34∑inflation LES pays émergents souffrent aussi CRISE DE LA DETTE. Les nouveaux moteurs de l’économie mondiale comme le Brésil, la Turquie et l’Inde n’échappent pas aux tourments de l’Europe et des Etats-Unis. Yves genier e visage rond et le crâne dégarni d’Alexandre Tombini promettent tout le contraire de l’aventure. Consensuel, l’économiste brésilien de 48 ans avait été salué de tous les bords politiques lors de sa nomination à la tête de la Banque centrale du Brésil (BCB) en novembre dernier. Même la Bourse de São Paulo l’avait ovationné par une hausse de 2,4%. Traumatisé par le chaos économique et l’hyperinflation des décennies passées, le géant latino-américain ne vise plus que la stabilité pour profiter au mieux de son spectaculaire essor. Actuels Le Brésil comme la Suisse. Aussi la stupeur des marchés financiers a-t-elle été à son comble le 31 août dernier lorsque la BCB a annoncé une baisse des taux d’intérêt. Et si, se sontils alarmés, l’inflation allait à nouveau s’enflammer? Après tout, depuis deux ans, la BCB avait agi dans le sens inverse, durcissant sa politique monétaire afin de freiner une économie alors en plein boom. Mais même avec les conditions parmi les plus dures au monde (le taux actuel est de 12%), l’institut n’arrive pas vraiment à brider une hausse des prix supérieure à 7,2%. Et pourtant, d’autres baisses de taux sont attendues ces prochains mois. Mais Alexandre Tombini doit répondre à un défi beaucoup ues leimarcelino reuters L dilma roussef Le Brésil, dont elle est présidente, a une monnaie forte qui nuit à ses exportations. Comme la Suisse. plus inattendu dans un pays mieux connu pour son instabilité passée. Comme la Suisse, le Brésil a une monnaie si forte qu’elle nuit à ses exportations. En deux ans, le réal s’est apprécié de 46% face au dollar en raison de l’afflux massif de fonds cherchant à s’investir dans ce qui est toujours considéré comme un eldorado. Et comme la Suisse, le Brésil voit sa croissance se tasser fortement, sous le double effet de la hausse de sa monnaie et de la baisse de la conjoncture mondiale. Alors qu’elle dépassait 9% à la fin 2010, elle n’est plus que de 3,1% au 2e trimestre de cette année. «Cette situation a rendu nerveux le gouvernement de Dilma Roussef, la nouvelle présidente, qui a suscité l’intervention de la banque centrale. Quitte à ins- tiller le doute sur son autonomie et à provoquer un dérèglement de la machine économique», opine Yves Kuhn, gérant d’un fonds en actions émergentes chez Swisscanto. Le cas du Brésil est particulier en ce sens qu’il révèle un nouvel aspect des pays émergents. Contrairement à des modèles dominants comme la Chine, «usine du monde» tournée vers l’export de biens manufacturés, le géant sud-américain croît essentiellement grâce à son marché intérieur, grâce aux revenus de la vente de matières premières à l’étranger. «Soft landing» à Ankara? D’autres, comme la Turquie, n’ont pas cette chance. Très orientée vers l’Europe, la patrie d’Atatürk vient de vivre un boom économique sans précédent, qui a étendu la sphère de prospérité des côtes vers l’intérieur des terres, au point de rendre méconnaissables de petites cités anatoliennes et de créer de monstrueux embouteillages sur les autoroutes urbaines de la mégalopole d’Istanbul. Mais depuis août, la banque centrale n’exclut plus une nouvelle récession. «Depuis quelques mois, les affaires ralentissent», témoigne Vedat Kirisçi, ancien président de la Chambre de commerce turco-suisse sur les rives du Bosphore. De fait, la croissance, qui s’élevait encore à 11% au début de l’année, ne devrait plus être que de 5,3% l’an prochain, prévoit l’OCDE. La crise révèle aujourd’hui des déséquilibres structurels que les dernières années de croissance avaient laissés dans l’ombre. Le pays achète à l’extérieur plus qu’il ne vend. Le déficit de la balance des paiements atteint le sommet de 6,6% du PIB, un niveau inégalé depuis la crise de 2001. De quoi susciter les inquiétudes des marchés financiers. «La question du financement de cet écart est toujours plus pressante, la part des prêts à court terme, spéculatifs, étant élevée. Le pays est donc vulnérable à une crise de méfiance qui entraînerait un retrait de ces fonds et risquerait de déboucher sur une crise du crédit», note Agnès Arlandis, stratège chez HSBC à Genève. Signe de la défiance, la livre turque a reculé en un an de 22,5% face à l’euro, la principale devise des échanges extérieurs du pays. C’est le recul le plus marqué d’une monnaie émergente. Cette baisse est accentuée par la crainte du pays face à l’inondation de «hot money», ou fonds investis à très court terme. Abondants lors des phases de croissance, ces fonds fuient à la première alerte. Or, le pays a fragilisé sa situation financière. L’Hebdo 15 septembre 2011