LE TRAITEMENT CHIRURGICAL DES CANCERS GASTRIQUES

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LE TRAITEMENT CHIRURGICAL DES CANCERS
GASTRIQUES AU CHU DE KAMENGE (BUJUMBURA)
A propos de 53 cas
R. KARAYUBA*, O. ARMSTRONG*, V. BIGIRIMANA**, F. NDARUGIRIRE***, L. NGENDAHAYO**,
G. MARERWA**, L. KABURA***, C. NIMPAGARITSE*, E. HABONIMANA*
RESUME
Les auteurs rapportent une série rétrospective de 53 cas
de cancers gastriques traités en 5 ans (janvier 1987décembre 1991) au CHU de Kamenge (Bujumbura).
Il s’agissait de 33 hommes d’âge moyen de 54,2 ans
(extrême de 27 et 85 ans) et de 20 femmes d’âge moyen
de 48,08 ans (extrême 23 et 71 ans).
La prédominance masculine était nette avec un sex ratio
de 1,6. 69 % de patients étaient de niveau socio-économique bas. L’intervalle entre le début des signes et l’intervention était en moyenne de 5,1 mois. Les douleurs
épigastriques et l’atteinte de l’état général étaient les
deux signes les plus constants à l’admission.
Le diagnostic a été posé à l’endoscopie avec biopsies, le
plus souvent aux stades avancés (Borrman III). L’attitude thérapeutique a été la suivante : 2 abstentions,
5 laparotomies exploratrices, 6 dérivations gastr o jéjunales, 18 gastrectomies distales subtotales, 22 gastrectomies totales. La gastrectomie totale a été proposée
chaque fois que les conditions le permettaient. Le taux
d’opérabilité a été de 75,4 %. Le taux de resécabilité à
visée curative a été de 54,7 %. La mortalité opératoire a
été de 7,8 % (4 cas), le taux de morbidité de 9,4 %.
Cette analyse montre que le cancer gastrique, le plus
fréquent des cancers digestifs au Burundi, est souvent
diagnostiqué tardivement. La chirurgie des cancers
avancés s’accompagne d’une mortalité élevée, mais elle
permet une bonne palliation de la douleur et traite les
complications (sténoses, hémorragies) souvent déjà existantes.
INTRODUCTION.
digestifs, avant le cancer du foie (9). Son pronostic reste
sévère, d’autant que le diagnostic est souvent fait tardivement.
A partir d’une série de 53 cas traités au CHU de Kamenge
en 5 ans nous nous proposons de dégager les aspects
épidémiologiques, cliniques et thérapeutiques de cette
maladie au Burundi.
PATIENTS ET MÉTHODES
Notre série comporte 53 dossiers de malades hospitalisés
dans le service de Chirurgie du 1er janvier 1987 au
31 décembre 1991 avec un diagnostic d’adénocarcinome
gastrique. Les autres tumeurs ont été exclues de cette étude. Il s’agit de 33 hommes d’âge moyen de 54,2 ans (extrêmes 27 et 85 ans) et de 20 femmes d’âge moyen de 48,04
ans (extrêmes : 23 et 71 ans).
Figure 1 : Répartition selon l'âge
9
9
8
8
7
7
6
5
5
5
4
5
H
4
4
F
3
2
2
2
1
1
1
1
Si la fréquence du cancer de l’estomac est en nette régression en Europe et aux USA, son incidence reste élevée dans
les pays d’Afrique et d’Asie.
Au Burundi, il occupe la première place parmi les cancers
0
0
Age
20
30
40
50
60
70
80
Le sex-ratio hommes/femmes est de 1,6/1.
* Service de Chirurgie Générale
** Laboratoire d'anatomie pathologique
*** Service d'Anesthésie Réanimation
Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (10)
R. KARAYUBA, O. AEMSTRONG, V. BIGIRIMANA, F. NDARUGIRIRE, L. NGENDAHAYO*,
G. MARERWA, L. KABURA, C. NIMPAGARITSE, E. HABONIMANA
606
Niveau socio-économique et antécédents
33 patients (69 %) étaient de niveau socio-économique bas,
alors que les 20 autres (31 %) étaient de niveau social
moyen et bon.
34 malades avaient des antécédents alcooliques, 18 d’entre-eux présentaient des antécédents tabagiques associés.
Chez 15 malades on notait l’existence d’un ulcère gastrique connu en moyenne depuis 3,3 ans avec des extrêmes
de 1 à 10 ans.
Signes cliniques :
Les signes cliniques au moment de l’intervention sont
résumés sur le tableau II.
Les douleurs épigastriques et l’altération de l’état général
sont quasi constantes.
L’intervalle entre le début des signes et l’intervention est
en moyenne de 5,1 mois.
Chez tous nos patients le diagnostic a été posé à l’exploration endoscopique avec des biopsies.
Tableau II : Les signes cliniques : 53 cas.
Douleurs épigastriques
Vomissements
Nausées
Altération de l’état général
Dysphagie
Hémorragie
Masse épigastrique
Ascite
Hépatomégalie
53
23
19
41
7
8
6
2
5
Le siège de la tumeur a été précisé chez 44 patients :
Siège antral : 21 cas, siège médiogastrique : 12 cas, siège
cardial et sous cardial : 7 cas, envahissement de la totalité
de l’estomac : 4 cas.
Anatomie pathologique
Chez 31 malades le type macroscopique a été défini selon
la classification de BORRMAN en 4 stades et le type
histologique selon BRODERS.
Tableau III : Anatomie pathologique.
