La Revue de Gériatrie, Tome 27, N°6 JUIN
2002
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P
orte d’entrée très fréquente de no
m
breux
tableaux cliniques aussi variés que le globe uri
-
naire ou l’état dépressif, les troubles du com-
portement du sujet âgé nécessitent une recherche étio
-
logique minutieuse et co
m
plète, seule cap able de
m
ener à une attitude thérapeutique adaptée. L’agita-
tion est, parmi les troubles du comportement, celui qui
est l
e
plus fréquem
m
ent rapporté.
I
l s’agit d’une
«
aug-
mentation désordonn ée de l
’
activité mo trice «qui
d’emblée est considérée com
m
e
«
anormale
»
et
«
gênante
»
,
suscitant rapide
m
ent une demande d’aid
e
de la part de
l’entourage. La difficulté de la démarche diagnostique est
liée au fait que les causes d’agitation sont très nom-
breuses et variées, psychiatriques ou non psychiatriques
et une difficulté supplé
m
entaire est liée au caractère sou-
vent urgen
t
de la situation, notamment en cas de mise
en danger du patient et
/
ou de son entourage.
Les problèmes à la fois diagnostiques et thérapeutiques
posés par les états d’agitation du sujet âgé en général
sont exacerbés chez le sujet atteint de démence. En
effet, le diagnostic étiologique est plus difficile à faire du
fait des difficultés de co
m
munication avec le patient
majorés par ses troubles mnésiques. Pourtant toutes les
étiologies rencontrées chez les sujets âgés non déments
peuvent aussi se rencontrer chez les sujets déments et
doivent donc être consciencieusement explorées. Aussi,
chez un sujet âgé démen t, ce n ’est que
lorsque
qu’aucune étiologie n’est retrouvée et alors que cette
rech
e
rche étiologique est régulièrement reprise et le
diagnostic réévalué, que l’on peut attribuer un trouble
du comportement à une manifestation de la démence
elle-même. Se pose alors une seconde difficulté : celle
du traitement. L’approche médicamenteuse est tou-
jours la pre
m
ière évoquée alors que l
’
approche non
m
édicamenteuse du trouble p
e
ut être plus efficace et
peut éviter au patient d’être exposé au risque d’effets
indésirables des médicaments. Le plus souvent c’est la
double approche qui est mise en oeuvre et l’adéquate
combinaison des deux approches la plus efficace dura
-
blement.
RECHERCHE ÉTIOLOGIQUE
___________________
La recherche étiologique à mener devant une agitation
chez un sujet âgé nécessite une dé
m
arche rigoureuse
avec plusieurs niveaux d’analyse : niveau sympto
m
a-
tique, syndromique et étiologique. La dé
m
arche peut
être simple
(
exe
m
ple d’une agitation révélatrice d’un
globe urinaire ou d’une douleur profonde) ou complexe
(exemple d’une agitation issue d’un délire onirique dans
le cadre d’une confusion d’origine iatrogène liée à la
prescription d’un anxiolytique pour une angoisse liée
elle même à un syndrome dépressif… ). Ces situations
sont très fréquentes en gériatrie et on pourrait multi-
plier et co
m
plexifier les exe
m
ples sans pour autant
s’éloigner de la réalité clinique.
I
l est évident qu’il est
impossible d’établir une liste
exhaustive des étiologies
possibles d’un état d’agitation chez le sujet âgé.
Sur le plan psychiatrique, c’est bien sûr avant tout les
élé
m
ents délirants qu’il faut rechercher. Une descrip-
tion sémiologique précise est indispensable : délire aigu
ou chronique,
m
écanis
m
es mis en jeu
(
hallucination,
interprétation, imagination ou illusion), thèmes délirants
(de persécution, de jalousie, de spoliation, még
a
lo
m
a-
niaques, de filiation …). Outre l’aide diagnostique, cette
description sémiologique précise permettra de suivre au
m
ieux l’évolution des troubles. La mise en évidence
d’éléments délirants et leur description ne suffit pas : le
cadre étiologique de survenue de ce délire doit être
ensuite soigneuse
m
ent étudié en replaçant le délire
dans son contexte plus global. La confusion
(
d
é
lire
riche onirique, souvent à mécanisme hallucinatoire), la
démence (délire souvent pauvre, interprétatif et/ou hal
-
lucinatoire accompagné de troubles cognitifs marqués),
la décompensation d’une psychose ancienne et surtout
la dépression (un délire inaugural chez le sujet âgé sans
antécédents psychiatriques entre le plus souvent dans
ce cadre diagnostique) sont les diagnostics les plus fré
-
quemment retrouvés.
Il faut insister sur la dépression qui est particulièrement
fréquente dans les contextes d’adaptation secondaire à
un changement de vie (deuil, placement, handicap…),
que le sujet âgé soit dément ou non. La dépression est
souvent source d’agitation voire de co
m
portements
agressifs lorsqu’il existe des éléments délirants en rap
-
port avec la dépression ( 1 ). Les
m
écanis
m
es de ces
délires dépressifs sont le plus souvent interprétatifs,
parfois hallucinatoires
(
hallucinations auditives
)
et les
thèmes de persécution, de préjudice, de spoliation sont
les plus fréquents. Mais la dépression peut aussi être
source de comportement agressifs en dehors de toute
idée délirante. Ainsi Lyketsos a montré que les compor
-
tements d’agressivité physique des patients atteints de
m
aladie d’Alzhei
m
er étaient plus fortement liés aux
symptômes dépressifs qu
’
aux délires et aux hallucina-
tions
(2).
Il faut aussi rappeler que l’étiologie de sy
m
ptô
m
es psy-
chiatriques source d’agitation, n
’
est pas toujours psychia-
trique
surtout chez le sujet âgé. Les exemples sont très
no
m
breux : l’épisode maniaque mê
m
e typique peut avoir
une étiologie somatique
(
iatrogène, lésion cérébrale,
troubles endocriniens…
)
, les hallucinations peuvent être
liées à un déficit sensoriel
(
syndrome de Charles Bonnet
avec hallucinations visuelles liées à une
baisse de l’acuité
Dia
g
n
o
s
t
i
c
d
e
s
é
t
at
s
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a
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ion d
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s