un dominicain a kaboul: "j`ai connu et aime l`islam

publicité
Liberte Politique
UN DOMINICAIN A KABOUL: "J'AI CONNU ET AIME L'ISLAM
AFGHAN D'AUTREFOIS"
Article rédigé par Serge de Beaurecueil, op, le 31 octobre 2001
PARIS,[DECRYPTAGE/témoignage] - Religieux dominicain, ce sont mes études sur un maître spirituel
ayant vécu dans la ville de Férat au XIe siècle, Abdullâh Ansârî, qui m'ont conduit à Kaboul. J'y suis resté
trois mois avec une mission du CNRS en 1955-56.
J'y suis revenu en 1962, invité par le gouvernement afghan, pour un séminaire. " Pourquoi ne restez-vous
pas chez nous ? Nous savons que vous êtes religieux chrétien, mais nous avons confiance en vous ",
m'a-t-on dit. Et j'ai signé un contrat avec la Faculté des lettres, pour y enseigner... l'histoire de la mystique
musulmane !
Par la suite, 20 ans durant, j'ai surtout travaillé dans un lycée, dont tous les élèves, à part quelques hindous,
étaient musulmans. J'ai aussi accueilli chez moi des enfants éclopés ou malheureux, sans que personne ne
s'en offusque, bien au contraire. Plusieurs fois ne m'a-t-on pas dit : " C'est toi le vrai musulman ! Nos mollah
ne recueillent pas de pauvres gosses... " ?
À part les quelques étrangers, libres de pratiquer leur culte dans la chapelle de l'ambassade d'Italie, il n'y a
pas que des chrétiens en Afghanistan. Les musulmans que j'y ai connus, dans les milieux officiels, chez moi,
comme au lycée, étaient de confessions diverses : une majorité d'entre eux étaient sunnites, mais il y avait
également une importante minorité chi'ite et même des ismaïliens, assez mal vus des uns et des autres. Il y
avait entre eux quelques tiraillements, dus tant aux différences ethniques qu'aux appartenances religieuses.
Dans ma maison, où nous étions une bonne vingtaine, ces oppositions étaient surmontées, au point de
former une vraie famille, où chacun respectait la liberté de l'autre.
Dans l'islam que j'ai connu là-bas, à part de rares exceptions, je n'ai jamais trouvé de fanatisme. Celui des
tâlibân vient de la formation reçue au Pakistan, où sévit l'école théologique de Déoband, connue pour son
littéralisme et son étroitesse d'esprit.
Avant la conquête par les Pachtouns et la formation de l'Afghanistan dans ses actuelles frontières actuelles,
le pays n'était qu'une partie de la grande province du Khorâsân qui, sous différentes dynasties, se caractérisa
des siècles durant par sa culture. J'ai parlé d'Ansâri, au XXe siècle. Mais il me faut citer aussi les grands
poètes que furent Firdawsî, Sanâ'î, Djâlâluddîn Rûmî (né à Ballkh avant d'émigrer vers l'actuelle Turquie),
Djâmî, etc. et l'admirable miniaturiste du XVe siècle, Behzâd.
Cette longue tradition à la fois culturelle et spirituelle ne pouvait que marquer l'islam afghan tel que je l'ai
connu.
Les vingt dernières années, avec les communistes, puis les combats fratricides entre résistants, et enfin les
tâlibân, ont malheureusement été néfastes à la recherche de Dieu dans un esprit de tolérance et d'amour.
Mais ce n'est là, souhaitons-le, qu'une crise passagère et nous retrouverons, si Dieu le veut, l'islam afghan
d'autrefois, le vrai, celui que j'ai connu et aimé.
Serge de Beaurecueil, op, a publié " Un chrétien en Afghanistan " (Cerf, 1984) et " Mes enfants de Kaboul "
(Cerf, 1992).
1/1
Téléchargement