1 L`économie informelle : un dilemme pour l`Egypte Adel Mehany1

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L’économie informelle : un dilemme pour l’Egypte
Adel Mehany1, Université Al Azhar, Le Caire, Egypte
Résumé
Malgré quelques signes macro-économiques positifs durant l’année fiscale 2012/2013, l’économie égyptienne atteint
la cote d’alerte. Le déficit budgétaire s’élève à 10,9% du PIB (2011/2012). Le taux du chômage est à l’ordre de 13.2%
au premier trimestre 2013 et il s’élève à 25% chez les jeunes. On voit clairement que la capacité actuelle de
l’économie égyptienne ne lui permet pas à insérer son énorme secteur informel dans le cycle formel, quoique ce
secteur reste une bouffée d’oxygène, un « poumon » pour son économie essoufflée. Ils disent en Egypte que pour
l’instant, nous ne voulons pas rendre formel notre secteur informel : ont-ils raison et pourquoi ?
Mots clés : Egypte- économie informelle- développement économique, micro finance- finance islamique.
JEL: E26, O17, J82
The Dilemma of Informal Economy in Egypt
If some macroeconomics indicators show a little progress for the Egyptian economy, this one is still in a vulnerable
situation. The public deficit was around 10.9% of GDP (2011/2012), whereas the unemployment rate represents
13% for the first trimester of 2013, with more than 25% between the young people. The actual Egyptian economic
situation is not in the favor of any programs which aim to integrate the informal economy into the formal Egyptian
economy. We said in Egypt; it is not the time now to do that, in other words, let our informal economy works to
keep survival our peoples. Are they right and why?
Keywords: Egypt-Formal economy-economic development-microfinance Islamic finance
1 [email protected] Maître de Conférences, Docteur en Economie-CEMAFI-Université de Nice (France). Président du Groupe
Haute d’Egypte Développement (GHED).
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1. Introduction
La situation en Egypte est préoccupante depuis la révolution du 25 janvier 2011 autant sur le plan
politique qu’économique et social. Si cette révolution a mit fin à l’existence des entreprises légaux dirigés
par des propriétaires mafieux qui ont confisqué la richesse du pays pendant des décennies, il en reste
devant elle de combattre les activités informelles dans ses différentes formes pour que celles-ci intègrent le
cycle formel de l’économie égyptienne.
Or, malgré quelques signes macro-économiques positifs durant l’année 2012/2013, l’économie égyptienne
atteint la cote d’alerte : chut des réserves de change (de 36 milliards de dollars en 2010 au 13 milliards en
2012), dégradation de notes de notations par l’agence S&P de (-B) à (+CCC) en 15 mai 2013 et blocage
des négociations avec le FMI qui font vaciller le pays. Le coût économique de cette révolution a présenté
un manque à gagner de 40 milliards de livres égyptiennes (4 milliards d’Euro) entre 2010 et 2011 et pas
moins de 65 milliards de livres égyptiennes entre 2011 et 2012 (7 milliards d’euro). Le déficit budgétaire
s’élève à 10% du PIB et cela signifie que gouvernement avait besoin pour l’année fiscale 2012/2013 de 15
milliards de dollars en dehors du système bancaire local. Le taux du chômage est de 13.2% pour le premier
trimestre de 2012/2013 et il monte jusqu’à 25% chez les jeunes. La reprise économique devrait être
progressive (1.8% de croissance en 2011-2012 selon le FMI et d’environ 3 % en 2012/2013 selon les
chiffres du Ministère de la Finance égyptienne. Mais la prévision de la Banque mondiale était à la baisse
autour de 2 et 2.5% de taux de croissance. Le déficit budgétaire a atteint 166.7 milliards de livres
égyptiennes, soit 10% du budget au courant de l’année fiscale 2011/2012 contre 9.8% en 2010/2012.
