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le shofar
revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique
N° d’agréation P401058 Septembre 2012 - n°337 / Tishri 5773
synagogue
beth hillel
bruxelles
L’action au cœur
des interactions
n°337 Septembre 2012/
Tishri 5773
N° d’agréation P401058
re v ue mensuelle de l a
commun auté isr aélite
libér ale de belgique
EDITEUR RESPONSABLE :
Philippe Lewkowicz
REDACTEUR EN CHEF : 
Luc Bourgeois
Secrétaire de Rédaction :
Yardenah Presler
COMITÉ DE RÉDACTION : 
Rabbi Marc Neiger, Gilbert Lederman,
Isabelle Telerman, Luc Bourgeois,
Philippe Lewkowicz, Ralph Bisschops
Ont participé à ce numéro du Shofar :
Anne De Potter, Henri Lindner,
Yardenah Presler
Mise en page : 
inextremis.be
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE
DE BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’entreprise  : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
80, rue des Primeurs
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
Fax 02 376 72 19
www.beth-hillel.org
[email protected]
CBC 192-5133742-59
IBAN : BE84 1925 1337 4259
BIC : CREGBEBB
RABBIN honoraire :
Rabbi Abraham Dahan
RABBIN : Rabbi Marc Neiger
président HONORAIRE :
Paul-Gérard Ebstein
président exécutif :
Philippe Lewkowicz
CONSEIL D’ADMINISTRATION : 
Président : Gilbert Lederman
Myriam Abraham, Luc Bourgeois, Anne
De Potter, Patrick Ebstein, Ephraïm
Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Willy
Pomeranc, David Raes, Gaëlle Szyffer,
Elie Vulfs, Pieter Van Cauwenberge
Les textes publiés n’engagent que
leurs auteurs.
Sommaire
5
EDITORIAL
Action et réflexion au cœur des interactions
(Luc Bourgeois, Rédacteur en chef)
Photo ci-contre: Franz Rosenzweig
Le mot du président exécutif
9 Promesses et engagements
5
(Philippe Lewkowicz)
Le mot du président du CA
13 Un nouveau Siddour, une preuve de vitalité
communautaire
(Gilbert Lederman)
Photo ci-contre: Rabbin François Garaï
Le mot du Rabbin 19
L'Etre Humain parlera à l'Eternel en ces
termes
(Rabbi Marc Neiger)
Les sens du texte 24 Ces justes qui sauvent l’humanité
(Henri Lindner)
28 Agenda
13
Judaïsme et histoire
34 Archéologie biblique et tradition juive
(Ralph Bisschops )
Ouverts sur le monde
43 Le Projet Aladin en Belgique
(Anne De Potter)
46 De pierre d'achoppement à pierre angulaire
(Yardenah Presler)
Envie de li(v)re
48 A pas aveugles de par le monde
(Isabelle Telerman)
49
34
Le temps d’un disque
Romances sépharades
Nos Bneï Mitzvah
50 Derasha de la Bar Mitzvah de Theo Keseman
52 Courrier des lecteurs
54 CARNET
43
54 Réflexions, citations, humour
55INFORMATIONS UTILES
cuisine
4
le shofar
Action et réflexion au cœur
des interactions
par Luc Bourgeois
L’histoire raconte que Franz Rosenzweig, le
philosophe allemand, désirait se convertir
au christianisme. Mais, avant de franchir le
pas, il est entré une dernière fois dans une
synagogue un soir de kippur, et a renoncé à
son projet de conversion. Histoire curieuse
d’un revirement, d’un retour, du renoncement
à changer de cap à la dernière minute.
Parmi les philosophes du XX ème siècle,
Rosenzweig a été éclipsé par Heiddeger,
Sartre et Lévinas. Cependant, il a développé
une pensée qui a pavé le chemin de ses successeurs. Par ailleurs, sa pensée s’est également cristallisée dans la symbolique de
l’étoile de David, reprise en couverture de
ce numéro du Shofar.
Dans le triangle dont la pointe est dirigée vers
le haut, il utilise chaque angle pour représenter : au dessus, le divin, en bas à gauche, le
monde, en bas à droite, l’individu. Chaque
angle du triangle dont la pointe est dirigée
vers le bas est prise entre deux angles du
triangle dont le pointe est dirigée vers le haut :
- La pointe inférieure représente le lien entre
l’individu et le monde : la rédemption
- L a pointe de droite représente le lien entre
Dieu et l’individu: la révélation
- La pointe de gauche représente le lien entre
Dieu et le monde: la création
Chaque année, les fêtes de Tishri et Sukhot
nous ramènent dans ces triangles, dans
l’humble position inférieure à droite. Fêtes
de retour sur soi et sur ses actions, fêtes de
retour vers les autres, ou l’Autre, quand nous
nous efforçons de remettre les choses à plat
pour un nouveau départ, rechargés de l’énergie estivale.
Cette édition du Shofar s’inscrit pleinement
dans les six éléments mis en place par Franz
Rosenzweig.
Notre président exécutif, Philippe Lewkowicz
dresse le bilan de l’année écoulée et des défis
et des perspectives qui s’ouvrent pour nous
en 5773. Comment Beth Hillel désire-t-elle
se profiler pour sa communauté, pour le yishouv, et pour le monde qui nous entoure ?
Gilbert Lederman, président du conseil d’administration et notre Rabbin Marc Neiger
abordent pour nous, de deux points de vues
différents, les nouveaux siddourim que nous
commencerons à utiliser après les fêtes austères. Une manière de chercher et retrouver
notre place dans la prière et dans notre rapport au divin, que ce rapport soit individuel
ou collectif/communautaire.
Le monde repose sur 36 Justes, dit la tradition. Mais d’où lui vient une telle affirmation ? Henri Lindner a décortiqué pour nous
les textes à l’aide d’outils peu usuels : un défi
à aborder la lecture de notre Torah comme
nous ne sommes pas habitués à le faire. Une
méthode (la Guematria) qui ne remplace pas
les autres, mais qui nous laisse perplexes.
Comme quoi le texte de la révélation demande
à être perpétuellement revisité et réinterprété
avec des méthodes toujours nouvelles.
Dans le même courant qui s’interroge sur
notre rapport à la révélation, Ralph Bisschops
nous invite à une relecture des vestiges
5
ÉD I TO RI A L
archéologiques bibliques. Comment relire notre
tradition à la lumière de données scientifiques
qui secouent nos concepts et nos convictions
relatives à l’histoire d’Israël, à sa chronologie et
à sa place dans le monde qui l’entourait.
Beth Hillel œuvre depuis toujours à l’ouverture au monde et à l’Autre : Anne De Potter
nous fait un compte rendu de l’état d’avancement du projet Aladin dans lequel Beth
Hillel joue, au côtés d’autres groupes, une
rôle important.
Dans la même veine, Beth Hillel a participé
très activement au projet Jorsala en l'honneur
duquel nous avons organisé un repas shabbatique. Yardenah Presler nous retrace ce
moment de convivialité et bonheur.
Isabelle Telerman analyse avec son œil qui
ne laisse rien au hasard un roman de Leib
Rochman, écrit en Yiddish dans les années
50. Sa conclusion nous incite à la fois à lire
attentivement son analyse et à découvrir
ce volumineux roman : « le silence est la
forme la plus pure d’expression d’une vérité
inaccessible ».
Enfin, ne refermez pas votre Shofar sans avoir
parcouru les nouvelles parfois surprenantes
de notre carnet, ainsi que le très intéressant
et élogieux – pour Beth Hillel - courrier que
nous avons reçu d’un lecteur assidu qui est
également un visiteur occasionnel.
Bonne lecture, bonnes fêtes de Tishri, hag
sameah.
■
Références à propos de Franz Rosenzweig et de son œuvre :
6
Salomon Malka, Franz Rosenzweig, le cantique de la révélation
Cerf, 2005, ISBN 978-2-20407-910-5
Gérard Bensussan, Franz Rosenzweig, existence et philosophie, PUF, 2000, ISBN
978-2-13050-662-1
Luc Anckaert, God, wereld en mens, het ternaire denken van Franz Rosenzweig, Universitaire
Pers Leuven, 1997, ISBN 978-9-06186-790-6
Franz Rosenzweig, L’étoile de la rédemption, Seuil, 2003, ISBN 978-2-02057-869-1
Franz Rosenzweig, Der Stern der Erlösung, Suhrkamp =verlag, 1988, ISBN 551-8-01973-1
http://fr.wikipedia.org/wiki/Franz_Rosenzweig
http://de.wikipedia.org/wiki/Franz_Rosenzweig
le shofar
Le rédacteur en chef et le comité de rédaction du Shofar adressent à ses lecteurs
ses vœux les plus sincères à l’occasion de Rosh Hashanah.
Nous souhaitons à chacun une année paisible et intéressante
à la lecture de votre magazine préféré.
------------Le conseil d’administration, le rabbin et le staff de Beth Hillel présentent à la communauté
et au Ychouv leurs vœux les plus fervents pour Rosh Hashanah.
Que la nouvelle année soit pour nous tous une année de santé, de prospérité,
de sérénité et de réussite dans les efforts de chacun.
------------Le conseil d’administration de Gan Hashalom souhaite à toute la communauté
une belle année 5773 dans la santé.
------------La communauté Israélite Libérale de Belgique - Synagogue Beth Hillel adresse à S.E. M
Jacques Revah, ambassadeur d’Israël en Belgique et au peuple d’Israël ses meilleurs vœux
à l’occasion de Rosh Hashanah. Que cette année 5773 voit disparaître les menaces et enfin
s’éclairer les rayons de la paix et d’harmonie dont Israël et le monde ont tant besoin.
7
8
le shofar
Promesses et engagements
par Philippe Lewkowicz
Chers amis,
Chaque rentrée est un nouveau défi, un nouvel
engagement, mais quand ce sont les mêmes personnes qui font à peu près les mêmes choses,
cela paraît plus facile. Or, depuis deux ans, il
y a eu beaucoup de bouleversements à Beth
Hillel, cela n’a pas été simple. Maintenant, c’est
l’apaisement, les structures ont été mises en
place et cette rentrée 5773 est un réel nouveau
commencement pour notre communauté.
D’abord au niveau de nos rabbins. Rabbi
Dahan a pris effectivement une pension plus
que méritée et il a tout naturellement été
nommé rabbin honoraire de Beth Hillel. Nous
lui souhaitons du repos et du calme mais ceux
qui le connaissent savent que sa vie est action
et nul doute que nous aurons encore le privilège de l’écouter.
Son successeur, Rabbi Marc Neiger, avec
nous depuis plus d’un an déjà, est le rabbin
en charge. Il a pris ses repères et a marqué les
offices de son empreinte. C’est une vraie satisfaction de constater aussi le succès de son
cours pour adultes qui a du être divisé en deux
sessions en raison de l’affluence. Beaucoup
d’entre vous connaissent déjà Rabbi Neiger,
ne fut ce que par les fêtes de Tishri 5772,
qu'il a animées aux côtés de Rabbi Dahan.
Il conduira seul les offices cette année. Or si
vous le connaissez, lui ne connaît pas encore
personnellement nombre d’entre vous. Il sera
ravi de vous rencontrer si vous le désirez. Un
mail ou un appel au secrétariat de la synagogue suffit pour prendre rendez vous.
Ensuite notre nouvelle secrétaire, Yardenah
Presler, qui en douceur, a succédé efficacement
à notre regrettée Giny. Sa gentillesse, sa disponibilité et son intelligence sont les outils
dont elle use pour donner au secrétariat une
ambiance de travail agréable et efficiente.
Nous avons aussi un nouveau concierge,
Roméo Calindas. Ce n’est pas secondaire
car beaucoup plus de choses que l’on pense
passent par lui, y compris la mise en place
des salles pour les offices, les fêtes, les cours
ou les repas communautaires. Son sourire est
communicatif.
Enfin le conseil d’administration a été
en partie renouvelé, ceux - bien trop peu
nombreux - qui ont assisté à l’assemblée
générale, ont participé à ce changement.
Certains sont partis, après avoir beaucoup
donné, ils souhaitaient passer la main ou
ont quitté la Belgique. Des plus jeunes ont
intégré le conseil, mais pas assez. Il est
important de préparer la communauté de
demain et de donner plus de voix à ceux qui
bientôt devront la prendre en main, car les
aspirations de la prochaine génération ne
seront pas, et c’est normal, les mêmes que
celles de ceux qui l’ont précédée.
L’année qui s’est terminée fut financièrement
très difficile. Il est probable que la crise économique a joué son rôle. Ces difficultés ont
été gérées par des économies structurelles
et avec l’aide d’amis mais il est fondamental,
pour l’année qui vient, que chacun apporte sa
pierre à l’édifice commun et, pour ceux qui ne
l’auraient pas encore fait, paient rapidement
leur cotisation. Tout ceci pour confirmer le
premier paragraphe de ce mot: l’importance
de cette rentrée. Nous avons devant nous une
année de promesses mais aussi d’engagements.
9
l e m ot d u pr és i d ent e x éc u t i f
Promesses aussi bien au sein de notre communauté, ainsi le Talmud Torah dont toute
l’équipe a travaillé d’arrache-pied pour préparer une rentrée de qualité avec un nouveau
programme et une nouvelle méthode de pédagogie, qu’au sein du Ychouv où des réflexions
importantes sont menées au CCOJB et où
- enfin - une concertation constructive se
crée entre le CCOJB et le Forum der Joodse
Organisaties.
