congrès Les maladies mitochondriales Mitochondrial diseases

Ann Biol Clin, vol. 64, n° 6, novembre-décembre 2006
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Cependant, très récemment des traitements spéci ques à
type d’enzymothérapie substitutive ont pu être proposés
pour certaines maladies lysosomales nécessitant un
diagnostic précoce dans le but d’obtenir une meilleure
ef cacité. D’autre part, des greffes de moelle osseuse
peuvent être réalisées dans certaines maladies lysoso-
males ou peroxysomales (adrénoleucodystrophie). Là
encore, l’ef cacité de ce type de thérapeutique dépend
avant tout de la précocité du diagnostic. D’autres appro-
ches innovantes sont en cours d’étude (inhibiteurs de
substrats, molécule chaperonne...) ;
pour les familles : il existe une très forte demande
quant à la connaissance précise de la cause du trouble de
développement que présente leur enfant, et par là même
de la meilleure prise en charge possible. La plupart
des pathologies métaboliques sont d’hérédité récessive
autosomique, quelques-unes sont récessives liées au
sexe, et il existe parfois une hérédité maternelle dans
le cadre des pathologies mitochondriales. La consulta-
tion de conseil génétique est donc indispensable, elle
permet de façon dissociée de l’annonce du diagnostic
et de la prise en charge du malade lui-même, l’annonce
des implications familiales de ce diagnostic et pour les
couples ayant un nouveau projet parental de discuter du
risque de récurrence et de la possibilité de diagnostic
prénatal visant à éviter la naissance d’enfant porteur
de la même maladie, le prérequis indispensable à un
diagnostic prénatal able étant le diagnostic exact du
cas index;
dépistage néonatal : si le dépistage d’une maladie héré-
ditaire du métabolisme a fait ses preuves depuis de très
nombreuses années avec le dépistage de la phénylcéto-
nurie, les techniques actuelles de spectroscopie de masse
en tandem (MS/MS) permettent d’avoir accès à ce type de
dépistage pour un grand nombre de ces pathologies [2].
Cependant, il reste encore de nombreuses interrogations
tant sur le plan éthique que santé publique.
L’extrême diversité, la complexité des maladies héréditaires
du métabolisme, mais également de leurs signes cliniques,
rendent leur diagnostic difficile nécessitant une expertise
tant au niveau clinique qu’au niveau biochimique.
Références
1. Saudubray JM, Charpentier C. Clinical phenotypes : diagnosis/algo-
rytms. In : Scriver CR, Beaudet AL, Sly WS, Valle D, eds. The metabolic
and molecular bases of inherited diseases. 8e édition. New York : Mc
Graw-Hill, 2001 : 1327-403.
2. Cheillan D, Cognat S, Vianey-Saban C, Maire I, Dorche C. La spec-
trométrie de masse en tandem appliquée au dépistage néonatal des mala-
dies héréditaires du métabolisme : le point sur les indications actuelles.
Ann Biol Clin (Paris) 2004 ; 62 : 269-77.
Les maladies mitochondriales
Mitochondrial diseases
PLACE DE LA MITOCHONDRIE
DANS LE MÉTABOLISME ÉNERGÉTIQUE.
APPROCHE FONCTIONNELLE
DES ANOMALIES MITOCHONDRIALES
MITOCHONDRIA, THE MAJOR CELLULAR ENERGY
PRODUCING ORGANELLE, IN VIVO FUNCTIONAL
APPROACH TO MITOCHONDRIAL DISEASES
M. Brivet
Laboratoire de biochimie, AP-HP Hôpital de Bicêtre, 78,
rue du général Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre
Les anomalies de la chaîne respiratoire font partie des
pathologies mitochondriales, mais au même titre que
d’autres entités perturbant le métabolisme énergétique,
telles que les anomalies du carrefour pyruvate et du cycle
de Krebs ou les dé cits de l’oxydation des acides gras.
On réserve toutefois la dénomination de cytopathies mito-
chondriales aux seuls dé cits de la chaîne respiratoire.
La présentation clinique ne permet pas toujours d’orienter
les investigations : on trouve des pathologies du jeûne et
de l’effort aussi bien dans les déficits de l’oxydation des
acides gras que dans les anomalies de la chaîne respira-
toire. De même que l’on observe des encéphalopathies
dégénératives dans les cytopathies mitochondriales, mais
aussi dans les anomalies du carrefour pyruvate et du
cycle de Krebs.
