Dossier thématique
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La Lettre du Psychiatre - Vol. IV - n° 1 - janvier-février 2008
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Dépression majeure psychotique (n = 29)
10
5
01800
Temps
1900 2000 2100 2200 2300 2400 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Dépression majeure non psychotique (n = 24)
Patients en bonne santé, groupe contrôle (n = 26)
Figure 4.
La sécrétion vespérale de cortisol est plus élevée chez
les patients déprimés présentant des symptômes psychotiques
(9).
il a analysé de nouveau, dès 1938, les cas étudiés par E. Kraepelin,
et mis en évidence un artefact statistique (les patients ayant
tendance à accélérer leurs cycles étaient sur-représentés dans
les calculs). Les conclusions d’E. Slater, après son analyse des cas
d’épisodes maniaques et dépressifs des patients de Kraepelin,
étaient les suivantes :
✓ les épisodes surviennent le plus souvent au début de l’été, en
mai-juin (pic principal), ou au début de l’automne, en septembre
(pic secondaire) ;
✓ un patient donné a tendance à tomber malade dans la même
saison de l’année ;
✓ chaque patient a son propre intervalle moyen entre les
épisodes, a son propre rythme, et a donc tendance à tomber
malade après un temps donné ;
✓ le premier intervalle libre est le plus long, et les intervalles
libres suivants ont tendance à se raccourcir, mais de façon moins
nette que ce que E. Kraepelin avait initialement indiqué. Remar-
quons que l’âge du patient, variable supplémentaire, devrait
être pris en compte, le raccourcissement des intervalles libres
pouvant être dû à l’évolution de la maladie (nombre d’épisodes
précédents) ou bien au vieillissement du patient.
RYTHMES BIOLOGIQUES
Les rythmes circadiens (du latin circa diem, “presque un jour” ;
les racines grecques pour nuit et jour ont donné “nycthéméral”,
de sens voisin) les plus étudiés dans la dépression sont probable-
ment les rythmes endocriniens et les rythmes veille-sommeil. Ce
sont les noyaux suprachiasmatiques (NSC), situés en dessous du
troisième ventricule dans l’hypothalamus antérieur, qui modulent
les rythmes biologiques, physiologiques et comportementaux
obéissant à une période circadienne. Il s’agit par exemple de la
température centrale, de la pression artérielle, de la sécrétion
de cortisol, de la réponse immunitaire, de l’activité motrice et
des performances cognitives. Ils sont la principale horloge de
notre organisme ; ils contrôlent en particulier le rythme veille-
sommeil. Les NSC sont synchronisés avec le rythme lumière-
obscurité grâce à des afférences rétiniennes. La lumière est le
principal Zeitgeber des NSC.
Dans la dépression, les rythmes circadiens ont une ampli-
tude émoussée, et leur phase peut être avancée ou retardée.
L’émoussement de l’amplitude de nombreux rythmes hormo-
naux a été prouvé (axes hypothalamo-hypophyso-surréna-
lien et hypothalamo-hypophyso-thyroïdien, hormone de
croissance, prolactine) [7]. C’est le cas aussi d’autres rythmes
physiologiques (mélatonine, température centrale, rythme
cardiaque). Le rythme du cortisol a été particulièrement
étudié dans la dépression. Chez le sujet sain, la cortisolémie
est maximale (zénith) vers 8 heures, et minimale (nadir) vers
24 heures. Dans les dépressions sévères, notamment dans les
cas présentant des symptômes psychotiques, le nadir vespéral
de la cortisolémie est anormalement élevé, ce qui aboutit à
un aplatissement de la courbe circadienne (8) [figure 4]. Il
est important de savoir que la sécrétion de mélatonine est
liée dans le temps à celle du cortisol, et débute normalement
lors du nadir de la cortisolémie (voir l’article de P. Pévet, p. 9).
Nous ne ferons que mentionner les perturbations du rythme
veille-sommeil dans la dépression car elles sont traitées dans
l’article de A. Nicolas et de P. Lemoine, p. 29. En résumé, le
sommeil du déprimé est caractérisé typiquement par :
✓ un raccourcissement de la latence du sommeil paradoxal (on
pensait dans les années 1980 qu’il s’agissait pratiquement d’un
marqueur biologique de dépression) ;
✓ une augmentation de la latence d’endormissement ;
✓ un plus grand nombre de réveils en cours de nuit, et notam-
ment un réveil matinal précoce ;
✓ une réduction de la part du sommeil lent profond (stades 3
et 4 à ondes delta).
Il est intéressant de noter que la dépression peut être suspendue
temporairement par une privation thérapeutique de sommeil,
et que la récupération du sommeil fait généralement rechuter
le patient.
HYPOTHÈSES PATHOGÉNIQUES
Certaines situations cliniques particulières permettent de
construire des hypothèses sur le rôle de la désynchronisation
des rythmes dans la genèse des troubles de l’humeur. Il est
notamment intéressant d’observer que des rythmes de période
mensuelle ou circannuelle peuvent favoriser la survenue d’épi-
sodes thymiques.
Certains troubles thymiques propres à la femme semblent avoir
une base chronobiologique. C’est par exemple le cas du syndrome
prémenstruel, appelé “trouble dysphorique de fin de phase