Promesse fondamentale enfin pour le
judaïsme progressiste avec la nomination de
madame Miri Gold comme premier Rabbin
non orthodoxe d’Israël. Certes ce succès historique n’est qu’un premier pas sur un chemin
pavé d’embuches. Et la récente conférence
d’Amsterdam de tous les responsables du
judaïsme progressiste européen a montré
combien notre mouvement est vivant et en
expansion.
Mais engagements aussi à tous les niveaux.
Au sein de notre communauté où il y a
beaucoup à faire et l’aide de volontaires est
demandée et appréciée. Vous pouvez toujours contacter le secrétariat pour consacrer quelques heures occasionnellement aux
Bibliothèque de Beth Hillel
10
Nous avons le plaisir de vous annoncer que la bibliothèque a un nouvel horaire d'accueil:
Gaëlle sera là pour vous
TOUS LES LUNDIS DE 17H30 À 20H
et vous guidera dans vos recherches.
Elle pourra éventuellement vous accueillir à d'autres moments, sur simple demande.
Parcourez la liste des ouvrages disponibles sur notre site:
http://www.beth-hillel.org/publications/bibliotheque/catalogue
La bibliothèque est par ailleurs accessible
du lundi au jeudi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h00.
Pour tout renseignement, appelez le secrétariat au
02.332.25.28.
le shofar
divers travaux qui jalonnent l'année, dans la
détente et la bonne humeur bien sûr!
Au sein de la société belge et européenne
où nous devrons tous être vigilants et actifs
dans la lutte contre un antisémitisme dangereusement grandissant, et contre tous les
extrémismes. Il n’est pas acceptable que la
parole de la haine puisse s’exprimer si librement et violemment dans notre pays ou ailleurs en Europe. Les trop nombreux drames
et incidents en France, en Hongrie, en Grèce
ou ailleurs sont des signaux qu’on ne peut
plus qualifier simplement de clignotants.
Enfin nous devrons être encore plus solidaires de l’état d’Israël qui lutte trop souvent
seul contre les dangers qui menacent ouvertement son existence et encourager les efforts
de paix à laquelle aspire légitimement son
peuple. C’est donc avec conviction que nous
commençons une année qui sera belle pour
Beth Hillel mais qui demandera du travail et
des efforts à chacun de nous. Je ne doute pas
que vous aurez à cœur de partager ce travail
et ces efforts avec nous.
Une belle et bonne année à tous dans la paix,
la santé et la sérénité.
■
11
12
le shofar
Un nouveau Siddour,
une preuve de vitalité
communautaire.
par Gilbert Lederman
C’est avec le souffle qu’il insuffle aux offices
que le Siddour (le livre de prières) charpente
la ferveur spirituelle d’une communauté.
L’idée structurante du Siddour se retrouve
dans sa racine hébraïque ‫( סדר‬ordre). Le
Siddour est un ouvrage essentiel pour une
synagogue : les fidèles le suivent aux offices,
les enfants l’étudient au Talmud Torah et
les familles le consultent à la maison pour
prier et réfléchir. En fait, les membres d’une
congrégation s’approprient ce qui représente
pour eux, le réceptacle liturgique commun de
leur communauté.
Rien dans le judaïsme n’est jamais figé, ni
dans la réflexion, ni dans le temps. Sa liturgie a toujours évolué au cours de son histoire. Chaque communauté juive développe
son propre rite (‫נוסח‬, nousa’h). C’est même
grâce à des changements, parfois révolutionnaires, que le judaïsme subsiste depuis des
millénaires. Ces adaptations successives
sont nécessaires pour être en phase avec la
conscience de son temps, une caractéristique
typique de notre courant. C’est donc dans ce
contexte dynamique qu’un nouveau Siddour
peut s’imposer tout naturellement dans une
communauté.
C’est ainsi qu’avec bonheur, de longues
années durant - sa première édition datant
de 1982 -, notre communauté a suivi le
« Siddour Mizmor Chir Leyom Hachabbat »
constitué par Rabbi Abraham Dahan pour
les shabbatot. Aujourd’hui, gràce à la transition épanouie avec l’arrivée de notre nouveau
rabbin, Rabbi Marc Neiger, la transition vers
un nouveau Siddour est devenue légitime et
bienfaitrice.
Après les fêtes austères, le « Siddour Sefat
Haneshamah » (Le langage de l’âme) deviendra notre nouveau Siddour. Celui-ci, constitué par François Garaï, à l’aide de Pauline
Bebe et de Tom Cohen, à la demande de la
Fédération du judaïsme libéral en 1996, est
celui de nombreuses communautés européennes francophones.
Dans l’introduction du Siddour, joliment intitulée ‘De la plume d’oie au curseur virtuel’,
le rabbin François Garaï de la Communauté
Israélite Libérale de Genève, revient sur
son parcours personnel et son approche du
judaïsme. Issu de la Synagogue de l'Union
Libérale Israélite de France (ULIF) rue
Copernic à Paris, le rabbin nous rappelle
l’impact de ses séjours dans différentes communautés, de la yeshivah de Rav Kook z’’l à
Jerusalem à des synagogues aux Etats-Unis.
Le rabbin Garaï y est fasciné par l’expression
multiple de la ferveur religieuse. « Notre tradition nous apprend que dupliquer hier peut
être source de perdition, alors qu’innover
peut garantir la continuité » observe t-il dans
son édition de 2000.
Dans son introduction au « Siddour Mizmor
Chir Leyom Hachabbat », Rabbi Dahan rappelle ce midrash : « Qu’appelle t-on une
prière fardeau ? C’est celle où le priant
n’apporte aucune innovation ; et un autre
13
l e m ot d u pr és i d ent D U CA
rabbi atteste que c’est celle qui n’est pas
une supplication devant le Saint béni soitil ». Et ajoute ensuite : « C’est une mitsvah
de faire en sorte que la prière soit celle que
toute la communauté retrouve, comprend,
aime et chante avec ferveur ». C’est dans
cette tradition-là que s’inscrivent le rabbin
Marc Neiger et la Synagogue Beth Hillel avec
14
l’introduction d’un nouveau Siddour. Voilà
donc, une belle preuve de vitalité de notre
Communauté.
PS : La Communauté Beth Hillel remercie la
famille Gobbi de la Communauté Israélite
Libérale de Genève pour leur don de siddourim.
■
le shofar
15
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le shofar
L'Etre Humain parlera
à l'Eternel en ces termes
Vayomer haAdam el Adonaï lemor
par Rabbi Marc Neiger
Dans quelques jours nous célèbrerons l’ouverture de la nouvelle année. Pour Beth Hillel,
l’année 5773 sera l’occasion d’un important
renouvellement avec l’introduction d’un
nouveau siddour, d’un nouveau livre de
prières. Ce nouveau siddour, Siddour Sefat
Haneshamah, permettra non seulement le
remplacement de nos livres marqués par
l’usure, mais nous donnera aussi l’occasion
de rafraîchir et de moderniser notre liturgie.
Depuis le début de son histoire, la liturgie
juive, notre liturgie, a tenté de répondre à
deux besoins apparemment contradictoires;
d’un côté les premiers rabbins souhaitaient
conserver un aspect individuel et spontané telles que le présentent, en dehors des
psaumes, les quelques prières que l’on trouve
dans le Tanakh1 ; mais d’un autre côté, ils
devaient adapter la prière à un nouveau cadre
communautaire à mesure que la synagogue
remplaçait le Temple comme centre et forme
du culte Juif.
Avant l’invention de l’imprimerie, cette spontanéité s’exprimait à travers la liberté que
possédait celui qui menait la prière communautaire, le sheliach tsibbour, de modifier et
d’adapter le texte de la prière à son inspiration.
Personne ne possédait son propre siddour, le
sheliach tsibbour invitait la communauté à
répéter après lui ou à répondre par certaines
1
Voir par exemple 1 Samuel 1.11 et Nombres 12.13.
formules rituelles. Avec le temps, des versions
particulières du texte se cristallisèrent dans
chaque communauté. Le produit de ce processus est encore visible à travers les nombreuses variantes qui existent, même pour
certains textes fondamentaux comme la
Amidah. Aujourd’hui les versions Sépharades
et Ashkénazes de la Amidah contiennent de
nombreuses différences significatives en
plus de variations locales mineures propres
à chaque communauté.
Dans le temps aussi, le contenu de la prière
a évolué en incorporant des compositions
nouvelles qui venaient à la fois embellir,
interroger, compléter et expliquer le texte.
Les piyouttim, poèmes liturgiques, venaient
introduire et commenter le cœur de la prière,
un peu comme les explications qui, dans les
communautés libérales, viennent aujourd’hui
ponctuer l’office et remettre leur sens en
contexte. Ultérieurement, ces piyouttim ont
souvent été agrégés aux textes mêmes qu’ils
venaient introduire, en devenant inséparables.
Certaines modifications furent également le
fruit de l’histoire, et en particulier des persécutions et de l’isolement dont notre peuple
fut victime. Bien que le texte du Alénou, qui
conclut aujourd’hui nos offices, soit très
ancien, peut-être le 2ème siècle de notre ère,
il n’a été incorporé de manière systématique
à la liturgie qu’au 12ème siècle, peut-être à la
19
l e m ot d u r a b b i n
Siddour des femmes, les bénédictions du matin, en bas
on distingue "Isha velo ish: qui m’a faite femme et non
pas homme"
20
suite de l’exécution des martyres Juifs de
Blois en 1171, accusés de meurtre rituel et
condamnés au bûcher. Le texte du Alénou va
cependant évoluer, les autorités chrétiennes
vont imposer une censure au Alénou en y
voyant au travers d’une guématria 2 une
attaque contre le christianisme et même
l’islam. Plus récemment les communautés
libérales, tout en conservant le sens particulariste du Alénou, ont supprimé la charge
péjorative qui existait à l’encontre des autres
religions et la tentation correspondante et
inacceptable d’une supériorité d’Israël sur
les autres nations.
Depuis toujours le texte de nos prières
reflète le langage de l’être humain et l’évolution de notre relation, de notre dialogue
avec Dieu. Cette évolution se traduit aussi
dans la forme, que ce soit en prose ou divers
genres poétiques, que dans le fond. Si les
grands thèmes restent identiques, l’actualité et l’évolution de la société, l’influence
des autres religions font évoluer notre
questionnement. Il ne faudrait cependant
pas croire que certaines évolutions sont le
fruit d’un vent révolutionnaire moderne.
Certains textes, bien que devenus traditionnels et normatifs, furent très tôt remis en
cause parce qu’ils posaient un problème de
principe à ceux qui les récitaient. La forme
écrite de la prière n’a pas pour rôle de nous
enfermer dans une version immuable, mais
au contraire de provoquer la réflexion et la
réaction. Le plus souvent, la prière nous provoque pour nous inciter à l’action ; comme à
propos de l’étude, notre tradition ne considère par l’introspection comme une fin en
soi, la prière et l’introspection doivent nous
amener à agir et à réformer notre comportement vers plus de justice.
Mais si la prière ne correspond pas, ou plus
exactement, ne correspond plus à notre
pensée et sous-tend ce qui est devenu à nos
yeux l’affirmation d’une injustice ou d’une
contre vérité, est-il alors possible de continuer à réciter ce texte? Le texte de la Torah
est immuable, mais son sens est sans cesse
renouvelé par l’interprétation et les rabbins
n’ont souvent pas hésité pas à faire dire au
texte le contraire de son sens premier. Mais
la prière fonctionne à un autre niveau. Si la
prière exige parfois un engagement et une
réflexion pour en comprendre tout le sens,
nous ne pouvons pas être en conflit avec une
lecture directe du texte.
Dans cet esprit, une des modifications et
signature du Judaïsme libéral est la suppression de la bénédiction du matin «Béni soisTu, Eternel notre Dieu, Roi de l’univers, qui
2
robablement du Grec geometria (Géométrie), interprétation du texte par la mesure des mots puisqu’en Hébreu les lettres ont une
P
valeur numérique, on peut donc relier au niveau exégétique deux mots ou groupes de mots dont la valeur numérique est identique.
Dans l’ancien texte du Alénou, il se trouve que ‫ ָו ִריק‬, «vacuité», a la même valeur numérique que ‫ ֵיׁשּו‬, «Jésus», ce qui a déclenché la
colère et la censure Chrétienne. Les rabbins de l’antiquité avaient conscience du potentiel irrationnel et destructeur de la guématria par sa capacité à prouver absolument n’importe quoi, ils en ont donc interdit l’usage à des fin halakhiques. La guématria est
cependant restée une méthode d’interprétation très populaire pour son aspect astucieux et mnémotechnique.
3
e manuscrit est conservé à la bibliothèque du Jewish Theological Seminary sous la référence JTS MS 8255. Vous pouvez le
L
consulter directement sur internet http://www.jtslibrarytreasures.org/Womans_Siddur/.
4
En référence à Génèse 1.27.
le shofar
ne m’a pas fait femme». Un manuscrit de 1471
vient contredire l’idée que cette bénédiction
n’avait pas heurté auparavant la sensibilité
de nos ancêtres tant parmi nos «pères»
que parmi nos «mères». Ce manuscrit 3 fut
écrit en Italie pour une dame aisée, et la
copie fut réalisée par Abraham Farissol,
un savant, hazzan et géographe reconnu
de l’époque, et dont les autres écrits, entre
autres des ouvrages polémiques contre le
Christianisme et l’Islam ne traduisent pas
d’excentricité. Alors que la plupart des
siddourim libéraux expriment l’inclusion
des femmes dans un esprit égalitaire par la
formule «… qui m’a créé(e) à ton image»4,
la formule de ce manuscrit est particulièrement radicale : «… qui m’a faite femme et
non homme». Cette formule est également
conflictuelle, cette radicalité se fait probablement l’écho de l’impossibilité de trouver à
l’époque une expression d’égalité qui puisse
correspondre à une réalité sociale et la formule pointe sur l’injustice de cette situation
tout en affirmant l’identité féminine comme
positive.
