Éléments de corrigé (pdf - 137ko)

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Concours général de lycées Session 2005
Éléments de correction Barème
I Commentaires
Chaque commentaire est noté sur 20 points :
-
6 points pour l'identification de la période et du genre
-
12 points pour l'analyse du document
-
2 points pour le respect des consignes
II Analyse musicale
L'analyse est notée sur 20 points. On attribue un coefficient 2 à la note.
A-
1) 4 points
2) 2 points
3) 4 points
B-
a) 3 points
b) 2 points
C- 5 points
III Histoire de la Musique
La dissertation est notée sur 20 points. On attribue un coefficient 5 à la note.
L'impression globale est privilégiée mais certains critères permettent de répartir les points :
-
6 points pour la compréhension du sujet
-
4 points pour la construction de la dissertation
-
6 points pour le choix des exemples musicaux et les éléments de culture générale
-
4 points pour la qualité de l'expression
Éléments de correction
I -­‐ COMMENTAIRES Identifiez chacun des fragments et, que vous les reconnaissiez ou non, commentez-les en fonction de leur style,
en cinq lignes au maximum pour chacun d'eux.
Éléments repérables par les candidats et pouvant amener à l'identification des fragments.
Fragment 1 : FALLA : Sept chansons populaires espagnoles (El pano moruno), 1914.
·
prélude au piano seul : phrase en notes piquées avec pédale, reprise à la tierce mineure inférieure, suivie de
cadences et arpèges.
·
strophe chantée en espagnol : quatre incises (A A' B B'), chacune avec début en anacrouse et mélisme
terminal, dans un ambitus de septième mineure.
·
emploi du mode andalou (dans une tonalité générale de si mineur), des acciacatures, des broderies ;
abondance des syncopes et accents sur les temps faibles, des notes piquées et des accords arpégés évoquant la
guitare ; mise en valeur des inflexions descendantes.
Fragment 2 : MOZART : Quintette avec clarinette (K 581), 4e mouvement, 1789.
·
thème suivi d'une variation, en La majeur, pour clarinette en La, deux violons, alto et violoncelle.
·
le thème est exposé par les cordes auxquelles se joint discrètement la clarinette (en fin de phrases ou de
périodes) : structure binaire avec reprises, carrure classique, harmonisation sobre, caractère de marche légère
(rythme pointé et notes piquées), écriture variée (homorythmie, imitations - notamment entre 1er violon et alto au
début, plus fluide, de la 2e phrase - ou encore les deux violons à découvert).
·
variation : thème repris par les cordes pendant que la clarinette déploie arabesques et arpèges dans un large
ambitus.
Fragment 3 : PENDERECKI : Polymorphia, 1961.
·
cordes frottées (48 parties réelles) avec des indications de jeu très précises : cordes à utiliser, jeu sur la
touche, près du chevalet, sans vibrato, avec sourdine.
·
utilisation de quarts de ton, de hauteurs non définies, de lignes mélodiques approximatives, de clusters, et
emploi quasi systématique du glissando ; longues tenues, absence d'éléments rythmiques et de repères métriques,
séquences dont la durée est mesurée en secondes.
·
entrées successives qui installent d'abord, dans le grave, un continuum mouvant (glissando) évoluant de
l'unisson au cluster, puis une tenue statique dans l'extrême aigu avant de remplir progressivement l'espace
intermédiaire, le tout dans des nuances allant de ppp à p.
II -­‐ ANALYSE MUSICALE Kurt Weill, L'Opéra de Quat'sous, La Ballade du Souteneur (Die Zuhälter-Ballade)
A-
Thème de 8 mesures
-
Carrure classique : 2 incises de 4 mesures
-
Mélodie simple, ambitus d'une octave, le plus souvent en mouvement conjoint
Mouvement régulier quasi continu de noires sur le rythme de habanera, spécifique du tango, donné par le
piano.
-
Mi mineur
-
Articulation harmonique claire, sur les degrés forts I, IV et V
2) Quelle est la forme utilisée par le compositeur dans cette ballade ?
-
Forme strophique.
Le piano présente simplement les 3 strophes sans le postlude instrumental qui clôt chacune des 3
strophes.
