Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. congrès Cependant, très récemment des traitements spécifiques à type d’enzymothérapie substitutive ont pu être proposés pour certaines maladies lysosomales nécessitant un diagnostic précoce dans le but d’obtenir une meilleure efficacité. D’autre part, des greffes de moelle osseuse peuvent être réalisées dans certaines maladies lysosomales ou peroxysomales (adrénoleucodystrophie). Là encore, l’efficacité de ce type de thérapeutique dépend avant tout de la précocité du diagnostic. D’autres approches innovantes sont en cours d’étude (inhibiteurs de substrats, molécule chaperonne...) ; – pour les familles : il existe une très forte demande quant à la connaissance précise de la cause du trouble de développement que présente leur enfant, et par là même de la meilleure prise en charge possible. La plupart des pathologies métaboliques sont d’hérédité récessive autosomique, quelques-unes sont récessives liées au sexe, et il existe parfois une hérédité maternelle dans le cadre des pathologies mitochondriales. La consultation de conseil génétique est donc indispensable, elle permet de façon dissociée de l’annonce du diagnostic et de la prise en charge du malade lui-même, l’annonce des implications familiales de ce diagnostic et pour les couples ayant un nouveau projet parental de discuter du risque de récurrence et de la possibilité de diagnostic prénatal visant à éviter la naissance d’enfant porteur de la même maladie, le prérequis indispensable à un diagnostic prénatal fiable étant le diagnostic exact du cas index; – dépistage néonatal : si le dépistage d’une maladie héréditaire du métabolisme a fait ses preuves depuis de très nombreuses années avec le dépistage de la phénylcétonurie, les techniques actuelles de spectroscopie de masse en tandem (MS/MS) permettent d’avoir accès à ce type de dépistage pour un grand nombre de ces pathologies [2]. Cependant, il reste encore de nombreuses interrogations tant sur le plan éthique que santé publique. L’extrême diversité, la complexité des maladies héréditaires du métabolisme, mais également de leurs signes cliniques, rendent leur diagnostic difficile nécessitant une expertise tant au niveau clinique qu’au niveau biochimique. Références 1. Saudubray JM, Charpentier C. Clinical phenotypes : diagnosis/algorytms. In : Scriver CR, Beaudet AL, Sly WS, Valle D, eds. The metabolic and molecular bases of inherited diseases. 8e édition. New York : Mc Graw-Hill, 2001 : 1327-403. 2. Cheillan D, Cognat S, Vianey-Saban C, Maire I, Dorche C. La spectrométrie de masse en tandem appliquée au dépistage néonatal des maladies héréditaires du métabolisme : le point sur les indications actuelles. Ann Biol Clin (Paris) 2004 ; 62 : 269-77. 582 jleabc00264_cor4.indd 582 Les maladies mitochondriales Mitochondrial diseases PLACE DE LA MITOCHONDRIE DANS LE MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE. APPROCHE FONCTIONNELLE DES ANOMALIES MITOCHONDRIALES MITOCHONDRIA, THE MAJOR CELLULAR ENERGY PRODUCING ORGANELLE, IN VIVO FUNCTIONAL APPROACH TO MITOCHONDRIAL DISEASES M. Brivet Laboratoire de biochimie, AP-HP Hôpital de Bicêtre, 78, rue du général Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre <[email protected]> Les anomalies de la chaîne respiratoire font partie des pathologies mitochondriales, mais au même titre que d’autres entités perturbant le métabolisme énergétique, telles que les anomalies du carrefour pyruvate et du cycle de Krebs ou les déficits de l’oxydation des acides gras. On réserve toutefois la dénomination de cytopathies mitochondriales aux seuls déficits de la chaîne respiratoire. La présentation clinique ne permet pas toujours d’orienter les investigations : on trouve des pathologies du jeûne et de l’effort aussi bien dans les déficits de l’oxydation des acides gras que dans les anomalies de la chaîne respiratoire. De même que l’on observe des encéphalopathies dégénératives dans les cytopathies mitochondriales, mais aussi dans