NOTE
pour la présente publication sur le site du Réseau Intelligence de la complexité MCX-APC,
octobre 2005
La traduction française du De nostri temporis studiorum ratione de Vico que l'équipe
d'animation du réseau Intelligence de la Complexité MCX-APC souhaite accueillir sur
son site Internet, à l'initiative le Professeur Jean-Louis Le Moigne, a été publiée en 1981,
par l’éditeur Grasset, dans un volume où figurait aussi la traduction de l’autobiographie
intellectuelle du philosophe italien (Vie de Giambattista Vico écrite par lui-même), ainsi qu’un
choix de Lettres. Je suis très heureux que ce travail soit de nouveau accessible, car il avait
attiré l’attention d’un public plus large que celui des spécialistes de l’histoire de la
philosophie, dans la mesure où il était apparu que ce discours latin, prononcé à Naples
en 1708, devant les étudiants de l’Université, par un obscur professeur de rhétorique,
avait des résonances particulièrement actuelles de nos jours.
Dans ce texte, en effet, Vico s’interroge sur l’orientation que les études, et par là-
même la pensée en général, ont prise en Europe depuis que Descartes, et plus encore
ceux qui se réclament de lui, ont imposé une sorte de dictature intellectuelle. En
prétendant étendre à tous les domaines du savoir la méthode de l’analyse géométrique, le
cartésianisme a coupé les jeunes gens de la tradition de l’humanisme rhétorique, et a
cherché à étouffer en eux tout ce qui relève du domaine de la sensibilité, de la mémoire
et de l’imagination, c’est à dire des facultés prédominantes dans la jeunesse. Il a empli
leur tête, dira Vico dans une lettre de 1729, « des grands mots de ‘démonstrations’, d’
‘évidences’, de ‘vérités démontrées’, les préparant ainsi à entrer dans un monde des
hommes qui serait composé de lignes, de nombres et de signes algébriques ».
A ce monde cartésien abstrait, sec, menacé par ce qu’il appellera plus tard, dans sa
Science nouvelle (1744), la « barbarie de la réflexion », Vico oppose le monde humain réel,
dans sa richesse et sa complexité, celui qui est créé, « inventé » par les hommes eux-
mêmes, création et invention qui mettent en œuvre la totalité de leurs facultés, en
particulier leur ingenium qui n’est pas un simple instrument de déduction, mais une
puissance inépuisable d’innovation. En ce sens, on comprend pourquoi les
épistémologies constructivistes actuelles, qui s’efforcent de trouver des méthodes et des
paradigmes permettant de mieux rendre compte de la complexité du réel que ne le font,
depuis Descartes, les épistémologies positivistes, peuvent à bon droit se réclamer de
Vico.
Depuis 1981, les études vichiennes se sont considérablement développées dans le
monde entier, et même en France, comme nous allons le voir, bien que notre pays
continue à accuser dans ce domaine un retard qui n’est pas encore comblé. On
comprendra donc que les références bibliographiques indiquées dans l’Introduction et dans
les Notes de cette traduction demanderaient à être mises à jour et enrichies grâce aux
travaux publiés au cours des vingt-cinq dernières années sur le De nostri temporis studiorum
ratione et sur les questions historiques et philosophiques qu’il soulève, ainsi que sur la
pensée de Vico en général. Mais il s’agirait-là d’un travail de longue haleine, qui n’a pas sa
place ici, puisque la seule ambition de cette publication sur un site internet est de
permettre l’accès à ce texte lui-même. Cependant il m’a paru utile d’indiquer les titres de
quelques ouvrages importants, traductions et monographies, parus dans notre pays
4