Cette hausse du déficit provient d’une forte hausse de dépenses d’une valeur de 114.6 milliards de pour
atteindre 516.4 milliards de livres égyptiennes. En revanche, les recettes de l’Etat ont augmenté de
seulement 35.5 milliards de LE pour atteindre 303.6 milliards de livres égyptiennes.
Si l’Egypte cherche aujourd’hui à maîtriser ses dépenses publiques pour contourner ses déficits budgétaires
et rendre plus flexible son marché du travail pour absorber le travail informel, ses démarches dans ce sens
pourraient aboutir à l’échec. En effet, une politique visant de flexibiliser le marché du travail pour accroitre
l’emploi grâce à une croissance fondée sur les exportations est une politique vouée à l’échec, surtout si
l’austérité budgétaire empêche les pouvoirs publics d’intervenir face à la faiblesse de la demande globale
(Capaldo & Izurieta, 2013). Cette politique était basée sur l’effet que la transformation du régime macro-
économique, due à la libéralisation et à l’ouverture commerciale qui a connu l’Egypte depuis les années
soixante-dix, rend l’emploi plus dépendant de la demande extérieure tout en restreignant la possibilité
d’accroître la demande intérieure ou d’augmenter les salaires rapidement que la productivité.
On ajoute que le taux de chômage faible que l’Egypte cherche à réaliser d’ici à 2020 n’est pas
nécessairement une bonne nouvelle, car selon certains études sur le Moyen-Orient (Sylla, 2013), cela peut
cacher une situation l’atonie de la demande de travail dans le secteur moderne est compensé par a
multiplication des emplois informels de mauvaise qualité.
Donc, on voit clairement que la capacité actuelle de l’économie égyptienne ne permet pas d’une part
d’absorber à court terme le problème du chômage et d’autre part d’insérer son énorme secteur informel
dans le cycle de l’économie formelle. Quoique ce secteur reste un buffet d’oxygène pour une économie
formelle en difficulté.
Le secteur informel a été au centre de débat depuis les années 1970 mais il a commencé à faire l’objet de
travaux de terrain dans les années 80. Ces travaux étaient concentrés sur la capacité de ce secteur à générer
une croissance dans le revenu des classes sociales les plus pauvres. Plusieurs études (Kharoufi, 1992, Abd
Al-Fadil, 1983, Al-Mahdi, 1989) ont montré que les activités menées dans ce secteur ont aidé les plus
pauvres dans leur vie autant parfois que les activités du secteur formel. Le secteur informel s’est plus en
plus développé à partir des années 1970. Il est fort probable que la politique d’ouverture de l’Egypte, ainsi
que les pressions inflationnistes qui ont caractérisé l’économie égyptienne au cours de cette période, ont
été parmi les principales factures qui ont conduit à la propagation ainsi qu’à l’élargissement du domaine
des activités souterraines en Egypte (Abdelfadil, 1985). Plusieurs études ont été conduites pour estimer
son importance au sein de l’économie égyptienne.
En effet, beaucoup d’activités n’étant pas déclarer, échappent aux statistiques officielles. Une des
difficultés à cerner cette économie, c’est précisément qu’elle est informelle, c’est-à-dire non susceptible de
formalisation (Gourevitch, 2002). Ainsi, Dixon déclare en juin 1999 dans the Economic Journal, que « Il est
improbable qu’on soit capable de mesurer les activités de l’économie souterraine dans un futur proche ».
Selon des estimations du Central Agence for Public Mobilisation and Statistics- CAMPAS), les emplois
dans le secteur informel étaient de l’ordre de 3 millions au début des années 1990.
