Règles d`attribution des organes en transplantation cardiaque

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Critères d’accès
à la transplantation
pour les groupes difficiles
Dossier thématique
Règles d’attribution des organes
en transplantation cardiaque
Organ allocation policy for heart recipients in France
Laurent Sebbag*
précis dont l’objectif est de tirer le meilleur parti d’une ressource
rare dans un esprit d’équité pour nos patients. Les règles de priorité
édictées en 2008 ont permis de réduire la durée d’attente des
patients et de diminuer la mortalité sur liste nationale d’attente.
Toutefois, les moins bons résultats globaux (survie après la greffe)
de la cohorte la plus récente, comparativement aux précédentes,
témoignent de la gravité de l’état des receveurs et de la marginalité
des donneurs. Face à ces résultats, de nouveaux algorithmes de prise
en charge de l’insuffisance cardiaque sévère, replaçant au premier
plan l’assistance cardiaque de longue durée et la construction de
scores de gravité multiparamétrique, font partie des propositions
de la communauté cardiochirurgicale.
Summary
Résumé
»»L’attribution des cœurs en France suit un algorithme extrêmement
Mots-clés : Transplantation cardiaque – Super-urgence – Règles
d’attribution.
E
* Pôle de transplantation
cardiaque, hôpital
cardiovasculaire
et pneumo­logique
Louis-Pradel, Bron.
70
n 2012, la transplantation cardiaque reste une
stratégie thérapeutique importante pour les
patients en insuffisance cardiaque terminale.
Même si la plupart des données épidémiologiques
sur l’insuffisance cardiaque restent issues de modélisations statistiques, le nombre de patients susceptibles de relever d’une indication de transplantation
cardiaque dépasse aujourd’hui largement celui des
greffons disponibles (1).
Le dernier rapport de l’Agence de la biomédecine, de
2010, fait ainsi état de 766 patients en attente de greffe
cardiaque le 1er janvier 2010, parmi lesquels seuls 356 ont
reçu une greffe au 31 décembre 2010, ce qui correspond
à un ratio de 2,1 receveurs potentiels en attente pour
1 greffon cardiaque.
L’attribution des greffons cardiaques en France est
régulée de manière centralisée par le pôle national de
répartition des greffons. L’identification d’un donneur
potentiel dans un centre de réanimation conduit à la
création d’un dossier CRISTAL où seront renseignés,
pour les propositions de greffons de cœur :
Heart allocation in France is following a fine algorithm
considering the scarcity of the ressource and the need for
equity. Priority rules were edicted in 2008 and reduced waiting
time and mortality on the national waiting list. However
exhausted recipients and extended criteria donors have
resulted in worse results (1 year survival) in the most recent
cohort. The French medical transplant community is thus
considering new algorithm based on Heart Failure severity
scores and larger use of mechanical devices as bridge to
transplantation.
Keywords: Heart transplantation – High-urgency – Allocation
rules.
✓✓ les données morphométriques du donneur ;
✓✓ le groupage HLA du donneur ;
✓✓ le groupe sanguin du donneur ;
✓✓ les conditions ayant conduit au décès du donneur ;
✓✓ les paramètres hémodynamiques standard du
donneur (pression artérielle systémique et moyenne,
fréquence cardiaque) ;
✓✓ le support médicamenteux (dose d’amines nécessaires à la stabilité hémodynamique) ;
✓✓ les antécédents médicaux et chirurgicaux du patient,
notamment les facteurs de risque cardiovasculaire
(tabagisme, hypertension, obésité, etc.) ;
✓✓ un descriptif de l’électrocardiogramme et d’une
échocardiographie réalisés au lit du patient. Le cas
échéant, une coronarographie complétera ce dossier.
Le dossier du donneur ainsi rempli sera alors, s’il est
compatible avec un prélèvement cardiaque, soumis
aux différentes équipes de greffe.
L’accès à la greffe, pour les patients en attente, s’organise
en fonction de leur niveau de priorité et d’urgence.