les anomalies du carrefour pyruvate et du cycle de Krebs. La biologie de première intention peut donner des pistes : l’hyperlactatémie est le symptôme cardinal des anomalies de la chaîne respiratoire, du carrefour pyruvate et du cycle de Krebs, alors que l’hypoglycémie de jeûne prolongé caractérise plutôt les déficits d’oxydation des acides gras. L’exploration fonctionnelle de l’état redox de la cellule a pour but d’orienter plus définitivement les investigations sur la recherche d’une anomalie de la chaîne respiratoire. Elle peut être réalisée par des mesures de métabolites dans les liquides biologiques (« points redox ») ou par des tests non invasifs in situ (spectroscopie RMN). Points redox Une anomalie de la chaîne respiratoire va aboutir à l’accumulation d’équivalents réduits et donc à l’élévation du rapport NADH/NAD, avec pour conséquences l’augmentation du rapport molaire lactate/pyruvate (L/P) dans le Ann Biol Clin, vol. 64, n° 6, novembre-décembre 2006 11/30/2006 11:01:33 PM Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. congrès cytosol et l’augmentation du rapport molaire β-hydroxybutyrate/acétoacétate (BOB/AA) dans la mitochondrie. On peut essayer de mettre en évidence ces perturbations, soit à l’état de base (au cours de cycles de points redox), soit au cours d’une épreuve de charge en glucose. Les « cycles de points redox » sont réalisés en mesurant simultanément les concentrations sanguines de glucose, lactate, pyruvate, corps cétoniques et acides gras, au cours de prélèvements effectués 5 minutes avant et 1 heure après chaque repas, de manière répétée dans la journée, pour révéler la réponse au jeûne et aux apports nutritionnels. Il est important de s’assurer de la qualité des prélèvements (déprotéinisation au lit du malade, absence de garrot). La lactaturie peut aider à différencier les vraies hyperlactatémies des hyperlactatémies artéfactuelles : elle est dosée sur une miction congelée immédiatement après émission. La mesure du lactate et du pyruvate dans le LCR est parfois nécessaire pour révéler une atteinte limitée au système nerveux central, sans modification des paramètres périphériques. La détermination des points redox doit s’intégrer dans le cadre d’un screening métabolique plus global [1], associant un dosage de la carnitine sanguine libre et totale, un profil des acylcarnitines, une chromatographie des acides aminés sanguins et urinaires, ainsi qu’une chromatographie des acides organiques urinaires. Ces examens sont importants pour le diagnostic différentiel avec une anomalie de l’oxydation des acides gras. Les anomalies des points redox sont plus nettes dans la période post-prandiale [2]. En effet, la glycolyse augmente la production cytosolique de NADH, dont la ré-oxydation dépend directement du bon fonctionnement de la navette malate-aspartate et de la chaîne respiratoire. La mise en évidence d’une hyperlactatémie (> 1,8 mM) avec un rapport lactate/pyruvate (L/P) augmenté (> 15) est évocatrice d’un déficit de la chaîne respiratoire. On peut aussi observer une cétonémie post-prandiale dite « paradoxale » avec un rapport β-hydroxy-butyrate/acéto-acétate (BOB/AA) augmenté (> 2). En effet, l’acétylCoA, produit par la pyruvate deshydrogénase est détourné vers la voie de la cétogenèse, s’il ne peut pas s’intégrer dans le cycle de Krebs, du fait du ralentissement des réactions de deshydrogénation du cycle (elles produisent des co-enzymes réduits qui ne peuvent pas être ré-oxydés). L’absence d’hyperlactatémie peut être trompeuse quand il existe une tubulopathie associée. C’est pourquoi l’analyse des urines est utile pour mettre en évidence et quantifier la lactaturie (rapport lactate/créatinine) ou pour révéler la présence d’intermédiaires du cycle de Krebs (succinate, malate, fumarate). Effectivement, le ralentissement des réactions de deshydrogénation provoque aussi la fuite anormale d’intermédiaires. Ann Biol Clin, vol. 64, n° 6, novembre-décembre 2006 jleabc00264_cor4.indd 583 Les points redox