12 A. CHAMBERT-LOIR
Ce dernier corollaire permet de d´emontrer que la r´eciproque du corollaire 1.2
n’est pas vraie. Il y a des polynˆomes P∈Q[X]de degr´e4,irr´eductibles sur Q,
dont la r´esolvante cubique Qest encore irr´eductible sur Q;onpeutprendrepar
exemple P=X4−X−1. Le corps FPengendr´e par les racines complexes de P
contient les racines de Q, qui sont toutes de degr´e3.Parcons´equent, le degr´e
de FPest un multiple de 3, donc n’est pas une puissance de 2. Cependant, il est
bien connu que la r´eciproque du corollaire 1.4 est vraie, donc fournit une condition
n´ecessaire et suffisante pour qu’un nombre complexe soit constructible.
Th´eor`eme 2. Un nombre complexe est constructible si et seulement si c’est un
nombre alg´ebrique et que le corps engendr´e par ses conjugu´es est une extension
finie de Qde degr´e une puissance de 2.
La d´emonstration de ce th´eor`eme est souvent faite au moyen de th´eorie de Galois.
La d´emonstration qui suit figure en exercice dans [1, 2] et est plus ´el´ementaire ;
elle s’inspire d’une preuve classique du th´eor`eme de d’Alembert-Gauss, voir par
exemple [3] et constitue la seule partie peut-ˆetre originale de cette note.
D´emonstration. Soit zun nombre alg´ebrique, de degr´ed, de conjugu´es z1,...,zd.
Supposons que le degr´educorpsF=Q(z1,...,zd)soit une puissance de 2.
Puisque ce corps contient Q(z1),dontledegr´eestd, cela entraˆıne d´ej`a que dest
une puissance de 2. Raisonnons maintenant par r´ecurrence sur d.
Soit c∈Q.SoitPl’ensemble des paires {i,j}d’entiers distincts satisfaisant
1i,jd. Pour toute telle paire p={i,j}, posons zp,c=zi+zj+czizjet
soit Qcle polynˆome p∈P (X−zp,c).Onleconsid`ere comme un polynˆome en X
dont les coefficients sont des polynˆomes en z1,...,zd. Toute permutation des zi
induit une permutation de l’ensemble des paires Pet laisse donc le polynˆome Qc
inchang´e. Par cons´equent, les coefficients de Qcsont des polynˆomes sym´etriques
en z1,...,zd(`a coefficients dans Q). D’apr`es le th´eor`eme fondamental sur les
fonctions sym´etriques,2ce sont des fonctions polynomiales `a coefficients ration-
nels en les coefficients du polynˆome minimal de z1, donc des nombres rationnels.
Autrement dit, Qc∈Q[X].
Toute racine de Qcengendre une extension de Qcontenue dans F; son degr´e
est donc une puissance de 2. Ainsi, les degr´es d1,...,de, des facteurs irr´eductibles
Qc,1,...,Qc,ede Qcsont des puissances de 2, disons di=2ai.Onad1+···+de=
1
2d(d−1). Notons aussi d=2a;l’exposantde2aumembrededroitedela
relation pr´ec´edente est ´egal `aa−1 ; au membre de gauche, il est au moins ´egal `a
min(a1,...,ae).Celaentraˆıne qu’au moins l’un de a1,...,ae,disonsas,estinf´erieur
ou ´egal `aa−1. En d’autre mots, dsdivise d/2.
Les racines de Qc,ssont de la forme zi,j,c; leur degr´e est une puissance de 2 qui
divise d/2<d. Elles engendrent un sous-corps de F, sous-corps dont le degr´eest
donc aussi une puissance de 2. Par l’hypoth`ese de r´ecurrence, les racines de Qc,s
sont constructibles. Cela d´emontre qu’il existe une paire p∈Ptelle que zp,csoit
constructible.
2Pour ˆetre pr´ecis, il faudrait d’abord raisonner en rempla¸cant les zipar des ind´etermin´ees Zi,
d´efinissant ainsi un polynˆome Q∗
cdont les coefficients sont des ´el´ements de Q[Z1,...,Zd], appli-
quer le th´eor`eme fondamental sur les polynˆomes sym´etriques `aQ∗
cet ´evaluer enfin en (z1,...,zd).
SMF – Gazette – 118, octobre 2008