Préface
La région Caspienne: histoire d'un espace convoité
L'immense mérite de Garik Galstyan est d'aborder une histoire
complexe, mal connue et peu étudiée, en adoptant délibérément une posture de
proximité distanciée. Russophone, arpenteur infatigable des lieux qu'il décrit, il
évite un russocentrisme existentiel qui aurait amputé son travail des dimensions
politique, économique, historique et culturelle si nécessaires aux études
pluridisciplinaires, et qui en font tout le prix.
Fallait-il écrire une histoire internationale de la région Caspienne? Ou
lui préférer une histoire régionale? Pourquoi ne pas privilégier un examen
transnational? La synthèse opérée par Garik Galstyan permet une mise en
perspective historique qui place la région au centre de l'étude sans pour autant
la couper de son environnement international. L'arrière-plan transnational
apparaît en filigrane avant même d'être soumis à une analyse rigoureuse. Mais
à aucun moment l'auteur ne perd de vue que sa problématique est
essentiellement russe.
Deux questions sont au cœur de sa réflexion: l'importance et le rôle de
la mer Caspienne et des territoires riverains dans l'histoire de l'État russe, et
l'influence exercée par la Russie sur le destin des pays caspiens. Le
questionnement se veut à double entrée, mais il porte sur un espace
géographique très précisément délimité. Le cadre spatial est circonscrit aux
cinq pays riverains, Russie, Iran, Azerbaïdjan, Turkménistan, Kazakhstan. Puis
est tracé un second cercle, constitué de cinq pays formant un croissant
méridional: la Turquie, la Géorgie, l'Arménie, l'Afghanistan et l'Ouzbékistan.
«Ces acteurs sont abordés dans la mesure où ils ont une influence sur les
relations des pays du premier cercle avec la Russie» I. Le troisième cercle ne
concerne que les puissances interventionnistes. Le cadre géographique est
associé au cadre chronologique selon le principe de l'atlas historique.
D'entrée de jeu on comprend la difficulté de poser les problèmes aux
différents niveaux dont chacun est indispensable pour la vue d'ensemble. La
présence dans la région d'un «tuteur» impérial, la Russie, d'une puissance
internationale, l'Iran, aux côtés de jeunes États issus de la dislocation de
l'URSS introduit un facteur d'instabilité. À première vue le niveau régional
n'est pas un niveau probant en raison de son hétérogénéité structurelle.
Pourtant il bénéficie d'une identité économique forte. Si nous considérons
maintenant le niveau national, nous voilà de nouveau dans l'embarras. Peut-on
qualifier l'un ou l'autre des pays riverains d'État-nation? La question est loin
d'être simple. Vladimir Poutine se réclame d'une Fédération multiethnique et
multiconfessionnelle. À défaut de nationalité, la citoyenneté unique, mythe de
la période soviétique, a connu bien des avatars. Le ciment idéologique disparu,
le moule « russien » n'est pas très crédible et mal accepté par les non-Russes.
1Citation de Garik Galstyan.
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