Une microphtalmie... toute relative – Peculiar

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Cas clinique
Ophtalmologie pédiatrique
Une microphtalmie… toute relative
Peculiar microphthalmia
O. Galatoire, F. Metge, S. Morax
(Département d’ophtalmie, Fondation Rothschild, Paris)
Orbite • Microphtalmie • Kyste •
Fossette colobomateuse.
Orbit • Microphthalmia •
Protesis • Congenital.
L’
enfant T., âgé de 13 mois, de sexe masculin, est adressé pour la prise
en charge d’une microphtalmie congénitale de l’œil gauche.
Il n’existe pas d’antécédents médicaux particuliers (grossesse normale,
accouchement à terme normal). On ne note par ailleurs aucun antécédent
chirurgical.
Examen
L’examen ophtalmologique met en évidence une microphtalmie relative de l’œil
gauche (figure 1). Les culs­de­sac conjonctivaux sont normaux et il n’existe pas de
malformation du cadre orbitaire ou palpébrale associée.
L’acuité visuelle n’est pas chiffrable, la poursuite de l’objet est normale du côté droit,
déficiente du côté gauche.
L’examen sous anesthésie générale objective la microphtalmie gauche avec un
segment antérieur normal. Le fond d’œil (figure 2) retrouve une vaste fossette colobo­
mateuse en regard de la papille gauche. Le tonus oculaire est normal.
Le bilan d’imagerie (IRM) [figure 3] met en évidence une microphtalmie relative du
côté gauche avec un kyste colobomateux de petite taille appendu au pôle postérieur.
Les muscles oculomoteurs paraissent normaux, et il n’existe pas d’anomalie orbitaire
associée, avec un développement du cadre orbitaire satisfaisant.
Diagnostic et traitement
L’œil gauche présente une microphtalmie relative. Il présente néanmoins un aspect
esthétique satisfaisant. De plus, il peut être partiellement fonctionnel. Ainsi, il devra
être conservé. Son volume relativement important a permis d’induire une crois­
sance orbito­palpébrale satisfaisante. L’équipement prothétique par verres sclé­
raux (conformateur de taille croissante) n’est pas indiqué du fait du développement
satisfaisant des paupières et des culs­de­sac conjonctivaux. Le kyste colobomateux
de petite taille n’entraîne ni exophtalmie ni dystopie oculaire, son ablation n’est pas
nécessaire.
Nous préconisons un suivi ophtalmologique tous les six mois.
Discussion
Le kyste colobomateux de l’orbite, associé à une microphtalmie est une anomalie
du contenu orbitaire. Il se développe au cours de l’embryogenèse et correspond à
l’évagination du feuillet interne de la cupule optique survenant lors de l’absence de
fermeture de la fente embryonnaire entre la 4e et la 6e semaine de vie embryonnaire.
Il s’agit d’une anomalie rare qui représente entre 2 et 4 % des tumeurs de l’orbite de
l’enfant.
L’organogenèse du globe oculaire commence à la troisième semaine de vie embryon­
naire par l’apparition des fossettes optiques de chaque côté de la plaque neurale.
Entre les 4e et 6e semaines de vie embryonnaire, il y a aplatissement de la face anté­
rieure de la vésicule optique qui s’invagine, en même temps que la face inférieure,
ce qui aboutit à la constitution de la cupule optique à deux feuillets séparés par un
espace virtuel. Les bords de la fissure sont séparés par la fente embryonnaire.
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Images en Ophtalmologie • Vol. I • n° 1 • octobre-novembre-décembre 2007
Légendes
Figure 1. Cliché de face : microphtalmie
relative de l’œil gauche.
Figure 2. a : fond d’œil droit normal.
b : fond d’œil gauche : fossette colobomateuse papillaire.
Figure 3. a : IRM coupe axiale en T2. Développement orbitaire satisfaisant. Microphtalmie
modérée associée à un kyste colobomateux
de petite taille. b : présence d’un kyste d’environ 5 mm.
Figure 4. Schéma illustrant la formation
d’un kyste colobomateux (d’après Wolff ).
Cas clinique
Ophtalmologie pédiatrique
1
2a
3a
2b
M
R
C
F
K
K
M : mésoderme
péricupulaire
R : rétine (feuillets
externes et internes)
C : cristallin
F : fente embryonnaire
K : kyste colobomateux
3b
4
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Cas clinique
Ophtalmologie pédiatrique
La fermeture de la fente fœtale commence à la 5e semaine de vie embryonnaire par
la fusion des feuillets internes et externes de la cupule. Les deux berges doivent
s’acco­ler de façon précise : la couche interne fusionne avec la couche interne en visà-vis. Il en est de même pour la couche externe.