Le Siddour Sefat Haneshamah tente d’apporter une réponse moderne à plusieurs difficultés évoquées ; il s’agit déjà d’une seconde
édition (2007) qui vient compléter le travail
fait en 1997 par le Rabbin François Garaï, du
GIL à Genève, et d’autre rabbins des communautés de la Fédération du Judaïsme Libéral
Francophone, FJL, que Beth Hillel a rejointe.
L’objectif de ce siddour est de nous réconcilier
avec le langage de la prière, avec le «Langage
de l’âme» comme l’indique son titre, de nous
permettre de mieux comprendre la prière et
ainsi d’être plus à même de participer activement à la prière, tant pour la prière communautaire que pour la prière individuelle.
La première évolution est une présentation
plus claire et systématique, chaque partie de
l’office et chaque texte individuel est identifié
par un titre et une référence en haut de page.
Les passages assignés à l’officiant et à l’assemblée, ainsi que les variations saisonnières sont
précisées dans une mise en page plus aérée.
Le texte hébreu est sur la page de droite, la
traduction est systématiquement en regard sur
la page de gauche. Cette présentation permet
même à celui qui n’est pas familier de facilement naviguer dans le siddour et de rapidement comprendre la structure des offices de
semaine et de shabbat.
L’accessibilité du texte passe aussi par la
traduction ; tous les textes sont traduits et
les versions françaises et hébreux sont en
harmonie, les passages difficiles n’étant pas
simplement ignorés comme ils l’étaient dans la
plupart des siddourim libéraux. Le Français
utilisé est plus moderne, direct et lisible ; en
nous rendant le sens du texte plus accessible,
il devient plus facile de prier directement en
Français, et s’il n’a pas toujours été possible
de conserver une part de la poésie du texte
Hébreu original, une meilleure compréhension via la traduction nous permet de mieux
nous imprégner de cette poésie lorsque nous
utilisons ce texte en Hébreu. Certains textes
comme les bénédictions d’introduction au
Shéma ont nécessité une approche plus radicale ; en supplément de la traduction, Siddour
Sefat Haneshamah nous propose une paraphrase et même une réécriture du texte. Ces
versions additionnelles, en abandonnant le
vocabulaire et le mode de pensée du texte
antique, permettent d’éveiller en nous un sens
du sacré compatible avec notre monde actuel.
En reformulant ces idées sous une forme
contemporaine, ces «traductions» créent un
pont entre notre monde et l’époque qui a vu
l’écriture de ces textes.
A l’image des évolutions du Alénou ou de
la tentative de Farissol, il était également
temps de mettre le texte de notre liturgie en
adéquation avec nos principes et nos convictions de Juifs Libéraux. Certains textes ont
donc été remaniés, non seulement en Français
comme cela était le cas dans de nombreux
siddourim libéraux plus anciens, mais aussi
en Hébreu. Certaines de ces modifications
ont d’ailleurs été intégrées à notre liturgie
du Shabbat depuis plusieurs mois et nous les
21
l e m ot d u r a b b i n
retrouverons dorénavant dans le texte écrit de
notre siddour. Ces ajustements sont mineurs
en nombre de mots mais revêtent une grande
importance au niveau du principe et au niveau
symbolique. Ils concernent principalement
trois concepts :
22
L’égalité devant Dieu de tous les êtres
humains, et en particulier des hommes et
des femmes. A l’image de la société de leur
époque, les textes traditionnels étaient
écrits par des hommes pour des hommes,
sans se soucier de la place des femmes.
Il n’y avait peut-être aucune malice à la
référence systématique à «nos pères» ou à
Abraham, Isaac et Jacob en oubliant «nos
mères», Sarah, Rebecca, Rachel et Léah ;
mais ne pas se référer explicitement aux
femmes de notre tradition, c’est continuer,
malgré une égalité de principe, à nier leur
rôle dans notre histoire et leur égalité en
humanité. C’est pourquoi, à l’image de ce
que nous corrigeons déjà aujourd’hui au vol,
“nos pères”, avoténou, est le plus souvent
remplacé par «nos ancêtres» en Français,
et par «nos pères et nos mères», avoténou
veïmoténou, en Hébreu.
L’u n iver sa lité du juda ïsme à traver s
l’égalité des êtres humains de toutes les
nations devant Dieu. Une des particularités du Judaïsme est l’association à priori
paradoxale d’une forme de particularisme
et d’une forme d’universalisme. L’idéal
humain du Judaïsme, et la réalisation de
la volonté divine pour l’humanité, n’est pas
une exclusivité réservée aux Juifs, mais est
partagé par tous les humains en tant que
descendants d’Adam et Eve, puis de Noé.
Tous les êtres humains de toutes religions
peuvent y participer et devenir des tsaddikim, des justes, chacun selon sa religion et
son propre chemin. Malgré notre histoire
marquée par les persécutions, cet idéal ne
peut prendre corps que si l’expression de
notre mission particulière, de l’élection,
est débarrassée de tout sentiment péjoratif ou discriminatoire à l’égard des autres
nations ; toutes ont le potentiel de participer au tikkoun olam, ou de rater cette
opportunité, mais il ne nous appartient
pas de les juger à priori. Cette universalité est entre autres affirmée par l’ajout de
l’ensemble de l’humanité, veal kol yoshvé
tével, «et tous les habitants du globe», dans
notre espérance de paix à la fin du Ossé
Shalom et du Kaddish.
Trop souvent l’espérance messianique
pour l’humanité s’est cristallisée autour
du personnage du Messie qui apporterait la
rédemption à l’humanité. Mais l’avènement
des temps messianiques est le but du tikkoun olam, du travail de finition du monde,
partenariat entre l’Être Humain et Dieu. Le
Messie n’est alors qu’un symbole de l’achèvement de cette tâche, celui qui annonce
l’achèvement et non celui qui achève. Cette
confusion fut à l’origine de nombreuses
crises dans notre histoire lorsque certains
se mirent à voir un (faux) messie dans des
personnages tels que Bar Kochba, David
Rubeni, Shabbataï Zevi ou Menachem
Mendel Schneersohn. Dans le Siddour Sefat
Haneshamah, les références au «Messie»
dans les prières sont donc remplacées par
des références aux temps messianiques,
comme dans le premier paragraphe de la
Amidah où nous remplaçons déjà goel,
rédempteur, par guéoulah, rédemption.
Dans un esprit similaire, si nous conservons
le concept de la reconstruction du Temple,
que celui-ci soit symbolique ou concret, nous
écartons l’idée d’un retour au culte sacrificiel, et les références correspondantes ont
été supprimées.
Le Siddour Sefat Haneshamah contient également de nombreux ajouts pour la prière à
la maison, pour l’étude ou les événements
du cycle de la vie. Entres autres, il apporte
une possibilité de sanctification pour des
événements que la tradition n’abordait pas
habituellement tels que l’adoption d’un enfant.
Certains mettront peut-être quelques temps
à s’adapter à des formulations différentes,
le shofar
mais ceux qui viennent occasionnellement
ou régulièrement aux offices de shabbat ont
déjà pris l’habitude des modifications les plus
importantes que nous appliquons en utilisant
nos anciens livres. Si chacun peut réagir différemment à une nouvelle présentation de la
prière où l’accent est mis sur l’accessibilité et
la compréhension de la prière, mon souhait
personnel, et l’expérience de son introduction
dans d’autres communautés, est que ce siddour soit pour tous, même aux moins familiers, l’opportunité d’apporter plus de sanctification et de présence du divin dans leur
vie, à la synagogue et à la maison. Sans être
systématique, même ceux qui ne lisent pas
encore bien l’Hébreu pourront participer à la
prière en Hébreu puisque les plus importantes
prières sont également incluses en translitération phonétique en bas de page. Cette volonté
d’inclure toute l’assemblée dans la prière,
de faire comprendre tout en encourageant
l’usage de l’Hébreu, de renouveler les textes
tout en conservant le format traditionnel, est
représentative du souhait que par ce nouvel
outil notre communauté puisse continuer à
s’adapter à notre monde tout en s’éduquant,
en s’élevant et en amenant une étincelle de
divin dans notre vie quotidienne.
■
23
L es s en s d u t e x t e
Ces justes qui sauvent
l’humanité
24
En récitant le « Kiryat Shema » pendant la
prière du matin et du soir, après le verset
« Shema Israël… », nous récitons le verset
« Baruch Shem … », et ce verset-là, nous le
récitons à voix basse. Pourquoi ? Car il ne fait
pas partie du texte que la Torah fait suivre, le
« Shema Israël … » (Deut. VI, 4 à 9). Ce verset
est pour ainsi dire un intrus. Mais dans ce
cas, pourquoi cette insertion ?
Nos commentateurs donnent deux explications. La première est que lorsque le Grand
Prêtre, dans le Temple, récitait la prière et
prononçait à voix haute le nom de l’Eternel
– le Tetragramme – imprononçable par tout
autre que lui, les assistants à l’office récitaient ce verset intercalé.
Une autre explication dit que le premier verset – « Shema Israël … », - c’étaient les fils de
Jacob qui l’avaient adressé à leur père Jacob
Israël quand il était sur son lit de mort. Car
Jacob, tout en bénissant ses fils, a fait des
reproches à Shimon et Levi pour avoir exterminé la population de la ville de Sichem (‫שכם‬
en hébreu) (Gen. XXXIV, 1 à 31). Ils l’ont fait
comme un acte de justice pour venger l’enlèvement de leur sœur Dinah par le fils du gouverneur de Sichem. Bien qu’il ait finalement
voulu l’épouser, par l’enlèvement et le viol, il
l’avait traitée comme une prostituée.
Pour pouvoir agir en sécurité, les frères
ont d’abord exigé que tous les hommes de
par Henri Lindner
Sichem se fassent circoncire, « pour être
comme nous ». « Alors nous consentirons
à ce mariage. » Et tout s’est passé comme
l’avaient suggéré les frères. Alors, le troisième jour après la circoncision, quand les
hommes souffraient, affaiblis et incapables
de se battre, Shimon et Levi attaquèrent et
exterminèrent toute la population mâle, le
gouverneur et son fils y compris. Suite à quoi,
toute la fratrie, profitant de cette mésaventure, se jeta au pillage. (Remarquons que,
dans le livre d’Esther – ‫אסתר‬ ‫ –מגלת‬c’est le
contraire qui se passe : pas de pillage (Esther
IX, 10, 15, 16)).
Jacob les avait fort réprimandés au moment
même, et le leur rappela lors de la bénédiction avant de mourir. Mais, en entendant
ses fils s’exclamer « Shema Israël … », en
reconnaissance à D.ieu que ses fils, malgré
tout, étaient restés fidèles au monothéisme
de leur père, lui-même – Jacob-Israël – aurait
remercié D.ieu en récitant le verset « Baruch
Shem … ».
La légende est très belle, mais en regardant attentivement ce verset en écriture
hébraïque,
‫ברוך שם כבוד מלכותו לעולם ועד‬
on se rend compte que les premières lettres
de ces six mots font ‫בשכם ל"ו‬. C’est-à-dire,
« dans la ville de Sichem, il y avait des ‫ל"ו‬,
des justes ». Et même si cela ne se voit pas au
premier coup d’œil, cela s’ajoute néanmoins
le shofar
au « Béni soit le Nom Glorieux, son règne
est éternel ».
Cette remarque accusatrice, Jacob ne l’a
pas basée uniquement sur ses propres sentiments, tant lui que ses fils ont hérité de
cet enseignement au-travers des générations depuis leur grand-père Abraham. C’est
Abraham qui leur a transmis comment il a
imploré l’Eternel pour sauver Sodome, un nid
de malfrats, et comment il a obtenu que, s’il
y avait dix justes dans cette ville, elle serait
épargnée. Ainsi l’exclamation de Jacob après
le « Shema Israël » de ses fils semble être un
reproche : « et vous, vous n’avez même pas
vérifié si, dans la ville de Sichem, il n’y avait
ne fût-ce que dix justes ! »
Ce qui surprend encore dans cette exclamation de Jacob, c’est l’emploi de ‫ ל"ו‬pour désigner les justes. D’où vient cette désignation ?
Pourquoi trente six justes, ni plus, ni moins ?
Et dont l’existence sauve l’humanité de la disparition ? C’étaient précisément ces justes qui
l’avaient sauvée.
Dans Gén. VI.7, nous apprenons que l’humanité était déjà condamnée à disparaître.
Le déluge devait en être l’outil: le ‫ מבול‬en
hébreu. Mais D.ieu a changé d’avis en partie. Aussi bien Jacob que les générations
précédentes connaissaient, par la transmission, l’histoire du déluge ainsi que son
nom hébraïque. En lisant le mot ‫מבול‬, non
de droite à gauche, mais de gauche à droite,
on est surpris de lire ‫ל"ו בם‬, qui veut dire « les
‫ ל"ו‬en eux ». Qui sont ces « eux » ? les mots
‫ ל"ו‬en ‫מבול‬. Or, il se fait que dans la parasha
Noah (Gén. VI, 9 à XI, 31), le mot ‫ מבול‬apparaît douze fois.
