126 Philippe FAUCHER
puis le « décollage », du Brésil sont associés à la fin du régime militaire et
au développement des institutions démocratiques. La santé de la démocratie
brésilienne semble influer sur sa performance économique parce qu’elle
encourage la poursuite des politiques de redistribution, valorise la stabilité
et agit comme contrepoids aux préférences exprimées par la minorité de pri-
vilégiés.
La démocratie brésilienne est bien vivante comme en a témoigné en
2002 la première élection d’un président, issu de la classe populaire et fon-
dateur d’un grand parti de gauche, le Parti des Travailleurs (PT). Le prési-
dent Lula (Luiz Inacio Lula da Silva) a dominé la politique nationale des
dernières années. Il était extrêmement populaire (au-delà de 70 % d’appro-
bation). Il y a un Brésil de Lula. Celui-ci est marqué par l’orthodoxie dans
la gestion macroéconomique, par des mesures progressives de soutien aux
plus pauvres et par un effort d’apaisement (d’atermoiement affirment les
forces de gauches plus radicales) des revendications sociales. Des problè-
mes importants (santé, éducation, pauvreté, énergie, environnement, sécu-
rité et autres) constituent encore un lourd passif auxquelles les prochains
gouvernements devront se consacrer alors que « l’effet Lula » s’estompera.
L’émergence internationale du Brésil, au moins dans sa forme actuelle,
demeure précaire. L’activisme de son Président et de ses diplomates d’élite,
a certainement fait gagner au pays, comme nous le verrons, et sa vision du
monde lui a donné une plus grande notoriété sur la scène internationale. Si
sa visibilité est accrue, le Brésil n’a pas su imposer son leadership sur la
scène internationale, pas même sur l’Amérique latine, région où il devrait
naturellement au premier titre imposer son autorité5. Le bilan économique
est aussi mitigé.
Au terme de cette réflexion, je reviens sur le concept de pays émergent
et l’appartenance du Brésil à ce groupe restreint de pays qui affirment leur
souveraineté, tout en sachant tirer profit de la mondialisation. Au bilan, le
Brésil a profondément changé au cours des dernières années, généralement
pour le mieux. La pratique de la démocratie a beaucoup renforcé les institu-
tions. Stabilité et confiance se renforcent et soutiennent la croissance. Comme
jamais, les politiques des gouvernements tiennent compte des demandes et
répondent aux besoins de la population. Soulager la misère stimule la pro-
duction de biens essentiels (alimentation, logement), crée de l’emploi et,
plus fondamentalement, sauve des vies. La consommation a considérable-
ment augmenté avec l’extension de la « classe moyenne », et le chômage
5. BURGES S.W., « Without Sticks or Carrots : Brazilian Leadership in South America During the
Cardoso Era, 1992-2003», Bulletin of Latin American Research, vol. 25, n°1, 2006, p. 23-42 ; MALA-
MUD A., « Leadership Without Followers : the Contested Case for Brazilian Power Status », in
REZENDE MARTINS E. C. de Rezende, GOMES SARAIVA M., (eds.), Brasil, União Européia, Amé-
rica do Sul : Anos 2010-20120, Brasília, Fundação Konrad Adenauer, 2009, p. 126-148.
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