Quelques originalités géopolitiques de l’Afghanistan
GéostratéGiques n° 27 • 2e trimestre 2010
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provoquer des déplacements massifs de populations. Mais aujourd’hui encore, plus
de 60% des Afghans sont des agriculteurs.
Sa deuxième originalité résidait dans le fait qu’il avait été jusqu’en 1979 un no
man’s land pour les deux blocs et, c’est sans doute l’un des rares pays du tiers-monde
à avoir proté simultanément des aides américaine et soviétique. En ce sens, il était
demeuré l’État tampon créé au
e
siècle par les impérialismes russe et anglais. Plus
encore, il avait été l’objet d’une particulière sollicitude de la part des organismes
internationaux, puisqu’ils y avaient délégué dès 1960 un grand nombre d’experts,
au moins le double de celui qu’on pouvait compter en Inde par exemple.
Troisième originalité, enn, le pays s’était brusquement ouvert aux étrangers
et à l’économie moderne vers 1950. Les transformations brutales qui en avaient
résulté sont indubitablement à l’origine d’une accélération relativement forte du
mouvement d’urbanisation, lequel avait surtout proté à Kaboul, Kandahar et
Hérat, les villes du Nord comme Maïmana et Mazar-i Charif restant en dehors
des premiers eets de la croissance parce qu’elles étaient bloquées au nord par la
frontière soviétique.
Presque totalement inconnu des Français jusqu’à une époque assez ré-
cente, l’Afghanistan était devenu à la mode dans les années 1960 chez les jeunes
Occidentaux hippies qui empruntaient la route afghane pour se rendre à Katmandou
où les attendaient les délices libératoires du haschisch! Bien plus encore, l’améliora-
tion des réseaux routiers turc et iranien, en mettant Kaboul à douze jours de voyage
des capitales européennes, avait transformé, à partir des années 1970, en excursion
un peu longue un voyage qui jusqu’en 1965 se révélait une véritable expédition.
Mais c’est l’invasion du pays en 1979 par les Soviétiques qui a sonné le glas de
l’Afghanistan heureux. On se rappelle encore les eorts des communistes fran-
çais, qui tentèrent d’expliquer à l’opinion publique de notre pays qu’il y avait là
une libération destinée par ailleurs à réduire les privilèges féodaux et à interdire le
droit de cuissage. On sait que l’Afghanistan fut contraint en 1979 de signer avec
Moscou un traité d’amitié qui permit à Babrak Karmal, communiste aux ordres
des Soviétiques, de renverser son rival, Amin, dont le radicalisme révolutionnaire
avait erayé les dirigeants du Kremlin eux-mêmes.
Jusqu’en 1989, la résistance afghane, qui comprenait près de 200000moudja-
hidine, épaulés par des milliers de volontaires étrangers et armés par les États-Unis,
l’Arabie Saoudite, l’Égypte, la Chine et Israël, parvint à empêcher l’installation