78 * 12 = 936. 936 divisé par 36 = 26.
Donc, pendant le déluge, les 36 justes qui ont
sauvé l’humanité étaient les porteurs du nom
de l’Eternel, le Tétragramme.
1
'‫ ה‬représente le nom de Dieu, le Tétragramme Yod Hé Vav Hé.
Mais où étaient ces justes ? Il n’y avait que
Noé, ses trois fils et leurs épouses. Or, si
on fait la somme arithmétique de la valeur
des noms )‫ יפת‬,‫ חם‬,‫ שם‬,‫(נח‬, on obtient 936 !
Ce sont eux qui ont sauvé l’humanité de la
disparition.
Mais, diront certains, Ham, le fils de Noé, a été
maudit par Noé, son père. Comment peut-on le
compter parmi les justes ? Il faut rappeler que
Ham était, entre autres, l’ancêtre des égyptiens.
Pour les Hébreux, ce n’est pas flatteur. Mais, si
on se rappelle que c’est la fille de Pharaon, le
bourreau des Hébreux, qui remarqua un berceau parmi les roseaux du Nil, demanda à ses
servantes de le lui apporter, regarda dedans
et vit que c’était un garçon circoncis, donc un
Hébreu, le confia à sa sœur (Myriam) pour lui
trouver une nourrice juive, et puis l’adopta
et l’éleva à la cour de Pharaon, et tout cela
au risque de sa vie, alors, on comprend que
cette femme était une « Juste des Nations »
(Ex. II,5-10). Imaginons un instant une fille de
Hitler – il n’en avait pas – sauver, adopter et
élever un enfant juif ! Et cette fille était une
descendante de Ham. C’est peut être par son
mérite que l’on compte Ham parmi les ‫ל"ו‬.
D’autres passages de la Bible (‫ )תנ"ך‬témoignent
de l’existence présumée de 36 Justes, au
moins. Dans le Psaume XXIX, 10, il est dit
‫ לַ ַּמּבּול יָ שָׁ ב וַ יֵּשֶׁ ב ה' ֶמלֶ ְך לְ עֹולָ ם‬1'‫ה‬
« L’Eternel trônait lors du déluge ; ainsi
l’Eternel trône en roi pour l’éternité. »
(Traduction du rabbinat français)
Le même verset aurait pu être écrit ‫ה' מבול‬
‫ישב ישב ה' מלך לעולם‬, avec un «‫ »ל‬et un «‫ »ו‬en
moins. Il aurait été traduit de la même façon.
Les «‫ »ל‬et «‫ »ו‬ont donc été ajoutés pour nous
faire comprendre que ce sont les « 36 » Justes
qui furent l’outil du sauvetage.
Le dernier verset du livre d’Osée (Osée XIV,
10) dit :
25
L es s en s d u t e x t e
‫ִמי ָחכָ ם וְ ֵיָבן ֵאלֶּ ה נָ בֹון וְ יֵ ָד ֵעם‬
‫יְ שָׁ ִרים ַּד ְרכֵ י ה' וְ צַ ִּד ִקים יֵ לְ כּו ָבם‬-‫כִּ י‬
‫ּופֹשְׁ ִעים יִ כָּשְׁ לּו ָבם‬
Ce verset est traduit comme suit par le rabbinat français : « Qui est sage pour comprendre
ces choses, qui est intelligent pour les reconnaître ? Droites sont les voies de l’Eternel,
les Justes y marchent ferme, les pécheurs y
trébuchent. »
Si l’on tient compte du fait que :
‫ = ֵאלֶּ ה‬36,
‫ = נָ בֹון‬108 = 36 * 3,
'‫ = ַּד ְרכֵ י ה‬260 = 26 * 10,
‫ = יֵ לְ כּו ָבם‬108 = 36 * 3,
alors on peut lire le verset comme suit :
« Qui est sage pour comprendre? Les 36 (‫)ל"ו‬
le feront connaître. Car les hommes droits
constituent les voies de l’Eternel et les
pécheurs y trébuchent. »
26
Quand Jacob s’exclame dans le verset
« Baruch Shem … » à l’intention de ses fils,
c’est pour leur faire comprendre qu’ils se sont
servis d’une mitzvah, la circoncision, pour
commettre plus facilement un méfait. Alors
que l’Eternel, sous l'impulsion d'Abraham
avait renoncé à commettre une destruction
similaire à Sodome et Gomorrhe : exterminer,
entre autres des Justes, au nom de la justice,
à condition qu’ils soient moins de dix. Par
contre Jacob a constaté, tout comme nous,
que le nom de la ville en question « ‫שכם‬ » vaut
360, soit 36 * 10.
C’est peut-être la raison supplémentaire pour
laquelle nous récitons ce verset à voix basse
toute l’année, sauf à Yom Kippur, quand nous
confessons nos péchés à haute voix.
C’est par hasard, pendant la lecture, que j’ai
remarqué ces quelques évocations des « ‫ל"ו‬ »
dans les textes. Je suis persuadé que ces
évocations sont bien plus nombreuses. Avec
patience et attention vous, aussi, en trouverez
certainement d’autres.
Bonne chance et bon courage!
■
le shofar
27
AGEN DA SEP T EMBRE- O CTO BRE 2012
OFFICES DE SHABBAT
Office de Kabbalat Shabbat
 Tous les vendredis à 19h00, sauf leDor vaDor:
"Shabbat leDor vaDor" Office familial
 les premiers vendredis de chaque mois
Prochains leDor vaDor: les vendredis 7 septembre et 5 octobre, à 18h30
Office de Shabbat matin
 Tous les Samedis à 10h30
1 septembre-14 Elloul
8 septembre-21 Elloul
15 septembre-28 Elloul
22 septembre-6 Tishri
29 septembre-13 Tishri
28
Ki Tétsé
Ki Tavo
Nitzavim
Vayeilkch
Shabbat Shouva
Ha'Azinou
6 octobre-20 Tishri
Souccot
13 octobre-4 Cheshvan Bereshit
20 octobre-11 Cheshvan Noach
27 octobre-18 Cheshvan Lech-Lecha
Dîners shabbatiques communautaires et am echad
 Pas de dîner shabbatique communautaire en septembre (fêtes austères)
Prochain rendez-vous: vendredi 19 octobre, office à 19h, dîner shabbatique à 20h.
EVENEMENTS – FETES
•
•
•
•
•
•
Erev Rosh Hashanah
Dimanche 16 septembre, office à 19h30
(voir agenda complet de Tishri 5773 p. 15)
Rosh Hashanah
Lundi 17 septembre
Yom Kippour
Mercredi 26 septembre
Erev Souccot
Dimanche 30 septembre (voir annonce p. 26)
Souccot
Lundi 1 octobre au jeudi 7 octobre
Shemini Atseret/Simchat Torah
Lundi 8 octobre
Rosh Chodesh Cheshvan
Mardi 16 octobre
BNE MITSVAH
Samedi 1er septembre. Sidra Ki Tétsé. Kiddoush offert
par la famille.
David SilberwasserSamedi 8 septembre. Sidra Ki tavo. Kiddoush offert par
la famille
Arthur et Alban Bommelaer
T ISHRI - CHESHVA N 5773
COURS ET ACTIVITES : informations et inscriptions au 02.332.25.28
"Judaïsme, Pensée et Pratique" cours d'initiation au judaïsme (Rabbi Neiger)
 Tous les lundis de 19h00 à 21h30: cours A – sauf lundis 17 et 24 septembre
 Tous les mardis de 9h30 à 12h00: cours B – sauf mardis 18 et 25 septembre
Rentrée le lundi 3 septembre
"Exploration midrashique" cercle d'étude (Rabbi Neiger)
 Un samedi par mois, après l'office
"Le Leviathan", deuxième partie
Samedi 27 octobre, après l'office de shacharit (voir annonce p. 23)
"Kané lekha H’aver" cercle d'étude (membres)
 Un samedi par mois, après l'office
"Vayétsé"
Samedi 24 novembre, après l'office de shacharit (voir annonce p. 33)
"Talmidi" cours de Talmud Torah (Josiane Goldschmidt)
Veuillez inscrire vos enfants dès à présent en contactant Josiane Goldschmidt
au 0477.23.88.62 ou [email protected] (voir annonce p. 27)
 Rentrée et premier cours: le mercredi 5 septembre
"Rikoudei Am" cours de danses folkloriques israéliennes (Shimon Bitton)
 Tous les lundis de 20h à 22h
Pour débutants et avancés
Informations et inscriptions au 0476.91.16.65
 Rentrée le lundi 10 septembre. Pas cours les lundis 17 et 24 septembre.
"Café Klatsch" (Monique Ebstein)
Réunion conviviale pour les seniors avec thé, café et gâteaux (voir annonce p. 41)
 Pas de Café Klatsch en septembre
 Mardi 9 octobre, de 15h à 17h
"Kippah et Fourchette" (Catherine Neiger)
Atelier de cuisine juive traditionnelle et contemporaine
Informations et inscriptions: 0471.95.08.70 ou [email protected]
 Mardi 11 septembre, à 19h, "En préparant les fêtes…" (voir annonce p. 31)
"Bibliothèque"
Du lundi au jeudi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 17h, vendredi de 9h30 à 12h30.

Tous les lundis de 17h30 à 20h: accueil et permanence par Gaëlle. (voir annonce p. 12)
29
Importation de vins fins de France
Jackie et Maurice Vandiepenbeeck-Horn
Rue de Jérusalem, 40 – 1030 Bruxelles
tél. 02 215 37 75 – [email protected] – www.benevins.com
30
Identités visuelles
Brochures
Rapports annuels
+32 2 663 85 85
www.inextremis.be
31
Petites annonces
Pour le cours de cuisine il nous manque un peu de matériel.
Une cuisinière, avec un four en verre, Des tas de couverts et des pelles à gâteau !
Une tourniquette pour faire la vinaigrette Un bel aérateur pour bouffer les odeurs.
Loin de cette chanson de Boris Vian si vous avez :
• Un robot ou un mixer
• Quelques casseroles
• Des plats allant au four
• Une balance de cuisine
Si vous avez dans vos réserves du matériel qui ne vous sert plus alors contactez-moi.
Je vous en remercie par avance.
Catherine Danelski-Neiger : [email protected]
32
Samedi 24 novembre 2012
Après l'office du matin
"Kané lekha H’aver"
Première session: "Vayétsé"
Nouveau Cercle d'Etude
à Beth Hillel :
"Kané lekha H’aver"
‫עשה לך רב וקנה לך חבר‬
Basé sur la notion de "Assé lekha rav veKané lekha H’aver", qui signifie: "Trouve-toi (faistoi) un maître et acquiers un compagnon [d’étude]", ce nouveau Cercle d'Etude est animé
par et pour les membres, avec le soutien de rabbi Neiger.
Une fois par mois, le samedi après l'office, nous nous réunirons pour étudier ensemble et
(re)découvrir les richesses que recèlent nos textes fondateurs.
La première session se tiendra le samedi 24 novembre, après l'office de shabbat, et sera
précédée d'une brève collation (apportez votre lunch-sans viande ni volaille).
Faites le pas, et partez sur les chemins que vous choisissez de parcourir dans notre
tradition.
Le thème de la première session sera la parasha Vayétsé. Chacun apportera les notes
de ses propres recherches sur le sujet, puisées dans les commentaires traditionnels ou
contemporains, ou toute autre source qui a trait au sujet du jour.
Inscrivez-vous au secrétariat au 02.332.25.28 ou [email protected].
33
J u da ï s m e e t h i sto i r e
ARCHEOLOGIE
BIBLIQUE ET
TRADITION JUIVE
par Ralph Bisschops, Dr. phil.
En tant que Juifs Libéraux, nous souscrivons tous inconditionnellement à l’esprit critique et à la science. L’archéologie
biblique nous met cependant mal à
l’aise, car elle risque de compromettre
notre foi et notre pratique religieuse.
Dans l’article présent certaines thèses
récentes de l’archéologie biblique seront
passées en revue. Ensuite la question si
l’archéologie mine l’attachement à notre
tradition sera discutée.
34
I. P
REMIERE PARTIE: L’hypothèse
documentaire
En 1883 l’Allemand Julius Wellhausen, professeur en études orientales, établit l’hypothèse que la Bible serait composée de plusieurs sources, qui, à leur tour, auraient été
rééditées à plusieurs reprises. Cette approche
s’appelle « l’hypothèse documentaire ». Au
jour d’aujourd’hui rares sont les chercheurs
académiques qui n’y adhèrent pas.
1
AEC = avant l’ère commune
Récapitulons : en l’état actuel des recherches
4 documents ont été à la base de la Torah :
1. Le document Y (appelé « yahviste »), qui se
caractérise par le fait que Dieu y est désigné par le tétragramme (YHVH). Il aurait
été rédigé à Jérusalem (En 950 AEC1, selon
certains).
2. Le document E (apellé « élohiste »), dans
lequel Dieu figure comme « Elohim ».
L’origine de ce texte (rédigé probablement
en 850 AEC) est attribuée au nord de la
Palestine (Samarie), parce que dans cette
région Dieu était invoqué sous le nom de
« El » (pensons au haut lieu de Beth El).
