Le mot du metteur en scène
Je pense qu’il y a une raison à la pérénité des auteurs. Si le temps trie et ne garde que certains de
ceux qui ont écrit, je pense qu’une chose compte plus que tout, leur musique. Vitez considérait tous
les textes de théâtre comme de la poésie et je suis de son avis. Aussi me suis-je posé la question
sur Feydeau : «Qu’est-ce qui fait que Feydeau a perduré ?» «Pourquoi est-il toujours un grand
auteur de théâtre que le temps n’a pas effacé ?»
Et en me plongeant dans ce mystère j’en ai découvert une des causes. Pour moi la plus intéressante.
Feydeau est un peintre. Qui plus est un peintre impressionniste. Sa poésie ne réside pas en un vers,
une strophe, un monologue. Non. Sa poésie réside dans toutes ses petites touches de peinture qu’il
appose les unes aux autres. Et tout comme dans un Degas, tout comme dans un Monet, de ces
petites phrases qui se complètent, nait le mouvement.
C’est ce mouvement, c’est cette force vive qui m’a appelé au plateau.
Et La Duchesse des Folies Bergère est une des pièces les plus mouvementées de Feydeau. Son
acte chez Maxim contient plus de quarante personnages qui s’entrechoquent, se coupent la parole,
se battent, s’embrassent et dansent ensemble. De ce monstre quasi-fellinien ressort une impression
de Carnaval, de Saturnales et donne à cette pièce une vraie intérrogation sur la question de la
hierarchie sociale.
Ou plutôt comment se défaire de la hierarchie sociale.
Dans cette pièce, tous les personnages sont empêtrés dans leur rôle. Ils bougent, parlent, réagissent
comme le garçon de café de Sartre. Ils «jouent à être». Tous, sauf La Duchesse. Celle-là décide
quand bon lui semble de jouer la lle légère ou la grande dame et d’alterner selon la situation. Elle
a compris que pour se jouer du système il faut jouer tout court.
Alors il m’a semblé cohérent d’axer toute cette pièce autour de ce sujet. De poser une soirée folle
où un Saturne désenchaîné, Chauvel, viendrait distribuer les rôles aux acteurs pour tenter de les
libérer. Et à cause de cet élement perturbateur, de ce Carnaval, tous les protagonistes de la pièce
vont être confronté à un choix crucial : accepter ou non de jouer la comédie.
La mise en scène
- La direction d’acteur
An de faire entendre la musique de Feydeau, son universalité, son intemporalité, il était important
pour nous de se défaire du XXème siècle. Aussi, le travail de direction d’acteur s’est axé en premier
lieu sur la déconstruction systématique des présupposés que nous avions sur une phrase, une
réplique, un dialogue. Une fois la «mécanique» de Feydeau mise à mal, nous avons pu commencer
à construire notre propre rythme, nos propres images, modernes, contemporaines, organiques.
Cela a constitué la fable.
Une fois la fable integrée, les acteurs ont pu jouer avec, dans le code de jeu xé.
Ce code de jeu reète mon propos sur la pièce : La question de la hierarchie sociale. Ainsi, alors
que des poupées de chiffon servent à n’importe quel rôle qu’on veut bien leur donner, les acteurs,
eux, oscillent entre des corps entravés par le «jouer à être», proche de ces poupées inertes, et des
corps libres, forts, beau, car ils ont accepter de pleinement exprimer leur nature.