La biologie de première intention peut donner des pistes :
l’hyperlactatémie est le symptôme cardinal des anomalies
de la chaîne respiratoire, du carrefour pyruvate et du cycle
de Krebs, alors que l’hypoglycémie de jeûne prolongé
caractérise plutôt les déficits d’oxydation des acides gras.
L’exploration fonctionnelle de l’état redox de la cellule a
pour but d’orienter plus définitivement les investigations
sur la recherche d’une anomalie de la chaîne respiratoire.
Elle peut être réalisée par des mesures de métabolites dans
les liquides biologiques (« points redox ») ou par des tests
non invasifs in situ (spectroscopie RMN).
Points redox
Une anomalie de la chaîne respiratoire va aboutir à l’ac-
cumulation d’équivalents réduits et donc à l’élévation du
rapport NADH/NAD, avec pour conséquences l’augmen-
tation du rapport molaire lactate/pyruvate (L/P) dans le
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cytosol et l’augmentation du rapport molaire β-hydroxy-
butyrate/acétoacétate (BOB/AA) dans la mitochondrie.
On peut essayer de mettre en évidence ces perturbations,
soit à l’état de base (au cours de cycles de points redox),
soit au cours d’une épreuve de charge en glucose.
Les « cycles de points redox » sont réalisés en mesurant
simultanément les concentrations sanguines de glucose,
lactate, pyruvate, corps cétoniques et acides gras, au cours
de prélèvements effectués 5 minutes avant et 1 heure
après chaque repas, de manière répétée dans la journée,
pour révéler la réponse au jeûne et aux apports nutrition-
nels. Il est important de s’assurer de la qualité des prélè-
vements (déprotéinisation au lit du malade, absence de
garrot). La lactaturie peut aider à différencier les vraies
hyperlactatémies des hyperlactatémies artéfactuelles :
elle est dosée sur une miction congelée immédiatement
après émission. La mesure du lactate et du pyruvate dans
le LCR est parfois nécessaire pour révéler une atteinte
limitée au système nerveux central, sans modification des
paramètres périphériques.
La détermination des points redox doit s’intégrer dans le
cadre d’un screening métabolique plus global [1], asso-
ciant un dosage de la carnitine sanguine libre et totale, un
profil des acylcarnitines, une chromatographie des acides
aminés sanguins et urinaires, ainsi qu’une chromatographie
des acides organiques urinaires. Ces examens sont impor-
tants pour le diagnostic différentiel avec une anomalie de
l’oxydation des acides gras.
Les anomalies des points redox sont plus nettes dans la
période post-prandiale [2]. En effet, la glycolyse augmente
la production cytosolique de NADH, dont la ré-oxydation
dépend directement du bon fonctionnement de la navette
malate-aspartate et de la chaîne respiratoire. La mise en
évidence d’une hyperlactatémie (> 1,8 mM) avec un rapport
lactate/pyruvate (L/P) augmenté (> 15) est évocatrice d’un
déficit de la chaîne respiratoire. On peut aussi observer une
cétonémie post-prandiale dite « paradoxale » avec un rapport
β-hydroxy-butyrate/acéto-acétate (BOB/AA) augmenté
(> 2). En effet, l’acétylCoA, produit par la pyruvate deshy-
drogénase est détourné vers la voie de la cétogenèse, s’il ne
peut pas s’intégrer dans le cycle de Krebs, du fait du ralen-
tissement des réactions de deshydrogénation du cycle (elles
produisent des co-enzymes réduits qui ne peuvent pas être
ré-oxydés). L’absence d’hyperlactatémie peut être trom-
peuse quand il existe une tubulopathie associée. C’est pour-
quoi l’analyse des urines est utile pour mettre en évidence
et quantifier la lactaturie (rapport lactate/créatinine) ou
pour révéler la présence d’intermédiaires du cycle de Krebs
(succinate, malate, fumarate). Effectivement, le ralentisse-
ment des réactions de deshydrogénation provoque aussi la
fuite anormale d’intermédiaires.
