinq résidents de la maison relais. Nous pouvons ainsi de manière conjointe avec le secteur de psychiatrie accompagner la personne vers un mieux être psychique tout en la maintenant dans la cité au travers d’un habitat adapté. n Des bénéfices pour tous les résidents du CHRS Cette pratique a donné des résultats pour l’ensemble des autres personnes du CHRS (100 personnes). Nous avons engagé une formation importante à destination des membres de l’équipe éducative, des surveillants de nuit ainsi que des hôtes d’accueil. Il s’agit d’une formation d’une semaine sur les personnes souffrant de troubles psychiques. En effet, il s’avère que de plus en plus de personnes accueillies présentent ce type de profil. Le travail de prévention des décompensations phénomène de rupture de l’équilibre psychique est ainsi mieux anticipé. Nous avons aussi un partenariat privilégié avec un centre médico-psychologique. Ainsi nos équipes se rencontrent régulièrement. Avec un des deux hôpitaux, des lits sont réservés dans les deux sens. Côté CHRS, les rendez-vous d’admission sont facilités par la présence d’une infirmière et d’une psychologue. n Proteste n° 118 - Juin 2009 15 •••• Eric Maignaud Responsable du Pôle Hébergement Logement Abej-Lille © ABEJ Lille •••• Samuel Coppens Directeur de la Résidence William Booth Fondation de l’Armée du Salut