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Aujourd’hui, ces chiffres seront multipliés par quatre ou cinq si on prend on compte le nombre croissant
de la population qui atteint un chiffre de 90 millions d’habitant d’une part et les facteurs valorisants d’un
accroissement des activités souterraines. D’autres estimations (1991) évaluent à 43 % d’Egyptiens
employés dans le secteur informel privé (en excluant les emplois dans l’agriculture). Autre étude a trouvé
que 62% de la population active était occupée dans des activités de type informel et donc une grande
majorité de cette population dépend de secteur informel pour leur subsistance. D’ici on constat le
paradoxe égyptien ; car le secteur informel n’est pas forcement un obstacle qu’il convient de le réduire
mais il est représenté comme une solution face à la crise économique qui travers l’Egypte actuellement.
Toutefois, les incitations à la formalisation de ce secteur, à long terme nécessite l’application des méthodes
nouvelles qui touchent à la fois la volonté des ses acteurs à réintégrer l’économie formelle et la capacité de
l’Etat égyptien à faire face aux coûts liés à ce processus.
2. Conception et importance de l’économie informelle
Un des premières tâches de cette section est de formuler des définitions, se prêtant à la mesure, du
« secteur informel » et des « travailleurs informels ». Il faut rappeler que la Conférence Internationale des
Statisticiens du Travail (CIST) et le Groupe de Delhi sur les statistiques du secteur informel ont élaboré un
travail considérable pour mettre au point des définitions pouvant être adoptées par des pays différents.
Reconnaissant que « l’emploi informel » est un concept plus large que celui de « secteur informel ». Selon
le CIST, le secteur non organisé comprend toutes les entreprises privés non organisées en sociétés,
détenues par des individus ou des ménages engagés dans la vente et la production de biens et services,
réalisées par leurs propriétaires ou en partenariat et occupant au total moins de dix travailleurs. Quant aux
travailleurs non organisés ces sont ceux qui travaillent dans des ménages ou entreprises non organisés, à
l’exclusion des travailleurs réguliers bénéficiant de prestations de sécurité sociale » (Kannan & Papola,
2007). Un autre note que les travailleurs du secteur informel ne sont pas tous totalement dépourvus de
protection, et que ceux des entreprises du secteur formel ne sont pas tous protégés et titulaires de contrats
de travail permanents. (Tokman, 2007). Il faut se rappeler d’ailleurs que même si l’analyse économique est
sollicitée en ce qui concerne l’économie informelle (Adair, 1985), ce sujet a des dimensions sociologiques,
culturelles et politiques.
Nous allons distinguer deux types d’analyses quand on aborde l’économie informelle ; le premier traite
cette économie telle qu’on la connaît dans les sociétés occidentales industrialisées. Le deuxième traite ce
sujet du point du vue des pays en développement. Il est vrai que l’économie informelle est un phénomène
concerne beaucoup de monde et qui peut être appréhendé sous de nombreux angles. (Pestieau, 1989).
Toutefois, dans les pays en développement, l’économie souterraine paraît occuper une place de plus en
plus étendue et ses composantes deviennent de plus en plus larges. (Abdelfadil & Diab, 1985). De plus, la
façon par laquelle on analyse ce phénomène se différencier d’un groupe des pays à l’autre.
Les pratiques souterraines ne sont pas vécues de la même façon entre par exemple les pays occidentaux
socialistes (de référence comme la France) et les Etats-Unis, il y deux différences fondamentales : un stade
moins avancé de développement économique et un système politique et institutionnel différent.
L’entreprise socialiste qui, comparant ses coûts aux prix qui lui sont assignés par l’Etat, décide de se lancer
dans toutes sortes d’activités lucratives illégales derrières le paravent de son activités officielles, adopte une
attitude très semblance à celle d’une firme française découvrant les avantages d’une main-d’œuvre au noir.
Dans un pays capitaliste, les forces concurrentielles et la recherche du profit qui sous-tendent la plupart
des activités souterraines marchandes, sont aussi le moteur reconnu de l’économie officielle. La Hongrie
aurait une très large économie seconde ; trois ménage sur quatre y participeraient activement et en tiraient
des revenus complémentaires non négligeables. Citons aussi l’exemple de l’immense Chine qui depuis le
début de sa révolution connaît une économie seconde très active à la compagne comme dans certaines
métropoles commerçantes.