3. L e document P (appelé document des
prêtres) qui traite surtout des commandements rituels et sacerdotaux. Nous lui
devons également, entre autres, le merveilleux premier chapitre de la Genèse. « P »
aurait été rédigé après l’exil babylonien.
le shofar
4. Le document Dt (appelé le Deutéronomiste), attributs différents de Dieu, notamment la
qui traite des lois sociales, éthiques et poli- justice et la grâce divine respectivement. La
tiques. Il se caractérise également par conclusion des historiens que deux sources
l’insistance sur un lieu de culte exclusif, différentes seraient à la base de ces appellaqui deviendrait Jérusalem. Il comprend le tions (à savoir un document « Elohiste » et
Deutéronome, le récit de la conquête de un document « Yahviste ») serait donc erroCanaan, les livres des Juges, de Samuel et née. Certains commentateurs orthodoxes
des rois. Selon la plupart des chercheurs, sa se montrent astucieux et brillants dans la
réfutation de l’hypothèse
première rédaction
documentaire (comme
se situerait dans le
Pour les Juifs Libéraux la B.S. Jacobson dans son
7ème siècle avant notre
ère. Une deuxième Torah aurait été écrite par ouvrage « Meditations
on the Torah»2). Cette
rédaction, appelée
des
hommes
inspirés
de
Dt2 aurait été effecapproche semble même
tuée dans la période
Dieu ; pour la plupart des convaincante par l’intelpostexilique.
ligence des arguments
orthodoxes elle serait un apportés. Pour les hist or ien s et a rché olo Ce qui justifie le décou« don du ciel »
gues elle ne suffit pas
page de la Torah en
à évincer deux siècles
sources différentes sont
des particularités linguistiques qui seraient de recherches académiques intenses.
spécifiques pour chacun des documents. Le L’hypothèse documentaire leur est deveconsensus sur la répartition que je viens d’es- nue indispensable comme instrument de
quisser n’est pas unanime. Il existe encore de travail. Elle nous aide à retracer l’évolution
nombreuses controverses sur le datage des de la pensée juive. Le Judaïsme Libéral (du
documents respectifs, leur origine géogra- moins au niveau académique) s’attache à
phique, ainsi que sur l’attribution de tel ou tel cette approche scientifique.
verset à tel ou tel document.
Le Judaïsme Libéral se rallie à l’hypothèse
documentaire ; elle s’enseigne dans les séminaires rabbiniques « reform » ou libéraux.
Pour l’orthodoxie elle est difficilement acceptable (même si certains érudits orthodoxes
en tiennent également compte). Pour les Juifs
Libéraux la Torah aurait été écrite par des
hommes inspirés de Dieu ; pour la plupart des
orthodoxes elle serait un « don du ciel » (Torat
min ha-shamaym).
L’exégèse rabbinique orthodoxe tente de
mettre en évidence que la Torah revêt une
consistance remarquable. Elle enseigne par
exemple que les dénominations « Elohim » et
le tétragramme (JHVH) désigneraient deux
2
Sinai Publishing, Tel Aviv, 1977.
35
J u da ï s m e e t h i sto i r e
II. DEUXIEME PARTIE : Les courants de
l’archéologie biblique (maximalistes et
minimalistes)
Dans l’archéologie biblique, deux écoles se
confrontent. D’une part il y a ce qu’on appelle
les « maximalistes. » Selon eux les fouilles
archéologiques corroboreraient sans exception la narration biblique. Aux antipodes de
cette approche se situent les archéologues
« minimalistes ». Selon eux, les fouilles s’interprètent de multiples façons et pourraient
nous orienter vers une historiographie radicalement déviante de celle du Tanakh.
36
Les maximalistes ont avant tout le support
des communautés protestantes américaines.
Ce fut bien leur approche qui prévalait dans
l’archéologie biblique dans sa phase initiale :
il fallait avant tout prouver que la Bible avait
raison. Cependant, depuis la reconquête
de Jérusalem en 1967 une nouvelle génération d’archéologues, dont la majorité est
Israélienne, 3 émergea. Les montagnes de
la Judée offrent une abondance de traces,
inconnues jusque-là. Elles révèlent notamment que la Judée possédait longtemps avant
l’Exode une large population indigène, dont le
peuple juif serait émergé. Trois décennies de
fouilles soulèvent plusieurs questions comme
par exemple : Est-ce que l’Exode a vraiment
eu lieu ? Y eut-il une conquête de Canaan ?
Est-ce que l’empire de David et Salomon a
été aussi vaste que la Bible veut nous le faire
croire ? 4
« La Bible exhumée, » les thèses de
Finkelstein et Silberman
Les chercheurs Israel Finkelstein (Université
de Tel Aviv) et Neil Asher Silberman, (directeur du centre Ename de Bruxelles pour
3
4
l’archéologie) publièrent
en 2002 le livre « The
Bible unearthed » (La
Bible exhumée) traduit en
français sous le titre trompeur et provocateur « La
Bible dévoilée »5). C’est
un ouvrage qui résume au
grand public une vision
de l’histoire biblique, telle
qu’elle pourrait émerger des fouilles récentes.
L’opposition à ce livre fut virulente, ce qui
s’explique surtout par le fait que c’est le premier ouvrage vulgarisateur qui fait état des
écarts (possibles) entre la Bible et l’histoire
réelle. « The Bible Unearthed » peut être rangé
parmi les travaux « minimalistes » parce que
Finkelstein et Silberman (dans la suite appelés
par l’abréviation F&S) insistent sur l’absence
de traces et ont tendance à en conclure l’absence des événements relatés dans la Bible.
Ce procédé a, bien entendu, été critiqué dans
les milieux maximalistes. Dans ce qui suit je
résume les affirmations les plus frappantes.
Jérusalem sous Salomon
Pendant le règne de Salomon (de 970 à 931)
Jérusalem n’était qu’une bourgade et n’aurait
pu revêtir une importance politique ou administrative quelconque.6 L’empire de Salomon,
qui selon la Bible aurait compris le nord (la
Samarie) et le sud (Judée/ le royaume de
Judah) de la Palestine, n’aurait jamais existé.
Selon F&S il n’existe aucune évidence archéologique de l’affirmation biblique qu’il y aurait
eu un royaume unique sous David et Salomon
qui se serait désuni après la mort de celui-ci
(1Rois, chapitre 12). La Judée et la Samarie
auraient de tout temps été deux nations séparées. Les grandes bâtisses, construites sous
c f. Elizabeth Bloch-Shmith, Bible, Archaeology, and the Social Sciences, in: Frederick E. Greenspan, The Hebrew Bible: New
Insights and Scholarship. New York U.P., New York, 2008.
Israel Finkelstein & Neil Asher Silberman.:« The Bible Unearthed », Touchstone (New York) 2002, p. v.
Dans cet article c’est bien la version originale (anglaise) qui sera citée.
5
6
ette affirmation est contestée par Joe Uziel et Itzhaq Shai: «(…) the presumption that Jerusalem must have been a large city in
C
the tenth century in order to function as a capital is more a result of modern conceptions of capital cities than a conclusion to be
drawn from the Biblical account.» Joe Uziel, and Itzhaq Shai, «Iron Age Jerusalem: Temple-Palace, Capital City,» The Journal of
the American Oriental Society 127.2 (2007).
le shofar
Salomon selon le Livres des Rois, dateraient
de deux siècles plus tard. Il se peut que le
premier Temple n’ait jamais existé. Ce n’est
qu’à partir du 8ème siècle que la Judée aurait
pris de l’importance, aussi bien politique que
religieuse.
peintres médiévaux qui représentent les
scènes bibliques dans un décor fourmillant
d’anachronismes mais qui leur était familier.
Parmi l’abondance des arguments apportés,
en voici les plus frappants :
Premier indice : Les patriarches
Le livre de la Genèse (26, 8) raconte le conflit
La naissance de la Torah au 7ème siècle
La thèse centrale de F&S est que l’élaboration entre Isaac et Abimelech, roi des Philistins
et la diffusion de la doctrine monothéiste (« pelishtim »). Or, à cette époque (en enviaurait eu lieu pendant le 7ème siècle avant notre ron 2000 avant notre ère) il n’y avait pas de
ère sous le règne de Josias. A cette époque Philistins dans le pays. Ce ne fut qu’au 12ème
les élites du royaume du
siècle que ce peuple, d’orinord (Samarie) avaient
méditerranéenne,8
Le paysage des récits de la gine
déjà été déportées par les
avait envahi la Palestine
Assyriens et Jérusalem Torah correspond de façon et y occupait les régions
connut un afflux mascôtières.
surprenante à celui du
sif de réfugiés. Comme
7ème siècle.
l’Assyrie était fortement
La ville de Gérar (Gen.
affaiblie par ses conflits
2 6 ,1), c a pit a le de s
avec les Scytes et les Babyloniens et comme Philistins, n’a probablement pas existé à l’époque
l’Egypte avait abandonné ses revendications d’Isaac et en aucun cas comme métropole phisur la Palestine, la Judée jouissait d’une grande listine. Au septième siècle, par contre, Gérar fut
liberté d’action. C’est à ce moment-là que nous une cité importante et un bastion assyrien.
assisterions, selon F&S, à la formation d’un
état judéen avec comme capitale Jérusalem. Dans les récits sur les patriarches, les chaNous nous souvenons tous du passage dans meaux font partie de l’étable des grandes
le Livre des Rois qui relate la découverte (en famille et servent, entre autres, comme bêtes
622) du « Livre de la Loi » dans le Temple de de somme et moyen de locomotion (souvenonsJérusalem et des réformes religieuses qui nous des voyages d’Isaac, de Rebecca et de la
s’ensuivirent (notamment l’instauration des caravane d’Ismaélites qui emmena Joseph en
fêtes comme Pessach, Chavouoth et Souccot). Egypte). Selon F&S la domestication des chaComme il n’y a pas de traces de culture écrite meaux se fit beaucoup plus tard, notamment
en Judée avant le 7ème siècle, F&S concluent, vers l’an 1000 avant notre ère. Cette dernière
que ce fut bien sous Josias que la première affirmation n’est, il convient de le dire, pas
ébauche de la Torah et particulièrement du acceptée unanimement.
document Deutéronomiste aurait été rédigée.7
Deuxième indice : L’exode
Ce qui porte les auteurs à cette conclusion F&S soutiennent qu’il n’y a pas de preuve
est particulièrement le fait que le paysage archéologique que l’Exode, tel que raconté
des récits de la Torah correspond de façon dans la Torah, aurait eu lieu. Comme la fronsurprenante à celui du 7ème siècle. L’histoire tière égyptienne était solidement fortifiée
biblique serait donc une histoire rétrospec- au 13ème siècle, une migration massive aurait
tive, de la même manière que les toiles des dû trouver une trace dans les archives de
7
F&S, p. 281
On ne sait toujours pas exactement d’où ils venaient : de la Grèce, la Crète ou de Chypre ?
8
37
J u da ï s m e e t h i sto i r e
38
l’empire Egyptien. F&S pensent que le récit de (autour de 587). A partir de ce moment-là il
l’Exode traduit un va-et-vient de laboureurs fut investi d’une grande importance, faisant
juifs entre le pays de Canaan et l’Egypte. Ce écho au long et difficile trajet que les Juifs de
qui reste incontestable est le fait que le delta Babylone durent traverser pour rejoindre la
du Nil fut une sorte d’asile économique pour Terre Promise.
les habitants du Canaan en cas de sécheresse,
ce que reflète l’histoire de Joseph et de ses Troisième indice : La conquête de Canaan
frères. L’errance dans le désert est également Pour F&S la conquête militaire de Canaan
documentée par les prophètes Amos et Osée, par Josué serait une fiction pure et simple. Le
dont les écrits sont plus anciens que la Torah. récit s’apparenterait à l’histoire de gestes. Les
F&S estiment cependant que les 38 années villes de Jéricho et de Aï, soi-disant détruites
que les Juifs ont passées à
par Josué, furent des villes
Kadesh Barnea auraient dû
contre lesquelles le roi
laisser des traces archéoJosias mena des campagnes
La ville de Pithom,
logiques. Le fait de tirer
militaires (au 7ème siècle). Du
que
les
esclaves
juifs
des conclusions théologivivant de Josué ces deux
auraient construite villes furent inhabitées. Les
quement lourdes à partir
d’une absence de traces a
fouilles révèlent également
en Egypte, fut, en
été vivement contesté. K.
que les villes du pays de
réalité, bâtie cinq
A. Kitchen9 fait remarquer
Canaan n’étaient pas fortifiées; la chute des murs de
que dans le delta humide du
siècles plus tard.
Jéricho est donc de l’ordre
Nil aucun papyrus n’aurait
de la fiction. Le récit de la
pu se conserver et qu’une
trace écrite de la sortie d’Egypte serait donc prise de Canaan par Josué fut, selon F&S,
introuvable par définition. Que la traversée une tentative littéraire pour créer un héros
du désert aurait dû laisser des traces lui illustre qui préfigurerait le roi Josias, qui, lui,
semble une idée ridicule. Mais il n’en reste mena nombre de campagnes militaires afin
pas moins établi que les archéologues ont d’incorporer le pays du nord (Samarie) dans
difficile à confirmer le récit de l’Exode. Ce son royaume.
qui est également certain est que le nombre
de 603.550 adultes masculins, donc environ Pourquoi une réforme religieuse au 7ème
1,5 millions de Juifs et de Juives, qui auraient siècle ?
participé à l’Exode, est hautement exagéré. Comme nous l’avons vu, la Judée connut
Même au septième siècle avant notre ère un essor considérable sous le règne de
la Judée entière ne comprenait que 75.000 Josias. Son rêve fut d’inclure le nord dans
habitants.10
un royaume pan-Israélien. Pour amener les habitants du nord à se rallier au
La thèse de F&S que les récits bibliques reflètent régime de Judah, il fallut les convaincre
le paysage et la géographie du 7ème siècle obtient que nord et sud partageraient la même
néanmoins gain de cause. La ville de Pithom, religion et la même identité. Déjà l’histoire
que les esclaves juifs auraient construite (voir des patriarches cadrerait dans cet effort.
