Infection à Chikungunya à La Réunion : formes graves émergentes

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Infection à Chikungunya à La Réunion :
formes graves émergentes de l’adulte en
service de Réanimation de mai 2005 à
mai 2006
B-A Gaüzère, O Martinet, AH Reboux, G Lebrun, MC Jaffar
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2
Patients et méthodes
Étude prospective des patients admis en
Réanimation au décours d’un tableau clinique
évocateur de CHK, nécessitant le support d’au moins
une fonction vitale.
Étude conduite de mai 2005 à mai 2006.
Confirmation de l’infection par identification du virus
par RT-PCR dans le sérum ou le LCR ou par la
présence d’IgM dans le sérum ou le LCR.
Jusqu’à la fin 2005, les dosages d’IgM et les RT-PCR
CHK n’étaient pas pratiqués à La Réunion.
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Résultats
37 patients admis en phase virémique ou au
décours immédiat d’une infection à CHK : 16
hommes et 21 femmes d’âge moyen 57,2 ans.
86% (31) présentaient de lourds antécédents
pathologiques.
La létalité (40,5%) des patients présentant des
formes graves de CHK a été supérieure à la
létalité moyenne du service (23 %).
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Résultats
Après un début progressif de l’épidémie fin mars
2005, les deux premières formes graves ont été
admises à la fin mai 2005 et en juillet 2005, et
rapportées tardivement au CHK.
Par la suite de nombreux patients ont été admis pour
des tableaux sévères et variés, notamment lors de la
forte poussée épidémique du premier quadrimestre
2006.
2 types de manifestations occupent une place
particulière : les atteintes neurologiques graves et les
insuffisances hépatiques.
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Méningo-encéphalites
5 patients : 2 hommes et 3 femmes, âge moyen 62,8
(25 –78) ans.
Admission pour troubles de conscience, convulsions
ou paralysies
Positivité des IgM dans le LCR chez les 2 premiers
patients en raison du caractère tardif de l’évocation
du diagnostic.
Positivité de la RT-PCR dans le LCR chez les 3
derniers patients.
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Méningo-encéphalites
Diagnostics d’autres méningo-encéphalites à liquide
clair exclus (herpes, tuberculose…).
Tableaux précédés de signes cliniques typiques
d’infection à CHK : fièvre brutale et élevée,
arthralgies et éruption cutanée.
Au plan des examens complémentaires, les TDM
cérébrales et les IRM étaient normales (T1, T2 et
Flair dans quelques cas), les EEG étaient normaux
ou microvoltés.
Traitement initial chez les 2 patients admis en 2005 :
aciclovir en traitement empirique d’une encéphalite
herpétique dans l’attente de la confirmation
biologique du diagnostic.
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Méningo-encéphalites
Tous les patients ont nécessité la ventilation
mécanique
Durée moyenne de séjour en réanimation: 15, 8
jours.
Deux patients étaient indemnes de toute pathologie
antérieure.
Un patient est décédé, les 4 autres ont présenté des
récupérations de bonne qualité après quelques
semaines d’évolution.
Rampal , Sharda M, Meena H. Neurological complications in Chikungunya
fever. J Assoc Physicians India. 2007 Nov;55:765-9.
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Polyradiculonévrites
Décembre 2005 : femme 51 ans, HTA, diabétique. 3 semaines
après une forme typique CHK. Tétraparésie ascendante,
diplégie faciale. LCR : protéines 1,44 g/l, GB 1/mm3. L’évolution
a été favorable sans séquelles après 12 jours de ventilation
mécanique.
Mai 2006 : femme 49 ans, paralysie ascendante et diplégie
faciale. LCR protéines 1,28 g/l, GB 7/mm3. L’évolution a été
favorable en 3 semaines, sans séquelles après 9 jours de
ventilation mécanique.
Chez les 2 patientes, EMG caractéristiques, IgM dans le sérum
et le LCR. Les deux patientes ont reçu un traitement empirique
par immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse,
traitement habituel des polyradiculonévrites.