Certaines définitions utilisent le revenu économique total pour cerner les activités informelles dans
l’économie. Selon Feige le terme unobserved economyse compose de trois composants « If we define recorded
income as that component of total economic income empirically captured in the National Income and Product Account (
NIPA )statistics, then “total unrecorded income” can be seen to consist of (1) income produced in prohibited economic
activities deemed ‘illegal’ by the law of the land; (2) income produced in non-market (bartered) legal activities, and (3) income
produced in legal market activities (monetary) that for various reasons escapes NIPA measurement ( Feige, 1989). Donc,
L’économie souterraine comprends trois composantes : la production non déclarée de biens et de services
licites, la production de biens et de services illicites ; les revenus en nature dissimulés. (Adair, 1985). Selon
l’analyse microéconomie, l’essor présumé du travail noir résulterait de l’accroissement du chômage
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indemnisé d’une part, de la hausse des prélèvements obligatoires d’autre part. (Adair, 1989) Cependant,
une partie non négligeable du travail en noir en Egypte s’explique par le faible revenu des fonctionnaires
plutôt que par la hausse des prélèvements.
Par économie souterraine, nous entendons l’ensemble des activités économiques qui échappent plus ou
moins totalement aux contrôles légale, fiscale et statistique de l’Etat. Dans cette définition, il y a deux
termes clefs : activités économiques et contrôle de l’Etat. Sans Etat ou plutôt sans sa volonté de contrôle,
son regard inquisiteur, il n’y aurait pas d’économie souterraine, pas de statistiques officielles et qui plus est,
pas de lois à transgresser, ni de taxes à éluder. (Pestieau, 1989). L’économie informelle est associée à la
pauvreté urbaine, à l’activité artisanale ou encore à la taille des unités de production. Le secteur informel
est caractérisé par l’absence de syndicats, de revenus fixés institutionnellement, de contrat de travail et de
protection de la part du gouvernement.
2.2. Importance de l’économie informelle dans les pays en développement
Dans un livre paru en 1987, et depuis largement diffusé et débattu à travers toute l’Amérique latine,
Hernando de Soto annonce la couleur de titre : L’Autre Sentier. La révolution informelle (H.de Soto, El
Otro Sendero, 1987) Les mutations pourraient se faire grâce à l’économie informelle bien que plus que par l’action
révolutionnaire de mouvements armés tels que le Sentier Lumineux. Citons ainsi cet extrait du Bulletin
hebdomadaire de la Kredietbank belge, 38-1982) : « Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’existence
d’activités souterraine implique aussi une série d’avantages pour l’économie. Sans activités noires, certaines
entreprises perdraient leur compétitivités ou ne pourraient plus réagir avec toute la souplesse voulue aux
nouveaux développements et seraient condamnées à disparaître. Les activités souterraines contribuent
aussi à accroître l’efficience d’une économie. Par le mécanisme de la libre fixation des prix et l’absence
d’encombrantes réglementations, il est possible d’exercer certaines activités dans l’économie souterraine,
ce qui n’est plus le cas dans l’économie officielle exagérément réglementée et nivelée. L’économie
souterraine a donc une fonction salutaire en tant que bouée de sauvetage sociale et économique. Si
l’économie souterraine venait à disparaître, un certain nombre de citoyens émigreraient avec leur talent,
leur capacité de travail et leur patrimoine. Certains chômeurs, privés d’activités parallèles, auraient du mal à
supporter psychologiquement une inactivité prolongée. Une rie d’activités utiles ne seraient plus
exercées parce que dans le circuit officiel les coûts sont prohibitifs ».
Il y a de tout dans ces deux paragraphes on ne peut plus exemplaire de ce qui se colporte sur les bienfaits
de l’économie souterraine. Elle est ici comparée à une bouée de sauvetage ; ailleurs, on parlera de potion
magique, de planche de salut, de saint-bernard, de solution miracle ou encore de trop de seule issue pour
nos sociétés en détresse, malades de trop de fiscalité et de réglementation. (Pestieau, 1989).