La transplantation cardiaque en France est en effet
Le Courrier de la Transplantation - Vol. XII - n° 2 - avril-mai-juin 2012
Règles d’attribution des organes en transplantation cardiaque
organisée autour de la notion de priorité, nationale ou
régionale. Les organes prélevés vont ainsi, être attribués
en priorité aux cas suivants :
✓✓ patients inscrits sur les listes de “super-urgence”
nationale ;
✓✓ patients inscrits sur les listes d’urgence interrégionale ;
✓✓ patients en attente d’une greffe simultanée d’organes différents (par exemple cœur + foie, cœur +
rein).
Enfin, une règle d’attribution locale s’appliquera, avant
que, en l’absence de receveur compatible sur les différentes listes précédentes, ces attributions soient réparties dans l’inter-région, à l’équipe dont c’est le tour.
Dans chacune de ces catégories, la compatibilité entre
le donneur et le receveur sera définie par un groupe
sanguin identique et une morphologie du receveur
compatible avec le poids et la taille du donneur. Il est
en effet établi que, lorsque le donneur pèse 15 kg de
moins que le receveur, la transplantation peut être difficile. Néanmoins, la marge de tolérance entre les poids
du donneur et du receveur est jugée au cas par cas par
les équipes de transplantation.
La catégorie de super-urgence nationale, qui est donc
celle réservée aux patients dont l’état clinique justifie
l’attribution la plus rapide possible d’un greffon cardiaque est divisée en 2 catégories : la catégorie dite
super-urgence 1 (SU1) et la catégorie dite superurgence 2 (SU2).
La réglementation actuelle précise ces catégories.
Catégorie super-urgence 1
Sont inscrits en SU1 les patients en liste d’attente de
greffe cardiaque :
✓✓ sans dispositif d’assistance ventriculaire de longue
durée ;
✓✓ dont l’état justifie le maintien en réanimation ou en
soins intensifs cardiologiques pour une décompensation cardiaque aiguë et terminale ;
✓✓ sous inotropes en perfusion i.v. continue depuis au
moins 48 heures sans possibilité de sevrage :
• aux doses minimales de 10 γkmn pour la dobutamine,
• à 0,1 γkmn ou 1 mg/h pour l’adrénaline ou la noradrénaline,
• recevant plus de 1 inotrope ;
✓✓ et ou non sous Extracorporeal Membrane Oxygenation
(ECMO) ou équivalents (dispositif d’assistance ventriculaire [DAV] percutané ou contre-pulsion par ballon
intraaortique [CPBIA]) de courte durée ;
✓✓ dont l’état clinique reste compatible avec une greffe
cardiaque (score de défaillance multiviscérale SOFA).
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Chaque receveur adulte inscrit dans cette catégorie
SU1 l’est pour une période de 48 heures, prolongée
au maximum de 48 heures sur demande. En cas de
contre-indication reconnue de l’assistance circulatoire,
la priorité peut être prolongée sans limite de temps
après avis spécifique de 2 experts.
Cette notion d’expertise est essentielle, puisqu’elle va
permettre l’arbitrage dans chacune des situations litigieuses ou ne correspondant pas aux critères initiaux.
Il existe en effet une liste d’experts thoraciques, 2 au
minimum par zone interrégionale de prélèvement et
de répartition des greffons (ZIPR), également répartis
entre médecins et chirurgiens, et nommés pour 2 ans
par le directeur général de l’Agence de la biomédecine
à partir d’une liste de candidats proposée par chaque
équipe médico­chirurgicale autorisée, sur la base du
volontariat. Les fonctions des experts sont assurées à
titre gratuit. Ceux-ci sont susceptibles d’être joints à
tout instant pour discuter de l’accès à des catégories
dérogatoires.
Catégorie super-urgence 2
La SU2 comprend les malades sous assistance cardiaque
mécanique ou cœur artificiel total, ayant présenté une
ou plusieurs complications liées au dispositif :
✓✓ complications thromboemboliques sans séquelle
invalidante ou grave ;
✓✓ infection du dispositif d’assistance non contrôlée ;
✓✓ trouble du rythme résistant au traitement conventionnel sur DAV gauche ;
✓✓ compatilité de l’état clinique avec une greffe cardiaque (cas de défaillance multiviscérale SOFA).