Si la vitesse de différenciation des feuillets de la cupule est plus grande que la vitesse
de croissance, les feuillets internes, trop tôt différenciés, ne peuvent fusionner et
il y aura absence de fermeture de la fente embryonnaire. Par cette ouverture persis­
tante, le feuillet interne rétinien s’engage à l’extérieur du globe, continuant à se déve­
lopper pour former une cavité kystique dans l’orbite (figure 4).
Cliniquement, le kyste colobomateux de l’orbite a l’aspect d’une formation blancbleuté de taille variable, occupant la cavité orbitaire. Ces kystes peuvent se développer
de telle façon qu’ils masqueront un œil qui, même de petite taille, reste fonctionnel.
Le globe, microphtalme et en position postérieure, n’est pas toujours mis en évidence
par l’examen clinique. La sclère est épaisse, le segment antérieur est constitué d’un
cristallin ectopique et opaque. S. Duke-Elder et al. ont établi une stadification des
kystes colobomateux, allant du petit kyste avec globe oculaire normal au kyste de
gros volume avec microphtalmie majeure.
Les examens d’imagerie aident au diagnostic et sont indispensables avant toute
exploration chirurgicale. L’échographie évalue la nature de la masse orbitaire et son
caractère homogène. Le scanner orbitaire ou l’IRM permettent d’évaluer la taille de
l’orbite, l’état de ses parois, de réaliser le diagnostic radiologique de kyste orbitaire
et d’apprécier le volume du globe oculaire. On recherchera toujours une anomalie du
sinus caverneux qui peut parfois être associée.
Le diagnostic de certitude est apporté par l’examen anatomo-pathologique. La paroi
kystique est faite d’une rétine inversée, plus ou moins différenciée, ayant subi par
endroits une transformation gliale de densité variable, secondaire à la pression
exercée par le liquide intrakystique. La partie la plus externe du kyste est constituée
d’un tissu fibreux prolongeant la sclère du globe oculaire.
La conduite thérapeutique varie selon le volume du kyste et du globe oculaire.
En cas de petit kyste, lorsque le globe oculaire est de taille normale, l’attitude
sera conservatrice. Un bilan clinique et radiologique régulier permettra d’évaluer
une éventuelle croissance du kyste, justifiant un traitement chirurgical secondaire,
en cas de compression du globe oculaire. Si le kyste est très volumineux, avec une
microphtalmie importante, on procédera à l’ablation du kyste avec énucléation
d’un œil inexploitable, ne pouvant pas servir de support à un matériel prothétique
futur.
II
Pour en savoir plus
•M
orax S, Smida R, Hurbli T, Sterkers M. Kyste colobomateux de l’orbite au cours d’une microphtalmie
congénitale. J Fr Ophtalmol 1995;18:475-80.
• De Laage de Meux P, Caputo G. Kyste colobomateux. In : De Laage de Meux P. Ophtalmologie pédiatrique. Paris: Masson, 2003:55-7.
• Goddé-Jolly D. Malformation congénitale du globe oculaire. In : Goddé-Jolly D, Dufier JL. Œil et
pédiatrie. Paris: Masson, 1992:121-5.
• Duke-Elder S. Normal and abnormal developments. Congenital deformities. In : Duke-Elder S.
System of ophthalmology. Kimpton, London, 1964, 3:456-87.
• Tnacheri B, Nacheri Ouazzani M, Laghmari M, Karmane A. Kyste colobomateux de l’orbite associé
à une microphtalmie. À propos d’un cas. J Fr Ophtahmol 1998;21:701-6.
• Dhermy P. Kyste colobomateux. Offret G, Dhermy P. Anatomie pathologique de l’œil et de ses
annexes. Rapport de la société française d’ophtalmologie. Paris: Masson, 1974:196-7.
• Morax S. Les tumeurs orbitaires congénitales. In : Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale. Rapport de la société française d’ophtalmologie 1998. Paris: Masson, 1998:545-6.
• Hevelstone EM, Malone E, Lashmet MH. Congenital cystic eye. Arch Ophthalmol 1970;84:622-4.
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