L’ampleur de l’économie informelle est bien importante pour les pays en développement en comparaison
avec les pays développés. Certains analystes partagent le même point du vue (Pestieau, 1989) on
soulignant que dans les pays occidentaux, une réduction de l’importance des activités souterraines ne
modifierait pas fondamentalement la structure de l’économie ; elle contribuerait à plus d’équité et plus de
bien-être pour l’ensemble de la collectivité. En revanche, la suppression de l’économie informelle dans les
pays en développement aurait sans doute des conséquences incalculables sur le niveau de vie de la majorité
des ménages. C’est parce que, dans ces pays, le secteur souterraine joue un rôle complémentaire essentiel.
Il fournit des biens et services que l’on ne trouve pas dans le secteur officiel ou que l’on trouve, mais en
quantité insuffisante, de qualité médiocre ou à des prix prohibitifs.
Rappelons le cas du Pérou qui est douté d’une économie parallèle importante, composée de petites
entreprises opérant pour la plupart à Lima. Quelques chiffres pour donner un ordre grandeur de cette
économie informelle au Pérou : elle représente grosso modo 40% du PIB du Pérou et occupe la moitié de
la population active à temps plein ou à temps partiel : en heures de travail, cela équivaut à 60% du total
national (Pestieau, 1989). Le Pérou n’est pas le seul pays d’Amérique latine à posséder une économie
informelle aussi omniprésente. Plusieurs enquêtes ont constaté que pour toute l’Amérique latine, la main-
d’œuvre informelle représentait 42% de la population active totale en 1980. Ce chiffre varie de pays à pays.
Il est de 56% au Pérou, 46% au Brésil, 29% au Chili et 26% en Argentine. (Pestieau, 1989). Le secteur
informel est la plus importante source de revenus des pauvres et 74% des 10% les plus pauvres y
travaillent selon une enquête réalisée en 1990. (Tokman, 2007).
3. L’Economie informelle en Egypte
La situation actuelle en Egypte est préoccupante autant sur le plan politique qu’économique et social.
Malgré quelques signes macro-économiques positifs durant l’année fiscale 2012/2013, son économie
atteint la cote d’alerte : chut des réserves de change, dégradation de notes des agences de notations, taux
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du chômage élevé et des négociations difficiles avec le FMI qui font vaciller le pays2. Le déficit budgétaire
s’élève à 10% du PIB (2011/2012). Le gouvernement a besoin pour l’année fiscale 2012/2013 de 15
milliards de dollars en dehors du système bancaire local. Le taux du chômage est de 12% et il monte
jusqu’à 25% chez les jeunes. La reprise économique devrait être progressive (1.8% de croissance en 2011-
2012 selon le FMI et environ 3% en 2012/2013 selon les chiffres du Ministère de la Finance égyptienne).
En chiffres, le déficit budgétaire a atteint 166.7 milliards de livres égyptiennes, soit 10% du budget au
courant de l’année fiscale 2011/2012 contre 9.8% en 2010/2012. Cette hausse du déficit provient d’une
forte hausse de dépenses d’une valeur de 114.6 milliards de livres égyptiennes pour atteindre 516.4
milliards de livres égyptiennes. En revanche, les recettes de l’Etat ont augmenté de seulement 35.5
milliards de LE pour atteindre 303.6 milliards de livres égyptiennes.