3) A l'aide de la version piano-chant et de la partition originale (instrumentation) ainsi que de l'interprétation
proposée, montrez en quoi cette ballade se réfère à l'esthétique des musiques populaires.
a) La simplicité des lignes mélodiques et rythmiques
b) La simplicité de la carrure harmonique
c) Les références au tango : intitulé de la partition et emploi du rythme de habanera, le tango-chanson, l'emploi
de la tonalité mineure, l'instrumentation utilisant le bandonéon, ainsi que le piano et la contrebasse dans le style
du tango
d) Le style de la complainte : tonalité mineure et « spleen »
e) L'emploi de la forme strophique
f) L'emploi d'instruments faisant plus largement référence à la musique populaire : saxophones, banjo, guitares
et percussions
g) L'interprétation :
- La voix du chanteur ne fait plus référence à la technique vocale du Bel Canto, propre à l'opéra « classique »,
mais s'apparente davantage à l'esthétique du cabaret, de la chanson populaire et parfois au Sprechgesang.
- Distorsion entre partition et interprétation : le chanteur ne chante pas toujours ce qui est écrit
1)
Sachant qu'il y a une harmonie par mesure et en vous aidant de la version piano-chant, analysez les
accords suivants en précisant pour chacun d'eux : tonalité, nature, état, fonction et notes étrangères.
-
Mesure 1 : mi mineur. Accord de 5te sur le premier degré.
fa dièse : broderie
-
Mesure 14 : mi mineur. Accord de 7me mineure sur le quatrième degré.
fa dièse : broderie
-
Mesure 15 : accord de 6te sur la bémol.
mi bémol : broderie
-
Mesure 20 : accord de 9me de dominante en do mineur.
fa dièse : broderie
-
Mesure 21 : accord de 5te avec 6te ajoutée, sur le premier degré de Do majeur
-
Mesure 35 : accord de 6te et 4te de cadence en fa mineur.
si : broderie
2)
Quelles remarques pouvez-vous faire sur le langage harmonique du compositeur ?
-
Langage à la fois simple et savant :
§
Simple parce que tonal, présentant les accords à l'état fondamental et utilisant le plus souvent les degrés
forts.
§
Savant parce que faisant appel à une « tonalité élargie » :
-
Emploi des accords de 7 à l'état fondamental : l'accord de 5 est ainsi enrichi d'un quatrième son.
Modulation brutale à des tonalités éloignées, sans préparation. Du ton principal mi mineur, on passe en
Ré b M par simple chromatisme .
CLa musique de Kurt Weill a participé à l'ébranlement général de la création artistique au début du 20ème siècle.
Quelles sont au cours de cette période les principales remises en cause d'ordre musical ? Citez quelques
compositeurs et écoles porteurs de ce mouvement.
Les remises en cause :
- Le refus de la tradition romantique et post-romantique allemande : recours à l'écriture modale (l'Ecole
française), l'esthétique du Groupe des Six, l'ouvre de Satie.
- L'intérêt pour les musiques extra-européennes (Debussy, ) et traditionnelles (Bartok, Stravinski).
- L'abandon du système tonal : la musique atonale (Schoenberg)
- La musique dodécaphonique : l'Ecole de Vienne
- L'élargissement du matériau sonore : les Bruitistes, Varèse (Ionisation)
III -­‐ HISTOIRE DE LA MUSIQUE A propos de l'Opéra de Quat'sous, Michel Pérez déclare : « on n'a jamais utilisé la musique populaire à la
mode, le « folklore » commercial des dancings et de la radio avec une aussi grande liberté. [.] personne n'avait
encore osé se servir des formes de la musique populaire moderne à des fins aussi ambitieuses. »
(Kurt Weill
l'Opéra de Quat'sous
Texte de présentation de l'enregistrement, p.26
CBS Inc. 1982)
Après avoir commenté brièvement cette assertion, montrez en quoi le mariage du savant et du populaire
interroge nécessairement la liberté et l'ambition artistiques du compositeur.
Illustrez vos propos en faisant référence au 19ème et au 20ème siècles ;
La proposition qui suit ne doit pas être considérée comme la réponse attendue. Il s'agit seulement de
quelques pistes destinées à éclairer la réflexion des candidats.
"On n' a jamais...", expression qui traduit l' admiration d' un thuriféraire sans prudence et qui ne semble pas tenir
compte d' un engouement assez répandu dans les années 20 pour "la musique populaire à la mode" ( citons, sans
trop chercher, Ravel, Milhaud, Stravinsky, Satie etc...)