Les receveurs adultes inscrits dans la catégorie SU2 le
sont pour une période de 8 jours, prolongée d’une ou de
plusieurs périodes de 8 jours à chaque fois sur demande.
Pour les malades entrant dans l’une de ces 2 catégories
et qui présentent, de surcroît, une difficulté d’accès
à la greffe (groupe rare, morphotype extrême), une
dérogation au principe de la greffe en isogreffe peut
être sollicitée. Cette demande de dérogation sera également soumise aux experts, comme pour l’arbitrage
des SU de type 1.
En ce qui concerne les enfants, l’accès à une greffe en
priorité de type super-urgence (SU1 et SU2) n’est pas
limité dans le temps (sous réserve d’un âge à l’inscription inférieur à 18 ans).
Les organes seront proposés successivement aux
patients inscrits dans la catégorie SU1 puis à ceux de
la catégorie SU2, à chaque fois au plus anciennement
inscrit dans la catégorie, avant d’être proposé aux autres
patients en attente.
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Critères d’accès
à la transplantation
pour les groupes difficiles
Dossier thématique
Ces procédures d’application des règles de répartition et d’attribution des greffons prélevés sur des
personnes décédées ont été publiées dans l’arrêté du
6 novembre 1996, modifiées par les arrêtés du 30 août
2002, du 2 juin 2004, du 2 août 2005, du 24 août 2006,
du 29 janvier 2007, du 26 janvier 2008, du 6 mars 2009,
du 31 mars 2009 et du 21 janvier 2011.
Évaluation des résultats d’attribution
des greffons cardiaques en super-urgence
Conclusion
L’attribution de ces greffons priorisés suivant des modalités de type SU1 influe certainement sur les résultats
observés : les cas proposés à la greffe sont plus graves
que dans les périodes précédentes, et présentent
des défaillances multiviscérales, qui restent la pierre
d’achoppement des résultats de transplantation. ■
Référence
bibliographique
1. Starling, Korodesk. Mechanical circulatory support. Elsevier
2011, Braunwalde. Livre blanc du Collège national des cardiologues des hôpitaux, 2012.
Résumé
L’idée d’un accès prioritaire à la greffe sur une priorité
nationale de 96 heures est née de l’observation, dans
les années 2000 à 2004, d’une gravité de plus en plus
importante de l’état des patients candidats à la transplantation ; en outre, la mortalité sur liste d’attente devenait inacceptable. Les super-urgences ont été instaurées
en juillet 2004 pour favoriser l’accès à la greffe dans les
cas critiques afin d’éviter une assistance lourde ou de
pallier les complications liées à ce type d’assistance. Une
analyse établie en 2009 sur la période d’observation
de 2000 à 2008 (4 années sans SU et 4 années avec) a
recensé 4 147 inscriptions, dont 1 045 avec au moins
1 priorité. Cinq cent quatre-vingt-trois de ces inscriptions étaient des SU1, 87 des SU2 et 647 des SU de type
régional. En 2008, 43 % des patients avaient reçu leur
greffe lors d’une SU1 active et 5 % lors d’une SU2 active.
Le résultat de cet accès prioritaire a atteint l’objectif qui
avait été fixé, à savoir une diminution de l’incidence
cumulée des décès en liste nationale d’attente entre les
2 périodes comparées, 2004-2008 versus 2000-2004 : l’in-
cidence cumulée a en effet été de 11,73 % versus 14,81 %,
et la durée d’attente des patients priorisés a diminué, la
moyenne du délai passant de 8,5 à 5,1 mois après 2004.
Cette réduction reste cependant hétérogène en fonction
des groupes sanguins et de la sévérité des cas.
Parallèlement, l’observation qui a pu être faite des résultats globaux de la transplantation chez les patients en
attente de greffe, en France, ces 2 dernières années,
a mis en évidence une dégradation des résultats de la
greffe, avec une mortalité après transplantation supérieure à celle des années précédentes. Ainsi, la survie à
1 an après transplantation cardiaque, qui avait régulièrement augmenté depuis 1985, a dramatiquement baissé
sur la période allant de 2005 à 2008, atteignant 71 %
versus 77 % lors de la période précédente, 2000-2004.
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