Wielanek A.C, De Monredon J, El Amrani M, et al. Guillain-Barré syndrome
complicating a Chikungunya virus infection. Neurology. 2007;27;69 :21052107.
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Atteintes hépatiques graves
2 hommes, 3 femmes, âge moyen : 47,6 (40–59) ans
Durée moyenne de séjour 4,6 jours (extrêmes < 24
heures - 14 jours).
Ethylisme
chronique
chez
4
patients,
1
drépanocytaire homozygote avec atrophie hépatique
et éthylisme occasionnel.
La plupart des patients avaient reçu du paracétamol
ou du dextropropoxyphène, paracétamolémies
inférieures aux doses considérées comme toxiques.
3 femmes : défaillances multiviscérales suivies du
décès. Les deux hommes ont survécu.
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Atteintes hépatiques graves
Cytolyse hépatique avec ASAT > ALAT : (268 +/- 184 N) Vs (75
+/- 70 N), TP < 50% avec nadir : 32 +/- 15%, facteur V : 28 +/15%. Les autres causes d’hépatites aiguës ont été éliminées.
Au plan anatomopathologique, les examens de tissu hépatiques
réalisés chez 3 patients (dont deux en post-mortem) ont montré
un aspect d’hépatite aiguë dans deux cas.
Deux types d’atteinte ont été identifiées : hépatite nécrosante
submassive proche de celles des viroses hémorragiques et
nécroses limitées péricentrolobulaires associées à une hépatite
modérée à cellules rondes.
Immuno-histochimie : inclusions dans les cellules de Kupfer et à
un degré moindre dans les hépatocytes.
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Décompensations d’états
pathologiques antérieurs
6 patients admis pour cardiopathies décompensées
1 homme, 5 femmes, âge moyen: 76 (62-89) ans
Durée moyenne de séjour : 2,3 jours (extr. < 24 h - 5
jours). Cinq patients ont décompensé en phase
virémique, 4 avaient une cardiopathie connue, 1
hypertendu et diabétique sans cardiopathie connue,
1 éthylique chronique.
4 décès.
Simon F, Paule P, Oliver M. Chikungunya virus-induced myopericarditis: toward an
increase of dilated cardiomyopathy in countries with epidemics? Am J Trop Med Hyg.
2008 Feb;78(2):212-3.
Mirabel M, Vignaux O, Lebon P, Acute myocarditis due to Chikungunya virus
assessed by contrast-enhanced MRI. Int J Cardiol. 2007 ;121(1)
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Décompensations d’états
pathologiques antérieurs
20 patients admis pour d’autres types de
décompensation : 12 hommes et huit femmes, âge
moyen 52,3 (37-82) ans
Durée moyenne de séjour : 9,9 jours (extr. 1-32
jours)
9 patients admis en phase virémique et 11 après la
virémie. Troubles de conscience (3), choc septique
avec
insuffisance
rénale
(4),
défaillance
multiviscérale (3), insuffisance respiratoire (3), chute
(1), infarctus du myocarde (1), insuffisance rénale
isolée (1), accident vasculaire (1), arrêt cardiaque (1).
8 décès
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Institut national
de veille sanitaire
Parallèlement, un système de surveillance globale a
été mis en place par l’Institut national de veille
sanitaire
Recensement et description des formes émergentes
hospitalières
Définition : tout patient âgé de 10 jours ou plus
hospitalisé dans un contexte d’infection à CHK
biologiquement confirmée présentant des symptômes
autres que fièvre et arthralgies.
http://www.invs.sante.fr/publications/2007/chik_surveillance_2007/index.html
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Institut national
de veille sanitaire
878 formes émergentes hospitalières : 44 cas
materno-néonataux, 834 cas émergents hospitaliers
dont 247 (30 %) cas graves.
Soixante-huit (8%) décès.