(...)"le "folklore" commercial des dancings et de la radio..." donc, non pas la musique paysanne ou traditionnelle
à laquelle se sont référés les musiciens du XIXe et Bartok au XXe, pour ne citer que lui, mais celle, urbaine, qui
prend son essor avec les progrès techniques de diffusion, et qui, liée à la chanson et à la danse, adopte des
tournures "jazzy" et sud américaines.
(...)"avec une aussi grande liberté." Comme pour la première remarque, thuriféraire sans prudence, la liberté d'
un Ravel ou d' un Stravinsky ne semblant pas moins grande. Mais cette liberté reste vide si nous ne lui trouvons
pas un contenu. Ce n' est pas seulement la liberté de se servir de ce matériau mais plutôt de s' en servir sans
contrainte, c' est à dire en échappant aux codes mêmes de ce matériau, de pouvoir l' insérer dans un projet
artistique autonome. De ce point de vue, on ne voit pas ce qui différencie Weill des compositeurs déjà nommés.
(...)"personne n' avait encore osé se servir des formes de la musique populaire moderne à des fins aussi
ambitieuses." Toujours cette naïveté du thuriféraire car s' il faut entendre "formes" comme genre, structure ou
syntaxe, le "blues" de Ravel ou le "tango" de Stravinsky ne sont pas moins ambitieux. Ambition artistique qui
fait se lever tous les purismes: pour Ravel, on invoque une falsification, pour Stravinsky (via Adorno) une
réification, avec en arrière fond un modèle absolu corrompu. En tout cas on désigne bien un déplacement, une
originalité, un degré d' ambition artistique, insupportables aux adulateurs de l' origine. Quoi qu' il en soit, Pérez
désigne bien un courant musical nouveau. Des compositeurs très divers s' intéressent au "folklore" urbain des
années 20, musique populaire contemporaine qui leur permet de tourner le dos au romantisme en renonçant à la
poésie nostalgique des musiques paysannes. Il associe à leur travail les idées de liberté et d' ambition qu' on
pourrait appliquer à tous les compositeurs qui ont essayé de marier le savant et le populaire quelles que soient
leurs sources et les motivations idéologiques qui les ont guidés. Être libre pour un artiste c'est d' abord être
capable de se déprendre des formes codifiées par les conventions, c'est prendre la liberté de ne pas être sérieux.
Quand Chopin prend pour modèle les mazurkas il trace une des lignes les plus ambitieuses de son art. Cette
référence populaire est l' occasion d' approfondir tous les éléments de sa syntaxe au niveau du rythme, du phrasé,
de la modalité, de l' harmonie et du contrepoint. Cette référence, loin d' être une entrave, est un envol permanent
de l' imagination sans que pourtant ne se rompe jamais le lien avec cette danse. Nous ne saurons jamais pourquoi
c est cette forme populaire qui lui a servi de creuset même lorsqu' il accepte de jouer le jeu de sa simple
géométrie de surface (ABA) ou celui de l' inamovibilité de son rythme pendant de larges sections. C' est aussi le
même constat pour le tango de Stravinsky: même géométrie de surface avec codification des modes (Amineur,
BMajeur, A), même jeu avec le rythme sans compter les stéréotypes mélodiques et harmoniques et, à l'intérieur,
une mise en ouvre contrapuntique qui se joue des changements e registres et qui, traversant tout le morceau, lui
donne l' allure suprême d'une épure essentielle et non pas d' une réification. Donc, dans ces mariages, l' ambition
se trouve du côté du non renoncement au savant dans la mise en ouvre, la liberté du côté de cette ambition ellemême et surtout de ce choix mystérieux du populaire, l'art dans cette inscription du populaire dans une poésie de
la nostalgie ou de l'hommage.
