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• des institutions de soins : il ne s'agit donc pas d'évaluer, par exemple, la productivité d'une
entreprise dont l'efficacité se mesure au chiffre d'affaires1. A l'inverse, cela signifie que
l'évaluation porte sur des éléments eux-mêmes complexes, puisque les objectifs énoncés sont
des résultats à obtenir simultanément dans divers champs –médical, psychologique, social–
en interaction (pour rappel, "répondre rapidement et efficacement aux demandes", "améliorer la
qualité de vie", etc. — Cf. Supra) ;
• des institutions dont l'installation est récente : la période de fonctionnement à évaluer est
donc brève (avril 1997 pour la MASS de Charleroi, février 1998 pour la MASS de
Mons) ;
• des institutions qui dépendent financièrement de l'Etat fédéral : qui se trouve être aussi le
commanditaire de l'évaluation ;
• des institutions qui travaillent dans le champ des toxicomanies : où la question de
l'évaluation est de toute manière une question délicate étant donné la pluridisciplinarité et
la complexité propre du champ ;
• des institutions dont le projet implique un dispositif inédit (Cf. Supra) : il n'y a donc pas
de point de référence pour l'évaluation, ni dans la pratique, ni dans la littérature
scientifique (patients non-classiques impliquant des dispositifs non-classiques) ;
• enfin, des institutions dont les textes fondateurs manquent de cohérence interne (Cf.
Supra) : il n'y a donc pas non plus suffisamment de points de référence opératoires pour
leur évaluation dans le Projet MASS.
Le statut scientifique de l'évaluation des MASS, étant donné le contexte dans lequel
celle-ci est organisée, est donc problématique2. Par ailleurs, les statuts organisationnel et
clinique de cette même évaluation soulèvent aussi des interrogations. En effet, les intervenants
de terrain estiment souvent qu'il y a une distance entre les préoccupations des pouvoirs
subsidiants, commanditaires habituels des évaluations, et les situations quotidiennes qu'elles
rencontrent. De même, ces intervenants peuvent estimer qu'il existe une distance entre leurs
pratiques et le point de vue théorique de chercheurs universitaires. Dès lors, les intervenants
peuvent se sentir mis en cause dans leur légitimité, et nier dans le même temps la légitimité
des chercheurs et de l'évaluation. En l'absence d'une telle légitimité, la recherche-évaluation est
condamnée à n'avoir aucune portée, et donc aucune utilité. La méthodologie de "recherche-
action" constitue une réponse à cet ensemble de difficultés. Cependant, le contenu spécifique de
cette méthodologie doit être clarifié.
1 L'on doit d'ailleurs signaler au passage que le cahier de charges de la recherche nous demandait d'étudier
l'efficacité des MASS. Tâche ardue s'il en est puisqu'aucun critère ne permet, à l'heure actuelle, de mesurer sans
équivoque l'efficacité d'un service de soins pour usagers de drogues en général, et a fortiori d'une institution
spécifique comme une MASS. Il y a par ailleurs un problème méthodologique si l'on cherche, par exemple, à
établir la comparaison entre un groupe de patients des MASS et un groupe contrôle (non-patients des MASS),
puisque ces institutions visent des personnes aux caractéristiques spécifiques, que les facteurs amenant des
patients vers les MASS ne sont pas le fait du hasard, et que les effets recherchés de la prise en charge sont
spécifiques. Sur cette question, on peut se référer à : Seligman M. E. P. ; The Effectiveness of Psychotherapy, in
The Consumer Reports Study, American Psychological Association, 1995
2 Sans mentionner ici les questions soulevées par le dispositif scientifique de l'évaluation, c'est-à-dire la répartition
des MASS à évaluer entre quatre équipes de recherche universitaires, aux disciplines différentes (droit pénal et
criminologie, droit de la Santé Mentale, psychiatrie, psychologie médicale, approche multidisciplinaire des
assuétudes, sociologie des organisations et du contrôle social), néerlandophones et francophones, publiques et
libres, catholiques et laïques…