Fiche d`actualité scientifique n°375

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Actualité scientifique
Scientific news
L’apomixie est une
particularité de certaines
plantes sauvages – celle
de produire des graines
sans fécondation ni
recombinaison génétique
– donnant naissance à des
copies conformes de la
plante mère. Un mode de
reproduction original que
les chercheurs de l’IRD et
leurs partenaires1 tentent
d’appliquer à des espèces
d’intérêt agricole – pour la
plupart sexuées – telles
que le blé ou le maïs.
Cette révolution éviterait
en particulier aux
producteurs des pays du
Sud d’acheter des
semences chaque année.
Mais développer de telles
variétés pose de
nombreux défis.
Notamment, une plante
sexuée peut-elle se passer
de père ? Une étude,
publiée dans la revue Cell,
élucide cette question
fondamentale. L’équipe
vient de montrer que
l’embryon pourrait se
développer sans la
contribution du génome
paternel. De fait, durant
les premiers stades de
croissance, l’essentiel des
gènes qui s’expriment sont
hérités de la mère. Puis,
les contributions se
rééquilibrent, mais c’est
toujours le génome
maternel qui distribue les
rôles parentaux.
Grâce à ces résultats, les
chercheurs espèrent, à
terme, mettre au point, à
l’usage des paysans du
Sud, des cultures dont les
qualités sélectionnées se
conserveraient récolte
après récolte.
© IRD / Y. Savidan
Mai 2011
Comment reproduire
des semences de qualité ?
© IRD / D. Grimanelli
N° 375
Actualidad cientifica
Les chercheurs tentent de provoquer chez des plantes cultivées telles que le maïs la multiplication asexuée appelée apomixie, comme chez leurs cousins
sauvages (en haut à droite), ici au Mexique.
En redistribuant les gènes des parents, la reproduction sexuée tend à faire disparaître d’une
génération sur l’autre les caractères favorables
sélectionnés chez les plantes cultivées – productivité, vigueur, résistance à la sécheresse ou aux
pathogènes. Ainsi, il est difficile pour l’agriculteur de maintenir le rendement d’un champ de
maïs ou de blé année après année. A chaque
nouveau cycle de culture, il doit renouveler ses
graines. Plus de 25 milliards d’euros par an sont
consacrés dans le monde à l’achat de semences.
Mais de telles dépenses sont dif ficilement
suppor tables pour de nombreux producteurs
dans les pays en développement.
Plus de mélange
Pour permettre aux paysans de produire leurs
propres semences, les biologistes de l’IRD et leurs
partenaires1 tentent depuis plus de dix ans d’appliquer aux plantes agricoles une stratégie reproductive originale que possèdent certains végétaux
sauvages : l’apomixie, qui signifie étymologiquement « sans mélange ». De fait, cette multiplication
asexuée permet de se soustraire au brassage génétique. Sans fécondation ni méiose, c’est-à-dire sans
recombinaison génétique entre deux plants parents,
les graines donnent naissance à des répliques
exactes de la plante-mère. Dans la nature, environ
400 espèces font appel à l’apomixie, aussi variées
que le pissenlit, le manguier ou encore l’aubépine.
Une plante sexuée
peut-elle se passer de père ?
ces quelques cellules. Grâce aux différences de
Mais comment rendre « apomictiques » des plantes
l’équipe a pu déterminer, pour chacun des
sexuées – comme le sont la plupart des cultures ?
3000 gènes observés, que tel ARN est produit par
Les scientifiques, n’étant pas parvenus à des résul-
Contacts
des chromosomes hérités de la mère, et tel autre de
Daniel GRIMANELLI, chercheur à l’IRD
Tél. : + 33 (0)4 67 41 63 76
[email protected]
tats satisfaisants par hybridation*, changent de
voie : ils entreprennent de provoquer un développement d’origine 100% maternelle chez l’embryon
d’une plante sexuée, dont le génome est normale-
ceux du père. C’est ainsi que chacune des deux
contributions parentales a été quantifiée.
se rééquilibrent progressivement. Mais là encore,
de celui du père.