Les points redox ne sont pas toujours informatifs : il
existe des déficits partiels, localisés de la chaîne respi-
ratoire, en particulier chez les adultes, qui ne perturbent
pas ces tests fonctionnels. En pédiatrie, ces tests ont
un intérêt supplémentaire, c’est celui de permettre un
diagnostic différentiel avec d’autres causes d’anoma-
lies du métabolisme énergétique [1]. Ainsi le déficit en
pyruvate deshydrogénase se caractérise par l’apparition
d’une hyperlactatémie majorée en période post-pran-
diale, mais sans altération de l’état redox, avec conser-
vation du rapport L/P. Alors que le déficit en pyruvate
carboxylase entraîne à la fois une hypoglycémie de jeûne
et une hyperlactatémie plus ou moins permanente, avec
augmentation du rapport L/P par altération de la navette
malate aspartate. On observe aussi la persistance d’un
taux élevé de corps cétoniques (cétonémie paradoxale),
témoin du mauvais fonctionnement du cycle de Krebs,
mais cette fois-ci par manque de substrat (oxaloacétate).
Le rapport ΒΟΒ/ΑΑ est bas, à la différence de ce que
l’on observe dans les anomalies de la chaîne respiratoire
et l’on constate une absence d’élimination des dérivés
du cycle de Krebs, dans les urines, très caractéristique.
D’une manière plus générale, la discordance entre un
rapport L/P élevé et un rapport B/A bas doit attirer l’at-
tention sur la possibilité d’une anomalie du cycle de
Krebs. On peut alors retrouver à la chromatographie des
acides organiques urinaires le produit qui s’accumule
en amont du bloc : acide alpha cétoglutarique, acide
fumarique, etc.
Une hyperglycémie provoquée par voie veineuse peut être
envisagée lorsque le bilan de base n’est pas informatif
pour mettre en évidence une augmentation anormale de la
lactatémie et des rapports L/P [2]. Cette épreuve est toute-
fois dangereuse en cas d’insuffisance cardiaque, par la
surcharge osmotique qu’elle entraîne.
Tests d’effort
Un autre type d’approche consiste à mesurer certains para-
mètres respiratoires (consommation maximale d’oxygène
(VO2 max) et sanguins (en particulier lactate et pyruvate)
au cours d’un effort progressif (bicyclette ergométrique) [3].
Cette épreuve concerne surtout l’investigation des patients
adultes atteints de myopathies. Elle peut montrer une inca-
pacité des patients à fournir un effort maximal ainsi qu’une
baisse de la VO2 max. Ceci est dû à un passage rapide en
métabolisme anaérobie, objectivé par l’augmentation plus
précoce du lactate chez ces patients, dès les premiers stades
de l’effort musculaire. La conservation du quotient respi-
ratoire montre que la glycolyse anaérobie se substitue à la
fois à la glycolyse aérobie et à l’oxydation des acides gras.
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Exploration fonctionnelle in situ :
spectroscopie RMN
Des tests fonctionnels non invasifs peuvent aussi être
réalisés, in situ, grâce au développement de la spectro-
scopie RMN du muscle [4] ou du cerveau [5]. À l’heure
actuelle, toutefois, ils conservent l’inconvénient d’ex-
plorer une zone restreinte.
La spectroscopie de résonance magnétique du phosphore
(P31) permet de mesurer les concentrations relatives de
l’ATP, de la phosphocréatine (PCr) et du phosphate inor-
ganique (Pi), ainsi que le pH du muscle squelettique.
Ces paramètres peuvent être évalués au repos, pendant
l’exercice et pendant la phase de récupération. Chez les
patients atteints d’une myopathie mitochondriale, il a été
montré une diminution du rapport PCr/Pi au repos, une
baisse du pH pendant l’exercice et une lenteur à la recons-
titution du pic de PCr après l’exercice.
La spectroscopie de résonance magnétique du proton (H1)
est plus adaptée à l’étude du métabolisme cérébral. Chez
le sujet normal, il apparaît 3 pics principaux, correspon-
dant au N-acétylaspartate (NAA), au bloc créatine-phos-
phocréatine (Cr) et aux composants constitués de choline
(Cho). Chez les patients atteints d’une anomalie du méta-
bolisme énergétique, il peut apparaître un pic de lactate
si la concentration en lactate du LCR dépasse 4 mM. Ces
pics ont été mis en évidence dans des zones particuliè-
rement sensibles aux anomalies du métabolisme énergé-
tique, comme les noyaux gris. La diminution simultanée
des rapports NAA/Cr ou NAA/Cho signe une perte neuro-
nale. Des développements technologiques sont à l’étude
pour pouvoir généraliser l’investigation au cerveau entier
et améliorer ainsi l’informativité de ce test.