Abraham et Isaac sont des personnages
Ex. 1, 11), fut, en réalité, bâtie au 7ème siècle.
du Sud. Jacob, par contre, qui construisit
F&S soutiennent que le récit de l’Exode aurait l’autel de Beth El (Gen. 35, 1) devenu par la
été mis à jour après la fin de l’exil babylonien suite le haut-lieu de la Samarie, s’apparente
9
K . A. Kitchen : On the Reliability of the Old Testament, Grand Rapids, 2003, p. 466.7.
F&S, p. 289.
10 le shofar
Beaucoup de rabbins libéraux nous répondront que, même si la Bible ne dit pas forcément vrai, elle traduirait une éthique. Le
caractère « historique » et narratif de la Torah
contribuerait au fait que l’éthique juive se
moule sur la nature réelle et disparate de l’être
humain. Une fête comme Pessach n’est donc
pas nécessairement la commémoration d’un
événement historique. Elle peut également
être vue comme la célébration d’un rêve de
Implications religieuses
On peut contester les thèses de F&S sous liberté. C’est exactement ce qu’affirment F&S
certains aspects, mais l’on ne peut leur dans la conclusion de leur livre. La Bible est le
dénier une vision claire et fondée (partagée seul document de l’antiquité qui traite de « la
vie concrète des hommes
d’ailleurs par toute une
et des femmes, des riches,
école d’archéologues).
Du vivant de Josué les
des pauvres et des destiCe n’est pas le lieu ici de
discuter sur les détails villes du pays de Canaan tués d’une communauté
entière. »13 « L’impact de la
archéologiques (fouilles,
n’étaient pas fortifiées.
datage etc.). La question
saga biblique consiste en
La chute des murs de
qui hantera la plupart des
ce qu’elle est l’expression
lecteurs est plutôt la suina r rative de t hèmes
Jéricho est donc de
vante: Quoi, si les thèses
intemporels comme la
l’ordre de la fiction.
de F&S sont vraies ?
libération d’un peuple, la
Est-ce que la pratique
résistance à l’oppression
juive, dont une part essentielle a une fonc- et la recherche d’une justice sociale. »14 En
tion commémorative (cf. seder de Pessach) ceci la Bible hébraïque apporte également un
des événements historiques relatés dans la message universel à l’humanité.
Bible, se justifie encore, si ces événements
n’ont pas eu lieu?
III. TROISIEME PARTIE : Deux personnalités, Brian Doyle (Université
La question s’avère difficile : Si la Bible n’est de Louvain, professeur en études
pas un ouvrage historique fiable, la nature du hébraïques et membre actif de l’IJC15) et
texte biblique devrait être définie autrement. le Rabbin Marc Neiger (Beth Hillel) ont
Mais comment ?
répondu à la question suivante : « Est-ce
que, selon vous, la pratique juive, dont
Certains chercheurs insistent sur le caractère une part essentielle a une fonction comlittéraire de la Bible. Certes, la Bible c’est de la mémorative des événements historiques
grande littérature, mais, dès lors, pourquoi ne relatés dans la Bible, se justifie encore, si
pas lire plutôt l’Iliade et l’Odyssée d’Homère ces événements n'ont pas eu lieu? (cf. les
ainsi que les grands dramaturges grecs ?
thèses des archéologues minimalistes).»
au Nord.11 Dans le récit de l’Exode et de la
conquête de Canaan les tribus du nord et
du sud combattirent côte à côte. La première ébauche de la Torah aurait ainsi
été portée par une ambition politique,
se traduisant par la création d’une unité
identitaire entre le nord et le sud de la
Palestine.12
11
F&S reprennent ici les thèses de l’historien Martin Noth.
F&S, p. 317 (traduction par l’auteur)
12 F&S, p. 283.
13 F&S, p. 318 (traduction par l’auteur)
14 15
I nternational Jewish Center Brussels
39
J u da ï s m e e t h i sto i r e
Prof. Brian Doyle : Au milieu
du 19ème siècle le monde académique s’appropria la Bible
hébraïque et y appliqua ses
propres méthodes, qui sont
toujours en cours d’évolution,
d’interprétation littéraire et
historique du texte, tenant compte des découvertes d’autres disciplines émergeantes tels
que l’archéologie. Son intérêt primordial
ne fut pas de comprendre le texte biblique
comme document de foi mais comme un
inventaire de vérités historiques.
40
bien leurs rôles? Même les
thèses minimalistes telles
que celles de Finkelstein et
Silberman ne peuvent nier
certains aspects du Tanakh
et de l’histoire de notre
peuple. Le Tanakh nous
raconte le lien qui unit les hébreux à une
terre particulière, mais surtout la relation entre les hébreux et leur Dieu. Cette
relation prend la forme d’une recherche
de Sa volonté, des commandements
exprimant une éthique et nous continuons aujourd’hui
cette recherche pour
Ceux qui lisent la
« Les
narrations
bibliques
répondre aux évoTo rah co mm e un
sont investies par une vérité lutions des sociétés
d o c u m e n t d e fo i
recherchent une
plus profonde qui ne dépend dans lesquelles nous
vivons. Notre reliv é r it é dif fé r e nt e .
pas de la vérité historique.
gion est le fruit d’une
En tant que Juifs
évolution, démarrée
Libéraux
nous
C’est une vérité concernant
avant même les presommes ouverts aux
notre relation avec Dieu,
miers écrits de la
découve r tes de la
recherche biblique
son passé, son présent et son Bible ; aujourd’hui
sens des fêtes corcontemporaine.
avenir. » (Prof. Brian Doyle). le
respond avant tout
Ceci ne nous rend
au sens qui leur a été
pas nécessairement
aveugles à la vérité exprimée par un peuple donné par les rabbins aux premiers siècles
qui tenta de conférer une voix écrite à sa de notre ère. Les rabbins avaient bien
relation avec le divin. L’académie peut conscience d’ajouter parfois une signifimettre en question la fiabilité historique cation qui n’était pas originellement dans
des récits bibliques comme celui de la la Torah : par exemple, si la Torah nous
création, du déluge, de l’exode, de l’exil enjoint de célébrer Pessach pour commébabylonien et du retour en Terre Promise. morer la sortie d’Egypte, aucune raison
Mais ces narrations sont investies par une historique ne vient enraciner la fête de
vérité plus profonde qui ne dépend pas de la Shavouot avant que les rabbins n’en fassent
vérité historique. C’est une vérité concer- la fête du don de la Loi. Le sens de la fête ne
nant notre relation avec Dieu, son passé, repose pas sur l’événement historique étioson présent et son avenir. Dans ce sens, la logique, réel, fictif ou romancé, mais dans
lecture, la souvenance et la commémoration l’interprétation que nous en donnons. Le
de ces récits continuent à être une expres- génie des rabbins a justement été d’enraciner le sens dans un narratif qui permette à
sion authentique de la foi Juive.
la fois la transmission et l’interprétation.
Rabbi Marc Neiger (Beth Hillel) : Si nous Sans cette narration, qu’elle soit mythique,
étudions les fêtes Juives, elles sont toutes historique ou quelque part entre les deux,
présentées comme des commémorations notre religion n’aurait peut-être pas sur■
d’événements historiques, mais est-ce vécu au passage des siècles.
le shofar
41
le shofar
Le PROJET ALADIN
en Belgique
le pont de la Connaissance
entre Juifs et Musulmans
par Anne De Potter
Au détour du Net, les mensonges les plus éculés, des caricatures les plus grossières, des
incitations à la haine sans vergogne (1) ressortent des placards que l’on croyait pourtant
définitivement condamnés par la conscience
des Hommes (2).
Ce nouvel antisémitisme, ce nouveau négationnisme s’opposent à toute solution pacifique du
conflit entre Israéliens et Palestiniens, sinon à
l’existence même d’un Etat pour le peuple juif,
et présentent un danger potentiel pour tous les
Juifs à travers le monde.
Consternation ? Résignation ? Désespérance ?
Une femme a choisi la résistance active et l’approche positive : Anne-Marie REVCOLEVSCHI,
dont l’indignation, l’audace et la force persuasive sont à l’origine du Projet Aladin, dont elle
assume la présidence, le Vice-président étant
Serge Klarsfeld.
Né en France en 2009 sous les auspices de
la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
et sous le patronage de l’UNESCO, avec le
soutien formel de centaines de personnalités
éminentes - politiques, universitaires, religieuses – de toutes les cultures et de convictions diverses, ses idées directrices sont le
refus de considérer que le renouveau du
négationnisme, par exemple, serait une fatalité, la volonté farouche d’ouvrir les portes et
de créer des liens, la conviction que Juifs et
Musulmans gagneraient beaucoup à se (re)
connaître, à se respecter, à communiquer.
Ses objectifs ? «D’abord transmettre l’histoire de la Shoah avec rigueur, en refusant
les amalgames et le négationnisme, dans
le respect de toutes les mémoires. Renouer
ensuite les fils de la coexistence entre
Musulmans et Juifs en enseignant l’histoire millénaire, heureuse et violente, de
leurs relations passées. Œuvrer enfin pour
la réappropriation des valeurs de respect
d’autrui, de dignité et de paix, en opposition
à l’antisémitisme, à la xénophobie et à toutes
les formes de racisme. (…)
Jusqu’ici, nous avons commencé à transmettre la connaissance du judaïsme, de
son histoire et de sa culture à l’intention
du monde arabo-musulman (…) Mais
transmettre la connaissance de l’islam, de
sa culture et de l’histoire des pays qui s’en
réclament dans un monde où l’ignorance
se conjugue avec l’islamophobie est aussi
nécessaire (…)» (Lettre de la Présidente,
Anne-Marie REVCOLEVSCHI, qui ouvre le
rapport des activités de l’année 2010).
L’originalité du PROJET ALADIN tient, pour
l’essentiel, à la diffusion – en arabe classique,
en persan et en turc – de ces connaissances,
dont notamment l’histoire des communautés juives en terres d’Islam ou de « Justes »
musulmans, vers ceux qui n’y ont pas (encore)
accès, essentiellement grâce à l’Internet, mais
aussi par le biais de livres, de rencontres, de
débats, etc...en Europe, dans le Magreb et le
Moyen-Orient.
43
O u v er ts s u r l e m ond e
L’accent est mis sur la valorisation des aspects
positifs des relations judéo-musulmanes, dans
l’esprit de l’article de Deborah Guedj (3) sur
le livre consacré par Fariborz MOKHTARI à
Abdol-Hossein SARDARI, le Juste d’Iran : « In
the Lion’s Shadow », par exemple.
Les efforts accomplis tendent également à établir des liens de confiance et de travail avec
des interlocuteurs de plus en plus nombreux,
de toutes cultures et de pays divers, notamment entre universitaires et enseignants.
Il suffit de visiter le site “www.projetaladin.org”
pour se faire une idée du chemin déjà parcouru et des projets en développement.
Vous y trouverez, téléchargeables gratuitement, les titres déjà traduits dont “Le Journal
d’Anne Frank”et “Si c’est un homme” de
Primo Levi, ainsi que les rapports :
44
- des 14 évènements-conférences en terres
d’Islam (Janvier-Février 2010),
- des projections du film “Shoah” de Claude
Lanzmann sous-titré en persan (PARS TV – Mars
2011) et sous-titré en turc (TRT – Octobre 2011),
- de la visite sans précédent à Auschwitz de
plus de 200 personnalités dont la majorité
venait de pays musulmans, en février 2011,
- de la toute récente conférence, le 19 Avril
2012, à l’Université Bahcesehir d’Istanbul sur
“Le Rôle des immigrés juifs d’Allemagne et
d’Autriche dans la modernisation du système universitaire turc”.
Vous trouverez aussi sur ce site la réaction
de la Présidente REVCOLEVSCHI à la suite
des tragédies de Toulouse et de Montauban.
Elle s’adresse aux chefs religieux musulmans
pour qu’ils prononcent “la plus importante des
fatwas”: « On ne tue pas les enfants juifs
au nom de l’Islam ».
Sous l’impulsion déterminée de Hubert
BENKOVSKI, le groupe des “Amis belges du
Projet Aladin” se constitue autour de nombreuses personnalités de notre pays et prépare divers événements en Belgique.
Présenté le 8 décembre 2011 devant le
Parlement francophone bruxellois, son
but est de promouvoir le Projet Aladin en
Belgique et de favoriser le dialogue et la
connaissance mutuelle, essentiellement entre
Juifs et Musulmans, la rencontre d’hommes
et de femmes de bonne volonté de tous horizons pour qu’ils puissent prendre la parole
dans l’espace public belge et défendre un
« vivre ensemble » dans le respect de chacun.
Beth Hillel apporte bien entendu son soutien au Projet Aladin en Belgique et vous
invite à communiquer votre adresse-mail
sur [email protected] pour être
informé de l’actualité de cette belle initiative.
