Ann Biol Clin, vol. 64, n° 6, novembre-décembre 2006 583
congrès
cytosol et l’augmentation du rapport molaire β-hydroxy-
butyrate/acétoacétate (BOB/AA) dans la mitochondrie.
On peut essayer de mettre en évidence ces perturbations,
soit à l’état de base (au cours de cycles de points redox),
soit au cours d’une épreuve de charge en glucose.
Les « cycles de points redox » sont réalisés en mesurant
simultanément les concentrations sanguines de glucose,
lactate, pyruvate, corps cétoniques et acides gras, au cours
de prélèvements effectués 5 minutes avant et 1 heure
après chaque repas, de manière répétée dans la journée,
pour révéler la réponse au jeûne et aux apports nutrition-
nels. Il est important de s’assurer de la qualité des prélè-
vements (déprotéinisation au lit du malade, absence de
garrot). La lactaturie peut aider à différencier les vraies
hyperlactatémies des hyperlactatémies artéfactuelles :
elle est dosée sur une miction congelée immédiatement
après émission. La mesure du lactate et du pyruvate dans
le LCR est parfois nécessaire pour révéler une atteinte
limitée au système nerveux central, sans modification des
paramètres périphériques.
La détermination des points redox doit s’intégrer dans le
cadre d’un screening métabolique plus global [1], asso-
ciant un dosage de la carnitine sanguine libre et totale, un
profil des acylcarnitines, une chromatographie des acides
aminés sanguins et urinaires, ainsi qu’une chromatographie
des acides organiques urinaires. Ces examens sont impor-
tants pour le diagnostic différentiel avec une anomalie de
l’oxydation des acides gras.
Les anomalies des points redox sont plus nettes dans la
période post-prandiale [2]. En effet, la glycolyse augmente
la production cytosolique de NADH, dont la ré-oxydation
dépend directement du bon fonctionnement de la navette
malate-aspartate et de la chaîne respiratoire. La mise en
évidence d’une hyperlactatémie (> 1,8 mM) avec un rapport
lactate/pyruvate (L/P) augmenté (> 15) est évocatrice d’un
déficit de la chaîne respiratoire. On peut aussi observer une
cétonémie post-prandiale dite « paradoxale » avec un rapport
β-hydroxy-butyrate/acéto-acétate (BOB/AA) augmenté
(> 2). En effet, l’acétylCoA, produit par la pyruvate deshy-
drogénase est détourné vers la voie de la cétogenèse, s’il ne
peut pas s’intégrer dans le cycle de Krebs, du fait du ralen-
tissement des réactions de deshydrogénation du cycle (elles
produisent des co-enzymes réduits qui ne peuvent pas être
ré-oxydés). L’absence d’hyperlactatémie peut être trom-
peuse quand il existe une tubulopathie associée. C’est pour-
quoi l’analyse des urines est utile pour mettre en évidence
et quantifier la lactaturie (rapport lactate/créatinine) ou
pour révéler la présence d’intermédiaires du cycle de Krebs
(succinate, malate, fumarate). Effectivement, le ralentisse-
ment des réactions de deshydrogénation provoque aussi la
fuite anormale d’intermédiaires.
Les points redox ne sont pas toujours informatifs : il
existe des déficits partiels, localisés de la chaîne respi-
ratoire, en particulier chez les adultes, qui ne perturbent
pas ces tests fonctionnels. En pédiatrie, ces tests ont
un intérêt supplémentaire, c’est celui de permettre un
diagnostic différentiel avec d’autres causes d’anoma-
lies du métabolisme énergétique [1]. Ainsi le déficit en
pyruvate deshydrogénase se caractérise par l’apparition
d’une hyperlactatémie majorée en période post-pran-
diale, mais sans altération de l’état redox, avec conser-
vation du rapport L/P. Alors que le déficit en pyruvate
carboxylase entraîne à la fois une hypoglycémie de jeûne
et une hyperlactatémie plus ou moins permanente, avec
augmentation du rapport L/P par altération de la navette
malate aspartate. On observe aussi la persistance d’un
taux élevé de corps cétoniques (cétonémie paradoxale),
témoin du mauvais fonctionnement du cycle de Krebs,
mais cette fois-ci par manque de substrat (oxaloacétate).
Le rapport ΒΟΒ/ΑΑ est bas, à la différence de ce que
l’on observe dans les anomalies de la chaîne respiratoire
et l’on constate une absence d’élimination des dérivés
du cycle de Krebs, dans les urines, très caractéristique.
D’une manière plus générale, la discordance entre un
rapport L/P élevé et un rapport B/A bas doit attirer l’at-
tention sur la possibilité d’une anomalie du cycle de
Krebs. On peut alors retrouver à la chromatographie des
acides organiques urinaires le produit qui s’accumule
en amont du bloc : acide alpha cétoglutarique, acide
fumarique, etc.
Une hyperglycémie provoquée par voie veineuse peut être
envisagée lorsque le bilan de base n’est pas informatif
pour mettre en évidence une augmentation anormale de la
lactatémie et des rapports L/P [2]. Cette épreuve est toute-
fois dangereuse en cas d’insuffisance cardiaque, par la
surcharge osmotique qu’elle entraîne.
Tests d’effort
Un autre type d’approche consiste à mesurer certains para-
mètres respiratoires (consommation maximale d’oxygène
(VO2 max) et sanguins (en particulier lactate et pyruvate)
au cours d’un effort progressif (bicyclette ergométrique) [3].
Cette épreuve concerne surtout l’investigation des patients
adultes atteints de myopathies. Elle peut montrer une inca-
pacité des patients à fournir un effort maximal ainsi qu’une
baisse de la VO2 max. Ceci est dû à un passage rapide en
métabolisme anaérobie, objectivé par l’augmentation plus
précoce du lactate chez ces patients, dès les premiers stades
de l’effort musculaire. La conservation du quotient respi-
ratoire montre que la glycolyse anaérobie se substitue à la
fois à la glycolyse aérobie et à l’oxydation des acides gras.
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