ne sont pas toujours informatifs : il existe des déficits partiels, localisés de la chaîne respiratoire, en particulier chez les adultes, qui ne perturbent pas ces tests fonctionnels. En pédiatrie, ces tests ont un intérêt supplémentaire, c’est celui de permettre un diagnostic différentiel avec d’autres causes d’anomalies du métabolisme énergétique [1]. Ainsi le déficit en pyruvate deshydrogénase se caractérise par l’apparition d’une hyperlactatémie majorée en période post-prandiale, mais sans altération de l’état redox, avec conservation du rapport L/P. Alors que le déficit en pyruvate carboxylase entraîne à la fois une hypoglycémie de jeûne et une hyperlactatémie plus ou moins permanente, avec augmentation du rapport L/P par altération de la navette malate aspartate. On observe aussi la persistance d’un taux élevé de corps cétoniques (cétonémie paradoxale), témoin du mauvais fonctionnement du cycle de Krebs, mais cette fois-ci par manque de substrat (oxaloacétate). Le rapport ΒΟΒ/ΑΑ est bas, à la différence de ce que l’on observe dans les anomalies de la chaîne respiratoire et l’on constate une absence d’élimination des dérivés du cycle de Krebs, dans les urines, très caractéristique. D’une manière plus générale, la discordance entre un rapport L/P élevé et un rapport B/A bas doit attirer l’attention sur la possibilité d’une anomalie du cycle de Krebs. On peut alors retrouver à la chromatographie des acides organiques urinaires le produit qui s’accumule en amont du bloc : acide alpha cétoglutarique, acide fumarique, etc. Une hyperglycémie provoquée par voie veineuse peut être envisagée lorsque le bilan de base n’est pas informatif pour mettre en évidence une augmentation anormale de la lactatémie et des rapports L/P [2]. Cette épreuve est toutefois dangereuse en cas d’insuffisance cardiaque, par la surcharge osmotique qu’elle entraîne. Tests d’effort Un autre type d’approche consiste à mesurer certains paramètres respiratoires (consommation maximale d’oxygène (VO2 max) et sanguins (en particulier lactate et pyruvate) au cours d’un effort progressif (bicyclette ergométrique) [3]. Cette épreuve concerne surtout l’investigation des patients adultes atteints de myopathies. Elle peut montrer une incapacité des patients à fournir un effort maximal ainsi qu’une baisse de la VO2 max. Ceci est dû à un passage rapide en métabolisme anaérobie, objectivé par l’augmentation plus précoce du lactate chez ces patients, dès les premiers stades de l’effort musculaire. La conservation du quotient respiratoire montre que la glycolyse anaérobie se substitue à la fois à la glycolyse aérobie et à l’oxydation des acides gras. 583 11/30/2006 11:01:33 PM Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. congrès Exploration fonctionnelle in situ : spectroscopie RMN 3. Chaussain M, Camus F, Defoligny C, Eymard B, Fardeau M. Exercise intolerance in patients with McArdle’s disease or mitochondrial myopathies. Eur J Med 1992 ; 1 : 453-6 Des tests fonctionnels non invasifs peuvent aussi être réalisés, in situ, grâce au développement de la spectroscopie RMN du muscle [4] ou du cerveau [5]. À l’heure actuelle, toutefois, ils conservent l’inconvénient d’explorer une zone restreinte. La spectroscopie de résonance magnétique du phosphore (P31) permet de mesurer les concentrations relatives de l’ATP, de la phosphocréatine (PCr) et du phosphate inorganique (Pi), ainsi que le pH du muscle squelettique. Ces paramètres peuvent être évalués au repos, pendant l’exercice et pendant la phase de récupération. Chez les patients atteints d’une myopathie mitochondriale, il a été montré une diminution du rapport PCr/Pi au repos, une baisse du pH pendant l’exercice et une lenteur à la reconstitution du pic de PCr après l’exercice. La spectroscopie de résonance magnétique du proton (H1) est plus adaptée à l’étude du métabolisme cérébral. Chez le sujet normal, il apparaît 3 pics principaux, correspondant au N-acétylaspartate (NAA), au bloc créatine-phosphocréatine (Cr) et