Dès présent, à vos agendas ! Voici les activités
prévues dans un avenir proche :
1.le 3 octobre 2012 : participation au spectacle
NOA/MIRA AWAD à l’Ancienne Belgique
2.
p rojection du film « LES HOMMES
LIBRES », suivi d’un débat animé par le réalisateur Ismael FERROUKHI, le 24 octobre
2012 au CCLJ et le 25 octobre 2012 à l’Athénée Royal Charles Rogier à Liège
3.Le 1er novembre 2012 au BOZAR, en participation avec le Centre Culturel Judéo-Marocain
et Daba-Maroc : présentation du film
« TINGHIR-JERUSALEM », suivi d’un débat
animé par le réalisateur Kamal HACHKAR.
Les volontaires sont naturellement les bienvenus, n’hésitez pas à vous signaler comme tel
sur le même site [email protected]
car votre aide est très précieuse, le travail à
accomplir étant considérable.
(1)voir les traductions en français sur le site
memri.org, par exemple
(2)u ne journée d’étude fut consacrée, il y
a peu, à ce sujet à l’Université Libre de
Bruxelles. Nous y reviendrons
(3)numéro 636 de l’Arche, le magazine du
judaïsme français
Nous reproduisons ici l’Appel à la conscience,
la déclaration de principe du Projet Aladin.
■
le shofar
45
O u v er ts s u r l e m ond e
De pierre d'achoppement à
pierre angulaire
Jorsala, la marche comme espace de Dialogue
par Yardenah Presler
à Aix-La-Chappelle du 31 mars au 12 avril.
Le trac des organisateurs la veille du départ
("c'est quitte ou double"), a été balayé par
le succès de cette première marche, qui a
dépassé toutes les espérances. On a même
vu éclore deux emplois et un couple.
46
De haut en bas, de gauche à droite: Sébastien de Fooz,
Elie Vulfs, Kerfalla Sanoh, Félicité, Sœur Michelle
Debrouwer, Rabbi Neiger, Anne De Potter, Marie
Peltier, Sébastien Gratoir.
Beth Hillel a accueilli et rencontré les marcheurs de Jorsala (voir Shofar N° 333 et
N° 335) lors du dîner shabbatique communautaire du vendredi 22 juin.
Après l'office, le kiddoush et la remise de
la mezouza, les convives passent à table.
Sébastien de Fooz et Marie Peltier de
Jorsala, Sébastien Gratoir, Sano et Félicité
de Convivial (nous regrettons l'absence
de Kuniko), Sœur Michèle Debrouwer, de
Notre Dame de Sion, (une amie fidèle, qui
nous accompagne lors de Yom haShoah).
Félicité, Kuniko et Sano ont été sponsorisés
par Beth Hillel et le CCOJB pour participer
à la Marche du Dialogue qui a relié Bruxelles
Tous ont fait face, avec plus ou moins d'appréhension, au dépassement de soi qui permet
de s'inventer (au sen où l'on "invente un trésor": découvrir quelque chose de jusqu'alors
inconnu (trésor, relique, objet perdu, etc…))
Félicité, qui ne se considérait pas comme une
marcheuse, s'est dit que si un enfant de 10
ans ou un homme âgé de 74 ans pouvaient le
faire, et bien elle le ferait aussi. Sano, quant à
lui, a pris très à cœur son rôle d'ambassadeur
de Beth Hillel. Cela n'entrait nullement en
contradiction avec sa croyance en l'Islam, ni
avec l'athéisme militant de Kuniko. Comment
ces 60 personnes des bouts des mondes se
retrouvent-elles sur le même chemin, et
arpentent-elles les routes côte-à-côté, sans
autre finalité que d'avancer, ensemble?
Grâce à un rêve: Sébastien de Fooz part à pied
de Gand le 27 mars 2005 et arrive à Jérusalem
le 2 octobre 2005, jour de Rosh haShanah.
Lors du dîner shabbatique du vendredi 22
juin, il partage avec nous quelques réflexions
issues des pas égrenés sur la route: "Les paysages traversés opèrent comme métaphore
de la découverte de notre paysage intérieur.
La résistance à l'autre est la résistance à moimême et, moins je rencontre l'Autre, moins
le shofar
je me trouve. Je ne permets pas à Dieu de se
manifester si je n'accepte pas l'Autre dans
sa différence. Quand les peurs tombent, les
murs s'écroulent et créent un espace vierge
où tout est possible, où la grâce s'invite: un
espace de dialogue".
Il a écrit un livre qui en dit plus sur la
déconstruction du soi pour se re-assembler
au cœur de l'Humanité: "A pied à Jérusalem
- 184 jours, 184 visages." (Editions Racine).
Autour de la table, il nous relate un épisode
particulièrement fort de son parcours.
travers la foule dense des hommes venus
prier en ce jour de Rosh haShanah.
Rabbi Neiger évoque l'histoire de Jacob
(Genèse 28, 10), qui voit en rêve des anges qui
montent et descendent l'échelle. Les anges
représentent des messagers, des "particules
dialogantes" pourrait-on dire. A son réveil il
s'exclame, en substance, "Dieu est ici et je ne
le savais pas".
Avec de l'huile, il enduit la pierre sur laquelle
a reposé sa tête cette nuit-là.
Il est amené par les circonstances à choisir de
faire un détour par Dachau, où il se recueille
et ramasse un caillou en faisant la prière de
se voir accorder la force de poursuivre sa
route jusqu'à Jérusalem.
Par cette pierre, il décide de marquer le lieu
sur lequel il se trouve (Louz), qu'il rebaptise
Beth-El (la Maison de l'Eternel, du ToutPuissant…), puisqu'à cet endroit, Dieu s'est
manifesté à lui.
Arrivé à Jérusalem, au Kotel, il rencontre "par
hasard" la fille d'un responsable allemand de
camp de concentration, venue elle aussi en
pèlerinage, munie d'une fiole d'huile consacrée.
Au-delà des âges, certains gestes se font
écho, et voici deux fois: une pierre enduite
d'huile qui marque un espace de dialogue
dans une occurrence qui nous dépasse.
Ils enduisent le caillou avec l'huile, et
Sébastien de Fooz va le nicher dans le Kotel,
en se frayant difficilement un passage à
Jorsala signifie Jérusalem, la Jérusalem
céleste, dans l'ancienne langue scandinave
des vikings du premier millénaire.
■
Les marcheurs de Jorsala.
47
En v i e d e l i ( v ) r e
Envie de li(v)re
A pas aveugles de par le monde
Leib Rochman
Denoel &D’ailleurs - 2012
ISBN 978-2-20726-178-1
750 pages
par Isabelle Telerman
Tout repose sur
un fondement.
La Bible s’ouvre
sur la génèse, la
musique naît par
le rythme.
48
L a l it t ér a t u re
s’assigne parfois
la triste tâche de
décrire le monde
quand le fondement a disparu
ou quand il revêt
désormais la forme de l’anéantissement. Tout
démarre et tout se définit par l’anéantissement, dans une logique absurde puisque plus
rien n’existe. La notion même de réalité est
devenue étrangère, flottante. La frontière
entre la vie et la mort a été radicalement
abolie , défigurant l’univers familier.
Leib Rochman réussit cet étonnant prodige
de rédiger un ouvrage fondateur dans une
langue condamnée à la disparition, et publié
en Israël dans les années 50, époque où la
jeune société se rue à corps perdu dans la
construction d’un état, sans voir- ou sans
vouloir voir- qu’une partie de sa population
a été irrémédiablement meurtrie et ne trouve
aucun sens à cette fuite en avant.
Le livre de Rochman préfigure tous les autres
témoignages et en rendrait presqu’inutile
la lecture a posteriori. Il est en fait le livre
par quoi tout commence, tout prend sens ,
dans un chaos où réalité, rêve, fantasmagorie pure se côtoient sans hiérarchie .Il
délivre la conclusion ultime : il ne demeure
plus rien du monde dont Rochman était
issu. L’attitude la plus appropriée à adopter
désormais est le silence. Lui seul exprime
la facture irréparable, la dislocation de
l’ordre ancien, l’anachronisme de toute autre
formulation.
Dans cette longue fresque où Rochman s’inspire de ses propres pérégrinations après la
guerre, qu’il distribue entre plusieurs personnages, les rescapés sont des créatures
chimériques déconnectées de leur vie antérieure à l’Anéantissement. Ames flottantes
dépossédées de leur enveloppe charnelle,
elles se déplacent de ville en ville, incapables de choisir entre la mort psychique
et le désir d’enfanter une nouvelle génération. L’amour, l’attachement ne sont plus
que des notions abstraites, témoins d’une
existence lointaine dont on n’a pratiquement
rien conservé.
La très belle préface d’Aharon Appelfeld
indique que la filiation entre les deux écrivains est évidente. Le yiddish de Rochman
incite Appelfeld à chercher sa propre musicalité intérieure. Comme son aîné-Rochman a
quatorze ans de plus que lui-Appelfeld privilégiera dans son œuvre l’intériorité allusive
plutôt que l’ expression démonstrative.
Cette traduction tardive en français permet au lecteur de restituer à une génération
désormais disparue la pertinence de son
jugement : considérer que le silence est la
forme la plus pure d’expression d’une vérité
inaccessible.
■
le shofar
Le temps d’un disque
par Anne De Potter
Romances séfarades
« Romances Séfarades dans l’empire de la
Sublime Porte »
de Accentus Austria, Arcana, ASIN:
B001D4KXZE,
Michel Bernstein
Editeur à Nantes, 2006, chez les bons
disquaires
(référence Médiathèque de Belgique
AA3047)
Laissez-vous bercer par ces “Romances
séfarades”, ces airs bien connus que nous
avons toujours plaisir à entendre, à fredonner. Nous les retrouvons ici dans une
version douce, aérienne, qui fait rêver…
De belles voi x,
sopra no et ténor,
et sept instruments
anciens vibrent en
r y t h me et créent
des ambiances ferventes, mystérieuses
ou joyeuses selon les
18 morceaux.
Le livret comprend une introduction historique, de Thomas WIMMER, et les paroles
avec leur traduction en français, ce qui vous
permettra de comprendre ce que vous chanterez à votre tour, pour votre plus grande
joie !
■
49
N o s Bn é M i tsva h
Derasha de Theo Keseman
Parasha Bekhoukotaï
Bar Mitsva du samedi 19 mai 2012 - 27 Iyar 5772
La parasha de cette semaine est Bekhoukotaï,
elle parle des punitions, des malheurs qui arriveront au peuple d'Israël s'il ne respecte pas
les Commandements.
Je vais maintenant vous lire une partie de la
parasha en français.
50
« Si vous vous conduisez selon mes lois, si
vous gardez mes préceptes et les exécutez, je
vous donnerai les pluies en leur saison, et la
terre livrera son produit, et l'arbre du champ
donnera son fruit. Le battage de vos grains se
prolongera jusqu'a la vendange, et la vendange
durera jusqu'aux semailles; vous aurez du pain
à manger en abondance, et vous demeurerez
en sécurité dans votre pays...
…mais si vous ne m'écoutez point, et que vous
cessiez d'exécuter tous ces commandements;
si vous dédaignez mes lois et que votre esprit
repousse mes institutions, au point de ne
plus observer mes préceptes, de rompre mon
alliance, à mon tour, voici ce que je vous ferai :
je susciterai contre vous d'effrayants fléaux,
la consomption, la fièvre, qui font languir les
yeux et défaillir l'âme; vous sèmerez en vain
votre semence, vos ennemis la consommeront. Je dirigerai ma face contre vous, et vous
serez abattus devant vos ennemis; ceux qui
vous haïssent vous domineront, et vous fuirez
sans qu'on vous poursuive. Que si malgré cela
vous ne m'obéissez pas encore, je redoublerai
jusqu'au septuple le châtiment de vos fautes. »
Ici s'arrête la traduction de la parasha.
Tu ne tueras point, tu ne voleras point, sont
des lois universelles qui ne peuvent être transgressées. En tant que Juifs nous devons aussi
respecter les mitsvot. Sinon, la Torah nous
promet une punition, comme cité auparavant.
Ainsi, si Dieu s'adresse a nous collectivement
qu'advient-il du Juste qui réside parmi nous,
est-il aussi victime de ces malheurs comme
ses voisins ? Sa peine est-elle moins forte ?
Dans ma derasha, j'aimerais vous parler de la
responsabilité individuelle ou collective, et de
son incidence sur nos vies.
Mais pour vous parler de responsabilité il faut
d'abord vous parler des lois.
Il y a les lois universelles et les lois juives que
nous appelons mitsvot. Dans ces mitsvot, un
certain nombre est lié au service du temple
mais, les autres, nous devons essayer de les
respecter.
Parmi nous, il existe des Justes. Selon le talmud, il existerait dans le monde 36 Justes par
génération, ils maintiennent le monde en équilibre. Ces Justes, qui souvent s'ignorent, vivent
parmi les autres hommes. « II y en a peut-être
1 dans la salle aujourd'hui.»
Pour moi, un Juste c'est peut-être simplement quelqu'un qui respecte les lois juives (ou
pas seulement, car il y a les Justes non-juifs
parmi les nations) et qui aident les autres à
les respecter.
le shofar
Par exemple : Prenez deux voleurs; le premier
vole une voiture pour faire la fête. Le second
vole de la nourriture pour lui et sa famille. Les
deux méritent une peine de prison, mais un
Juste prendra en compte les circonstances
qui ont amené le deuxième homme à voler.
En fait, chacun d'entre nous peut être un des
Justes qui maintiennent le monde en équilibre.
Nos actions et nos actes nous lient les uns aux
autres. Etre juif, c'est prendre en compte la
communauté, et plus largement le monde.