Conclusion
La con rmation d’une anomalie de la chaîne respiratoire
est toujours un exercice dif cile qui va nécessiter des
prélèvements invasifs (biopsies tissulaires). Les investi-
gations préliminaires, qui permettent d’exclure d’autres
causes de perturbation du métabolisme énergétique et
de localiser l’anomalie à la chaîne respiratoire avec une
bonne probabilité, conservent donc toute leur importance
et doivent être pratiqués systématiquement.
Références
1. Poggi-Travert F, Martin D, Billette de villemeur T, et al. Metabolic
intermediates in lactic acidosis : compounds, samples and interpretation.
J Inher Metab Dis 1996 ; 19 : 478-88.
2. Touati G, Rigal O, Lombes A, Frachon P, Giraud M, Ogier de Baulny H.
In vivo functional investigations of lactic acid in patients with respiratory
chain disorders. Arch Dis child 1997 ; 76 : 16-21.
3. Chaussain M, Camus F, Defoligny C, Eymard B, Fardeau M. Exercise
intolerance in patients with McArdle’s disease or mitochondrial myopa-
thies. Eur J Med 1992 ; 1 : 453-6
4.
Laforêt P, Eymard B. Exercise-intolerance and exercise-induced rhabdo-
myolisis : etiology and diagnosis. Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 217-23.
5. Dinopoulos A, Cecil KM, Schapiro MB, et al. Brain MRI and proton
MRS ndings in infants and children with respiratory chain defects.
Neuropediatrics 2005 ; 36 : 290-301.
ÉPIDÉMIOLOGIE DES CYTOPATHIES
MITOCHONDRIALES : CONTRIBUTION
DU RÉSEAU « MALADIES MITOCHONDRIALES »
EPIDEMIOLOGY OF MITOCHONDRIAL CYTOPATHIES:
CONTRIBUTION FROM THE FRENCH MITOCHONDRIAL
DISEASES NETWORK
P. Reynier et le réseau « Maladies mitochondriales »
Inserm U694, Pôle de biologie, Centre hospitalier
et universitaire d’Angers, 4 rue Larrey, 49033 Angers
Les cytopathies mitochondriales regroupent de nombreuses
affections héréditaires qui résultent d’un dysfonctionnement
du métabolisme énergétique mitochondrial [1]. Elles sont
très hétérogènes sur le plan de leur origine génétique et de
leur expression phénotypique. La présentation clinique des
maladies mitochondriales est principalement neuromuscu-
laire et neurosensorielle, mais la plupart des grandes fonc-
tions physiologiques peuvent être affectées. Elles impliquent
classiquement l’association de plusieurs pathologies d’or-
ganes et s’aggravent progressivement le plus souvent. Les
affections mitochondriales peuvent débuter à tout âge, des
pics d’apparition de ces maladies sont cependant observés
en période néonatale, dans l’enfance et chez l’adulte jeune.
Sur le plan physiopathologique, ces maladies sont très
souvent la conséquence d’un défaut de la chaîne respiratoire
mitochondriale qui est composée de 5 complexes multi-
protéiques enchâssés dans la membrane interne et qui assure
le couplage entre l’oxydation des nutriments et la phospho-
rylation de l’ADP en ATP. La perturbation d’autres fonctions
mitochondriales peut aussi être à l’origine de déficits éner-
gétiques d’origine génétique (complexe de la PDH, cycle de
Krebs, β-oxydation des acides gras, dynamique du réseau
mitochondrial, transport transmembranaire, métabolisme du
fer…). Outre le déficit énergétique, la surproduction d’es-
pèces réactives de l’oxygène, les déséquilibres redox et une
susceptibilité accrue à l’apoptose pourraient participer à la
physiopathologie des cytopathies mitochondriales.
Sur le plan génétique, les maladies mitochondriales sont
extrêmement hétérogènes. Plus d’une centaine de mutations
pathogènes de l’ADN mitochondrial (ADNmt, 16,5 kb,
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