aux composants constitués de choline (Cho). Chez les patients atteints d’une anomalie du métabolisme énergétique, il peut apparaître un pic de lactate si la concentration en lactate du LCR dépasse 4 mM. Ces pics ont été mis en évidence dans des zones particulièrement sensibles aux anomalies du métabolisme énergétique, comme les noyaux gris. La diminution simultanée des rapports NAA/Cr ou NAA/Cho signe une perte neuronale. Des développements technologiques sont à l’étude pour pouvoir généraliser l’investigation au cerveau entier et améliorer ainsi l’informativité de ce test. 4. Laforêt P, Eymard B. Exercise-intolerance and exercise-induced rhabdomyolisis : etiology and diagnosis. Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 217-23. Conclusion La confirmation d’une anomalie de la chaîne respiratoire est toujours un exercice difficile qui va nécessiter des prélèvements invasifs (biopsies tissulaires). Les investigations préliminaires, qui permettent d’exclure d’autres causes de perturbation du métabolisme énergétique et de localiser l’anomalie à la chaîne respiratoire avec une bonne probabilité, conservent donc toute leur importance et doivent être pratiqués systématiquement. Références 1. Poggi-Travert F, Martin D, Billette de villemeur T, et al. Metabolic intermediates in lactic acidosis : compounds, samples and interpretation. J Inher Metab Dis 1996 ; 19 : 478-88. 2. Touati G, Rigal O, Lombes A, Frachon P, Giraud M, Ogier de Baulny H. In vivo functional investigations of lactic acid in patients with respiratory chain disorders. Arch Dis child 1997 ; 76 : 16-21. 584 jleabc00264_cor4.indd 584 5. Dinopoulos A, Cecil KM, Schapiro MB, et al. Brain MRI and proton MRS findings in infants and children with respiratory chain defects. Neuropediatrics 2005 ; 36 : 290-301. ÉPIDÉMIOLOGIE DES CYTOPATHIES MITOCHONDRIALES : CONTRIBUTION DU RÉSEAU « MALADIES MITOCHONDRIALES » EPIDEMIOLOGY OF MITOCHONDRIAL CYTOPATHIES: CONTRIBUTION FROM THE FRENCH MITOCHONDRIAL DISEASES NETWORK P. Reynier et le réseau « Maladies mitochondriales » Inserm U694, Pôle de biologie, Centre hospitalier et universitaire d’Angers, 4 rue Larrey, 49033 Angers <[email protected]> Les cytopathies mitochondriales regroupent de nombreuses affections héréditaires qui résultent d’un dysfonctionnement du métabolisme énergétique mitochondrial [1]. Elles sont très hétérogènes sur le plan de leur origine génétique et de leur expression phénotypique. La présentation clinique des maladies mitochondriales est principalement neuromusculaire et neurosensorielle, mais la plupart des grandes fonctions physiologiques peuvent être affectées. Elles impliquent classiquement l’association de plusieurs pathologies d’organes et s’aggravent progressivement le plus souvent. Les affections mitochondriales peuvent débuter à tout âge, des pics d’apparition de ces maladies sont cependant observés en période néonatale, dans l’enfance et chez l’adulte jeune. Sur le plan physiopathologique, ces maladies sont très souvent la conséquence d’un défaut de la chaîne respiratoire mitochondriale qui est composée de 5 complexes multiprotéiques enchâssés dans la membrane interne et qui assure le couplage entre l’oxydation des nutriments et la phosphorylation de l’ADP en ATP. La perturbation d’autres fonctions mitochondriales peut aussi être à l’origine de déficits énergétiques d’origine génétique (complexe de la PDH, cycle de Krebs, β-oxydation des acides gras, dynamique du réseau mitochondrial, transport transmembranaire, métabolisme du fer…). Outre le déficit énergétique, la surproduction d’espèces réactives de l’oxygène, les déséquilibres redox et une susceptibilité accrue à l’apoptose pourraient participer à la physiopathologie des cytopathies mitochondriales. Sur le plan génétique, les maladies mitochondriales sont extrêmement hétérogènes. Plus d’une centaine de mutations pathogènes de l’ADN mitochondrial (ADNmt, 16,5 kb, Ann Biol Clin, vol. 64, n° 6, novembre-décembre 2006 11/30/2006 11:01:33 PM