Comme le dit le midrash Lévitique 4.6:
« Hezekiah enseignait : Il est dit, Israel est un
mouton isolé (Jer. 50.17). Pourquoi Israel est-il
comparé à un mouton ? De la même manière
que pour un mouton, quand il est blessé à
la tête ou a n'importe quel membre, tous les
membres le ressentent; de la même manière
pour Israël : si un seul (d'Israël) commet une
transgression, tout Israël le ressent. Il est dit :
« Quoi, un seul homme aura pêché et tu t'irriterais contre la communauté tout entière ! »(Nb
16.22).
J'ai l'impression que les Justes de tous temps
essayent de nous guider et nous former à être
meilleurs. Le but final n'est-il pas la venue
des temps messianiques pour lesquels chacun d'entre nous doit travailler, nous sommes
tous responsables de leur venue.
En recherchant les commentaires sur ma
parasha, rabbi Marc m'a transmis le commentaire suivant : « Rabbi Shimon ben Yohai enseignait : cela peut être comparé a des hommes
sur un bateau, l'un d'eux prit une chignole et
commença a percer sous sa place. Ses compagnons de voyage lui dirent : Que fais-tu ? Il
leur répondit : « Qu'est-ce que cela peut bien
vous faire ? Ne suis-je pas en train de percer
sous ma propre place ? Ils dirent : « Mais l'eau
va rentrer et submerger le bateau pour nous
tous ». »
Peut-être que la morale de cette histoire est
que nous sommes tous responsable les uns
envers les autres. Notre terre est comme un
bateau qui coule. Moi et ceux de ma génération, nous devons faire en sorte que nous ne
percions pas la coque de ce bateau. Les liens
modernes que nous tissons, tels une toile à
travers le monde, nous permettront de prendre
soin, d'aider et de soutenir ceux d'entre nous
qui pourraient faire couler le bateau et leur
éviter de le faire.
En ce jour je célèbre ma bar-mitsvah, je
deviens responsable à part entière de mes
actes et aussi un peu des vôtres.
J'envisage d'être un peu plus attentif au monde
qui m'entoure, d'ailleurs c'est bien le sens de
la bar-mitsvah.
Je prends conscience de mes actes et de ce
que je pourrais faire pour essayer «que le
bateau ne coule pas», qu'il soit comparé à la
Terre d'Israel, au peuple juif ou, à plus grande
échelle, au monde entier. Cette tâche, comme
je l'ai dit plus haut, je ne pourrai pas l'accomplir seul. J'espère que comme en ce jour de ma
bar-mitsvah, vous m'aiderez et m'accompagnerez toute ma vie.
J'en profite pour remercier ma tante Nana,
mes parents, ma soeur Livia et aussi, bien
évidemment, Catherine Danelski-Neiger qui
m'a beaucoup aidé dans cette derasha, et le
rabbin Marc, pour la derasha, la parasha et les
connaissances de l'histoire du peuple juif qu'il
m'a transmises. Ainsi que vous tous qui participez à ce jour si important pour moi.
■
Envie de nous écrire ?
de participer à la rédaction du Shofar ?
N’hésitez pas et contactez nous , par courrier, e-mail ou téléphone!
51
Co u r r i er d es l ect eu r s
Nos lecteurs nous écrivent
par Olivier de Kerchove,
chapelle ND d'Opstal, créée, comme Beth Hillel, en 1968, par le père jésuite
Pierre van Stappen, pour les élèves de l'Ecole Européenne à Uccle.
Le Shofar est lu par les membres de
Beth Hillel, par le Yishouv et par
d’autres personnes à l’esprit ouvert
et curieux. Nous avons le plaisir de
publier cette lettre reçue d’un lecteur
chrétien qui s’interroge sur les ressemblances et différences entre nos
deux approches, et qui nous parle avec
chaleur et amitié de ses contacts avec
notre communauté.
52
Aux amis de Beth Hillel et lecteurs du Shofar,
Je ne puis résister à vous écrire, à la lecture
- au lendemain de Pessach et de la semaine
sainte chez les chrétiens - du dernier Shofar,
posant la "question des questions" de l'après
Shoah. Permettez-moi de vous écrire, même
si une visite à Auschwitz il y a quelques
années n'a pu que me laisser muet, à l'endroit
où la vie elle-même - et donc la parole - ont
été niées.
Qu'il me soit permis, à l'occasion de ce message, d'exprimer ma reconnaissance pour
avoir participé sporadiquement, pendant
une dizaine d'années, aux offices de shabbat (du vendredi soir) et au seder de Pessach
(tout incirconcis que je sois - mea culpa !) en
compagnie de Mlle Micheline Fahmy, que je
nomme ma "petite mère juive".
Je vous remercie également pour le Shofar,
dont la lecture m'enrichit toujours avec plus
de sureté que de nombreuses autres lectures issues de communautés et confessions
diverses.
J'ai apprécié chacune des interventions du
numéro d'avril 2012.
Chacune est un élément de réponse à la question océanique de l'après Shoah.
Chacune soulève un pan du voile au dessus
des flots tumultueux d'une mer sans fond.
Chacune dessine aussi les mille et une modalités de la vie contemporaine après la nuit
noire, incluant autant les cours de gastronomie casher, que les Rikoudei Am, etc.... Tous
les signes de la vie juive sont en eux-mêmes
une réponse.
Aussi, comme vous l'avez fait, on ne peut
jamais négliger le moindre questionnement;
la moindre évocation a du prix, sans parler
bien sûr des témoignages directs et indirects,
des "devoirs" ou "droits" à la mémoire...
C'est ici, si vous le premettez, que j'aimerais
attirer votre attention sur une réalité parallèle aux interventions évoquées dans le
Shofar d'avril, réalité parallèle à la fois quant
au désastre sans Nom, mais aussi quant aux
enjeux et aux questions qui en ont résulté
concommitamment; j'aimerais évoquer une
réalité parallèle, et ce malgré une distance de
deux mille années, souvent infranchissables
pour nos esprits obscurcis par la violence
subie ou infligée, ou par les court-circuits
innombrables dans la transmission humaine,
culturelle, sociale, et politique, pour ne pas
dire religieuse...
J'aimerais évoquer les terribles troubles en
Judée-Samarie-Galilée du premier siècle de l'ère
courante, qui aboutirent aux assauts romains
le shofar
de 66~70/73, à l'incendie du second Temple, au
sac de la Ville Sainte, au ravage de la Judée, et à
la déportation massive de la population.
mort" sera t-il dit au Jésus de saint Jean, qui
couvrira alors les quatre journées de marche
pour se rendre au tombeau et pleurer).
Il ne paraît pas clairement , aux chrétiens et
lecteurs des Evangiles, que la plupart de leurs
textes (Mathieu, Marc, Luc et Jean) sont une
part incomparable apportée à la question de
"l'après désastre".
Tel que Jean veut le signifier à ses lecteurs,
forts du témoignage de l'Histoire récente,
la figure de Judas, l'un des douze, évoque
la Judée courrant à sa perte, par ses luttes
fratricides et sa présomption matérielle d'en
découvre devant plus fort.
Je ne peux absolument pas, pour ma part, lire
un seul mot des Evangiles, sans la conscience
simultanée de la toile de fond historique et la
réalité dramatique qu'ils recouvrent.
Ces textes, écrits par des juifs, et compilés à
la manière juive (sauf pour Luc, qui tâche de
transmettre des réalités juives d'une manière
non juive), de manière plus tardive et progressive que les faits qu'ils semblent décrire au
premier abord, essaient d'assurer le lecteur
juif de la fidélité du Dieu de l'Alliance, et ce
malgré les vicissitudes sans Nom.
Marc, secrétaire de Pierre, écrira vraisemblablement après la décapitation de celui-ci à
Rome, après une période de massacres vécus
par les juifs d'Alexandrie, de Rome et d'autres
lieux encore de l'Empire, sous des régimes qui
faisaient peser une parfaite chape de plomb et
ne supportaient aucune remise en question.
L'école de Mathieu compilera son récit bien
après la "chute" de Jérusalem.
Jean écrira depuis Ephèse, à la fin du siècle,
principalement pour les juifs de la diaspora,
d'une manière assez semblable - pour le fond à Flavius Josèphe, qui vantera, depuis Rome,
à la solde de l'empereur, les traits inégalables
du Peuple "Elu malgré sa petitesse"...
Les Nazaréens sont les héritiers d'une
réponse de transmission à travers le désastre.
En tant que Galiléens, ils n'ont pas été à la
même enseigne ni aux première loges de l'insurrection finale de la Judée contre les armées
de Vespasien et de Titus ("Ton ami Lazare est
A côté des Sages de Judée (plus exposés au
drame que ne l'avaient été les Galiléens),
réunis à Yavneh pour poser les bases de ce
qui constitue le judaïsme de nos jours, il est
intéressant aussi de s'intéresser à ce que les
évangélistes juifs ont estimé urgent d'écrire
autour de la figure de Jésus le Nazaréen, à
la lumière surtout de l'état dramatique dans
lequel se trouvait la nation juive.
On découvre alors comment les Ecritures ont
été accomodées pour prendre en compte le
deuil incommensurable, l'empathie et l'unanimité dans la perte. Les Ecritures apparaissent alors comme un trésor de vérité, de
tact, et d'intelligence humaine et spirituelle.
On ne peut, à mon sens, saisir la "relevance"
des paroles évangéliques sans prendre la
mesure concomitante de l'insondable drame
vécu en Judée à cette époque, tout comme
on ne peut vivre juif aujourd'hui sans avoir
une part de soi captive dans les camps.
C'est alors que des visages brillent dans les
ténèbres, tous les témoins de l'ombre, tous
les justes... jusqu'à tous les signes de vie de
l'aujourd'hui...
Les exemples abondent et nous aimons en
remplir des pages. Les Evangiles nous fraient
un chemin à travers l'horreur, par le témoignage que nous livrent certains autour de la
figure du Nazaréen... "Il est Ressuscité, vous
le trouverez en Galilée"...
Bien en communion avec chacun et chacune
pendant les jours de commémoration.
■
53
Ca r n e t
Carnet
Naissance
Mazal tov à Mark et Julie Libertalis, heureux
parents de la petite Mila, née ce 9 juillet.
Mila est la petite sœur de Lior et la petite-fille
de nos chers amis Bernard et Gerry Libertalis.
Bienvenue à Lila et félicitations à toute la
famille!
Stella Silberberg a la grande joie de vous
annoncer la naissance de sa petite fille, Emma
Arielle Spiller, née a Johannesburg, en Afrique
du sud, ce 6 août 2012.
Emma Arielle est la fille de Melodie et David
Spiller, et l'arrière-petite fille de Benjamin
Silberberg.
A toute la famille, nous souhaitons un chaleureux Mazal tov!
54
Décès
Soeur Marie-Pierre, de Notre Dame de Sion,
née à Paris le 17 juin 1921, est décédée à
Bruxelles le 1 juillet. Les Sœurs de Notre
Dame de Sion sont impliquées dans le dialogue interconvictionnel, et principalement
dans le dialogue avec le judaïsme. Elles nous
accompagnent chaque année lors de la commémoration de Yom Hashoah. Une importante délégation de Beth Hillel s'est rendue à
la messe du vendredi 6 juillet pour soutenir
Sœur Michèle Debrouwer dans son chagrin.
Nos condoléances vont à la communauté de
Notre Dame de Sion.
Honneur
C'est avec satisfaction que nous avons appris
qu'il a plu au Roi de décerner le titre de
Commandeur de l'Ordre de la Couronne à
Andrée Geulen le 16 juillet.
Madame Andrée Geulen, a rejoint le Comité de
défense des juifs en 1941 et a été responsable
pendant toute la guerre du placement d'enfants juifs dans des familles d'accueil; elle a
ainsi sauvé près de 300 enfants. Le Musée Yad
Vashem lui a décerné le titre de 'Juste parmi
les Nations' en 1989. Madame Andrée Geulen
est présente chaque année à Beth Hillel lors
de la commémoration de Yom Hashoah. ■
Réflexions, citations, humour
Pessimism is a luxury that a Jew can never
allow himself.
Golda Meir
What one Christian does is his own responsibility, what one Jew does is thrown back at
all Jews.
Anne Frank
If you ever forget you're a Jew, a Gentile will
remind you.
Bernard Malamud
- Papa; tu vas être content: aujourd’hui j’ai économisé un euro – en courant derrière le bus!
- Je ne suis pas si content , mon fils, si tu avais
couru derrière une taxi, tu aurais économisé
15 euros.
5000 ans d’humour juif
Look at Jewish history. Unrelieved lamenting
would be intolerable. So, for every ten Jews
beating their breasts, God designated one to
be crazy and amuse the breast-beaters. By the
time I was five I knew I was that one.
Mel Brooks ■
le shofar
In f o r m at i on s u t i l es
VIE COMMUNAUTAIRE
OFFICES DE SHABBAT
Vendredi à 19h et samedi à 10h30
Shabbat leDor vaDor, tous les premiers vendredis du mois, à 18h30.
■
Talmud torah
Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier.
■
Cours adultes et cercles d’etude
Contactez Rabbi Marc Neiger
■
Yizkor
Si vous voulez être informés des dates de Yizkor
pour des membres de votre famille, contactez Yardenah ( 02.332.25.28
SOCIÉTÉ D’INHUMATION
A.S.B.L. GAN HASHALOM
En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants :
Le jour A Beth Hillel (02.332.25.28)
Le soir Rabbi Marc Neiger (02.318.83.55)
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téléphonez à Willy Pomeranc en journée (02.522.10.24)
Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation
et ayant adhéré à la société d’inhumation
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