FEYDEAU À LA FOLIE Une lente consécration par le théâtre public

Le jeune Truffaut, qui venait d’ache-
ver son troisième film, Jules et Jim,
s’est bien rendu à Hollywood pour
convaincre son idole de lui accorder
cinquante heures d’interview afin d’en
tirer un livre. Comme dans la pièce,
Hitchcock s’est d’abord montré très
réticent. Truffaut l’a convaincu et ces
entretiens restent, aujourd’hui encore,
le plus riche, le plus formidable, le
plus passionnant – bref, le meilleur –
de tous les livres jamais écrits sur le
cinéma2.
Dans ce livre, Hitchcock raconte à
Truffaut certaines blagues qu’il a faites
et d’autres qu’il avait envie de faire –
et fera d’ailleurs plus tard. Le canular
inventé par Alain Riou et Stéphane
Boulan traduit parfaitement le carac-
tère d’Hitchcock. Comme son inter-
prète, un comédien excellent écossais
, Joe Sheridan, réussit à en être le
savoureux sosie.
Avec un jeune acteur prometteur
(Mathieu Bisson) dont le profil res-
semble étrangement à celui de Truffaut
et une comédienne ambiguë et très
drôle (Patty Hannock) dans le rôle de
madame Hitchcock, Hitch est un spec-
tacle hitchcockien qui devrait ravir
aussi bien les cinéphiles que les théâ-
trophiles.
Claude-Marie Trémois
FEYDEAU À LA FOLIE
Une lente consécration
par le théâtre public
Il y a des années que Feydeau
(1862-1921) est entré dans le théâtre
public et n’est plus spontanément mis
en scène comme du vaudeville. Vau-
deville, voilà un mot quasiment cen-
suré dans le théâtre français dès lors
que la République aimait l’esprit de
sérieux et réservait le vaudeville aux
boulevards. Le républicain, même s’il
se moquait des valeurs catholiques,
défendait en bon bourgeois les vertus
de la famille et faisait des secrets de
famille des affaires à la marge, des his-
toires de vaudeville qui étaient à la
même époque le principal terrain de
chasse du docteur Freud. Le monde
hypocrite et coincé dans ses désirs de
la IIIeRépublique, celui que regarde
et scrute Feydeau, celui où il vaque
avec sa conscience malheureuse, avait
donc décrété que la scène publique ne
devait pas se prostituer avec les mau-
vaises mœurs. C’est pourquoi une tra-
gédienne comme Sarah Bernhardt
incarnait à elle seule le sérieux du
théâtre à l’époque1.
Feydeau,
un vaudevilliste !
Pourtant au Théâtre français, celui
de Molière dont on peut voir en cette
deuxième semaine de janvier le fau-
teuil vide du Malade imaginaire sur la
Journal
2. Sorti en 1966 sous le titre le Cinéma selon
Hitchcock, il a été réédité plusieurs fois sous le
titre actuel Hitchcock-Truffaut, Paris, Robert Laf-
font.
1. Ce texte puise dans les articles du numéro
des Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française
consacré à Feydeau, novembre 2010. La pre-
mière partie porte sur l’ancrage historique (la
IIIeRépublique du théâtre de Feydeau), la
deuxième sur les ressorts du vaudeville, et la
troisième sur les mises en scène successives de
Feydeau.
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