D’autre part, l’implantation d’activités économiques et commerciales dites informelles joue un rôle
remarquable dans l’économie égyptienne. Elles offrent au Caire, par exemple, pour un marché de 17
millions de consommateurs, une gamme étendue de produits, rares ou de consommation courante. (Les
chercheurs égyptiens continuent cependant de les qualifier de marginales (Hâmichi, ghayer munazzam, ou
ghayer muqannan c’est-à-dire non structurées). Selon nos estimations, pour 2102 entre 12-15 millions des
égyptiens (contre 3 millions en 1988) gagnent leur vie en travaillant dans le secteur informel. Cela veut dire
que plus de la moitié de la population égyptienne dépend de ce secteur (en supposant que le taux de
dépendance est de trois personnes pour chaque travailleur dans le secteur informel). Selon les chiffres
récents de Ministère de l’Industrie, il existe 100 zones industrielles informelles contre 36 seulement pour le
secteur formel et près de 60% des produits marchands dans le marché local sont des produits des projets
souterrains dans les zones industrielles informelles.
D’ailleurs, il existe un fort dualisme entre le secteur formel et informel en Egypte. Car un nombre non
négligeable du travailleur formels pratiquent au sein même de leur travail formel des activités informelles.
Certains analystes expliquent la raison de cette dualité : « Nous n’exagérons pas beaucoup si nous
affirmons qu’un des principaux résultats de la politique d’ouverture est la coexistence des structures de
« l’économie souterraine » et de celle de « l’économie officielle » (Abdelfadil, 1985). Ce phénomène est très
remarqué dans le secteur public et administratif. On ajoute également que un grand nombre de ces
fonctionnaires pratiquent des activités souterraines en d’hors de leur travail formel ; c’est le cas de
beaucoup de chauffeurs de taxi ou des enseignants qui donnent des cours privés le soir (ce qu’on appelle
moonlighting-selon l’expression américains), c’est-à-dire le cumul de plusieurs emplois pendant les horaires
de travail officiels. Au cours d’une ancienne étudealisée en 1988 (Palmar, 1989), 89% personnes
interrogées déclarent avoir une seconde occupation rémunérée et 84% y consacre entre 3 et 5 heures par
jour. Une autre enquête montre que le temps effectif de travail d’un fonctionnaire égyptien se situe entre
20 minutes et 2 heures. Souvent le fonctionnaire ajoute à son activité déclarée une activité secondaire,
exercée en marge ou en dehors des obligations légales réglementaires ou conventionnelles (Kharoufi,
1992).
Le dualisme du marché du travail en Egypte a une spécificité que le distingue de la version classique d’un
marché du travail qui se trouve divisé en deux segments relativement étanches. C’est-à-dire un secteur
structuré correspondant au marché primaire, le secteur non structu correspondant au marché
secondaire. On peut dire que l’économie informelle se cache bel et bien dans l’économie formelle
égyptienne. Donc, la division classique du marché du travail en deux segments (formel et informel) ne
marche plus souvent dans le cas égyptien. Il est illusoire d’attendre une réduction de l’économie
souterraine des politiques d’allègement fiscaux telles qui étaient proposées dans un grand nombre de pays
de la zone de l’OCDE. En effet cette partie de l’économie souterraine est due à une faiblesse de salaires de
ceux qui travaillent dans le secteur formel et par conséquent, ils cherchent à augmenter leurs revenus en
effectuant des heures du travail non-déclaré.
La question d’une volonté politique de lutter contre le développement d’activités souterraines ne se pose
évidemment pas dans les pays dont les responsables y sont eux mêmes impliqués. C’est le cas des
« républiques lavoirs » qui servent de plaque tournante au blanchement de l’argent gagné illégalement que
ce soit dans les jeux ou dans le trafic de stupéfiants (Pestieau, 1989). Par conséquent, les opportunités et
les risques de l’immense économie informelle (et non taxée) de l’Egypte pourraient avoir un rôle à jouer
dans le succès politique à long terme des Frères musulmans. Selon une récente estimation du FMI,
l’économie informelle englobe rien moins que 35% de tous les acteurs économiques et emploie environ
40% de la main d’ouvre. Pour l’économiste Hernando de Soto (qui a estimé les capitaux du secteur
2 Voir les graphiques en annexe.
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