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pharmaJournal 24 | 11.2015
→ pharmaSuisse
généralement bien trop faible pour avoir un effet
psychotrope. Internet a également eu un grand im-
pact sur l’état des informations et sur le déplacement
croissant de la demande venant des patients vers
celle venant des médecins.
Sativex® a été autorisé en 2013.
Quel en a été l’impact sur vos activités?
Le spray Sativex® peut être prescrit sans autorisation
spéciale au même titre qu’un stupéfiant normal mais
uniquement pour les patients atteints de sclérose en
plaques. Il s’agit presque d’une copie de notre tein-
ture mère mais sous forme de gouttes. Nous avons
d’abord pensé que nous allions perdre de nombreux
patients à cause de la mise sur le marché du Sativex®.
Mais cela n’a pas été le cas, car beaucoup de patients
utilisent plus volontiers nos gouttes que le spray. En
fait, cette mise sur le marché a surtout permis de
dissiper les doutes des personnes sceptiques, notam-
ment sur le fait que ces produits faisaient trop peu
l’objet de recherches.
Pour répondre aux questions sur le cannabis,
vous avez une ligne téléphonique spéciale.
Quel a été l’investissement pour répondre
aux demandes?
Dans le domaine de l’information et des clarifications,
l’investissement est très grand. Nous recevons beau-
coup de questions de l’étranger ou de personnes qui
veulent se renseigner sans engagement et qui ne se-
ront jamais des clients. Mais il est important pour
moi que chacun reçoive les informations qu’il désire.
C’est peut-être mon cœur de pharmacien qui prend
le dessus sur mon cerveau de chef d’entreprise. Par-
fois, des espoirs sont anéantis car le cannabis n’est
pas la solution à tous les problèmes. Il y a donc tou-
jours des clients déçus qui ressortent de notre phar-
macie. Les conseils à donner aux clients durant leur
traitement sont également très importants et inten-
sifs. Cet investissement doit forcément se répercuter
sur le prix du produit.
Comment gérez-vous la demande qui ne cesse
de croître?
Actuellement, je suis aidé par trois assistantes médi-
cales pour tout ce qui concerne le cannabis. Et nous
avons créé des locaux spécialement pour cette activi-
té. Actuellement, nous accompagnons entre 500 et
600 patients. En huit ans, depuis que nous vendons
des produits à base de cannabis, nous en avons ac-
compagné environ 1600, atteints de pathologies très
différentes. Beaucoup d’entre eux nous contactent
Une meilleure qualité de vie grâce au cannabis
Les résultats suite à un traitement à base de cannabis sont sou-
vent bons, voire très bons, surtout dans les indications comme
les douleurs, la sclérose en plaques et les spasmes. Selon
Manfred Fankhauser, plusieurs patients de la «Bahnhof-Apo-
theke» avaient même déjà fixé un rendez-vous avec Exit. Grâce
au cannabis à usage médical, ils ont pu retrouver une qualité de
vie supportable. A l’image de cette patiente de 45 ans, qui s’est
retrouvée paralysée suite à une anesthésie rachidienne locale.
Elle a passé une année en chaise roulante et a dû prendre
des médicaments antispastiques extrêmement puissants qui
avaient de très forts effets indésirables. Depuis six mois, cette
musicienne prend de la teinture mère de cannabis trois fois par
jour à faible dose. Elle dit s’être sentie renaître et a même pu
reprendre ses activités musicales. «Avec nos produits, nous ne
pouvons naturellement pas stopper les maladies, ni même les
guérir. Mais nous pouvons apporter un réel soulagement», ré-
sume Manfred Fankhauser
De la demande d’autorisation au produit
Depuis 2007, la «Bahnhof-Apotheke» fabrique du Dronabinol à base de tétrahydro-can-
nabinol (THC) synthétisé à partir d’éléments de l’écorce d’orange. En Suisse, une utilisa-
tion médicale n’est possible qu’avec une autorisation spéciale délivrée par l’OFSP. Avec
la modification de la loi qui a eu lieu il y a quatre ans, la fabrication de produits naturels
de cannabis est maintenant aussi possible. Avec le chimiste Markus Lüdi et une entre-
prise qui cultive le chanvre, Manfred Fankhauser a donc déposé une demande en ce sens
et il possède une autorisation soumise à des normes très strictes régissant la culture, les
quantités et les contrats d’achat.
La teinture mère préparée par la «Bahnhof-Apotheke» coûte près d’un tiers de moins que
le Dronabinol. Elle est de plus en plus souvent prescrite. Les deux produits ont un effet
très comparable, la principale différence résidant dans le fait que les produits issus du
cannabis naturel contiennent d’autres substances en plus du THC, notamment du canna-
bidiol. Ce dernier est un puissant anti-inflammatoire, antiépileptique et anxiolytique. Le
Dronabinol en revanche stimule mieux l’appétit. Le choix du produit est décidé en com-
mun avec le médecin en fonction de la pathologie à traiter. Depuis peu, une huile de
cannabis est également disponible. Semblable à la teinture de cannabis, elle est toute-
fois plus fortement concentrée en cannabidiol.
Le développement de ces différents produits a été marqué, selon Manfred Fankhauser,
par de larges périodes d’essai pour lesquelles il a fallu payer le prix de l’apprentissage.
Ainsi une extraction à froid de la teinture mère de cannabis a d’abord été entreprise.
Mais au détriment de la stabilité du produit. Depuis quelques mois, la teinture mère est
chauffée, ce qui, d’après les réactions reçues, améliore son effet.
Contrairement au Dronabinol, bien documenté, il n’existe pas encore d’étude sur la tein-
ture mère de cannabis. Aujourd’hui, la pharmacie dispose de quatre ans d’expériences et
compte plusieurs centaines de patients qui prennent ce produit. Mais pour Manfred
Fankhauser, les obstacles sont pourtant beaucoup trop élevés pour la faire enregistrer.
Sécurité maximale:
le THC pur est stocké
dans un coffre-fort
situé au sous-sol de la
pharmacie.
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