Macroscopie
Histologie
Stade I : 2 cas
Stade II : 5 cas
Stade III : 23 cas
Stade VI : 1 cas
Adénocarcinome bien différencié
Moyennement différencié
Peu différencié
A cellules en bague à chaton
Indifférencié
Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (10)
Traitement et résultats
La chirurgie a été récusée chez 2 malades en mauvais état
général, présentant des métastases viscérales et une ascite.
Chez 5 patients l’intervention s’est limitée à une simple
laparotomie exploratrice. Chez 6 malades, un geste de dérivation gastro-jéjunale a été réalisé. 18 malades ont bénéficié d’une gastrectomie partielle subtotale ; celle-ci était
considérée comme palliative chez 8 d’entre-eux.
Chez 22 patients une gastrectomie totale a été proposée,
dont 3 cas à visée palliative.
Tableau VI : Résultats du traitement
Type
Nombre
Décès
Abstention
Laparotomie exploratrice
Dérivation gastro-jéjunale
Gastrectomie partielle
Gastrectomie totale
2 cas
5 cas
6 cas
18 cas
22 cas
2
1
1
-
Total
53 cas
4
Le taux d’opérabilité a été de 75,4 % (40 cas). Le taux de
résécabilité à visée curative a été de 54,7 %. La mortalité
opératoire a été de 7,8 % (4 cas).
Trois patients sont décédés dans le mois qui a suivi : deux
après une laparotomie exploratrice et le troisième après une
dérivation gastro-jéjunale, du fait de l’altération rapide de
leur état général. Le quatrième décès était dû à une fuite
anastomotique après une gastrectomie partielle subtotale.
Le taux de morbidité est de 9,4 % (5 cas) lié aux causes
suivantes : une stomite et deux pneumopathies traitées
médicalement. Une collection sous-phrénique gauche dont
la reprise chirurgicale a permis la guérison, une fuite
d’anastomose dont le décès est survenu au 4ème jour après
une 2ème intervention. Il n’a pas été possible de déterminer la survie, les malades étants perdus de vue après le
premier contrôle de 3 mois.
DISCUSSION
Epidémiologie
19
2
4
4
2
Age et sexe :
Le cancer de l’estomac est fréquent au Burundi, et touche
une population relativement jeune. L’ âge moyen est de
54,2 ans pour les hommes et de 48 ans pour les femmes.
LE TRAITEMENT CHIRURGICAL DES CANCERS GASTRIQUES…
71 % des patients de notre série ont un âge compris entre
40 et 60 ans. Une série dakaroise note un âge moyen de
53 ans (11). L’homme est plus touché que la femme avec
un sex-ratio de 1,6/1, ces chiffres sont en accord avec les
autres séries africaines : Sénégal 2,5/1 (11). Côte d’Ivoire
2,25/1 (5).
Niveau socio-économique :
69 % des malades sont de niveau socio-économique bas.
Le rôle de l’alimentation dans la genèse du cancer gastrique est connu, notamment une forte consommation de
féculents et un régime pauvre en graisses, fruits frais, lait et
légumes verts (4, 9).
Antécédents :
Dans notre série 15 malades (28,3 % des cas) présentaient
des antécédents d’ulcère gastrique. Bien que le risque de
dégénérescence soit faible, entre 1,1 % et 3,8 % selon les
séries (4) une bonne surveillance avec biopsies aurait
permis le diagnostic du cancer au stade précoce.
Signes cliniques :
Les signes cliniques les plus constants sont les douleurs
épigastriques et l’atteinte de l’état général.
Les délais diagnostiques sont en moyennes de 5,1 mois,
mais l’on sait que le niveau socio-économique bas et les
possibilités d’exploration endoscopique limitées retardent
la consultation.
Anatomie pathologique :
La plupart des tumeurs sont découvertes au stade III de
BORRMAN, rendant compte du retard au diagnostic. Le
siège antral est le plus fréquent. L’épithélioma glandulaire
bien différencié est retrouvé dans 61 % de cas.
607
Traitement
Le taux d’opérabilité dans notre série est de 75,4 %. Le
taux de résécabilité est de 54,7 % (29 cas). L’analyse des
séries de la littérature montre des taux variant entre 41 et
70 % des cas (1,3,6,7,8,10).
Le taux de mortalité opératoire est de 7,8 % et se retrouve
chez des malades avec un cancer avancé, en rapport avec la
précarité de leur état général. Différentes études, notamment celles de Boddie, Meijer et Viste (2), ont essayé de
savoir si une gastrectomie était justifiée dans les cancers
avancés. Il apparaît que le taux de mortalité reste élevé ,
mais que l’intervention permet une bonne palliation de la
douleur et met le malade à l’abri des complications hémorragiques, sténosantes et/ou perforatives.
Dans notre série 22 malades ont subi une gastrectomie
totale sans mortalité ; Moraux et Huguier (8) notent les
mêmes résultats respectivement sur 66 et 21 cas. Nous proposons donc volontiers une gastrectomie totale chaque fois
que l’état général du patient le permet.
CONCLUSION
Le cancer de l’estomac est le plus fréquent des cancers
digestifs au Burundi. Le pic de fréquence se situe entre
40 et 60 ans dans une population de niveau socio-économique bas. Il apparaît que le diagnostic est souvent fait
tardivement.
Le traitement chirurgical est possible chez 2/3 des patients
même à titre palliatif.
L’amélioration peut-être faite dans le diagnostic par une
exploration endoscopique plus précoce et plus disponible
et par une bonne surveillance des malades présentant un
ulcère gastrique.
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