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mémoire, etc. Cette notion de
perfectionnement ne renvoie alors pas à la
santé. Elle correspond plutôt à une
investigation permanente de toutes les
potentialités du corps. Cela reprend une
question développée par Spinozaii qui
nous dit « nul ne sait ce que peut le
corps. » ; sauf qu’au XXIe siècle, on n’a
plus de but à atteindre. On ne sait plus
quand le corps sera parfait, ni en
référence à quoi. C’est une quête sans
limite qui oblige la médecine à se redéfinir.
Est-ce que la médecine a vocation à aider
cette quête de corps parfait ? A partir de
quel moment la médecine change-t-elle
d’identité ? Il s’agit d’un espace de
négociation entre la demande sociale et
une certaine conception du progrès de la
médecine. En effet, cette dernière a
développé des capacités techniques qui
ne demandent qu’à être mises en œuvre.
Même les médecins qui ont une réflexion
éthique sur leur pratique sont tentés par
ces possibilités techniques. Nous sommes
dans une redéfinition de notre
représentation du corps humain et par là
même notre représentation de l’humanité.
En d’autres termes, les possibilités que
nous offrent les techniques et les
représentations que nous avons de
nous-mêmes et du corps, nous
poussent à créer des « corps
parfaits » ?
Il n’y a plus de représentation de la
perfection. Au XVIIe siècle, le corps parfait
a été défini en termes esthétiques. Avec la
théorie du portrait, on a défini la beauté.
Aujourd’hui selon les groupes sociaux
dans lesquels vous allez vous inscrire,
vous n’aurez pas la même représentation
du corps parfait. Il n’y a plus d’idée
universelle. En revanche, il y a l’idée que
le corps peut être perfectionné. A partir du
moment où l’ on comprend que le corps
n’est pas seulement quelque chose de
donné, de naturel, mais est quelque
chose qui devient, il y a alors recherche de
ce que pourrait ou devrait être ce corps.
Contrairement au XVIIe siècle, cette
recherche s’est déplacée sur les
techniques. On voit en elles une forme de
réponse pour atteindre cette potentialité
exacerbée du corps. On rejoint là, la
question philosophique de l’individu et du
moi (cf. les travaux de Vincent Descombes
à ce propos). J’appréhende donc la
question de la transformation du corps
aujourd’hui comme un dialogue entre les
biotechnologies qui permettent d’agir sur
le corps et la reconnaissance que nous ne
maitrisons pas complètement les
conséquences de ce que nous faisons. Et
c’est à ce niveau là que se pose la
problématique bio-éthique actuelle : nous
sommes responsables de ce que nous
faisons, mais plus radicalement nous
sommes les seuls responsables de ce que
nous devenons. Il faut se rendre compte
que nous sommes dans une espèce de
spirale qui nous oblige à repenser
l’humanité : nous n’avons plus de nature
et nous n’avons plus de Dieu. Nous
devons nous repenser en tant qu’humain.
Est-ce que vous voyez à ce niveau un
lien avec les robots et notamment avec
les robots androïdes qui nous
ressemblent et qui nous questionnent
sur notre rapport à la perfection
corporelle ?
De façon générale, je trouve que les
biotechnologies sont essentielles dans la
définition de notre humanité. Dès que
nous introduisons de nouvelles réalités
telles que les clones, les corps