Ces formes représentaient 0,36 % des cas de CHK
dans la population.
Manifestations dermatologiques (347 (40 %) cas),
digestives (333 (38 %) cas) et neurologiques (327
(37 %) cas) étaient les plus fréquentes.
http://www.invs.sante.fr/publications/2007/chik_surveillance_2007/index.html
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Institut national
de veille sanitaire
178 patients ont nécessité le maintien d'au moins une
fonction vitale en réanimation (adulte ou pédiatrique),
55 décès (31%).
Facteurs de co-morbidité chez 87 patients (61%).
Age médian des décès : 79 (0-102) ans, avec un sex
ratio équilibré.
http://www.invs.sante.fr/publications/2007/chik_surveillance_2007/index.ht
ml
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Discussion
Neurotropisme connu dans la dengue, maladie Nil occidental,
maladies équines américaines, encéphalite japonaise.
Manifestations neurologiques graves chez l’adulte jamais
décrites au cours du CHK
Littérature : plusieurs cas anciens d’atteinte neurologique grave
chez des enfants asiatiques, avec 1 décès et 2 séquelles (C.
Chastel)
Normalité de l’imagerie cérébrale dans les formes sévères de
méningo-encéphalites à CHK y compris en IRM
Contraste avec celle d’autres atteintes virales (herpes) et des
encéphalites par transmission materno-néonatale du CHKV
(lésions cérébrales en IRM de diffusion).
Le pronostic favorable des atteintes neurologiques justifie une
prise en charge optimale en milieu de réanimation.
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Discussion
A la différence de la dengue, les manifestations hépatiques
graves n’avaient jamais été décrites au cours de l’infection à
CHK.
La positivité de la RT-PCR CHK chez les 5 patients suggère des
complications hépatiques en phase de virémie.
L’hépatotoxicité virale propre est évoquée, mais il existe des
cofacteurs systématiques: alcoolisation, prise de paracétamol,
recours à la pharmacopée locale.
La prépondérance des ASAT de nos patients est également
caractéristique de l’hépatite alcoolique et est également
rapportée dans hépatites de la dengue, contrairement à d’autres
hépatites virales.
L’étiologie de ces hépatites aiguës fulminantes apparaît donc
multifactorielle.
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Discussion
Conséquence des pathologies de transition et de superposition,
les Réunionnais sont polypathologiques beaucoup plus tôt que
les métropolitains.
Prévalence
HTA,
diabète,
pathologies
dégénératives
(insuffisance rénale, coronaropathies), sur fond de forte
alcoolisation est plus élevée qu’en métropole.
La nature de la relation entre ces personnes âgées et fragiles et
le CHKV reste à préciser, mais rappelle la morbidité et la
mortalité liées à la grippe banale pendant les hivers de
l’hémisphère Nord.
Rôle aggravant de la déshydratation majorée par les fortes
chaleurs de l’été austral, de la tachycardie et la toxicité des
drogues (AINS, paracétamol, corticoïdes…) ainsi que de la
pharmacopée locale (herbages et décoctions à visée
immunostimulantes dont Morinda citrifolia).
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Conclusion
La nosologie de ces formes émergentes qui
occasionnent une forte létalité reste à préciser.
L’éventuelle traduction clinique des mutations du
virus observées en cours d’épidémie n’est pas
établie.
Comme lors d’autres infections virales, les personnes
présentant des tares sous-jacentes, ont été
particulièrement vulnérables.
Maurice et l’Inde ont rapporté une surmortalité
importante,
concomitante
de
l’épidémie
de
chikungunya.
BEESOON S, FUNKHOUSER E, KOTEA N, et al. Chikungunya Fever, Mauritius, 2006. Emerg Infect Dis.
2008;14:337-338
MAVALANKAR D, SHASTRI P, BANDYOPADHYAY T, et al. Increased mortality rate associated with
chikungunya epidemic, ahmedabad, India. Emerg Infect Dis. 2008 14(3):412-5
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