Ce qu' il est impossible de savoir, c'est pourquoi ces artistes ont choisi ce terrain du populaire pour mettre en
ouvre leur art, même quand cette référence entre à son tour dans l' ordre d' une convention. L' histoire générale
de la musique en occident est remplie de cet entrelacement quasi permanent. Bien sûr, chacun de ces mariages
est particulier: un cantus firmus populaire dans une polyphonie de la Renaissance n' a pas le ton populaire d' une
cantate profane de Bach dont la bonne humeur paysanne n' a rien à voir avec celle de Haydn qui n' a rien à voir
avec l' utilisation plus tourmentée qu' en fait Mahler et ainsi de suite. Cependant tous ces exemples non
exhaustifs échappent au folklorisme, c' est à dire à la simple citation pittoresque ou anecdotique, en inscrivant le
matériau populaire dans une dramaturgie générale du style, un ensemble cohérent de significations ou une
poétique qui demandent une élaboration technique ambitieuse où la couleur locale cède le pas à une mise en
perspective plus large et cohérente tant au niveau formel qu' à celui de l' expressivité.
Un exemple extrêmement célèbre et assez simple pour observer ce travail d' inscription poétique, l'épisode de
"La Moldau" de Smétana, intitulé généralement "Noce Paysanne". A cause de la narration, chacun des épisodes
peut apparaître comme une carte postale, un instantané au fil de l' eau. Or ce fil métaphorique est déjà l' occasion
formelle d' une symétrie à laquelle est liée la scansion formelle d' une symphonie. Cette mise en ouvre complexe
échappe à toute narration, du moins à celle qui, apparente, scande les différents paysages, et permet de les relier
secrètement à celle, implicite, du fil de l' eau. C' est pourquoi l' épisode paysan, s' il possède une autonomie de
texture qui lui confère une couleur locale, exerce sur l' auditeur un charme plus complexe où se mêlent une
étrange familiarité et une douce mélancolie. A y regarder de plus près, on se rend compte que la basse et les
accords de cette danse sont la transcription de ceux du thème général énoncé au début. Ce principe formel de
variation, invisible ou inaudible consciemment, relie secrètement les deux épisodes et, du même coup, confère
au deuxième une reconnaissance inexplicable, du moins l' auditeur croit-il reconnaître un souvenir personnel ou
croit-il être le sujet d' un phénomène de paramnésie. Il y a là une reconnaissance inattendue qui exerce aussitôt
sur lui un état de rêverie sur le temps passé qu' il soit personnel ou général. L' imagination fait le reste et cela par
ce que cet épisode a été inséré, formellement et secrètement, comme refrain ou du moins ritournelle archaïque du
thème principal. Ainsi, lorsqu' un compositeur se saisit d' un matériau d' origine populaire, il s' impose, certes,
une contrainte mais sa liberté est de parvenir à l' insérer dans son ambition artistique, souvent son style, et non à
reproduire simplement les stéréotypes propres à ce matériau. C' est pourquoi ce mariage du savant et du
populaire prend souvent le ton nostalgique des musiques passées, autrement que ne le font ou feraient ces
musiques elles-mêmes. Peut être par ce qu' elles semblent liées, alors, à une fraternité archaïque dont elles
semblent exprimer la joie pastorale. Pour arriver à ce jeu d' expression où se jouent la rencontre des temps il faut
bien que le décalage, paradoxalement, soit réduit. Si le compositeur insérait un matériau populaire de manière
brute, alors la dissonance serait trop forte et réduirait ce matériau au pittoresque. En l' insérant formellement tout
en lui laissant quelques traits spécifiques il suscite une perspective temporelle unique où il est possible de
circuler d' avant en arrière.
C'est aussi ce qui se manifeste dans la musique de Weill, bien qu' à l' origine il ait voulu avec Brecht, jouer sur
un effet spéculaire. Les spectateurs devaient y reconnaître, sous une forme distordue, les musiques à la mode et
ainsi se confondre au monde des malfrats qu' ils avaient sous les yeux. Une sorte d' empathie du goût à partir de
laquelle, paradoxalement, pouvait se mettre en place un effet de distanciation. Aujourd'hui cette concordance est
dissoute et ne restent que les charmes de musiques passées. Les distorsions ajoutent à ces charmes ce que nous
avons déjà dit du tango de Stravinsky, une sorte de processus d' abstraction qui confère à cette musique un statut
d' épure essentielle. Autrement dit, elle paraît être la musique de rue, de dancing ou de cabaret, telles qu' en elles
mêmes.
Cet essentialisme est celui de tous ces mariages et dans la musique de Weill se joue, aujourd'hui, la perspective
temporelle dont nous parlions plus haut.
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