FÉVRIER 2012 | SPECTRUM | 3
À la découverte de la
thérapie d’acceptation et d’engagement
par Benjamin Schoendorff
L’ACT fait partie de la « troisième vague » des
thérapies comportementales et cognitives
(TCC). La première vague (comportementale)
visait à s’exposer aux choses et situations
évitées afin de favoriser le changement
comportemental. La deuxième vague
(cognitive) cherchait à modifier les pensées
et les schémas de pensées dans le but de
changer sa perception du monde et ainsi de
changer ses comportements.
Dans la troisième vague, plutôt que de
chercher à modifier les pensées ou les
émotions, l’ACT vise l’apprentissage de tech-
niques plus douces et distancées d’interagir
avec ses pensées et ses émotions afin de favori-
ser le changement comportemental. On pour-
rait dire qu’elle applique les méthodes de la
première vague (s’exposer) aux pensées et
émotions qui intéressaient la deuxième vague,
mais sans chercher à les changer.
La thérapie d’acceptation et d’engagement, sur-
nommé l’ACT (prononcé « acte ») vise le dé-
veloppement de la flexibilité psychologique,
c’est-à-dire, la capacité d’agir en accord avec
ses valeurs personnelles malgré la présence
d’expériences intérieures inconfortables ou
douloureuses provenant de nos pensées, nos
émotions, nos souvenirs, nos envies et nos sen-
sations. En retrouvant cette capacité d’agir en
accord avec ses valeurs personnelles les plus
profondes, on se réconcilie avec soi-même
tout en retrouvant le chemin d’une vie riche
de sens. Cela fait que l’ACT est souvent décrite
comme une thérapie comportementale, huma-
niste et existentielle.
Selon l’ACT, la souffrance fait partir de la vie
humaine et elle n’est pas, en soi, pathologique.
Lorsque l’on souffre, il est normal de chercher
à modifier ses ressentis afin de réduire sa souf-
france. La pathologie naît quand les actions vi-
sant à modifier son expérience intérieure se
font au détriment des actions qu’il serait im-
portant de pouvoir faire. Par exemple, pour
éviter de me sentir mal à l’aise, je vais éviter
de me rendre au party, alors qu’entretenir de
bonnes relations sociales est important pour
moi. Autres exemples, pour ne pas me sen-
tir vulnérable, je ne vais pas partager mes pen-
sées les plus intimes avec ma conjointe, alors
qu’une relation authentique est importante
pour moi. Pour ne pas me sentir angoissé par
mes pensées obsessives, je vais faire des rituels
interminables alors qu’il est important pour
moi de m’engager à fond dans mon travail.
Pour ne pas me sentir idiot, je ne vais pas poser
de questions alors qu’apprendre est important
pour moi. Pour ne pas faire face à mon manque
d’envie, je ne vais pas faire de sport alors que
prendre soin de moi est important pour moi.
Tous ces exemples ont un point en commun :
la lutte pour changer son expérience intérieure
aux dépends d’actions valorisées. Nous luttons
tous, à plusieurs niveaux, contre notre expé-
rience intérieure. Mais cette lutte peut deve-
nir un piège redoutable car plus je lutte pour
changer mes pensées et mes ressentis, plus ils
sont présents, et plus ils prennent de l’impor-
tance et moins je fais d’actions importantes
pour moi — et plus je me sens coincé. Plus je
me sens coincé, plus je lutte et c’est alors que
l’impression que ma vie se rétrécit et se vide de
sens peut me rattraper et me causer du tort.
Au travers d’exercices concrets et structurés,
l’ACT permet de graduellement changer la re-
lation que l’on entretient avec son expérience
intérieure afin de retrouver la liberté d’agir en
accord avec ses valeurs personnelles les plus
profondes. Une thérapie ACT entraîne à se dis-
tancer des pensées qui incitent à adopter des
comportements de lutte contre son expérience
intérieure afin de graduellement apprendre
à accueillir son vécu de l’instant avec plus de
souplesse et de bienveillance. Pour ce faire, elle
apprend progressivement à observer son ex-
périence intérieure telle qu’elle est afin qu’elle
devienne plus familière et donc moins mena-
çante. L’ACT aide aussi à se reconnecter avec
ses valeurs personnelles profondes et libre-
ment choisies. Il devient plus facile d’identifier
comment on voudrait pouvoir agir dans ses dif-
férents contextes de vie.
Contrairement aux thérapies cognitives et com-
portementales plus traditionnelles où l’expo-
sition aux expériences difficiles ou évitées est
utilisée pour faire baisser son angoisse, l’ACT
encourage à s’engager dans des actions corres-
pondant à ses valeurs — même en présence de
ressentis inconfortables. Cette connexion des
actions d’avec ses valeurs permet d’augmenter
la satisfaction ressentie à modifier son compor-
tement et surtout de rendre du sens à sa vie, ce
qui fera que ces actions vont se multiplier.
L’ACT se base sur une nouvelle théorie de la co-
gnition (la Théorie des Cadres Relationnels —
Hayes, et coll. 2001) et s’appuie sur près de
50 essais cliniques contrôlés. L’ACT fait l’objet
d’un important programme de recherche visant
à établir ses bases probantes. La recherche
suggère son efficacité pour plusieurs pro-
blèmes tels que la dépression, les troubles de
la personnalité, les troubles anxieux, le trouble
obsessionnel-compulsif, la douleur chronique
et les troubles psychotiques. Certaines données
suggèrent que l’ACT serait également efficace
dans la gestion du stress professionnel et dans
l’augmentation des performances profession-
nelles et sportives.
Présentement, le centre d’études sur les
troubles obsessionnels-compulsifs et les tics
débute une étude qui permettra de compa-
rer l’ACT en tant que thérapie pour le Trouble
Obsessionnel Compulsif avec d’autres ap-
proches déjà reconnus comme traitement pour
le TOC.
BIBLIOGRAPHIE
Grand Public :
SCHOENDORFF, B., Faire face à la souf-
france : choisir la vie plutôt que la lutte avec
la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement
(Retz, 2009).
HARRIS, R., Le piège du Bonheur (Éditions de
l’Homme, 2009).
Professionels :
SCHOENDORFF, B., GRAND, J. & BOLDUC,
M-F., La Thérapie d’Acceptation et d’Engage-
ment, Guide Clinique (deBoek, 2011)