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L’histoire européenne du
siècle passé est pleine
d’exemples de philosophes,
écrivains et juristes qui, ci-
toyens de sociétés démocra-
tiques, communistes ou fas-
cistes, ont soutenu et justifié
des principes totalitaires et
des régimes terrifiants. Mais
comment des intellectuels,
dont le devoir supposé est
d’être vigilants face aux démons de la tyrannie,
peuvent-ils trahir les idéaux de liberté et d’un
droit d’enquête indépendante ? Comment peu-
vent-ils adopter une position qui, implicitement
ou non, approuve l’oppression et la souffrance
humaine à une si grande échelle ?
À travers les portraits et trajectoires de Mar-
tin Heidegger, Carl Schmitt, Walter Benjamin,
Alexandre Kojève, Michel Foucault et Jacques
Derrida, Mark Lilla démontre comment ces
penseurs, tous leurrés par les idéologies et les
bouleversements de leurs temps, ont préféré
fermer les yeux sur l’autoritarisme, la bruta-
lité et l’état de terreur. Il montre ainsi comment
les intellectuels débordés par leurs passions
peuvent être conduits à frayer une sphère po-
litique qu’ils comprennent à peine. Ce qui a des
conséquences capitales dans nos vies politique
et intellectuelle.
À l’automne 1998, un an après
la mort du penseur juif britan-
nique d’origine russe Isaiah
Berlin, le New York Institute
for Humanities organisa une
conférence afin d’estimer et
de réfléchir à son héritage in-
tellectuel. Les spécialistes qui
y participaient consacrèrent
leur attention à la question
du pluralisme, qui pour Ber-
lin était l’élément central des valeurs libérales.
Cette croyance en le pluralisme était au cœur
de ses écrits philosophiques aussi bien que de
ses études sur la politique contemporaine et sur
l’histoire des idées. Les exposés réunis dans ce
volume s’attachent surtout à trois aspects du
concept de pluralisme tel que l’entendait Berlin.
Aileen Kelly, Mark Lilla et Steven Lukes relatent
le développement et les conséquences de sa dis-
tinction entre les « hérissons », ces penseurs qui
ont une théorie unique et unifiée de l’action et de
l’histoire humaines et les « renards », qui croient
en une multiplicité et résistent à l’impulsion
d’assujettir l’humanité à une vision universelle.
Ronald Dworkin, Bernard Williams, Thomas
Nagel et Charles Taylor examinent comment le
libéralisme peut être soutenu malgré l’idée de
Berlin selon laquelle des valeurs également lé-
gitimes telles que la liberté et l’égalité peuvent
être absolument incompatibles. Avishai Marga-
lit, Richard Wollheim, Michael Walzer et Robert
Silvers discutent le plaidoyer de Berlin en faveur
de l’État d’Israël et ses espoirs de l’entrevoir
comme un endroit où les valeurs souvent op-
posées de libéralisme et de nationalisme pour-
raient trouver une résolution harmonieuse.
The
Legacy of Isaiah Berlin
inclut non seulement les
contributions des invités mais aussi la retrans-
cription des échanges entre eux et avec le public
de chaque session. Les deux journées de discus-
sion conservées ici démontrent comment la pen-
sée vive et pertinente d’Isaiah Berlin continue de
nourrir les débats sociaux et politiques actuels.
Les quinze dernières an-
nées en France ont vu se
développer de nouvelles et
remarquables recherches
en philosophie politique.
Cette anthologie fait
connaître pour la première
fois en langue anglaise les
essais de quelques-uns des
meilleurs jeunes penseurs
politiques français écrivant
aujourd’hui, parmi lesquels Marcel Gauchet,
Pierre Manent, Luc Ferry et Alain Renaut. Ces
essais ont pour objet principal la démocratie li-
bérale : sa nature, son développement, ses pro-
blèmes, sa légitimité fondamentale. Bien que
ces thèmes soient familiers aux lecteurs amé-
ricains et anglais, l’approche française – qui est
profondément historique et enracinée dans la
tradition de la philosophie européenne – est as-
sez différente de nos usages.
Également dans ce recueil, une série d’articles
revus de critiques français sur la société libé-
rale (Lévi-Strauss, Foucault, Bourdieu) et de
classiques libéraux européens (Kant, Constant,
Tocqueville). Les perpétuelles controverses sur
la nature de l’ère moderne et le rôle qu’y joue
la religion tiennent une place centrale à travers
tout le recueil. Enfin, l’ouvrage inclut un débat
sur les fondements des droits de l’homme et
sur la nature de l’ordre politique libéral. Et la
partie conclusive présente quelques-uns des
nouveaux ouvrages sociologiques sur l’indi-
vidualisme moderne, ses plaisirs et ses insa-
tisfactions. L’introduction de Mark Lilla fournit
le contexte historique de ce renouveau de la
pensée politique française en matière de libé-
ralisme et offre une analyse de ce que les lec-
teurs américains et anglais peuvent apprendre
de ces réflexions.
The Reckless Mind : Intellectuals and Politics
(New York Review Books, 2001) (NON TRADUIT)
New French Thought : Political Philosophy
,
anthologie, introduction par M. Lilla (Princeton
University Press, 1994) (NON TRADUIT)
L’érudit napolitain Giovanni
Battista Vico est considéré
comme le premier phi-
losophe de l’histoire mo-
derne, un jugement que
lui vaut surtout son obscur
chef-d’œuvre,
La science
nouvelle
(connu en France
sous le titre de
Principes
de la philosophie de l’his-
toire
). Dans son essai, Mark
Lilla complique encore ce portrait en faisant
de Vico l’un des plus troublants penseurs an-
ti-modernes. Fouillant les tout premiers écrits
de Vico, souvent négligés, sur la métaphysique
et la jurisprudence, Lilla révèle les profondes
réserves du philosophe quant à la pensée mo-
derne et montre comment sa philosophie de
l’histoire a germé de ses doutes les plus te-
naces. Certains de ses ouvrages non traduits,
dont
Universal Rights
(1720-1722), traité sur
la loi naturelle, révèlent chez Vico une pensée
profondément politique et théologique qui, au
scepticisme corrupteur de la vie moderne, op-
posait la légitimité des traditions d’une Rome
idéalisée. Vico blâmait explicitement les fon-
dateurs de la philosophie moderne pour leur
scepticisme, Descartes en particulier. Replacée
dans le contexte de sa critique du scepticisme,
la « nouvelle science » de l’histoire de Vico ap-
paraît sous un jour nouveau. Bien que moderne
dans sa forme, on peut la voir ici pour ce qu’elle
était : une justification pessimiste de l’autorité
divine contre la liberté et la raison qui carac-
térisent l’âge moderne. Cette introduction au
personnage de Vico rétablit tous les éléments
de ses théories sur l’autorité, la politique et la
religion civile dans leur juste rapport à sa théo-
rie de l’histoire. À ce titre, elle soulève des in-
terrogations sur le développement ultérieur de
la tradition anti-moderne en se penchant sur
les sciences historiques et sociales de notre
époque.
G.B. Vico : The Making of an Anti-Modern
(Harvard University Press, 1994) (NON
TRADUIT)
The Legacy of Isaiah Berlin
, ouvrage collectif
(New York Review Books, 2001) (NON TRADUIT)