c’est la mère qui contrôle la situation. Lors de ces
Cette approche novatrice pose de nombreux défis
mêmes travaux, les chercheurs ont identifié les
techniques mais aussi théoriques : la plante peut-
deux mécanismes mis en œuvre par le génome
elle s’affranchir totalement du père, sans que cela
maternel qui répriment et maintiennent silencieux
nuise à son développement ? Dans une étude
les gènes du père au départ, puis les activent grâce
publiée dans la revue Cell, l’équipe de recherche
à la production de protéines particulières.
les étapes précoces de son développement l’embryon croît essentiellement grâce aux chromosomes hérités de la mère, ceux reçus du père
Daphné AUTRAN, chercheure à l’IRD
Au cours du développement embryonnaire, les rôles
ment constitué pour moitié de l’ADN de la mère et
répond positivement à cette interrogation : durant
Pour en savoir plus
séquences entre les deux génomes parentaux,
Tél. : + 33 (0)4 67 41 63 76
[email protected]
UMR 232, Diversité, Adaptation, Développement des plantes (IRD/Université
Montpellier 2).
Adresse
IRD
911 avenue Agropolis
BP 64 501
34 394 Montpellier Cedex 5
Ces nouveaux résultats suggèrent qu’il serait
possible de provoquer une sorte de multiplication
restant inactifs. Au total, plus de 90% des ARNs2,
clonale chez des espèces sexuées. Mais en l’ab-
c’est-à-dire les molécules qui permettent la différen-
sence de fertilisation, quel est le signal qui déclenche
ciation des tissus et organes de l’embryon, s’avè-
la croissance d’une graine ? Une fois cette dernière
rent d’origine maternelle.
barrière levée, les chercheurs espèrent à terme
Références
Autran Daphné, Baroux C., Raissig M.
T., Lenormand T., Wittig M., Grob S.,
Steimer A., Barann M., Klostermeier U.
C., Leblanc Olivier, Vielle-Calzada
J-P., Rosenstiel P., Grimanelli Daniel,
Grossniklaus U. Maternal epigenetic
fournir aux agriculteurs, en particulier des pays du
Quand la mère domine
Sud, des plantes alimentaires apomictiques, chez
Pour élucider cette question fondamentale, les
lesquelles se fixeraient de génération en génération
généticiens ont choisi la plante modèle nommée
Arabidopsis thaliana. Sous la loupe de leur microscope, ils ont croisé deux variétés distinctes. Quinze
heures après la fécondation, ils ont extrait les jeunes
embryons. A ce stade, ces derniers ne sont consti-
pathways control parental contributions
to Arabidopsis early embryogenesis. Cell,
2011. doi:10.1016/j.cell.2011.04.014
les qualités agronomiques sélectionnées.
* voir fiche d’actualité n°11 - Transfert de l’apomixie au
Mots clés
Plantes cultivées, apomixie, gènes
maïs par hybridation : les chercheurs approchent du but
tués que de deux à quatre cellules. En utilisant des
méthodes de séquençage à très haut débit, les
Rédaction DIC — Gaëlle Courcoux
Coordination
Gaëlle Courcoux
Direction de l’information
et de la culture scientifiques pour le Sud
Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90
Fax : +33 (0)4 91 99 92 28
[email protected]
1. Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec l’Université de Zurich en Suisse, le LANGEBIO (Laboratorio Nacional de Genomica
para la Biodiversidad) à Irapuato au Mexique, l’Université de Kiel en Allemagne et le Centre d’Ecologie Fonctionnelle du CNRS à
Montpellier.
2. L’ARN est une molécule présente dans les cellules qui véhicule l’information génétique portée par l’ADN ou qui l’utilise pour fabriquer
les protéines.
Relations avec les médias
Cristelle DUOS
+33 (0)4 91 99 94 87
[email protected]
Grâce au séquençage du génome d’un embryon de plante sexuée (à gauche), les chercheurs ont pu déterminer comment celui-ci se développe. Arriverontils à terme à inhiber totalement l’ADN paternel pour transformer en plante apomictique une culture comme le blé (ici dans Haut-Atlas marocain) ?
© IRD / O. Barrière
© IRD / O. Barrière
© IRD / D. Grimanelli
Indigo,
photothèque de l’IRD
Daina Rechner
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13572 Marseille Cedex 02
France
© IRD/DIC, mai 2011 - Conception et réalisation graphique : L. CORSINI
chercheurs ont analysé les ARNs contenus dans
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