l`impact de l`exode syrien sur le marché du travail libanais

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L’IMPACT DE L’EXODE SYRIEN SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL
LIBANAIS
Danièle CHEHADE Chargée d’enseignement à la FGM
RESUME
L’objet de cet article est d’analyser l’impact de l’exode des Syriens sur l’emploi au Liban.
Pour cela, nous reviendrons, dans un premier temps, sur la clarification de certains concepts
de base relatifs au chômage et à la migration avant de mettre en évidence, dans un
deuxième temps et compte tenu des spécificités du marché du travail libanais, les avantages
et les inconvénients de l’afflux récent des Syriens. Pour conclure, nous tenterons de pointer
du doigt quelques mesures à adopter ou de suggérer des recommandations qui
permettraient de remédier, potentiellement, aux répercussions de cet exode sur le taux de
chômage.
MOTS CLES
Flux Migratoires ; Chômage ; Mondialisation ; Exode ; Pays d’accueil ; Pays de départ ;
Structure de la population.
ABSTRACT
The objective of this paper is to assess the impact of the Syrian migration on employment in
Lebanon. We will first clarify some major concepts linked to unemployment and migration.
We will then analyze the advantages and disadvantages of the recent Syrian influx taking
into account the characteristics of the Lebanese labor market. We will conclude by pointing
out some measures to be taken and will suggest some recommendations that would
potentially contribute to alleviate the repercussions of the Syrian migration flows on the
unemployment rate.
Key words
Migration ; Unemployment ; Globalization ; Exodus ; Host Countries ; Countries of Origin ;
Population Structure.
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INTRODUCTION
Les flux migratoires sont devenus un phénomène de plus en plus répandu à cause de la
mondialisation et de l’ouverture des marchés et concernent principalement des populations
qui recherchent de meilleures conditions d’existence. Ils présentent la particularité d’être
avant tout urbains, multiethniques et multiculturels.
Le Liban a, depuis toujours, été concerné par ces mouvements et était considéré comme
une source abondante d’émigrés cherchant à perfectionner leurs qualifications académiques
ou à mettre en œuvre leurs acquis dans le monde du travail, hors des frontières du pays.
Mais récemment, le pays du Cèdre est sujet à d’autres types de flux migratoires, ceux en
provenance de son voisin syrien en proie à une guerre civile des plus sanglantes.
Commencée en mars 2011 par une révolte alors pacifique, la crise Syrienne n'a cessé
depuis d'empirer, prenant doucement mais surement la forme d'une guerre civile sanglante
faisant plus de 200,000 morts selon les dernières estimations de l’OCDE. Partageant
largement ses frontières avec la Syrie, le Liban a, sans surprise, subi les conséquences
désastreuses de ce conflit, tant au niveau politique qu'à celui socioéconomique. Dès les
premiers mois du conflit, des milliers de syriens ont afflué dans les pays voisins, fuyant la
guerre et ses ravages et se réfugiant, pour une grande partie, dans la relative sécurité que
leur offre le Liban. Cette augmentation soudaine de la population sur le territoire libanais a
bien sûr eu des conséquences dramatiques sur le marché du travail.
Cet article a pour objectif d’identifier les conséquences de l’afflux des Syriens sur le marché
du travail libanais et d’évaluer son impact sur le chômage et l’emploi.
En premier lieu, nous discuterons de manière générale de l'influence de l’immigration sur le
marché du travail dans un pays donné. Nous établirons une réflexion sur les cas où
l’immigration a un impact positif sur le pays d’accueil et les opposerons au cas où, au
contraire, cette immigration, au lieu d’être une force, se transforme en boulet pour un marché
du travail dans l’incapacité de s’adapter à ce flux. Nous reviendrons, en second lieu, en
particulier sur le marché du travail au Liban. Nous exposerons l’état du marché avant le
déclenchement de la guerre en Syrie pour mettre en évidence les conséquences de cette
guerre. Cette évaluation nous permettra d’identifier les moyens à notre disposition pour
résoudre les problèmes sur le marché du travail ou du moins minimiser son impact dans les
années à venir.
1. Influence de l’immigration sur le marché du travail
1.1 Migration : Définition, Causes et Conséquences
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1.1.1 Définition
Une migration humaine est un déplacement du lieu de vie d’un individu vers un autre pour
des raisons politiques, économiques ou personnelles. Cette migration peut être volontaire
(déplacement voulu d’individus d’un pays à un autre) ou forcée (déplacement obligatoire des
personnes en dehors de leur pays à cause d’une guerre, d’une crise économique ou d’une
force majeure).
Les statistiques publiées en Mai 2014 par l’Organisation Internationale du Travail (OIT)
estiment à 230 millions le nombre total de migrants vivant à l’étranger en 2013. Ce chiffre
représente près de 3% de la population mondiale et augmente annuellement de près de 2%
malgré les restrictions à l’immigration qui ont vu le jour dans de nombreux pays. Si la crise
économique mondiale de 2008 et des années suivantes a ralenti le mouvement, l'OIT estime
que «les migrations s'intensifieront probablement dans un avenir prévisible» et pointe du
doigt de nouvelles migrations vers des pays émergents. Les composantes de cette migration
ne changent pas beaucoup avec près de 15% de jeunes de moins de 20 ans et 28%
d’adultes de 20 à 34 ans et cette migration touche aussi bien les hommes (52%) que les
femmes (48%) (OIT, 2014).
On estime que les capitaux injectés dans les pays d’origine en provenance des pays
d’accueil sont au moins égaux sinon supérieurs à l’aide financière apportée par les pays dits
riches aux pays plus pauvres. Les démographes considèrent que les migrations seront une
importante variable d’ajustement d’ici 2050, échéance à laquelle 2 à 3 milliards d’individus
supplémentaires viendront peupler notre planète alors que les effets des modifications
climatiques se feront de plus en plus sentir et que certaines zones ne pourront plus nourrir
une population grandissante.
Bien qu’accusée de tous les maux par certains politiciens, l’immigration représente des
bienfaits considérables. En effet, selon les estimations de l’OIT et sur base des données de
la Banque Mondiale, une augmentation de 3% du nombre de travailleurs migrants des pays
en développement vers les pays à revenu élevé se traduirait en 2025 par des gains de 356
milliards de dollars pour l'économie mondiale, soit une progression de 0,6 % du revenu
mondial (OIT, 2014). Par ailleurs, selon un rapport de l’OCDE consacré aux bienfaits de
l'immigration sur les économies des pays de l'OCDE, les migrants contribuent plus aux
impôts et aux charges sociales qu'ils ne bénéficient de prestations (OCDE, 2000).
La main-d'œuvre immigrée ne représente donc pas un danger pour les salariés natifs d'un
pays. Les émigrés sont plus exposés, vulnérables et sont les premiers à perdre leur emploi.
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Si les immigrés avaient le même taux d'emploi que les travailleurs natifs, le gain fiscal serait
notable et le produit intérieur brut progresserait.
Avec la mondialisation, il est fort probable que le mouvement migratoire s’intensifie compte
tenu des différents déséquilibres mondiaux et de la meilleure connaissance des filières
d’entrée.
1.1.2 Causes de la migration
Comme nous l’avons déjà mentionné lors de la partie précédente, les migrations des
individus n’ont jamais été aussi nombreuses qu’aujourd’hui et concernent plusieurs millions
de personnes qui franchissent les frontières chaque année. Nous pouvons distinguer
plusieurs types de migration :
i) Les flux de travailleurs
ii) Les flux d’étudiants
iii) Les flux de refugiés
iv) Les flux de touristes
i) Flux de travailleurs :
Environ 2 millions de personnes quittent chaque année leur pays pour rechercher du travail.
Ils se dirigent principalement vers les Etats-Unis et l’Europe Occidentale qui constituent les
principaux pays développés. S’ajoutent à ces pays, d’autres destinations vers des pays
développés moins prisés ainsi que vers certains pays émergents. C’est le cas notamment du
Japon, un des noyaux de l’innovation technologique mondiale, l’Australie et les pays
pétroliers de la Péninsule Arabique capables d’attirer les talents à coups de salaires
alléchants. En plus d’une migration de main-d’œuvre généralement moins coûteuse que les
locaux, les Etats-Unis excellent dans un autre genre de migration, celle des cerveaux
talentueux principalement en provenance d’Europe et d’Asie de l’Est et partant travailler dans
les locaux de grosses entreprises de la Silicon Valley par exemple. C’est le fameux «Brain
Drain».
ii) Flux d’étudiants :
Les flux d’étudiants sont organisés en vastes systèmes fortement polarisés. L’essentiel des
échanges s’effectue d’un pays du Sud vers un pays du Nord. En effet, on estime à 88% le
pourcentage de flux migratoires étudiants vers l’OCDE. Toutefois, cette polarisation
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s'accompagne d'une extension des zones de recrutement et d'un élargissement des
destinations. Ces flux migratoires se diversifient et se mondialisent au détriment des relations
classiques de pays à pays. Les relations privilégiées qu’entretenait la France par exemple
avec ses anciennes colonies commencent à se dissiper (Bourgi, 2009)
iii) Flux de réfugiés :
Ces vagues de réfugiés peuvent être dues à des raisons politiques : fuyant la persécution
dans leur pays à cause de leur opinion politique, ces individus se réfugient souvent dans les
démocraties leur conférant l’asile politique. La grande majorité des flux migratoires de cette
catégorie concerne, elle, les réfugiés fuyant la guerre comme c’est le cas en Syrie, en
Palestine ou en Irak. Enfin, on se rappelle évidemment du tsunami qui a ravagé les côtes de
l’Asie du Sud Est en décembre 2004 ou du tremblement de terre d’Haïti de 2010. Ces
catastrophes terribles ont engendré des flux migratoires de réfugiés conséquents dans les
pays voisins et se caractérisent par leur aspect imprévisible et intense. Nous pourrions
également mentionner la guerre de Bosnie, au début des années 90, qui a fait plus de 1.2
millions de réfugiés, 800,000 d’entre eux étant toujours considérés comme déplacés à
l’intérieur du pays.
iv) Flux de touristes :
L’Europe est la première zone d’accueil de touristes dans le monde avec par exemple plus
de 84 millions de touristes visitant la France en 2013. Les Etats-Unis et le Japon sont
concernés en second lieu tandis que les pays en voie de développement restent
majoritairement à l’écart. Cependant, de par son caractère ponctuel, le touriste n’appartient
pas tout à fait à cette appellation de migrant .
En conclusion, les différents types de migration à travers le monde sont souvent le reflet des
inégalités économiques entre un Nord développé et démocratique et un Sud en
développement où sévissent fréquemment régimes autoritaires, guerre civile ou instabilité.
1.1.3 Conséquences de la migration
Plusieurs études ont eu pour objectif de mettre en évidence la relation entre l’immigration et
le développement économique aussi bien dans les pays de départ que ceux d’accueil. Nous
pouvons résumer leurs conclusions comme suit.
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